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Sam 12 Juin - 15:19


Le diable est une petite fille


West Blue, l’île de Diminuto. Une étendue de terre méconnue de la mer dont la seule citadelle qu’elle contenait était cernée de murailles. La ville de Nano.  

Si Diminuto était vouée à n’être qu’un nom parmi tant d’autres, Nano avait fait un malheureux don au monde : un être humain des plus détestables, désormais tristement connu pour ses crimes et son caractère. Un criminel redouté que les plus hautes sphères ne savaient gérer. Une anomalie que tous voulaient voir disparaître, à défaut d’oublier.

Mais remontons plus tôt dans l’histoire de cette ville, car, après tout, toute personne, bonne ou mauvaise, lambda ou légendaire, possédait un berceau. Un jardin d'enfant dans lequel débutait son histoire, ses origines. Et, c’était bien ici, dans cette cité organisée en divers blocs, qu’une calamité à l’esprit déréglé avait vu le jour.

West Blue – Diminuto, 1492.


Le Soleil jouait les prolongations ce soir-là. Derrière un amas de nuages grisâtres, ses rayons se voyaient filtrés par le voile nébuleux avant de s’abattre sur Nano. Chaque bâtiment du quartier scolaire, l’un des différents blocs de la petite cité, étaient ainsi grimés d’une aura ocre. En fin de journée, cela avait le don d’impatienter la plupart des pions qui se devaient de surveiller les jeunes écoliers dont les parents n’étaient pas encore venus les chercher.

Carmelo tapait du pied face à la cour extérieure de l’école primaire Pitagol, son regard dépité courrait entre la dizaine de petites silhouettes bruyantes jonchant ci et là le paysage lui faisant face. Le basané n’avait pas pour habitude de finir si tard, vers six heures, il venait tout juste d’être recruté et n’avait postulé à ce job que pour amasser des sous. Notamment pour se permettre quelques folies ou inviter des filles dans les quelques endroits huppés de Nano, consumant sans vergogne son maigre salaire. Et, une fille, le blondinet devait en travailler une dans une trentaine de minute. C’était là, dans son agenda, ce lundi quatre, la petite Katia, une brunette pâle un peu casse bonbons, mais dont les courbes l’attiraient au plus haut point.

Un futur coup d’un soir, oui, Carmelo comptait bien transformer ses efforts, mais pour ce faire il devait d’abord se débarrasser de ses gamins qu’on lui avait foutus dans les pattes. Qu’est-ce qu’ils foutaient, leurs parents, à ne pas être là ?

Ses yeux lorgnèrent un premier groupe, cinq mômes jouant à la balle, tous souriants. Puis un autre groupe, un duo, cette fois-ci, deux jeune filles : une brune à lunettes, debout, jouant de ses mains pour s’adresser à son homologue assise sur un banc. Et, à quelques mètres de ce banc, un autre, identique, avec deux gamins se ressemblant en train de lire des bouquins.

-Roh, qu’est-ce que tu fais encore ?

-Je lis, mais j’ai faim.

-Faut que môman arrive avant.

-Tu penses que c’est m’man qui vient ? Pourquoi pas p’pa ?

-Il vient jamais, pôpa, il travaille.

-Si j’finis ma lecture, j’aurais un bonbon ?

-Faut demander à môman.

-Hmmm.

Face à la réponse de son frère, Dodo, Ado laissa tomber ses petits yeux sur son livre. Des mots colorés, des pointillés et des petits dessins : le garçon s’avançait sur les autres, comme à son habitude, en attendant sa mère. Après tout, elle-même avait dit à ses fils que le temps devait être au mieux optimiser. Chaque minute devait être proprement abattue : l’expérience cumulée. Bien qu’il était en CP, Ado, comme ses frères, avait une sacrée avance sur les autres : voilà que le brunet parcourait sans difficulté un bouquin d’un niveau avancé, le CE1.

-Avance aussi, sinon on aura rien.

-Et l’aut’, il fait quoi ?

Alors, Dodo se tournerait pour zieuter son deuxième frère, toujours caché derrière son buisson, les yeux rivés sur la binoclarde d’à côté.

-Môman va t’gronder tu lis pas. Lancerait l’enfant à son frère.

Mais, rien n’y faisait, Dodo était complètement ignoré par son semblable : celui-ci était comme hermétique, les pupilles écarquillés, la mâchoire tombante, toute son attention étaient aspirée sur cette brunette à lunettes qui parlait depuis tout à l’heure. Ce constat avait pour don d’embêter Dodo, il n’aimait pas être ignoré, surtout quand il ne comprenait pas les actions de ses frères. Alors, le Zetsu élèverait la voix pour se faire entendre, et, inconsciemment, punir le garçon de lui donner aucune réponse.
Aussi, Dodo fermerait son livre avant se lever puis hausserait la voix, les mains en porte-voix.

