Ah, Kawaii Kazan Shima. L’île du volcan mignon. Les deux lieux principaux de l’île. L’un est un immense volcan éteint abritant la capitale de la ville, et l’autre étant le grand port de l’île, accueillant beaucoup de gens de passage, mais aussi des marines. L’île était tranquille, mais la Marine y avait quand même sa base. Utile pour les uns, dispensable pour les autres, le fait est que ce QG était là. Tsusha s’en fichait éperdument et préférait vivre par elle-même. De son côté, Adhoc, le grand-père de Tsusha, recevait souvent des commandes de menuiseries pour la Marine locale, et certains soldats venaient rendre visite aux habitants du ports. Tous gentils, ou presque, ils discutaient souvent autour d’un bon verre, comme n’importe quels vieux amis. Il faut dire que la plupart des Marines de l’île sont débauchés par les lois du Gouvernement Mondial, ce qui fait qu’il est presque devenu rare d’observer un Marine non-natif de Two K. Shima.

En ce début d'après midi, le vent soufflait sur South Blue. Plus que d’habitude d’ailleurs. La bise emmenait avec elle les cheveux de feu lâchés au vent de la rouquine, qui marchait dans les rues du port, le regard absent, se faufilant entre les pêcheurs transportant des caisses de poisson et les soldats en patrouilles. Elle se dirigeait vers le port en lui-même, où quelques bateaux de pêcheurs étaient arrivés, ainsi que d'autres bateaux destinés au tourisme. Vêtue de son long manteau noir à cause du vent, ramenant une fraîcheur plus grande qu’à l’habitude, la jeune fille avançait, Mekatana à la taille et des pensées plein la tête. C’est limite si elle voyait les gens qui la saluaient, dans les rues. Perdue dans ses pensées et d’une humeur maussade, ce qui était assez rare pour être relevé, Tsusha cherchait à se changer les idées. Direction le front de mer.

Une fois arrivée, la jeune fille décida de s’asseoir sur un ponton du port et de regarder la mer. Sentir son vent. Apprécier les vagues. Humer son parfum. Il était rare que la rouquine s’adonne à de tels moments de contemplation, mais aujourd’hui c’était le cas. Certainement parce qu’elle ne se sentait pas aussi joyeuse que d’habitude. Pourquoi ? Elle même n’était pas sur. Elle avait du poids sur le cœur, c’était certain, mais quoi ? Des ébauches de réponse se dessinait dans sa tête, mais rien de concret. C’est donc le regard perdu dans le vide que Tsusha observait South Blue, ses beautés et ses merveilles, cherchant des réponses dans le ballet des vagues et des goélands.

La mer était d'un calme plat, aussi plat que les sentiments de Tsusha. Peut-être l’ennui ? Le fait d’être dans sa zone de confort ? De n’explorer que terrains connus ? De ne découvrir aucune nouvelle sensation, aucune nouvelle plante, aucun nouvel endroit ? De ne se remémorer que difficilement le frisson de l’exploration, la joie de la découverte ? Tsusha commençait certainement par s’ennuyer, seule, sur son île, à parfaire jour après jour sa maîtrise du sabre et à visiter des coins qu’elle connaissait déjà. Il allait certainement être de temps de changer d’air, d’aller partir à la mer, d’aller ressentir le véritable frisson de l’exploration, celui que recherchent tant les parents de la jeune fille, partant bien trop longtemps à ses yeux, et dans des contrées qu’elle souhaiterait tant visiter.

Quelque chose la sorti de sa passivité : un navire marchand débarquait. Cependant, à la proue, se trouvait quelque chose d’étrange. Deux paires d’ailes déployées prenant place derrière un être humain de très grande taille. Un ange ? C’est la seule réponse qui vint à la bouche de la jeune rouquine, qui se leva d’un bond dans le but d’observer la manœuvre d’amarrage exécutée par l’équipage, aidé d’un ange qui semblait avoir volé au secours de l’équipage (littéralement) tel le chevalier volant au secours de la veuve et de l’orphelin. Alors que l’immense ange semblait observer la scène portuaire, après avoir terminé l’amarrage du navire l’ayant emporté ici, Tsusha s’approcha d’elle, un regard interrogateur, une bouche en forme de ‘O’ et les bras croisés dans son dos. La petite (dans tous les sens du terme étant donné que son interlocutrice faisait facilement plus de deux fois sa taille) pris la parole en essayant tant bien que mal de se faire remarquer.

– Euh, Bonjour ! Hésita-t-elle, impressionnée par l’immense carrure de la jeune femme. Vous êtes un ange ?

Quatorze ans d’ancienneté, moins d’un mètre cinquante de hauteur, une chevelure rousse ainsi que de grands yeux verts émeraude emplis d’une grande curiosité ainsi qu’un long manteau noir sur les épaules arrivant jusqu’aux genoux, voilà à quoi ressemblait la menue fillette qui faisait face à l’immense être divin ayant tout juste posé pied à terre sur Two K. Shima. Les planches de bois des pontons du port n’accueillaient pas beaucoup de monde aujourd’hui, simplement des pêcheurs et autres marchands, certains vendant leur poisson à grands cris. En paysage de fond, l’on pouvait certainement apercevoir le toit de la mer de feuilles recouvrant une partie de l’île, ainsi que la montagne de feu ayant donné son nom à l’endroit. C’était beau, luxuriant, et il faisait bon vivre, mais à savoir si la jeune femme souhaitait profiter de cela ou pas.

