Au moment où j'avais tourné le dos à cette statue géante, au moment où je m'étais retourné, cette bataille, et surtout à l'instant où j'avais prévenu Taka Kouji qu'il ne s'agirait pas de notre derrière rencontre, tout était terminé. Ma lutte, mes mots échangés avec ce guignol masqué qui croyait pouvoir parler au nom de toute une superpuissance alors qu'il n'était rien à son échelle, voire même la rencontre avec cet illustre pirate. À vrai dire, dès l'instant où je m'étais retourné vers Kyoshiro, une seule chose comptait à mes yeux : mes retrouvailles avec lui. Déjà trop de temps pendant lequel nous ne nous étions plus revus, déjà trop de temps que j'avais perdu tout contact avec mon frère. D'ailleurs, je n'avais même pas pris la peine de répondre une dernière fois à cet homme masqué, tant sa tentative d'intimidation et ses insultes étaient pitoyables. Mes épées me permettaient peut-être de défendre mes idéaux, mais en aucun cas, elles ne feraient couler le sang de façon totalement arbitraire. Je n'avais aucune raison de l'attaquer, si ce n'était pour sa débilité profonde, par rapport à Blanchaille qui, par exemple, m'avait attaqué pour ma prime : j'étais alors en position de légitime défense.
La bave du crapaud n'atteint la blanche colombe et, faisant fi de tous ses mots dénonçant sa bêtise, je continuais ma route auprès de Kyoshiro, au travers de l'immense arène. À mon grand étonnement, je réussis à le faire comprendre plutôt rapidement qu'il ne servait à rien de s'attarder à vérifier si tout le monde allait bien dans la mesure où les civils avaient su profiter des arènes. Ainsi, il ne cherchait pas plus loin et suivit le sens de mes mots, et se persuada que les arènes avaient été protectrices pour eux. Plus rien ne nous retenait ! Alors que l'arène disparaissait derrière nous, et que les esquisses de la ville réapparaissaient, nos pas s'orientèrent vers une auberge où nous pourrions nous délecter et prendre un peu de bon temps après la bataille. Lors de la route, j'abordais ce sujet qui m'intriguait tant : comment avais-je pu atteindre un logia ? Kyoshiro affirma ce dont je me doutais déjà : il s'agissait vraisemblablement bel et bien du Haki de l'Armement qui se réveillait en moi ! Alors... Lorsque Blanchaille m'avait attaqué par surprise, j'avais ressenti une étrange sensation en moi, avant d'entrer en collision avec Kyo. Or, ce n'était pas la première fois que je ressentais cela ! En effet, il s'était passé la même chose lorsque je me trouvais dans le château du Siège de Mars, contre cet homme au hurlement démentiel. Ce n'était donc pas la première fois que le fluide de l'armement se réveillait en moi... J'avais été idiot pour ne pas le remarquer, même si, à vrai dire, à ce moment-là, je n'avais pas encore conscience qu'un tel pouvoir existait.
Nous arrivions enfin dans une auberge, qui n'avait pas été détruite, ce serait qu'en partie, par la bataille qui avait eu lieu peu auparavant. Lorsque nous franchissions la porte, les regards se portèrent progressivement sur nous... C'était à vrai dire tout à fait normal, vu l'état dans lequel nous étions après ces intenses combats ! Trouvant une table libre à l'écart, aucun de nous deux ne se fit prier, nos estomacs réclamaient déjà trop. Alors que mon petit frère passait sa commande, pour ma part, je demandais de la viande à foison, et autant de bière qu'il était possible d'en avoir ! Pour enlever la douleur et la fatigue, il n'y avait pas trente-six solutions : se nourrir comme les hommes, les vrais.
« Des projets futurs... Tu t'en doutes déjà, me balader en mer, faire grandir mon Shishitoryu, passer d'île en île, peut-être faire un beau bras d'honneur au gouvernement... Des trucs comme ça ! Ah oui, et évidemment remonter Grand-Line pour finir au Shin Sekai. C'est là-bas que la fête commencera ! Les plus grands sabreurs, tel que Eko Taka ou Mifune... Grand Line, c'est jamais qu'une phase de transit ! Et puis, maintenant que je semble avoir le Haki, le développer, et faire chier mon peuple avec. Et, potentiellement, remonter Grand Line y foutant le bordel. Bref, toujours la même rengaine ! C'est d'ailleurs dommage qu'on ait pas pu s'battre côte à côte comme au bon vieux temps... Ah oui, sinon, à part ça, j'ai rejoins l'équipage des Sen'Pakus no Yume entre temps, depuis East Blue, même si j'ai dû m'en séparer... »
Quand je commençais à devenir bavard avec des personnes avec qui j'avais passé mon enfance, je ne m'arrêtais plus, à tel point qu'il était rare de me voir parler autant ! Mais après tout, n'était-ce pas normal ? Il y avait énormément de temps à rattraper avec lui, quelques simples mots ne suffisaient pas. La preuve, il n'aurait même pas à mettre la main à la bourse, aujourd'hui, c'était moi qui faisais craquer mon porte-monnaie ! Petit à petit, une montagne d'assiettes ou de bols commença à se former sur notre table, sans compter toutes les chopines que je pouvais vider. Pendant ce temps, nous discutions de tout, de rien, de sa vie, de la mienne, de notre enfance ; bref, de tout ce qui nous passait par la tête ! Mais vint malheureusement le temps de se quitter après « quelques » bières et tout autant d'assiettes vidées. L'un comme l'autre devions nous quitter, même si cela ne plaisait vraisemblablement à aucun d'entre nous. Mais il fallait dorénavant se faire l'idée que nous n'étions plus enfant, et que n'étions pas décidé à suivre le même sentier. Malgré tout, ce n'était pas pour autant que nous ne nous retrouverions pas. Je lui laissais ainsi mon numéro de Den Den Mushi, pour que nous restions en contact en tout temps et que nous ne nous perdions plus de vue pendant si longtemps. Il fallait juste un coup de fil pour que l'un rejoigne l'autre, quel qu'en soit la raison !
« Tu m'appelles quand tu veux, qu'importe la raison. S'il le faut, je suis prêt à traverser toutes les mers pour te venir en aide. Et puis, au moins, avec nos numéros échangés, on restera en contact en tout temps ! Et aussi, si jamais, tu pourras probablement me retrouver en passant par Kuraigana, première île de la voie 6, j'ai élu domicile dans le château de l'île. Et même si j'y suis pas, tu pourras retrouver où je suis en y passant. Ah oui, et c'est un excellent lieu d'entraînement, crois-moi ! J'espère bien qu'on se retrouvera vite, foutre le bordel a pas la même valeur sans toi, héhé! »
Après quelques brefs au revoir, car les adieux n'existaient pas entre nous, je finissais par regagner la crique où j'avais laissé mon dragon pour, après avoir fait le plein de vivres pour le voyage, regagner mon nouveau chez-moi, à savoir Kuraigana. La journée avait été éprouvante, ma rencontre avec mon petit frère m'avait mis du baume au cœur et l'alcool m'avait rendu légèrement rouge... Il était désormais temps de rentrer dans mon château, avant que la nuit ne tombe ! Cette île n'était dès lors que du passé.