-Fuuuuuuuuuudooooo, môman va t'gronder ! C’pas bien c’que t’fais ! T’fais comme pôpa!

Mais rien ne pouvait tirer le petit énergumène de son état de concentration : son esprit était fixé sur cette fille qui l’épatait. Il l’avait dans le viseur depuis un moment déjà, l’ayant remarquée pour cette aisance à l’oral qu’elle avait. Puis ses yeux aux reflets écarlates étaient si exotiques... Cet émerveillement, cette admiration qu’avait l’enfant envers l’autre, lui tira un souffle atrophié. Déliant ses lèvres.

-Gaïa...

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Zetsu Fudo ; Valtor Gaïa


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Sam 12 Juin - 20:05

Le diable est une petite fille [1]


Des lumières rougeoyantes nageaient dans l’air, amenant à la fois une chaleur crépitante et une odeur de cheminée. A celle-ci se mêlait celle du porc que l’on rôtissait sur la place publique pour la Fête de l’Hiver. Elle n’en avait qu’un vague souvenir, mais c’était le moment le plus convivial de l’île. Elle sourit, et se sentit soulevée tandis que ses yeux mi-clos ne l’aidaient pas à comprendre ce qu’il se déroulait. J’ai sommeil, dit-elle avec une voix cassée.

La personne qui l’avait prise ne lui répondit pas, mais elle entendait le cœur de cette personne battre la chamade. Elle l’entendait avec une acuité démesurée dans la cohue qui régnait autour d’elle. Soudain, un craquement plus bruyant qu’un autre l’envoya dans les airs, tandis qu’un hurlement étouffé par les flammes et des pleurs se mêlaient à l’orchestre de coups de hache qu’elle commençait à reconnaître. Ouvrant les yeux, elle vit deux personnes sans visages, prises dans les flammes, écrasées par la poutre. Son propre corps était coincé sous une planche, et plus loin son frère avait le visage larmoyant. Elle entendit sa propre voix hurler. MAMAN ! PAPA ! MAMAAAAAN ! Réveille-toi !

Elle tenta de s’approcher, mais les flammes redoublèrent. Le sourire de sa mère se déformait tandis que ses traits fondaient dans la chaleur, et son corps fut soudain soulevé dans les airs par une masse musculeuse, et ignoble. Elle fut plaquée contre le sol, maintenue par le cou, tandis qu’une hache venait masquer la lune, haute dans le ciel. Elle menaçait de s’abattre sur elle pour lui faire recouvrer la vue de l’astre tâché, mais le corps s’effondra bientôt. Elle entendit à nouveau un son sortir de sa bouche. Michael !

- MICHAEL ! MICHAEL !

Elle hurla ce prénom, et brusquement, sortant de la pièce d’à côté, le jeune homme arriva et la serra contre lui. Elle pleurait à chaudes larmes, inconsolable, et brusquement, tremblante, elle agrippa son tee-shirt et dit :

- Je n’arrive plus à me souvenir de leur visage. Je ne me souviens plus de leur visage. Je… je…
- Calme-toi, petite-sœur. Ce n’est qu’un cauchemar. Chut. Chuuut.


_________________


Arborant une jupe jusqu’aux genoux, blanche et légère, et un tee-shirt dont les manches étaient amples, la bleue arriva bientôt aux abords de l’école primaire Pitagol. Elle avait reçu une mission, encore une : celle d’infiltrer ces lieux et de se faire passer pour une élève. Elle recevrait le reste des détails plus tard, mais son frère semblait insister grandement sur ce point-là. Depuis qu’elle avait mangé son fruit du démon, il ne pouvait cependant plus rien lui cacher. Elle était capable de lire en lui, de lire ses pensées les plus superficielles, celles qu’il avait au premier abord… C’était encore peu utile, mais elle espérait débloquer d’autres habilités plus tard. D’autant plus qu’elle avait malgré tout hérité de deux autres éléments : une mémoire parfaite, et une vitesse de lecture accrue. Elle parcourait en un rien de temps les livres qu’elle voyait.

Revenir à l’école était donc d’un ennui profond. Pourtant, elle y trouverait sûrement un intérêt, à traîner avec les autres enfants de cette école. Depuis déjà deux semaines, elle était donc une élève de CM de cette petite institution locale.

