- C'est un deltaplane.
- C'est une fusée.
- C'est un champignon qui envoie ta tête dans le soleil.
- ... T'en as trop pris, gros.
- ... T'en as trop pris, gros.

Était-ce l'effet des vapeurs de Kifraplekran ? Certes, ça pouvait provoquer des hallucinations, mais ça restait de l'ordre du changement de formes et de couleurs... pas de l'invention pure et dure. Mais bon. Riri, Fifi et Loulou s'en fichaient pas mal et ils fumaient leur substance illicite dans le plus grand des calmes, après avoir séché le cours de sport de l'école locale. Toujours était-il que le grand-père volant non identifié et son acolyte d'infortune les laissèrent perplexe, tout comme plusieurs autres civils qui mirent un petit moment à comprendre ce que deux hommes adultes faisaient dans le ciel, à filer comme des avions de ligne en direction de la baie et du port. Il s'en passait décidément pas mal, des choses, à Notebouque. Bien plus que ne pouvait le laisser présager la taille timorée de l'île et la composition globalement banale de sa population...


- ET QUE JE NE VOUS RECROISE PLUS !

Vociférant cette menace à l'encontre des deux hommes volants, le cuisinier aurait tout à fait pu se féliciter de son coup de pied. Un dégagement digne des plus grands balle-aux-pietard, les pratiquants d'un sport qui consistait à taper dans une balle avec son pied. En... faisant des choses plus ou moins bizarres. Devant une foule en délire, qui attendait de voir les joueurs envoyer la balle dans des cages qui servaient de but. Bref, un truc bizarre dont le futur pirate n'avait jamais foncièrement compris l'intérêt médiatique.

Mais pour le coup, le cuistancier se retourna et constata surtout le carnage en salle. Une petite larme coula le long de sa joue alors qu'il évaluait l'ampleur des dégâts. La pression redescendit d'un seul coup et il sentit des sueurs froides envahir sa nuque, ses tempes, son front et son dos. Son coeur rata un battement, ses mains se mirent à trembler, sa vision se brouilla. C'était comme une hypoglycémie terrible qui le prenait d'un coup : un phénomène bien connu de ses collègues, qui l'appelaient "l'après crise". Cela survenait à quelques occasions durant lesquelles Heziel piquait une colère si forte à cause d'un bris de vaisselle qu'une fois, la tension retombée, il...

- Pas Glop.

S'écroulant comme une masse, il se fracassa la tête la première sur le plancher et une bosse énorme poussa bien vite sur son crâne. Sa peau était devenue toute blanche, ses yeux révulsés et sa langue pendait de sa bouche. Inanimé, il venait de sombrer dans l'inconscience la plus totale, une inconscience à laquelle ses camarades tentèrent de pallier le plus rapidement possible en le ramenant en cuisine afin de pratiquer le seul rite capable de le ramener indemne : le son agréable d'une assiette propre sur laquelle on passait une lavette mouillée, en boucle...

Le soir même, le Crabe-Repu ferma exceptionnellement ses portes afin de nettoyer tout le bordel. Y compris un bol très louche que personne n'avait osé toucher jusque là...