Ruojii, Kaemidori
D’un côté, le sérieux de certains batraciens aurait pu être dérangeant pour la suite de leurs affaires… Mais pour la petite grenouille qu’était Kaenori, l’ignorance était une vertu assez improbable. Ainsi, lorsque le vieillard commença à soulever des propos lubriques, la petite créature ne saisit pas toute l’ambiguïté qu’il pouvait y avoir dessous. Il y avait bien ce jeu qu’ils connaissaient tous dans le village, la « course aux femmes », qui était en réalité un rite très simple : les maris couraient vers leurs femmes, le plus rapidement possible dans une course effrénée, et le dernier d’entre eux devait prendre la place de sa dulcinée pendant une semaine entière au travail, que cela soit en tant qu’homme au foyer ou que manutentionnaire. Les choses étaient assez ouvertes, ainsi Kaenori répondit de manière transparente :

- Mais oui, bien sûr, toutes les grenouilles de notre village font cela ! En général, c’est sur la place publique, un soir de pleine lune ! Avec des sacs.

A la question comment, la frêle réponse avait été celle-ci. « Avec des sacs ». C’était quand même un peu tiré par les cheveux mais qu’importe. Le regard amusé, Ryujii comprenait la situation et cela avait tendance à l’attendrir. Que voulait-il faire avec cette guerre qu’ils préparaient depuis déjà un certain temps ? Apaisé, le vieillard commençait déjà à faire la paix avec l’idée de reporter la bataille à plus tard. La vengeance, c’était une chose qu’il arborait autrefois avec parcimonie.

- Nous allons parler à Ruhonma… Je vais le faire quérir.

Il tourna alors le dos aux trois participants et commença à faire une série de signes qui semblaient vouloir dire quelque chose aux grenouilles de devant. Kaemidori tiqua d’un coup. « J’aurais dû penser à faire un code avec les autres. ». En réalité, ils n’y avaient pas pensé : l’esprit protecteur commun au village n’était pas bercé par des stratégies militaires complexes, mais une ingénierie qu’auraient pu envier certains royaumes du Gouvernement Mondial. Cette pensée était presque comique quand on considérait la taille de ces individus.

De l’autre côté des forces de Ryujii, une réponse arriva bientôt. Il fronça ses yeux et se retourna lentement vers ses interlocuteurs. Si Nils avait tenté d’en savoir plus sur les coutumes des grenouilles pendant ce temps et tentait de continuer à creuser le sujet, il se heurterait à l’absence de réponse.

- Ruhonma est introuvable… Et Rukyoufu aussi. Je…
- Oh, mes aïeux, fit Kaemidori en mettant ses pattes devant sa bouche.
- Nous devons le retrouver… Nils, merci pour votre aide, mais la bataille n’aura pas lieu aujourd’hui. Nous devons les retrouver… Où auraient-ils pu aller ?

Où, effectivement ? La question était bonne : s’ils n’étaient pas dans le village, où avaient-ils pu aller ? Le vieillard, dans un soubresaut de lucidité, pourrait peut-être construire le raisonnement logique qui le conduirait à la réponse, ou à poser de nouveau les bonnes questions. Enfin, la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit, n’est-ce pas ? C’est ce que l’on dit…

Ruojii, Kaemidori
Les grenouilles réfléchissaient assidument à ce que l’homme en face d’eux avait émis comme hypothèse. Des deux côtés, les batraciens avaient établi des règles d’hygiène qu’ils avaient partagé un certain nombre d’années auparavant. Ils possédaient un système d’égouts, relativement simplistes, et de lieux où se soulager. Les grenouilles des sables enterraient souvent ce qu’elles faisaient, même si se soulager dans un endroit humide était un plus. Échangeant quelques regards sans réellement comprendre pourquoi il aurait eu envie d’aller aux toilettes, la seconde partie de la phrase éveilla cependant quelques idées chez Ryuuji. Le hasard faisait bien les choses, pour cette fois-ci.

- Mais bien sûr, le sable… Le désert !