- Oh, on dirait que vous n’êtes toujours pas rentré chez vous, fit la demoiselle en s’approchant du groupe dans la cour extérieure de l’établissement. Si vos parents pouvaient vous faire confiance… Enfin, pas vous les filles, c’est normal que d’aussi jolies demoiselles doivent faire attention, ajouta t-elle avec un clin d’œil.

Lidy, qui avait conservé son prénom pour cette mission, n’avait aucune intention de s’en prendre aux autres filles. En revanche, elle était prête à chercher des noises aux garçons à la première occasion, pour plusieurs raisons. La principale ? « Les garçons c’est bête, ça pue et c’est moche. ». Ainsi, elle ne nota pas le sourire de Gaïa qui était flattée, et se contenta de lancer un regard hautain et provocateur aux jeunes impudents qui pourraient très bien rétorquer sans que cela ne lui fasse ni chaud, ni froid.

Elle tournerait les talons, et se dirigerait vers la place de la fontaine, où elle s’installerait avec un livre sur un banc, prêtant une attention mesurée aux environs pour écouter… écouter on ne sait quoi, d’ailleurs.

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Dim 13 Juin - 7:07


Le diable est une petite fille


Le petit garçon nommé Fudo était perdu dans un simili état de stase. Absorbé par les traits, les gestes et la voix de cette fille, Gaïa. Il avait le béguin pour elle, de toute évidence, ce n'était pas une personne comme les autres pour lui : la binoclarde se démarquait de la masse.

Si le dernier des triplets Zetsu trouvait la Valtor mignonne, ce qui lui plut au premier abord était sa façon de captiver l'attention et son intelligence. Elle comme la famille du brunet avait pour coutume de rentrer tard chez eux, du fait du travail de leurs parents. Aussi, chaque soir Fudo était comme confronté à Gaïa, il la voyait occuper ses amies, faire leur devoir, par moment, d'autrefois simplement conter des histoires ou parler de l'actualité.

Elle n'était pas comme les autres quidam qui perdaient leur temps à taper dans une balle, ou juste attendre en pleurant de faim pour rentrer chez eux. Non, Gaïa avait cette chose qui lui rappelait certainement sa mère avec l'aspect démoniaque en moins : une femme forte et entrepreneuse, qui prenait à bras le corps sa vie et transformait le temps en un outil pour évoluer.

Depuis ce constat, Fudo, qui ne s'était jamais intéressé aux autres, avait laissé une place à cette fille dans son esprit. Et son imagination, son envie de la connaître, mais surtout de la rallier à ses côtés, fit grandir l'importance virtuelle que la Valtor avait dans la vie de l'enfant.

En somme, le môme ressentait du désir envers elle, un grandissant : celle de la faire sienne.

-Fudo ! Fudo ! Fudo !

Dodo s'était rapproché de son frère avant de lui donner maintes tapes sur l'épaule. Cela eut le don de prendre l'épieur par surprise, la main dans le sac, et Fudo se sentit alors piégé : cela le renda bougon.

-Quoi ? Arrête d'm'embêter ! Crierait-il.

-Hein ? T'fais quoi ?

-Je... rien ! Ca t'garde pas ! Retourne va Ado, j'arrive !

-T'as fini tes devoirs ? Il va t'gronder comme môman Ado.

De ses deux paumes, Fudo irait repousser son frangin pour se retourner alors sur l'objet de son désir. Mais, à son grand désespoir, la Valtor était alors en train de s'éloigner de lui : la main dans celle d'un monsieur, son paternel. Cela eut le don de frustrer l'écolier qui sortirait de son buisson en rogne.

Les yeux vifs de Carmelo repéra ainsi l'enfant : que foutait ce gamin ? En tous cas, fallait pas qu'il emmerde la soirée du pion. Alors, d'une motivation des plus grandes, le surveillant leva juste son bras comme pour interpeller le garçon avant de le réprimander.

-Oh ! Toi, là ! On se met pas dans les buissons ! Tu risques de... te blesser !

Ca lui paraissait pas déconnant, oui. Effort minimal, peut-être que ça aurait fonctionné. Mais si le gamin avait encore une fois en tête de se terrer dans un buisson, alors le Jimenez, de son nom, aurait dû s'activer et le porter hors de là.

Il n'imaginait pas voir un môme se couper ou trébucher dans un petit buisson, pour sûr, mais avec sa chance légendaire, le basané préférait prendre ses avants. C'était que la Katia, il comptait bien la tartiner ce soir !