Tsusha n’avait jamais posé son regard sur pareille créature.  Elle en était d’ailleurs particulièrement contente, comme si le vent commençait à s’engouffrer dans les voiles du navire de la découverte afin de fendre les eaux calmes de l’ennui.

« D’où vient-elle ? Y a-t-il d’autres anges ? Le monde est il drastiquement différent d’ici, chez elle ? » Voilà tant de questions traversant l’esprit bouillonnant de curiosité de la jeune fille, qui venait d’entrevoir quelque chose de nouveau.

Quand son interlocutrice prit la parole, la rouquine goba goulûment les informations, les enregistrant à jamais dans sa mémoire tout en se jurant de visiter un jour ces îles. Cependant, elle ne savait pas encore que visiter l’île d’origine de l’immense créature céleste allait s’avérer extrêmement compliqué pour une humaine telle que Tsusha.

L’immense jeune femme s’était agenouillée, afin que la hauteur ne soit pas une constante qui interfère dans la conversation entre l’humaine et l’ange. Toutes deux étaient à présent pratiquement à la même hauteur, même si la figure angélique était toujours plus grande que la rouquine.

« Comment fait-elle, dans le monde des humains ? Tout est trop petit pour elle ! Les portes, les bâtiments, les gens, les véhicules, les ustensiles… Ce doit-être embarrassant… je me demande comment elle se débrouille. » pensa Tsusha, un air songeur.

Il fallait quand même que la jeune fille réponde à son interlocutrice ailée. Prenant la parole, Tsusha expliqua sa situation.

– Je m’appelle Tsusha Nokunito. Je suis née sur cette île, j’habite près du port, du coup je viens souvent ici. Je me balade tout le temps dans l’île. Du coup, je la connais par cœur ! Ce serait génial que vous me parliez d’où vous venez ! Je rêve de visiter le monde entier !

Comment pouvaient-être les îles d’origine de madame l’ange ? Tsusha se demandait. Des êtres célestes partout, vivant sur des nuages décorés de temples blancs, d’immenses fontaines et autres jardins très géométriques aux plantes inconnues ? Ou alors, c’étaient d’immenses îles, où s’étendaient plaines, champs, collines et forêts à perte de vue, tout ceci peuplés d’innombrables espèces animales encore jamais vues, toutes plus étranges les unes que les autres ? Des animaux intelligents avec qui il serait possible de converser… Ce serait génial ! Et pourquoi pas des plantes sublimes décorant les champs, les plaines, les forêts, ou même les sentiers empruntés par des marcheurs ne se lassant jamais de découvrir le monde où ils vivaient ? Un monde immense à la taille de la géante ange, où Tsusha se sentirait complètement dépassée ! Rencontrer un cerf sur lequel elle grimperait pour découvrir la forêt des yeux de ses habitants, humer le parfum de fleurs aux pétales décrivant un cercle aussi grand que son délicat visage… Tant de possibilités !

Tsusha ne cessait de s’imaginer des scénarios à propos de l’île de naissance de la jeune femme, s’imaginant monts et merveilles alors qu’elle attendait patiemment que madame l’ange lui réponde, des étoiles dans les yeux et de l’envie plein le cœur.

C’était à la demoiselle angélique de parler. Elle procéda à une présentation des plus bienvenues puisque la jeune fille se demandait réellement quel genre de patronymes étaient utilisés chez ces créatures divines. Ah, et aussi, le narrateur commençait à tomber à cours de surnoms, donc il vaudrait mieux qu’on lui en donne d’autres, et plus vite que ça ! Ahem, pardon. Revenons à nos moutons, que dis-je, à notre ange. Ainsi, l’immense créature se nommait donc Ishtar de Lérhane ? Atypique, comme prénom, il est vrai. Tsusha n’eut point l’occasion d’entendre pareilles sonorités pendant les quatorze longues années qu’elle eut la joie de vivre en ces terres. C’est ainsi que la jeune femme entrevoyait encore une fois la vastité de l’horizon. A l’image d’une salle où des portes cachées s’ouvraient inlassablement, le champ des possibles de Tsusha se découvrait peu à peu, ce qui n’était absolument pas pour lui déplaire.

A côté de cela, la jeune fille venait d’être quémandée en tant que guide, afin de mener les pas d’Ishtar à travers la faune luxuriante de cette île accueillante. Quelle aubaine ! Après tout, ne venait-on pas de demander à Tsusha de pratiquer une activité qui la passionnait depuis qu’elle pouvait se tenir debout ? Assurément. C’est ainsi que la rouquine accepta avec joie la requête de miss De Lérhane, toute fois intriguée par le fait que son accompagnatrice souhaitait absolument que les parents de Tsusha soient prévenus.  Elle qui vivait avec ses grands-parents, elle s’en allait fort souvent parcourir les sentiers de l’île, mais aussi explorer ses touffus feuillages et ses sinistres souterrains. Cependant, Tsusha voyait ici un bon moyen de présenter à Ishtar le brave couple l’ayant élevé du berceau jusqu’alors. Changeant ses pensées en mot, la jeune fille répondit à son interlocutrice.