L’illumination était finalement venue, comme si elle n’avait eu besoin que d’une petite étincelle pour naître. Se tournant vers Kaemidori, cette dernière se contenta d’acquiescer silencieusement : elle avait pensé à la même chose. Il était sûrement allé sur le lieu du sauvage meurtre de sa femme. Il y était peut-être allé pour réfléchir… Ou alors peut-être était-il allé dans le village. Les choses étaient un peu flous, compliquées :

- On devrait aller vérifier les deux… Kaemidori, Kaenori, allez dans mon village s’il-vous-plaît et faîtes-le fouiller de fond en comble.

Ruuji se tourna ensuite vers Nils et l’observa un long moment. Il n’était pas certain de la fiabilité de cet individu, mais il n’avait pas grand-chose à perdre à présent qu’il l’avait aiguillé sur le bon chemin. Depuis le début, ils partageaient quelque chose : autant en profiter.

- Allons sur les lieux où Ruhonma a perdu sa femme… Je pense qu’il est allé s’y recueillir.

Il attendrait une réponse avant de se mettre en route. Cette perte tragique évoquerait peut-être quelque chose à Nils, encore eut-il fallu qu’il soit conscient de tout cela.


Ruhonma
Le désert était plat à cet endroit. Autrefois, ça avait été une cuvette, mais aujourd’hui les vents avaient totalement changés l’agencement du lieu. Le désert était comme cela : impitoyable avec le passé. Quand Ruhonma s’avança en direction de la sépulture de sa femme, il était accompagné par trois autres grenouilles : Ruukyoufu était évanoui, porté par deux alliés du batracien à la canne. Il observa alors les deux hommes qui l’attendaient. Deux hommes : c’était bien le terme.

Ils étaient là, souriant. Derrière eux, une cage fermée de toute part semblait attendre l’arrivée de leur prochaine victime. Le vieux batracien tremblotait légèrement : il n’avait jamais aimé ces rencontres. Aujourd’hui était une nouvelle, peut-être la dernière s’il réussissait à les convaincre.

- C’est moins que ce qui était convenu.
- L’attaque se terminera bientôt, et les prisonniers…
- Ouais, ouais. Bon, donne-nous ce colis, qu’on puisse le vendre au marché noir.

Des braconniers qui vendaient la chair d’homme-grenouille à très haut prix : ces deux hommes étaient de la pire espèce, et ils semblaient savoir ce qu’ils faisaient. Un sourire s’étira sur les lèvres du premier, tandis que le second restait stoïque. C’était deux personnes réputées, deux hommes dont la prime s’élevait respectivement à 44.000.000 et 11.400.000 Berrys. Leur présence était loin d’être anodine. Leurs noms ? Goliath et David.


Goliath & David

Goliath & David
Le vieillard s’avançait, s’offrant à deux hommes dont l’incompréhension se lisait sur les traits. Puis soudain, l’un des deux comprit : il tapota l’épaule de celui qui se trouvait à sa droite et dit d’une voix légèrement tremblante :

- C’est… C’est le Contre-Amiral Nils Gratz, cet homme. Il est connu sur Sweety Peaks… Il a procédé à des arrestations de Supernova… Un monstre, à ce qu’on dit.

Il avait les yeux qui commençaient presque à sortir de leurs orbites. Les deux hommes se jetaient des regards comme pour essayer de comprendre la situation dans laquelle ils se trouvaient. Finalement, une constatation leur venait à l’esprit : tout cela n’était qu’un traquenard. Ils avaient été pris au piège par cette grenouille qui avait été jusqu’à appeler le Gouvernement Mondial. Ruhonma ne comprenait pas de quoi il en retournait, mais les choses étaient devenues dramatiques.

Tandis que le premier s’avançait en fermant les poings, le second se dirigea vers la cage en titubant dans le sable. Il l’ouvrit, dévoilant une demi-douzaine de grenouilles-enfants et une grenouille adulte. Les couleurs des enfants semblaient rappeler celles de Ruhonma, et s’ils semblaient faibles, incapables de crier, ils étaient en vie.

- Ma famille, croaaaaac ! Fit il en observant la cage.