-Haha ! Bon, ils arrivent quand leurs darons ?



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Dim 13 Juin - 22:59

Le diable est une petite fille [2]


La place de la fontaine n’était pas agitée, mais c’était un endroit que Lidy avait sélectionné spécialement avec une idée derrière la tête. Lire ne permettait que de passer le temps, et elle était obligé de ralentir sa vitesse de lecture intentionnellement pour paraître assez normale. Elle avait déjà assimilé les ouvrages historiques jusqu’au cour terminal, en deux semaines à peine, ainsi que les œuvres littéraires étudiées – bien qu’elle n’ait pas développé les éléments étudiés en classe. Les enfants de cet âge-là lui paraissaient donc particulièrement bête, et en même temps elle n’était pas beaucoup plus intelligente qu’eux… Juste cultivée.

- Papa, tu…

L’homme tenait sa fille par la main, mais son regard était assez distrait. Gaïa Valdor revenait avec son père soi-disant aimant, alors que ses pensées étaient tournées vers sa maîtresse… Enfin, vers la maîtresse, qui était en l’occurrence la personne avec qui il avait une relation extra-conjugale. L’enfant à sa main n’avait aucune idée que si elle partait aussi tard de l’école, c’était pour qu’il puisse fricoter avec Madame Crescelle. D’une certaine manière, cela peinait Lidy, mais c’était aussi tant mieux… Il fallait frapper quand la cible était faible, et ici Gaïa était une cible facile. Elle pourrait l’attirer dans ses serres rapidement, et devenir une amie et une confidente. Il suffisait de trouver le bon créneau…

Ce qu’elle ne manqua pas de faire, une dizaine de minutes plus tard quand la Valdor ressortit dehors, les yeux embués, pour aller s’asseoir sur le banc. Pourquoi papa et maman se crient dessus ? se disait-elle avait une intensité débordante. Elle venait d’assister à une dispute, et ses parents avaient à peine remarqué sa présence pendant ce temps-là. Un « Va dans ta chambre » avait fusé, et quand elle était sortie de la maison, personne n’avait réagi.

- Est-ce que ça va ? Demanda la voix innocente de Lidy qui s’était rapprochée.
- Hein ? Oh… Ça va, fit Gaïa en séchant ses larmes, ne voulant pas montrer sa faiblesse à la Olsen. Je…

Elle ne put s’empêcher de s’effondrer dans les bras de la demoiselle, trouvant une chaleur inespérée. C’était la première étape. Le premier échelon pour que Gaïa s’attache à elle.

Le lendemain matin, la sonnerie des classes fut tout aussi bruyante que d’habitude. Lidy avait du mal à s’y habituer, mais elle rentra dans l’école en suivant les autres élèves de sa classe. Dans les couloirs, elle croisa alors un des garçons de la veille, un qui prêtait trop d’attention à Gaïa. Un chien, se dit-elle avec toute la haine du monde envers la gente masculine, qu’une petite fille de dix ans élevée dans des milieux douteux pouvait connaître. Elle aurait aimé l’embêter, mais il était plus petit… Enfin, elle eut malgré tout une interaction. Alors même qu’elle passait près de lui, un enfant qui s’était mis à courir dans les couloirs la bouscula. Par un effet de propulsion, elle trébucha et tomba directement sur le garçon… Lui provoquant très certainement un rouler bouler, ce qui provoqua de sa part une réaction démesurée :

- Eh, toi ! Dit-elle en se relevant sans faire attention à Fudo. Excuse-toi au moins !

Bam, la répartie, pensa l’autre enfant, ce qui fit immédiatement rougir la Olsen. Pourtant il s’approcha. Cheveux blonds, regard céruléen, sourire de Don Juan, il était typiquement le tombeur de ces dames. Il avait neuf ans, et c’était très certainement un garçon très gentil…

- Tu t’occupes pas de lui ? Ferait-il en pointant celui qui était tombé à terre, Fudo ou un autre si Fudo avait esquivé.
- C’est toi qui devrait t’en occuper, pfff.

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Mer 16 Juin - 12:46


Le diable est une petite fille


Prit de court par l'intervention de Carmelo, Fudo se sentit bête un instant : la main dans le sac ! Il pensait pourtant que personne ne l'aurait vu et, maintenant que l'enfant était sorti de son état de concentration, avait désormais l'impression d'être acculé.

Derrière lui, Fudo découvrit Dodo qui l'harcelait de commentaires détestables. Il pouvait pas s'occuper de ses oignons lui ? Une dispute enfantine, quelques secondes s'écouleraient ainsi, et l'épieur se tournerait en direction de là où était Gaïa.