– Ravie de vous rencontrer, Ishtar ! Bien sûr, que je veux bien vous montrer l’île ! Il y a quelques coins qui devraient vous plaire, l’île en possède tellement ! Et la faune et la flore sont tellement belles, il y a tant de choses, à voir ! Je suis sur que vous allez apprécier. Il y a le volcan, avec la capitale, et le QG des Marines (d’ailleurs il est tout rose !), il y a aussi…

La petite fille continuait de parler, décrivant certains lieux de l’île à la jeune femme : ses endroits préférés, les panoramas les plus splendides, ce genre de choses. Effectivement, la Nokunito devenait extrêmement loquace dans ce genre de situations. C’était la passion et l’émerveillement qui parlaient à travers la bouche de la fillette, qui dirigeait joyeusement le trajet à destination de la modeste demeure familiale. Les pavés de la ville portuaire laissaient bientôt leur place aux sentiers de terre alors que les modestes demeures des habitants étaient remplacées par de grands arbres et autres fleures sauvages. Le duo approchait d’un quartier situé en périphérie du port, tellement en périphérie qu’il était considéré comme village à part entière. Les bâtisses de bois abritaient bien souvent d’anciens pêcheurs ou habitants du port, prenant un repos bien mérité, loin du tumulte commercial de la vente de poisson frais et autres marchandises.

Tsusha mena sa compagnonne vers une habitation en deux parties : une vétuste demeure de bois d’un côté, et ce qui ressemblait à un atelier de l’autre, raccordés comme deux amoureux se tenant la main. La porte fermée de l’atelier se présentait aux deux jeunes femmes, avec un écriteau accroché en biais arborant les mots « Adhoc Nokunito, menuisier ». C’était l’atelier du grand-père de Tsusha, là où il confectionnait les pièces de bois qu’on lui commandait. Malgré son âge avancé, le grand-père de Tsusha gardait fièrement ouvert son atelier à qui souhaitait devenir l’acquéreur d’une pièce de bois précise. Toujours à prix raisonnable, il n’était pas, rare de voir Adhoc faire cadeau des objets les plus simples qu’on lui demandait. Généreux et passionné, l’homme était quelqu’un de profondément aimant et tolérant.

Tsusha toqua à la porte avant de s’annoncer.

– Papy ? Tu es là ? J’ai quelqu’un à te présenter.

Une voix ne tarda pas à se faire entendre, provenant de l’atelier duquel quelques bruits mécaniques provenaient.

– Oui, je suis là, entrez donc !

La réponse de Tsusha ne tarda pas à être émise.

– En fait, ce serait mieux que tu sortes, tu comprendras pourquoi dehors !

C’est alors que des bruits de pas lents et légers se firent entendre, martelant délicatement le sol au fur et à mesure de leur avancée. Alors que la poignée se baissait, Tsusha se reculait pour laisser sortir le vieil homme. Un peu plus grand que Tsusha, Adhoc était vêtu d’un tablier marron cachant un haut blanc uni sali par les longues heures de travail du bois, la poussière et les copeaux. Ses doigts couverts de corne à cause du travail du bois. En bas, un pantalon noir assez épais couvrait les jambes de l’homme qui se tenait encore bien droit. Finalement, des chaussures de cuir semblant très confortables aidaient le grand-père de Tsusha à se tenir debout.

C’est un air surpris qui se dessina sur le visage du vieillard. Un visage assez rond d’ailleurs, pourvu d’un sourire agréablement surpris et de petits yeux en amande, le tout agrémenté de cheveux blancs commençant à se faire rare par endroits. Contemplant l’ange qui devait faire facilement un bon mètre quarante de plus que lui, Adhoc se présenta.

– Bien le bonjour ! Je me nomme Adhoc Nokunito, grand-père de Tsusha. Ravi de vous rencontrer. Je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer vos semblables au cours de ma longue vie, aussi, c’est pour moi un honneur.

Le vieil homme avait ouï maintes histoires à propos d’anges venant d’îles lointaines, mais n’avait jamais eu l’occasion de poser ses petits yeux sur pareille créature. C’était donc une première pour le vieil homme qui était tout aussi fasciné et intrigué que sa petite fille. C’était donc familial ? Cette piste serait à explorer...

Ishtar s’engagea dans une présentation accompagnée d’une touche de philosophie de l’égalité. Intéressante à écouter, la jeune femme explique que tout le monde était fait de chaire et de sang, même si le concept d’espèces tenait à séparer en deux catégories les interlocuteurs actuels. Adhoc était plus que d’accord, même s’il doutait de la nécessité d’un tel discours. Peut-être qu’Ishtar voyait en les paroles du vieux menuisier et ébéniste quelque chose visant à établir une distance entre le natif de Two K Shima et la Bilcane ? Quoi qu’il en soit, c’était la curiosité de l’ancien qui parlait. En effet, c’était familial : tous les Nokunito étaient curieux et assoiffés de connaissances, et Adhoc ne dérogeait pas à la règle.

Quand Adhoc entendit Ishtar parler de payer le temps que Tsusha allait consacrer à guider, cela l’amusa quelques peu. Aussi, il s’empressa de répondre à la place de sa petite fille, qu’il connaissait comme personne.