Ruoji comprenait à présent. En tout cas, il semblait comprendre. On avait enlevé la famille de Ruhonma, et depuis ce temps les braconniers la gardaient prisonnier pour… Oh, ils voulaient avoir plus, toujours plus. C’était distinctement grave comme situation : on avait enlevé et fait chanter Ruhonma. Son acte de trahison était impardonnable, mais…

- Attention, Nils ! Hurla Ruoji en observant le hors-la-loi se jeter sur le vieillard.
- Si tu te laisses pas faire, on bute les grenouilles, le vieux !

Et il tenta d’assener un coup sur son adversaire sans attendre. L’attaque était clairement destinée à lui coller une droite pour le déstabiliser. Chacune de leur côté, les grenouilles arboraient des airs choqués. Ils avaient tous l’impression que quelque chose ne tournait pas rond : cette vaste comédie était sur le point de prendre fin, d’une manière ou d’une autre. Les villages pourraient retrouver leur paix respective.

Le vieillard allait peut-être, sans le vouloir, provoqué la mort de six bébés grenouilles, d’une mère de famille et la peine immense d’un père qui, depuis des années, tentait de récupérer ceux qu’il aimait par tous les moyens… Y compris les plus sombres.

Goliath & David
Le coup de poing avait atteint sa cible. L’homme était étonné de voir une telle action réussir : il aurait plutôt été d’usage que la chose ne touche pas le vieillard, malgré son âge. Un Contre-Amiral si faible, c’était finalement une aubaine pour les deux hommes… Enfin, c’est ce qu’ils croyaient, mais en voyant le maudit se relever, une frayeur les parcourut. Celui qui était proche des grenouilles arma son poing pour les éclater, mais David eut un réflexe plus intéressant… Il s’élança en direction de l’ennemi et lui asséna un nouveau coup. Il n’allait pas s’arrêter là : ce serait bientôt un véritable passage à tabac.

De leur côté, les différentes grenouilles observaient la scène avec affolement, sans rien pouvoir faire… Enfin, sauf Ruojii qui était déjà concentré sur sa prochaine action. Le vieillard avait déjà prévu une attaque qui venait d’une centaine de mètres devant lui, dans le deux de leurs opposants. Bientôt, Goliath entendrait quelque chose de particulier tandis que les coups pleuvraient sur le Contre-Amiral… Le vent, le vent semblait se lever, et le sable semblait s’abattre violemment. Il se tourna en direction de ce qui lui arrivait dessus.

- Mais c’est quoi ce bordel ? Lâcha-t-il en écarquillant les yeux.
- Maintenant, Ruhonma ! Fit le vieil homme tandis que l’attention du brigand allait ailleurs.

La grenouille à la canne s’élança en prenant un appui sur le morceau de bois qu’il se trimballait. Il s’approchait à toute vitesse de la cage, et lorsqu’il fut dessus, sa première attaque visa le verrou. Il le brisa sans soucis, mais le braconnier avait déjà repris du poil de la bête. Il retroussa une lèvre et balança un coup en plein dans l’estomac de la grenouille qui venait sauver les autres.

- Chéri ! Hurla la femme de Ruhonma en sortant de la cage avec ses petits.
- Saleté de…

Goliath ne faisait plus attention à rien et attrapa le premier petit à portée par le cou. Il le leva et commença à serrer sa poigne.

Goliath
Le cri du vieillard se perdit dans le sombre craquement du cou d’une grenouille. Les différents membres de cette petite communauté furent atterrés : si les petites grenouilles s’étaient déjà enfouies dans le sable, la femme de Ruhonma était tout bonnement inconsolable et des larmes se mirent à couleur le long de ses joues. On lui avait déjà pris plusieurs enfants depuis le début de cette tragédie, et voilà qu’on lui en enlevait un autre. Elle était dévastée, et tandis que ses pattes allèrent en direction de Goliath, ce dernier observa David en contrebas qui semblait être passé en état de somnolence sous l’effet de ses propres gaz.

- Quel abruti, lâcha le braconnier en saisissant la femelle par la patte qu’elle tendait vers lui.