Celle-ci était partie, à son grand dam, sûrement que ses parents étaient arrivés pour la récupérer entre temps.

Le Zetsu fulminerait intérieurement et bouderait à ses deux frères le temps que sa mère daigne finalement se pointer pour les récupérer.

___

Les cours de lecture, donnés par maître Chuikon, étaient toujours d'un ennui pour Fudo et ses frères. Si Ado cachait sur ses genoux, sous son bureau, un livret de mathématiques de CE2, Dodo lui piquait du nez sans s'en cacher.

De son côté, Fudo frémissait. Il en avait ras-le-bol d'être bloqué dans cette salle, entouré de ces enfants qu'il considérait inférieur : tous là à galérer pour prononcer quelques pauvres syllables, des mots basiques, tout ça pour espérer obtenir une gomette jaune.

Jaune ! Quelle ambition au rabais ! Comment le Zetsu pouvait estimer ces enfants à son niveau ? Lui qui se voyait empiler les vertes avec ses deux frères.

Ces exercices n'étaient pas de son niveau, il surpassait déjà tout le monde et souhaitait simplement sauter des classes... pour avancer rapidement et rendre fière sa mère, certainement, mais peut-être également pour rejoindre la classe de cette fille. Gaïa.

La sonnerie retentit alors, reveillant Dodo, la pause était annoncée : une dizaine de minutes, puis la classe serait passée au cours suivant. Durant cet entrecours, Dodo se leverait à la suite de son frère qui sortit de la pièce pour aller se dégourdir les jambes et voir autre chose.

Ado, lui, absorbé par son livret, resterait bien en place.

Fudo imposait la cadence à son frère, comme un gamin qui partait à la découverte du monde,  lui s'affairait à l'atteinte d'un de ses objectifs : le second étage, celui où la Valtor devait avoir cours !

Il aurait alors pu la voi...

Un corps viendrait à sa rencontre, violemment, l'expulsant de ses pensées rêveuses, l'amenant au sol sans préavis. Fudo n'eut le temps de comprendre quoique ce soit, son cul percuta le sol, son épaule droite suivit le tout.

-Fudo ! Ca va ?

Dodo s'était stoppé net face à la scène, il se baissa au niveau de son frère qui se redressait difficilement, poing rageur en appui, l'autre main massant son épaule.

Le regard ténébreux du garçon fusillait la gamine qui avait vraisemblablement causé sa chute. Celle-ci s'embrouillait déjà avec un autre gars. Le cerveau brouillé du gamin dont la fierté avait été mise à mal ne calculait rien de cet échange.

-Bande d'imbéciles ! Voilà ce que vous êtes ! Des idiots ! Je vais le dire au maître, vous allez voir !

Une menace sans substance, mais nécessaire pour se défouler.


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Sam 26 Juin - 22:50

Le diable est une petite fille [3]


La petite fille entendit la voix du garçon à terre lui grésiller dans les oreilles, comme le bourdonnement insupportable d’un moustique au moment de se coucher. Elle se tourna tout doucement vers lui, accueillant avec un petit sourire en coin sa remarque qui venait briser la dynamique de leur dispute. Fudo venait de se redresser, rageant comme un gamin de six ans… Oh, c’est vrai qu’il était comme ça. Il semblait prêt à en venir aux menaces, aux grognements, mais avait surtout réussi à en venir à des pitreries infantiles.

Alors, il se passa quelque chose, de manière tout à fait naturelle. La demoiselle concentra son attention sur Fudo, lâchant le blondinet qui sembla ne pas apprécier le changement soudain, mais tenta de ne pas protester. Un sourire narquois naquit sur les lèvres de la jeune fille, et de manière à ce que ceux autour d’eux entendent, elle dit avec un « air de grande » :

- Humpf… Gamin.

Soudain, les rires déclenchés autour d’elle furent, de manière exagérée, très prononcés. Elle profiterait de cette situation pour pousser Fudo à élever la voix, en lâchant ses cheveux en arrière et en tirant discrètement la langue… Avant que n’arrivent des adultes de l’école, un maître et une maîtresse qui se questionnaient devant un tel affrontement. L’expression de Lidy changea du tout au tout, et des larmes se formèrent au coin de ses yeux. Se laissant tomber à terre, elle provoqua alors la stupéfaction des autres enfants qui, dans cet état-là, ne pouvaient pas témoigner de ce changement soudain.