– Oh, ne vous inquiétez pas, ce n’est pas nécessaire. On a énormément de temps à revendre, l’île étant tout à fait tranquille. Vous aurez certainement besoin de cet argent plus tard.

Adressant un un regard entendu à sa petite fille, celle-ci renchérit.

– Oui, bien sur ! Ce n’est pas vraiment un travail. Pour moi, c’est un jeu, et un partage de passion.

Ceci étant dit, Adhoc pris le soin de revenir sur l’idée d’égalité émise par la jeune ange, afin de clarifier ses dires.

– Oui, c’est vrai que nous sommes tous des êtres vivants. Mais il est assez rare de pouvoir rencontrer quelqu’un venu de loin, ou quelqu’un ayant un vécu radicalement différent. J’ai souvent discuté avec des marins au port à propos de leurs îles natales, de leurs voyages, ce genre de choses. Plus que la différence d’espèce, c’est la différence de vécu et l’échange qui sont réellement importants, à mes yeux.

Après une courte pause, Adhoc conclut.

– Bon ! Je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Allez-y, Tsusha me racontera.

C’est ainsi qu’Adhoc prit le chemin de son atelier. Tsusha, de son côté, attendit de savoir si sa nouvelle amie était prête.

– Prête ?

Le chemin qu’allaient emprunter les deux exploratrices commençait non loin, sur la droite, s’enfonçant dans la forêt luxuriante de Kawaii Kazan Shima. Les deux jeunes femmes pourraient l’emprunter, si jamais rien ne les retenait ici.

La nouvelle venue respecta la décision d’Adhoc quant-à l’argent, et ce sans broncher plus que cela. Après tout l’île est paisible, sans réel danger, et protégée par la marine dans les cas contraires. Les habitants y mènent une vie simple et heureuse pour la plupart, et cela était très bien comme ça. Aussi bien Tsusha que son grand-père étaient satisfaits avec leur vie telle qu’elle se trouvait être actuellement, alors pourquoi se compliquer la tâche en monnayant un service comme celui-ci ? Aux yeux des Nokunito, l’argent n’a pas sa place dans ce genre de relations. Ce serait un acte lâche, égoïste, cupide, condamnable, et même peccamineux. Ils se refusaient à cela. L’argent n’achète ni l’attachement, ni les sentiments et cela, les Nokunito l’avaient très bien compris.

Ce fut ensuite l’heure d’une seconde réponse de la part d’Ishar, qui expliqua que selon elle, être honoré était beaucoup trop d’honneur pour une rencontre telle que celle-ci. Même si Adhoc n’était pas forcément du même avis, mais il reconnaissait volontiers qu’honneur est peut-être un terme un peu trop puissant. Cependant, pour le vieil homme, rencontrer quelqu’un comme la De Lérhane relevait de l’occasion unique, lui qui avait vécu toute sa vie à sillonner South Blue à la recherche de poissons aussi bien que de nouveaux paysages. Ainsi, parler d’honneur se révélait presque légitime aux yeux de l’ancien pêcheur. Quoi qu’il en était, la joie du vieil homme à la rencontre d’une telle personne était palpable, et la proposition de la Bilcane de discuter des voyages qu’elle eut l’occasion d’effectuer ne changea en rien les choses.

- Haha, je vois ! Ce serait avec grand plaisir. ajouta le vieil homme. Revenez me voir quand vous voulez, je ne pars pas.

Et c’est sur cette note enjouée qu’Adhoc s’en retourna à ses création de bois. Devant l’atelier ne demeuraient plus que la rouquine et l’ange, prête à s’en aller explorer contrées connues ou pas, selon la personne. La jeune rouquine était impatiente d’exhiber aux yeux de sa compagnonne les endroits qu’elle préférait à travers son île natale. De la grotte cachée à la clairière n’abritant qu’un arbre centenaire esseulé en passant par les sentiers de terre bordés par la végétation luxuriante de l’île... De nombreux endroits, souvent habités par la faune de l’île, valaient absolument le coup d’oeil, et Tsusha avait du mal à attendre de tous les montrer à Ishtar. Cependant, quelque chose vint remplacer la joie de l’exploration : le frisson de l’inconnu.

Lorsque la jeune femme proposa à Tsusha de choisir la voie aérienne ou la voie terrestre, une expression d’incompréhension ainsi que quelques mots sortirent de la bouche de la rouquine.

- Euh, par les airs ? questionna-t-elle.

Comment se douter de la vérité ? Deviner que quelqu’un est porteur d’une malédiction est impossible, à l’oeil nu, n’est-ce pas ? Tsusha n’en a, de toute manière, presque jamais entendu parler, et ne tenait pas plus de préjugés que cela. Lorsque la Bilcane amorça sa transformation, un sourire béat accompagné d’étoiles dans les yeux remplacèrent l’air interrogateur de la jeune fille. Observant tout le compliqué processus de métamorphose à l’aide de ses yeux aussi verts que les écailles du serpent à plume lui faisant face, Tsusha resta admirative pendant un bon moment, comme dans un état second. Reprenant ses esprits au bout de quelques instants, la jeune fille donna finalement réponse à son interlocutrice.

- Par les airs !