Il la souleva, impuissant, et d’un geste d’une violence inouïe la jeta sur Ruhonma qui l’attrapa au vol. Les larmes de haine qui coulaient des yeux globuleux des grenouilles étaient accompagnées par la colère des deux accompagnateurs du père désespéré. Ils se jetèrent alors immédiatement en direction de l’ennemi, lâchant Rukyoufu au passage. Cette dernière tomba sur le sable.

Goliath n’hésita pas avant de tirer un arc qu’il gardait dans son dos, et de tirer une flèche en direction de son premier attaquant. A cet instant-là, sa concentration était focalisée sur les deux grenouilles qui voulaient s’en prendre à lui, et son attaque ferait mouche pour la première : elle viendrait se planter dans l’épaule de sa première victime qui tomberait à terre, incapable de poursuivre.

Ruojii viendrait alors aux côtés de celui qu’il appellerait Ruitoko. Ce dernier lèverait la patte sans réaliser qu’il était dans une situation relativement désespérée. S’il ne se faisait pas soigner prochainement, il risquait fort d’y passer. De son côté, l’autre grenouille était déjà arrivée au corps à corps et tentait d’entrer dans un combat d’usure qui promettait de durer quelques minutes, grâce à sa petite taille et sa flexibilité : cependant, elle était loin d’avoir le dessus.

La famille de Ruhonma se réunit assez loin de la chose, tandis que les larmes des enfants venaient accompagner celles des parents.

- Fuyez, pitié, fuyez, faisait le vieillard en observant sa famille.
- Par où… Par où… Oh, mon amour… Croaaaac.

La femme du vieux au monocle était dans un désespoir profond. De toute part, le champ de bataille semblait avoir fait des victimes : physiques ou mentales. Il leur faudrait longtemps pour se remettre.

Goliath
L’atmosphère avait changé autour du vieillard. Ce vieil homme un peu innocent et bêta semblait avoir perdu sa bonne humeur exagérée. Il semblait même en colère : d’une colère noire tandis que du poison suintait de son corps. David essayait vainement de se dégager, mais la fiole de gaz soporifique qui s’était brisée l’avait rendu faible. Il ne fut pas en mesure de se dégager, encore moins quand l’attaque du vieillard le prit en son sein. Il sentirait progressivement ses forces le quitter : l’inconscient n’était pas bien loin, mais il lui faudrait lutter encore un peu. Une image du désespoir s’empara de lui, et plus il sentait son corps s’abandonner, plus il tentait de se débattre. Il n’avait jamais été dans cette situation : une telle peur le submergeait qu’il avait l’impression qu’il pourrait en mourir.

De son côté, Goliath continuait son combat sans pour autant être inattentif à son environnement. Le corps à corps ne lui réussissait pas, mais il était bien plus habile que son adversaire. La grenouille, Ruaniki, était certes plutôt vivace mais elle n’était pas en mesure de le vaincre. Elle achèterait le temps nécessaire… Au vieillard d’en faire bon usage, ce qu’il semblait décidé à en faire. Un sourire satisfait parut sur les lèvres inexistantes du batracien… Avant d’être remplacé par une expression de terreur.

- Mais qu’est-ce que…

Il n’eut pas le temps d’ajouter un mot que déjà le poing de poison venait l’engluer tandis que son précédent adversaire esquivait d’un habile mouvement de jambes. Il semblait habitué à marcher sur le sable, et ne s’enfonça pas dans celui-ci, bien au contraire. D’un geste habile, il décocha une flèche en direction du vieillard pour l’empêcher d’approcher son poing de poison une nouvelle fois. Elle était dénuée de Haki, ce qui l’empêchait d’être efficace contre… Est-ce que c’était un Logia ? Non, il fallait espérer que non.

Saisissant une flèche à sa ceinture, il la décocha en direction du vieillard avec une vivacité rare… Et elle aurait pour effet d’exploser au contact. Si elle explosait en chemin, elle risquait de répandre du poison sur Ruhonma et sa famille, ce qui serait une mauvaise nouvelle vue l’état de ses enfants. Le poison paralysant les tuerait certainement assez rapidement… Et s’il se la prenait, il risquait de passer un sale quart d’heure. Certes, cet ennemi était plus puissant que lui, mais il avait plus d’un tour dans sa manche. Cependant, s’il n’avait pas été attentif, il n’aurait jamais pu anticiper et esquiver ce coup… Il se disait bien qu’il n’aurait pas cette chance une seconde fois, alors il fallait que son attaque fasse mouche.