- Que se passe-t-il ? Demanda la maîtresse d’une voix sévère en regardant Fudo.

Oh, quelque chose d’intéressant. Elle pensait de Fudo et de ses deux frères des mots pas très éthiques, et ce serait en la faveur de Lidy, puisqu’un à-priori était déjà formé. Le maître, en revanche, était plutôt sans jugement. « Ah, les garçons », pensait-il avec une certaine tendresse au regard de sa propre jeunesse.

- Il… il…, chouina la bleue avec un petit air malheureux. Il m’a traitée… Il…
- Oh, toi,
fit la maîtresse en regardant Fudo sans chercher à entendre sa version. Tu vas voir ! Au poteau !

L’ordre était irrévocable. Le poteau. Ce fameux poteau de la honte qui était servi aux élèves comme une réponse injuste et disproportionnée… Surtout que cela pesait dans le dossier de l’élève une fois qu’il essayait de passer en classe supérieur. Il était déjà arrivé qu’un enfant soit recalé dans son passage pour cause d’un trop grand nombre de fois au poteau, en plus de quelques mauvais résultats. Et le pire dans toute cette situation ? Il l'avait réellement "traitée"... d'imbécile. Les autres enfants ne pourraient donc qu'approuver. Enfin, la cible de Lidy n’était pas les professeurs, c’était celle qu’elle avait aperçu au loin en premier.

Gaïa, le regard posé sur eux, se précipita vers la jeune fille pour l’aider à se relever, bombardant Fudo d’un regard méprisant. Il était une cible, la cible d’une machination, et cette machination s’appelait Lidy Olsen. « Tremble, misérable, pour avoir provoqué mon ire. » se dirait la demoiselle avec un rire diabolique dans sa tête.

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Dim 27 Juin - 12:40


Le diable est une petite fille


Face à cette subite difficulté, les yeux du petit garçon muèrent dans l'ombre de ses paupières. Il balançait un regard acéré vers cette gamine qui venait de lui répondre devant le beau monde qui s'était rassemblé autour de cet évènement. Une classe entière, si ce n'était pas deux, de petits enfants curieux et friands de voir de l'animation. Surtout quand ils auraient pu en débriefer entre eux plus tard, que cela soit pendant un cours en de simples murmures, dans la prochaine récréation dans de grandes esclaffes et puis ailleurs, à l'extérieur de l'école, auprès de leurs parents.

Le premier domino avait fait sa chute. L'effet boule de neige était enclenché.

Face aux rires et la provocation de cette môme arrogante se dressant face à Fudo, le brun se redressa d'un coup, la langue prête à l'assaut. Et, bientôt, un nom d'oiseau la quitterait.

-Idiote !

Le mal était alors fait.

Maître et maîtresse arrivèrent, les pupilles de l'enfant s'écarquilleraient quand il comprendrait le jeu de la bleue aux yeux céruléens. Elle s'était laissée tomber, le faisait porter le chapeau : il en était sûr. Un piège, il était là face au fait accompli, dos au mur, cerclés de rires, de regards méprisants de ses semblables. La maîtresse viendrait lui asséner un coup fatal : des yeux emplis d'un début de haine, plus que de mépris, et la sentence serait irrévocable.

Le poteau.

Ce mot. Ce mot fracassa l'esprit du garçon qui se décomposerait un temps.

Ses frères le regardaient toujours, sans comprendre comment la situation avait pu en arriver là. Fudo aurait cherché leur regard comme assistance, mais il ne put les voir : s'était érigée devant lui une barrière de silhouettes étrangères.

On venait de l'exclure de cette communauté, le dresser en différence.

Puis le coup de grâce lui serait abattu tandis que les pleurs mimées de la garce résonnèrent dans sa tête. La Valtor s'abattit sur lui d'un coup, d'un seul, elle le matait de ses yeux si distants, tout en soutenant la Olsen.

La mécanique de la pensée encore en formation du Zetsu s'arrêta ainsi net. Chaque rouage à l'arrêt, plus un cliquetis pour l'animer. On le convoyait devant tout le monde dans l'aile dédiée à l'administration. Il y serait alors installé, debout dans un coin, regard face au mur, sous la surveillance de l'adjointe au directeur.

C'était donc ça, le poteau.

Clic.

L'engrenage reprendrait peu à peu dans un sanglot, l'enfant mué d'un frisson débutant de ses poings fermés.

Clic.

Qu'était-ce le pire pour lui ? Dans cette situation inédite. Le poteau, il en avait entendu parler. Un possible frein pour passer à la classe supérieure, un obstacle certain et infranchissable pour sauter une classe entière.