Une joie incommensurable infantile dans le coeur, Tsusha laissa Ishtar s’organiser au mieux pour préparer ce voyage aérien. Après tout, elle n’a jamais ne serait-ce que vu une créature du style, alors comment connaîtrait-elle la façon de faire d’Ishtar dans ce genre de situations ? Joyeuse et excitée, Tsusha attendait la suite avec impatience.

C’est à présent une étrange créature plumée qui se tenait devant Tsusha. Ishtar, maintenant complètement transformée, dominait le lieu de toute sa hauteur et sa largeur. Tsusha prit le temps de la contemplation. Après tout, ce n’était pas tous les jours que l’on avait la chance d’observer pareille créature. Alors que les prunelles émeraude de la rouquine embrassaient du regard le plumage soyeux de la bilcane lui faisant face, cette dernière lui proposa de monter sur son dos, en lui recommandant toute fois de bien s’accrocher. La Nokunito pris les recommandation de sa nouvelle amie au pied de la lettre. Une fois que ses yeux purent enfin quitter leur contemplation atemporelle, celle-ci se positionna a l’arrière du chef de la maudite – même si, pour Tsusha, cela relevait plus de la bénédiction que de l’opposé.

Alors que l’ange transformée décollait, la jeune fille observait l’impact du souffle des ailes de la créature sur l’environnement. Les feuilles étaient balayées comme de la poussière, et au fur et à mesure que le duo prenait de la hauteur, l’adolescente pouvait de plus en plus apprécier l’attrait de la hauteur. Surplomber tout ce qui l’entoure était une sensation des plus jouissives aux yeux de la jeune femme, qui se cramponnait fermement au cou de la jeune femme avec ses jambes. Alors que la vitesse grimpait, que le sol s’éloignait et que le vent s’engouffrait dans les cheveux de feu de la jeune fille, celle ci observait le paysage, des étoiles dans les yeux. L’océan et son bleu caractéristique s’étendaient jusqu’à l’infini de l’horizon, ne présentant qu’un doux spectacle ensoleillé, calme et grandiose. Le chant des mouettes et des goélands venait chatouiller les oreilles des exploratrices tandis que la caresse du vent frais altitudinal effleurait leur visage. Le spectacle aérien captivait la jeune fille à un tel point qu’elle en oublia presque de bien se cramponner. Alors que la question de la destination se posait, Tsusha eut une idée des plus intéressante.

– Allons au sommet du volcan ! Il est éteint et plutôt compliqué à atteindre. En plus, j’ai vu l’entrée d’une grotte à l’intérieur, la dernière fois que je suis venu. La première et dernière, d’ailleurs.

C’est alors que les deux se dirigèrent vers le sommet du volcan. Alors que le serpent à plume commençait à s’orienter légèrement vers le sol afin d’atteindre le sommet en question, sa passagère dû se cramponner un peu mieux pour pouvoir rester en place. La sensation grisante de vitesse grimpa tellement rapidement que la jeune femme lançant un rire au vent. C’était un sentiment de joie pure qui s’était emparée de la jeune femme, si bien que lorsqu’elle posa le pied à terre, elle dut prendre le temps de s’asseoir au sol afin de se remettre de ces émotions peut-être un peu trop puissantes pour le menu corps de la jeune manieuse de sabre. Finalement, la jeune femme se releva, et observa l’horizon encore une fois. L’île et sa forêt à la flore luxuriante s’étendait sous ses yeux jusqu’à ce que la mer remplace la terre de son bleu azuré s’étendant à perte de vue. L’on pouvait voir le port, au loin, et ses bateaux de pêche amarrés, tous d’une couleur différente. Les oiseaux volaient en tous sens, accompagnant les cheveux de Tsusha portés par un vent chaud sudiste. Après son moment de contemplation, Tsusha prit la parole.

– Ce n’est que la seconde fois que j’ai l’opportunité d’admirer ce panorama. C’est grandiose et unique. N’est-ce pas ?  Pouvoir s’asseoir ici et contempler l’horizon est une chance unique au monde. Et ce doit être encore mieux au coucher du Soleil. J’ai tellement envie de le voir !

La jeune femme se rapprocha ensuite du cratère du volcan avant de reprendre la parole.

– Attention, ça peut glisser. Mais ce cratère est impressionnant, n’est-ce pas ? C’est étrange d’ailleurs car en regardant bien dans la cheminée du volcan, on peut y voir l’entrée d’une grotte. Tsusha pointa du doigt une entrée de grotte dans la cheminée. Je n’y suis jamais allée, mais je pense que cela doit être très intéressant. En bas, il y a la capitale. Peut-être irons-nous ?

Tsusha attendit la réponse de son interlocutrice. Après tout, il y avait énormément de chose à voir. N’est-ce pas ?

La nouvelle amie de la fillette devait certainement être dans un état de contemplation similaire à celui dans lequel se trouvait Tsusha quelques instants auparavant pour qu’elle ait cette réaction. Un sourire de joie béate se dessina sur le visage de la rouquine, autant à cause du paysage que de la réaction d’Ishtar. Cette dernière invita sa compagnonne à remonter sur elle pour aller visiter ladite grotte, celle dont Tsusha avait relevé l’existence lors de son dernier passage en ces lieux. Alors que la rouquine s’exécutait, grimpant sur la Bilcane transformée, celles-ci prirent leur envol pour un voyage court à destination de l’inconnu. Le frisson de la découverte parcourut Tsusha, qui ne pouvait réprimer ce sourire de joie pur s’étant dessiné sur son visage enfantin.