D’un autre côté, Rukyoufu commençait à reprendre conscience. La petite grenouille observa le vieux batracien qui lui souriait tristement. Elle tenta de se lever. Quelques instants auraient pu suffire en plus pour qu’elle finisse son action, mais la patte du chef du village vint la mettre à terre et l’empêcha de continuer son geste tandis qu’un signe désapprobateur de la tête parvint à la convaincre de résister.

Ruojii
L’archer observait son adversaire sans réellement comprendre toute l’ampleur de son pouvoir. Il avait tiré une flèche qui avait expulsé le vieillard de son monstre de poison, mais il n’avait pas encore compris si celui-ci pouvait subsister sans son maître. Quand il se mit à le viser avec une autre attaque, celle-ci n’eut jamais le temps de porter : une tentacule vint le harasser de manière si bien millimétrée qu’elle empêcha Goliath de répliquer. Il se mit à frissonner tandis que ses mouvements se voulaient désordonnés et que le poison le touchait progressivement… Jusqu’à ce que du sable ne sorte une nouvelle attaque qui vint immobiliser pour de bon le braconnier.

- Non ! Et merde, lâcherait-il en pleurnichant sur le sol.

Il ne pourrait pas se libérer assez vite et le poison paralysant ferait rapidement son effet. Les différentes personnes qui observaient le champ de bataille furent surprises de ce dénouement, et tandis que le vieil homme serait observé par plusieurs paires d’yeux globuleux, il pourrait remarquer que la grenouille dont l’épaule était blessée était sûrement le plus mal en point. Ce serait vers lui que les soins devraient se porter en premier.

De leur côté, les braconniers ne pourraient se libérer tout de suite de l’emprise du vieil homme. Ils étaient encore en train d’espérer une solution miracle quand Ruuji s’approcherait d’eux, le regard colérique. Il fermerait son poing qu’il tenterait de tendre en directement de ses adversaires, comme pour déclencher une tempête de sable qui les enterrerait vivants. Ils ne méritaient que cela… Mais c’était une chose que de tuer des ennemis sur un champ de bataille, c’en était une autre de les abattre de sang-froid.

- Chef ! Lâcherait Rukyoufu en s’approchant, faible mais en vie.
- On va les envoyer là où ils ne feront plus de mal… Tsss. Il y en aura sûrement d’autres, mais pour le moment nous sommes saufs, croaaaac.

Les deux grenouilles échangèrent des regards embêtés, mais finirent par se diriger vers Nils. Ruhonma aurait peut-être plus de mal à accepter cette décision clémente. Il était au côté de sa famille, dont un membre venait d’être tué. « Au moins il n’avait pas été mangé en cuisses de grenouilles » devait-il se dire, le visage en larmes et le cœur lourd de la perte. Pendant que Ruitoko serait soigné par Nils, les autres commenceraient à se rassembler. S’il disait qu’il fallait le transporter au village, ils n’attendraient pas ici, et prendraient le corps du défunt fils, avant de jeter pour l’instant les deux braconniers dans la cage.

Ruojii, Ruhonma

Les deux hommes en cage observaient leur sort tandis que le grand-père les insultait, sans réellement savoir sûrement ce qu’une insulte voulait dire. Ils pestaient intérieurement à l’idée de pouvoir s’offrir un instant de répit à présent, et leurs palabres se perdaient dans leur menton. Tandis qu’ils avançaient dans le désert, tirés par plusieurs grenouilles qui étaient venues rejoindre le lieu grâce aux informations données par Kaemidori, ils se plaignirent pas mal de leur situation. Ils disaient que les temps étaient durs, qu’ils avaient même dû donner un groupe de vieux, une grosse femme et une jeune fille aux cheveux roux à des hommes des sables pour ne pas être embêtés.

