L'île de Goat : un petit bout de terre d'East Blue. Le Cornellia devait y faire escale pour y déposer une cargaison quelque peu spéciale. Rey avait décidé de ne pas laisser Keld dans cette île car il avait entendu des histoires étranges à propos des gens vivants ici. En effet, il avait entendu que les types ici n'aimaient pas les gens avec un beau faciès. Et Keld en était pourvu. Tous les autres matelots avaient entendu cette rumeur et s'imaginaient nombre de scènes effroyables, ils n'osèrent s'occuper de cette livraison. Le maudit, ne connaissant en rien cette histoire, se porta volontaire, bien qu'il fut quelque peu étonné de la requête de Rey.

- Keld, tu devras revenir, nous avons encore un peu besoin de toi sur le bateau. Nous te déposerons définitivement dans la prochaine île.

Keld haussa les épaules et monta la cargaison sur une planche à roulettes. Il demanda ce que c'était et Rey lui répondit qu'il devait livrer des oeufs. L'un des sourcils de Keld se souleva. Le Capitaine éclata de rire devant la réaction du jeune homme.

- Ne t'inquiètes pas, on voit de tout quand on est livreur.

Le jeune homme lui sourit et poussa sa livraison sur le port. À peine eut-il posé le pied à terre qu'il ressentit moult regards noirs se poser sur lui. Ne se laissant pas impressionner, il demeura serein et attendit que l'on vienne à sa rencontre. Keld regarda autour de lui et jaugea les personnes qui l'entouraient. Ils étaient incroyablement laids. Le maudit n'était pas du genre à juger autrui sur leur apparence, mais il était presque impossible de regarder l'une de ces personnes plus d'une minute. Leur peau était étrangement ridée et pleine de furoncles. Leurs poils et cheveux étaient gras et épais, poussant partout sur leurs corps. Keld réprima un frisson et déglutit. L'un d'eux finit par s'approcher et le regarder d'un air menaçant.

- Tu fais partie de l'équipage de Rey ?, demanda-t-il d'une voix rauque.

Keld dit oui de la tête. Le type s'approcha de plus près et dans un reflex, le maudit retint sa respiration. Juste avant de bloquer son souffle, il avait senti une odeur nauséabonde. Une odeur d'oeuf pourri depuis une vingtaine d'années. Il faillit en vomir mais par pur respect, il tenta de ne pas le montrer. L'homme inspecta la cargaison pendant une dizaine de minute, ouvrant la caisse et regardant l'état des oeufs. Il se tourna une nouvelle fois vers Keld et finit par annoncer.

- Tout à l'air en ordre. Suis moi.

Le maudit, un peu décontenancé, n'osa refuser et accompagna le type jusqu'à une cabane. Il s'arrêta devant. L'odeur de pourriture y était omniprésente et le jeune homme put sentir ses poils et cheveux roussir. Un nouveau frisson lui parcourut l'échine. Il finit par prendre son courage à deux mains et pénétra dans la bicoque essayant tant bien que mal de ne pas respirer l'air fétide. Ce furent les minutes les plus interminables de sa vie. Le type prenait son temps pour signer les papiers et compter les billets qu'il devait au livreur. Il semblait prendre un malin plaisir à tester la patience et le seuil de tolérance à l'odeur du jeune homme. Quand il lui tendit le tout, Keld s'en empara rapidement et sortit en quatrième vitesse de ce lieu infect. Il toussa fortement, à deux doigts de vomir. Il finit par tituber en direction du navire qui s'était éloigné du rivage. Certainement pour éviter l'odeur de l'île. Il se demanda comment il allait rejoindre le bateau et finit par paniquer. Il regarda autour de lui, la main devant la bouche, réprimant des hoquets. Il aperçut une barque que Rey avait sûrement laissé pour lui avant de s'éloigner du rivage et le jeune homme tenta de se précipiter vers lui. Il trébucha et rentra dans un type. Le choc ne fut pas violent mais il se retourna pour tenter de s'excuser. Mais il ne put plus tenir et il rendit son déjeuner sur la veste de l'homme. De grosses gouttes de sueur commencèrent à perler sur son front et le jeune homme ne put rien dire et se contenta de regarder bêtement le type en face de lui. Il avait trop peur de vomir de nouveau. Il s'inclina vivement plusieurs fois en signe d'excuse.