Qu'était-ce le pire pour lui ? Le retour chez lui, le soir-même, raccompagné face à sa mère qui lui demanderait pourquoi, pourquoi il n'était pas avec ses deux frères à ce moment-là. Alors, il serait contraint de lui balancer cette vérité. Maman croirait-elle en la vérité ? En la sienne ? Ado et Dodo auraient pu le protéger, mais...

Qu'était-ce le pire pour lui ? Les moqueries quotidiennes auxquelles le Zetsu aurait dû faire face depuis lors. Le regard méprisant de cette maîtresse.

Qu'était-ce le pire pour lui ? Cette réaction de Gaïa, cette image qui avait brisé son esprit. Ce constat affligeant qu'on venait de lui prendre ce qu'il convoitait.

Un mot se formerait petit à petit dans le crâne du garçon. Un mot qui en engendrait mille autres. Une amorce à un tas de sentiments. Une étincelle pour grignoter une mèche si pure et naïve.

Un mot pour générer une révolte interne. Scinder l'esprit de l'enfant en deux, lumière et ombre, laisser son égo prendre le dessus sur son éducation.

Un mot, un seul.

A leurs plissures les phalanges des poings serrés de l'enfant blanchirent.

Injustice.

Le lendemain, oui, il aurait eu sa revanche. Fait justice soi-même.


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Dim 27 Juin - 13:25

Le diable est une petite fille [4]


La sentence s’était abattue, et les pièces bougeaient sur l’échiquier comme la Olsen l’avait prédit. Connaître l’esprit humain, c’était maîtriser le terrain et prédire les mouvements de ses adversaires. Elle s’infiltrait dans cette communauté et prenait le beau rôle, détachée des conséquences de ses actes, avec pour seul objectif de se faire « bien voir » du plus grand nombre. Elle pourrait ainsi agir quand son frère l’aurait décidé. Gaïa était un pion apprécié de ce jeu, une sorte de « Reine » qu’elle devait conquérir. Les autres pions gravitaient autour d’elle comme des planètes autour d’un soleil. En montrant son soutien à Lidy, elle permettait d’attendrir les cœurs… Et de soutenir le projet de la petite fille.

- Est-ce que ça va ? Demanderait Gaïa à la Olsen tandis que celle-ci se relèverait.
- Oui… Oui, ça va mieux… Maintenant que tu es là.

Ses grands yeux se tourneraient vers la jeune fille qui rougirait du compliment, tout en tenant la main de la Olsen. Le maître viendrait voir si tout allait bien, non pas par conviction du métier mais bien par obligation salariale. Il se contenterait de vérifier que Lidy n’était pas blessée avant de lancer une injonction : « En classe. ». La sonnerie retentirait, et l’épisode serait clos pour la journée, apportant une satisfaction spectaculaire à la jeune fille. Elle s’en retournerait à ses occupations, et bientôt la soirée commencerait.

A nouveau, la Valtor sortirait de sa maison pour retrouver la petite fille aux cheveux bleus sur le banc. Elles parleraient joyeusement de tout et de rien, et pendant quelques instants, quelques instants précieux… Elle oublierait sa mission, elle oublierait qu’elle n’était pas une personne comme les autres. Elle éteindrait sa lecture de pensée, et sourirait comme une enfant.

Alors, elle rentrerait alors à la maison, et retrouverait son frère, attablé. Il avait l’air enjoué, mais elle était encore plongée dans son idylle et avait oublié d’activer son pouvoir. S’approchant de sa sœur, Michael lui ébourifferait les cheveux avec énergie, avant de dire sur un ton confiant :

- Bravo… Tu as compris ta mission toute seule on dirait. Je pensais te ménager, attendre que tu sois investie mais…
- Comment ça ?
Demanderait-elle en se demandant d’où venait cette fierté.
- Ma cible va être confuse par ce que tu as fait aujourd’hui. Et la mission qu’on lui a confié… Elle ne va pas se dérouler pour le mieux.
- Je… je ne comprends pas.


Elle activa alors son pouvoir, lisant les pensées de son frère. Elle le voyait, assis à la terrasse d’un café, tenant la main du maître de la classe d’à côté. Elle le voyait lui faire du charme, et elle eut un petit haut le cœur quand elle le vit visualiser leur baiser. C’était lui qui donnait les informations sur Lidy, apparemment, même s’il n’avait pas conscience qu’elle était la sœur de Michael.