Finalement, ils avaient peu de choses à dire sinon qu’ils avaient sûrement été amenés à la capitale, Alubarna. En revanche au village, ils seraient laissé dans leur cage en grommelant, grelotant, et pleurnichant. Ces braconniers observaient les grenouilles qui leur donnaient envie de manger, mais Ruhonma les observait d’un œil bien mauvais. Après autant de temps, il avait récupéré une partie de sa famille. Le nombre de ses enfants s’était réduit comme peau de chagrin, et il avait peur qu’elle continue comme cela s’ils relâchaient ces hommes. Finalement, il se tournerait vers Ruuji qui lui-même observerait Nils :

- Ce sont vos congénères, que devrait-on en faire ? Les remettre au Gouvernement Mondial ?
- Laissez-moi m’en occuper, je le ferai, lâcha Ruhonma tandis que sa femme s’occupait des marmots. Je le ferai…
- Ton sort n’a pas encore été décidé, vieil ami. Cependant, tes actes ont causé la mort de certains des nôtres… Tu seras exilé, certainement.

Sa femme, entendant cela, observerait son mari avec un soupçon d’amertume. Elle aurait un air accablé sur le visage. Désespéré.

- Je comprends, et j’accepterai la décision du village.

S’avançant en direction du vieillard, il le laisserait décidé ce qu’il en retournait : allait-il le laisser prendre les marines ? C’était en tout cas ce qu’il espérait. S’il ne le faisait pas, il se contenterait d’aller en direction des réserves pour passer une première et dernière nuit avant longtemps avec sa famille.


Rukyoufu
De son côté, Rukyoufu observerait le vieillard avec intérêt, et n’en détacherait pas les yeux de tout le voyage. Elle avait appris à l’apprécier, à l’aimer. Son sourire était réel, et tandis qu’elle s’approchait de lui, c’était timidement qu’elle se demandait si elle ne devait pas le laisser tranquille. Ses pattes palmées venaient de temps à autre se poser sur sa tête, avant de faire une moue distante.

Finalement, elle se lança :

- Maître… j’aimerais approfondir mon apprentissage de la médecine à vos côtés… Laissez-moi vous accompagner, s’il-vous-plaît.

Elle s’inclina, tandis que Ruuji souriait : c’était effectivement la meilleur chose à faire pour cette grenouille que d’aller à l’aventure, et il serait rassuré que cela soit aux côtés de ce puissant guerrier qu’était le vieillard.

Ruojii, Ruhonma

Des larmes couleraient longtemps après le départ du vieil homme. Ruhonma se contenta d’acquiescer tandis que Ruoji ne put que remettre en compte le jugement, et défendre de son mieux la grenouille qui n’écoperait alors que de « travaux d’intérêts généraux ». Lorsqu’ils arriveraient au village et qu’ils mettraient les plus sur les « i », on dirait aux deux braconniers qu’ils devaient se tenir à carreau, avant de diriger Nils Gratz vers la sortie, avec Rukyoufu qui se plut à imaginer ses futures aventures, et on lui donna de quoi faire son trajet jusqu’à la capitale. On lui confia une petite fée qui était venue à Kaeru no Kuni, où les grenouilles avaient déjà défait leurs armes, et où la vie reprendrait un train bien paisiblement.

Quelques jours plus tard…

Le désert était vaste. La cage s’avançait avec une certitude folle. « Les humains ne sont pas des gens de confiance. ». La naïveté du vieillard n’avait pas suffi à atténuer la soif de vengeance des habitants du village des sables. Leurs yeux vitreux et masqués d’un voile étaient en train de juger les deux hommes qui suppliaient pour leurs vies.

- Il n’y a pas de pardon… Simplement un salut.

Les hurlements s’éteindraient rapidement dans le sable, et la cage serait recouverte par les vents, découvertes, puis à nouveau recouverte jusqu’à ce que les corps asséchés ne laissent plus de traces. Les braconniers auraient survécu en étant livré au Gouvernement Mondial, mais pour la grenouille marron, les choses étaient claires : il n’y aurait jamais de pitié pour ceux qui tuaient les leurs, qui les obligeaient à se trahir… Et Ruoji était du même avis. Il ne partagerait jamais cela avec Kaemidori, et lorsque les villages se retrouveraient, ils tairaient les sombres événements qui les avait séparés à l’origine.