Le cœur d’Elina battait la chamade. Après un affrontement aussi sanglant que celui dont elle sortait à peine, rencontrer un autre ennemi lui serait certainement fatal… La présence de Shiro la rassura néanmoins, mais elle doutait que le colosse puisse rivaliser avec un adversaire du calibre de Corgus ! Les crissements sur la neige se rapprochèrent peu à peu et, bientôt, elle put apercevoir un homme dont les vêtements et les galons lui permirent de se relâcher quelque peu : un colonel de la marine. Le nouvel arrivant tenait d’ailleurs une arme insolite dans une main et, surtout, la tête de l’homme taureau rencontré précédemment dans l’autre ! Ainsi, elle n’aurait pas à prendre en chasse ce dernier. Et entre Jack, Chloé et le reste de la troupe de militaire, les hors la loi avaient sans doute été exterminés.

Elina se contenta d’accueillir le marine d’un signe de tête, préférant préserver ses forces qui commençaient à l’abandonner. La Zoan avait beau comprimer sa plaie à l’épaule tant bien que mal, elle sentait la blessure répandre un peu plus de son sang sur la neige à chaque instant. Un léger vertige commençait à la gêner et elle sentait son souffle se faire plus pesant de minute en minute… Mais elle refusait catégoriquement se montrer sa faiblesse au marine en face d’elle. Cela eut été pire qu’une défaite, de son point de vue !

Le colonel la gratifia d’un hochement de tête approbateur et de quelques paroles qui lui apprirent, si cela avait été nécessaire, que lui non plus n’était pas un enfant de chœur. Cela dit, ayant rencontré son lieutenant, elle ne s’attendait pas à retrouver un saint en la personne de cet officier supérieur ! Ne masquant aucunement son dégout face à la carcasse de Corgus, le grand gaillard l’empoigna et souleva son cadavre d’une seule main, démontrant une force hors du commun. Les deux hors la loi ne se détendirent qu’en voyant le colonel disparaitre au coin d’un bâtiment, en direction de la cote où il quitterait les eaux de Yakoutie comme il était venue : sans un mot.

Seika

Seika ne montra pas son soulagement de rencontrer une marine calme et compréhensible, mais elle n’en fut pas moins heureuse de ne pas avoir à se battre pour récupérer Chloé. Elle s’inclina de nouveau et accueillit les paroles encourageantes de la mouette d’un sourire. Si cette dernière avait su qu’elle congratulait et encourageait une future hors la loi, elle se serait sans aucune doute étranglée. Après avoir vérifié la mort du colosse, étalé dans un coin par son supérieur hiérarchique, la jeune femme s’en alla sans demander son reste.

À présent en charge de Chloé, la petite fleur se dépêcha de retourner auprès de l’auberge, la jeune épéiste sur son dos. Elle espérait seulement qu’elle n’aurait pas d’autres mauvaises surprises pour cette journée animée !

Mokuso

Le lilliputien était d’un naturel conciliant, voire craintif. Aussi le tempérament abrupt du lieutenant ne le mit pas à l’aise, et c’était peu de le dire. Il sourit d’un air ennuyé, puis se gratta l’arrière du crâne d’un air un peu benêt en entendant la réponse du marine. Il avait apparemment utilisé le bâtiment pour « gérer » les bandits restants ?


- Magglebak ! répondit Mokuso. C’est une bonne chose s’il n’y a plus de bandits. Et bin… euh… ah ! Bah… au revoir.


À peine l’homme masqué avait-il terminé sa tirade qu’il tourna les talons pour s’éloigner de l’ingénieur d’un pas lourd. Le gnome se gratta la tête de nouveau, ayant toujours un peu de mal pour interagir avec les grandes gens. Il les trouvait parfois bizarres ou effrayants, ces êtres humains qui ressemblaient à des montagnes de son point de vue. M’enfin, si personne n’avait été blessé à part les bandits, tout allait bien ! Par acquis de conscience, le gnome commença à déblayer les gravats et tomba rapidement sur un cadavre. Aucune autre victime n’était à déclarer, aussi Mokuso dégagea des débits l’humain dont le corps inanimé ressemblait à présent à une poupée de chiffon.


- Magglebak ! Peut-être que les autres sauront qui c’est ?

Shiro

À peine le marine avait-il disparu au loin, qu’il sentit sa patronne s’affaisser. D’un bref coup d’œil dans sa direction, il la vit tourner de l’œil et la soutint avant qu’elle ne tombe à la renverse. Sa blessure continuait de saigner et son teint virait peu à peu dans les tons pales, ce qui n’était pas pour rassurer le colosse. Ce dernier attrapa Elina dans ses bras et courut à toutes jambes en direction de l’auberge, point de rendez-vous qu’ils s’étaient fixé avec sa sœur. À peine arrivé que plusieurs informations simultanées le prirent de court.

Lorsqu’ils l’aperçurent, plusieurs hommes du marché noir sortirent de leur cachette pour lui annoncer la seule bonne nouvelle de la journée semblait-il : aucune perte civile n’était à noter.

Sa sœur arriva à ce moment-là, Chloé dans les bras, et il put s’apercevoir qu’elle aussi était dans un sale état. Le colosse grinça des dents et tapa du pied pour évacuer sa rage. Il détestait passer à côté d’un combat mais, plus que tout, être inutile l’horripilait… S’ils avaient tous trois étés là, peut-être qu’ils n’auraient pas retrouvé les deux jeunes femmes inconscientes et blessées.

Mokuso les accueillit en leur annonçant de sa voix perchée que les marines s’étaient en allé après avoir fait s’écrouler le bâtiment. Il leur pointa du doigt le corps qu’il avait retrouvé, à moitié méconnaissable. Shiro posa les yeux dessus et s’approcha, pris d’un doute… avant de lâcher un hoquet de surprise. L’odeur inimitable d’alcool et de renfermé exhalé par le cadavre lui fit comprendre en un instant l’identité de la victime des marines.


- Putain… C’est Jack, lâcha-t-il en serrant les mains sur le corps de sa patronne toujours inconsciente.
- Nous verrons quoi faire plus tard, trancha Seika. Pour l’instant, les soins d’Elina et Chloé passent avant tout.


Le mastodonte hocha la tête d’un air grave, puis se tourna vers le gnome ingénieur et lui demanda d’enterrer l’ancien membre de Tsukiyo, qui avait payé le prix fort de la visite inopinée des hors la loi de Corgus et des marines. Nul doute que l’araignée se réveillerait de mauvaise humeur. Mais pour l’heure, ses associés souhaitaient surtout qu’elle se réveille en un seul morceau ! Aussi tous deux reprirent au pas de course le chemin en direction du nouvel hôpital de Yakoutie qui, décidément, allait s’avérer utile bien plus tôt que prévu !