Voler était une sensation toujours aussi agréable aux yeux de la jeune fille. Le vent s’engouffrait dans ses cheveux à mesure que la descente continuait. Le frisson caractéristique du plaisir parcouru son échine tandis que Tsusha se concentrait sur les sensations ambiantes. La fraîche caresse du vent sur sa peau de pêche, l’attraction grisante de la pesanteur, l’excitation de la vitesse… Tout un cumul de sensations dont la jeune fille ne se laissait toujours pas. En même temps, ce serait plutôt dommage de se lasser des sensations du vol alors qu’on ne décollait que pour la deuxième fois, n’est-ce pas ? Connaissant Tsusha, elle ne s’en lasserait certainement pas même après milles fois de plus.

Finalement, la guide et la guidée arrivaient à l’entrée de la grotte. La lumière du jour éclairait à peine le début du dédale sombre n’étant aucunement éclairé. L’on pouvait distinguer à travers les ombres les contours de deux tunnels distincts, menant certainement à deux endroits différents. Excitée à l’idée d’explorer, Tsusha failli se donner à l’obscurité de la cavité, mais sa bonne conscience lui rappela trois choses : l’endroit lui était inconnu, elle n’y voyait rien, et elle n’était pas seule. Alors qu’elle s’arrêta après un premier pas, la jeune fille cru bon d’avertir Ishtar de la situation.

– C’est un des rares endroits de l’île que je ne connais pas, et il fait noir. Si tu as de quoi nous éclairer, ce serait sympathique. Sinon, on ira à l’aveugle, j’imagine.

Tsusha attendit la réponse de la Bilcane. Elle espérait intérieurement avoir de quoi s’éclairer. Qui sait ce qu’il peut y avoir là-dedans ? La perspective de ne pas savoir quoi rencontrer excitait la rouquine, mais celle de se retrouver sous les crocs d’une araignée géante ou autre bête terrifiante ne l’enchantait guère.

Ainsi donc, elles étaient descendues vers ledit tunnel. Pour la première fois de sa vie, Tsusha n’était pas réellement enchantée à l’idée d’explorer quelque chose. La noirceur des ténèbres enveloppaient son être d’un manteau indélébile. Le doute prenait une place toujours plus grande dans l’esprit de la rouquine, qui se sentait comme perdue au milieu d’une mer d’inconnu méconnaissable. Qu’est-ce qui l’entourait ? Lui faisait face ? La suivait ? Peu à peu, la Shimajin perdait toute notion d’espace, et tombait dans un noir total, immense, limpide, comme un voile de noirceur chassant la lumière. Ses jambes commencèrent à trembler sans même que la jeune fille s’en rende compte. C’est seulement lorsque sa main toucha le mur d’une douce fraicheur que la jeune fille retrouva ses esprit. Elle n’était qu’à l’entrée de la grotte, la lumière était encore là, et Tsusha n’avait même pas eu de possibilité d’écouter réellement ce que sa compagnonne venait de lui dire.

- … qu’il puisse te rester encore des choses à explorer sur l’île avant que tu ais la chance d’aller t’aventurer en d’autres lieux.

Tsusha resta bloquée dans ses pensées, le regard vide, à essayer de comprendre la phrase et son contexte.

“Des choses encore à explorer sur l’île ? Avant que j’aille autre part ? Mais pourquoi faire ? Pourquoi devrions-nous aller là-dedans ?...” tout un tas de questions qui traversèrent l’esprit de la rouquine, qui resta bloquée pendant de longues secondes. Après un temps qui sembla être une éternité, la jeune fille ouvra finalement la bouche pour répondre quelque chose en balbutiant.

- O-On va de-scendre à la capitale, pour prendre u-une lanterne ou une torche, ils doivent bien en avoir une. La capitale est juste en dessous.

Après une petite pause où Tsusha marcha un peu pour aller s’asseoir sur le rebord de la grotte et reprendre son souffle, elle reprit.

- En bas, c’est la capitale de l’île. Elle est construite au coeur du volcan. Il est éteint, donc ca ne craint plus rien, et en plus, on peut l’atteindre par la cheminée. On y va ?

Lors de sa dernière interrogation, la rouquine tourna son regard vers Ishtar, un regard qui se voulait un peu plus rassuré que le regard vide qu’elle affichait il y a quelques instants déjà.

L’aide d’Ishtar fut la bienvenue, tu l’acceptais sans même y réfléchir. Finalement, après avoir parlé, tu te sentais un peu mieux. La présence de ton amie t’aidais à y voir plus clair dans ce manteau de ténèbres duquel tu venais de t’arracher. Ces ténèbres épaissent t’avaient enveloppé comme un voile sinistre de mort, voile que tu avais fini par fuir en t’accrochant au reste de logique que ton cerveau voulait encore admettre. Le contact de la Bilcane t’avais permis de te ramener partiellement sur terre, et maintenant te voilà un peu plus rassurée.

Finalement, la descente s’amorçait, la maudite te prenant sur elle avant de descendre et de se poser à l’écart, pour ne par trop éveiller la curiosité. Son vol gracieux te faisais toujours autant plaisir, mais tu restais crispée à cause de l’expérience que tu venais de subir. Cela se remarquait bien sur sur ton visage et sur ton expression en générale. Tes mouvements brusque, tes muscles du visage tendus, tes micro mouvements très secs et très marqués criaient ton état émotionnel sur tous les toits. Hm. Dire qu’ils l’affichaient sur toutes les rétines serait plus exact, cependant, mais passons.

Tu touchais terre après que ta compagnonne l’ait elle-même fait. Oyant sa question, tu te mis à y réfléchir, chassant les ténèbres demeurant encore dans ton esprit, révélant la lumière éclatante d’une idée accompagnée d’un souvenir. Un de tes amis vivait non loin d’ici, avec qui tu avais parcouru quelques sentiers de l’île. Ses parents possèdent une lanterne, pourquoi ne pas emprunter cette dernière ? Tu fis part de ta réflexion a Ishtar.

- J’ai un ami habitant non loin d’ici avec qui j’ai eu par le passé l’habitude de me balader dans l’île. Je sais qu’il garde chez lui une lanterne, allons la-lui demander !

C’est ainsi que tu pris la route, trouvant ton chemin parmi les rues de la capitale de l’île grâce au sens de l’orientation de l’exploratrice que tu étais. Finalement, après un court moment de marche, vous arrivâtes devant la modeste propriété de la famille en question. Tu toquas, et c’est un enfant de ton âge qui vint t’ouvrir, te reconnaissant sans mal tout en saluant la simili ange. Alors qu’il questionnait la raison de ta visite, tu lui expliquais ton soucis. Bientôt, il revenait avec une lampe à huile que tu avais déjà tenu dans tes mains au cours de vos propres explorations plus ou moins nocturnes. Cette lampe, accompagnée d’un briquet, tu lui juras de lui rapporter sans tarder. Alors que vous vous quittiez, toi et Ishtar vous redirigeâtes vers la grotte en question, afin de débuter l’opération.

Les épaisses et terrifiantes ombres te faisaient face alors qu’à l’entrée de la grotte, tu restais le plus baignée dans la lumière. Posant la lampe au sol, tu te saisi du briquet que tu utilisas pour allumer ladite lampe. Rangeant le briquet dans ta poche, tu adressas quelques mots à ton amie.

- Voilà. Ca devrait-être bien mieux, n’est-ce pas ?

Les ennemis d’un noir de jais fuyaient le champ de bataille sous les violents assauts des puruficateurs blancs tandis que toi, tu progressais à travers ce champ de bataille vide. Deux chemins, un à gauche, un à droite, le choix était libre.

Deux chemins s’offraient à toi. Gauche, ou droite. La lumière de la lanterne que tu tenais dans ta main gauche répandait sa chaleur sur les fraîches parois de pierre. La flamme dansait au milieu du verre, créant un mouvement de lumière animant l’endroit, le rendant un peu plus vivant à tes yeux. C’était déjà un peu plus rassurant. Ishtar appuyait sur le fait que les épais ténèbres ayant fuit la lumière ne dissimulaient que roche, ce qui acheva de te rassurer un peu. En guise de signe de compréhension, tu hochas lentement la tête. Finalement, l’ange proposa la gauche, ce que tu suivis volontiers, n’arrivant pas à départager les deux candidats.

Tes pas menèrent le duo que tu formait avec Ishtar à travers le dédale creusé à même la montagne. Certainement naturel, d’ailleurs, d’après l’aspect grossier et arrondi des chemins. Comment furent-ils construits, ces chemins ? D’anciennes voies vers une chambre magmatiques ? Une fissure dans la cheminée du volcan où la lave a fini par s’infiltrer, creusant lentement la roche au prix de longs efforts ? Rien n’était moins sûr. En tous cas, vous étiez arrivées à un endroit un peu plus grand. Et plus vert, surtout. En effet, au fond d’une crevasse éclairée d’une bio-luminescence verte se tenait un genre de mousse végétale. Enfin, végétale ? La chose semblait bouger. Et pas que “semblait”, d’ailleurs, puisqu’elle utilisait la pierre environnante comme de son support. Stoppant sa marche, Tsusha observa une pauvre chauve-souris de faire happer par la marée verte.

La rouquine laissa échapper un doux “Oooh !” de surprise alors qu’elle observait ce spectacle singulier. Finalement, elle chuchota quelques mots.

- Qu’est-ce que c’est ? Je n’ai jamais vu ça de ma vie C’est tellement… étrange. Est-ce animal ? Végétal ? Ca vaudrait le coup d’appeler un botaniste… Je pourrais rester là un bon moment à l’observer, haha. Oh, j’ai une idée. Recule un peu.

Ramassant un petit caillou plus loin, Tsusha s’amusa à le lancer sur la mousse, histoire d’observer sa réaction. Si rien ne se passait, la jeune fille inviterai simplement sa compagnonne à continuer la marche vers la suite de la grotte. Après tout, au bout de la crevasse se dessinait un chemin vers les profondeur de la montagne de feu. Peut-être une autre mousse étrange d’une autre couleur en perspective ? Rien n’était certain.

A part se coller sur la chose et retomber mollement à terre, emportant au passage un peu de cette mousse verte, le caillou ne fit pas grand chose. Tu étais déçue d’un tel résultat. En même temps, qu’attendais-tu de plus que ça ? Trouver une réponse à ça était difficile, à part “quelque chose”. Maintenant, si la nature le voulait bien, un nouveau tapis de mousse verte se développerait à partir de ce caillou. Décidant qu’il était temps de s’éloigner ce qui représentait un danger autant pour toi que pour Ishtar, tu reculas. L’ange ayant quelque chose à ajouter et à raconter, tu tournas la tête vers elle, buvant ses paroles à grosses gorgées.

- La nature est tellement étrange et incompréhensible, parfois… Cette forêt me fait penser à un monstre créé par un scientifique fou en fusionnant plusieurs espèces… Un genre de masse difforme de feuille, de bois, d’herbe, et de tout ce qu’on veut, donc le seul but est de grossir et de tout absorber sur son passage… Brrrrrr, c’est effrayant.

Pendant que tu expliquais cela, un frisson parcouru ton échine, remontant du bas du dos jusqu’à la nuque. Décidant d’avancer, tu esquivas la mousse te bloquant le passage et, suivant Ishtar, tu continuas ta marche, guidée par la chaleureuse lumière de ta lanterne ainsi que par la rassurante présence de ta nouvelle amie.

Sur le chemin, la mousse devenait moins présente. Pourtant, l’ambiance te paraissait devenir encore moins rassurante. Peut-être était-ce le fait de s’enfoncer dans les profondeur de la montagne ? Rien n’était moins sûr. Quoi qu’il en était, tu avançais, le plus calmement que tu pouvais. Bientôt, vous atteignîtes une immense salle à la topologie chaotique.

L’ambiance verte que tu avais déjà découverte auparavant était renforcée ici, pour une raison que tu ne connaissais pas. Le fait est que l’endroit te mettait terriblement mal à l’aise, sans que tu ne saches réellement pourquoi. Cerise sur le gâteau : la faible puissance de la lanterne à huile que tu tenais n’était pas suffisante pour éclairer la pièce. La potentielle présence de quelque chose, tapi dans l’obscurité de l’immense salle, acheva d’effacer le peu de sentiment de sécurité qu’il te restait.

Un cliquetis métallique retentit. Il provenait de la lanterne. Ou plutôt, de la main qui tenait la lanterne. L’ambiance et l’inconnu commençaient à te faire basculer vers la panique. Même si pour l’instant, tu gardais un semblant de self control, ça n’allait certainement pas durer. Tu prenais le temps d’inspirer, puis d’expirer, afin de tenter de te calmer. Finalement, tu t’adressas à Ishtar, peut-être dans une tentative de récupérer un peu de calme.

- Franchement, ce lieu ne me dit rien qui vaille… Tu sais s’il y a quelque chose, dans le noir ? J’ai franchement peur d’avancer…

Intérieurement, tu aurais voulu posséder des lunettes ou un pouvoir de vision nocturne, mais ce n’était pas le cas. Tremblante et en proie à la peur, tu espérais qu’Ishtar saurait te rassurer.

Tu ne voyais toujours rien, et ce n’était pas les paroles d’Ishtar qui allaient te rassurer. Elle non plus ne voyait rien.

“Avancer dans le noir alors qu’on a déjà rencontré des trucs inconnus mangeurs d’êtres vivants… Je vais finir tuée par une araignée géante et capturée dans un cocon de soie… Aaaaaaaaaah, pourquoi est-ce que je suis venue ici moi, bordel…”

A mesure que tu avançais, suivant la de Lérhane, tu tremblais de plus en plus, et cela s’entendait à cause du métal de ta lanterne à huile. C’était très certainement la seule chose que l’ange pouvait capter, vu le calme ambiant. Chaque pas te paraissait être un effort surhumain tellement tu avais l’impression d’à chaque fois enfoncer ton membre dans un océan de ténèbres inconsistantes. Les jambes faibles, tu luttais pour progresser. Tu luttais contre ta peur. Tu luttais contre toi-même.

Cependant, l’environnement avait décidé de jouer contre toi : une énorme formation rocheuse expirant de la vapeur se tenait là, devant le duo. Tu ne croyais pas cela vivant et tu étais prête à continuer ton chemin, jusqu’à ce qu’Ishtar te barre la route de son bras. En effet, ce qui ressemblait à de la pierre était en fait une créature faite de pierre. Comme sortant d’un sommeil profond, la créature stalagmite geyser se leva, te dominant de toute sa hauteur. Un rocher vivant qui bouge et qui fait deux fois sa taille, ca fait peur, n’est-ce pas ?

Une sueur froide coula. Tes jambes flanchèrent. Ton souffle était court. Tu manquais d’air. Tes yeux ne clignaient plus. Ta bouche entrouverte ne bougeait plus. Tes mains subissait des spasmes. Tu restais là, figée de terreur. Tu tentas de tirer ton arme. Elle ne sortit pas. Ta main resta sur la garde. Tu fixais l’immensité. Tu ne voyais qu’elle. Elle occupait ton esprit en entier.

L’étrange créature de pierre avança. Mais toi, tu restas complètement bloquée, comme si ton cerveau refusait toute interaction. Sans pouvoir rien faire, tu observais, comme si la mort s’approcha de toi, le pas lourd.