- Oh, tu sais, petite-sœur… Ma cible, c’est le père du garçon que tu as fait mettre au poteau. C’est le père de ce « Fudo ». Je veux que tu continues. N’oublie pas, plus il y aura de problèmes à l’école… Plus on lui reprochera l’éducation et de ses enfants, et moins il pourra se concentrer sur la mission qu’on lui a donné.

C’était une théorie possible, même si de nombreuses failles pouvaient être visibles. Cependant, Lidy ne retenait qu’une seule chose : elle avait réussi rendre son frère heureux. Elle continuerait, quitte à détruire totalement l’esprit de ce gamin. Et elle ne s’arrêterait pas là…

Sur le chemin de l’école, elle retrouva Gaïa. Celle-ci était à la fois son armure, et sa compagne. Les deux jeunes filles rigolèrent quand le blondinet au regard céruléen les interpella soudain. Il avait l’air gonflé comme un coq, les épaules hautes. Dans sa main, un petit paquet de pétard trônait comme une arme de destruction massive, qui pouvait renverser l’école.

- J’ai chopé ça chez mon père, ça vous intéresse ?
- Ne le montre pas à tout le monde,
fit Lidy en écarquillant les yeux. Et… Hum, j’ai une idée.

Aujourd’hui était le premier jour des examens. La journée promettait d’être riche en rebondissements.

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Lun 28 Juin - 12:18


Le diable est une petite fille


La sonnerie avait retentie depuis un moment déjà, ce soir-là, marquant la fin du calvaire traversé par Fudo. Pour autant, l'enfant ne fit montre d'aucun soulagement lorsque la secrétaire du directeur le cueillit du coin pour le raccompagner jusqu'à la sortie de l'école.

Aucun soulagement, oui, le stress montait au contraire : la fin d'un calvaire signifiait bien souvent le début d'un autre. Pire. Et c'était dans ce cas-là que le môme se trouvait, il allait faire face à un véritable démon.

Sa mère.

Lorsque son pied passerait le portique, les yeux du libéré s'ouvrirent en grand tandis que ses fesses se serrèrent d'un coup. Un réflexe que tout humain avait face à une subite menace. Sa crinière de jais s'hérisserait presque d'elle-même tandis que l'atmosphère s'abattit sur lui.

L'air était brûlant et suffocant. Le Soleil jouait encore les prolongations, ses rayons tombant sur la silhouette lui faisant face, faisant briller sa peau blanche de mille feux.

-Fudo !

Cette voix sévère et cristalline agressa l'esprit de la proie, puis le diable s'avancerait en sa direction, traînant Dodo et Ado dans son sillage. L'air au contact avec cette femme s'élevait en vagues ondulantes et, bientôt, les poignards d'émeraudes terrés derrière les meurtrières qu'étaient ses yeux seraient en mesure de déchiqueter Fudo.

Elle était là,"Maman".

-Dodo m'a dit ce qu'il s'était passé, c'est quoi cette histoire ?!

Son regard s'était dirigé vers la secretaire, la prenant au dépourvu, tandis que la mère lui arracherait son fils de ses griffes démoniaques.

Dos au mur face à cette cocotte minute de violence, la jeune femme ne saurait quoi répondre à cette mère de famille. C'était la première fois qu'elle la voyait et elle espérait déjà ne plus jamais avoir à faire à elle. Quelques bégaïements la sauvèrent, le démon repartant avec ses trois rejetons. Une once d'empathie irait assaillir le cerveau de la secrétaire : quelle soirée attendait le pauvre Zetsu ?

Une fois la famille Zetsu de retour à la maison, contre toute attente, la cheffe demeura silencieuse, bazardant ses enfants dans leurs chambres pour qu'ils puissent travailler. Après tout leurs examens commenceraient le lendemain : Fudo se disait là qu'il serait épargné, sauvé par cette échéance.

Que nenni.

Le repas serait son jugement dernier. Il le comprit en une phrase crachée par sa mère.

-On va tirer ça au clair en fin de semaine. T'as intérêt à réussir demain.

-Mais maman, j'ai rien fait ! C'est l'autre gar...

-Assez ! N'aggrave pas ton cas.

Les dents du petit grincèrent d'un crissement, aucune assistance ne lui était donnée ici : pas même de ses frères qui étaient trop apeurés par le démon. Sa famille ne le soutenait pas, cette pimbêche bleue l'avait mis dans de beaux draps et avait porté atteinte à sa vie toute entière.

Il se faisait gueuler dessus par sa mère qui d'habitude le chouchoutait pour ses bonnes notes. Il venait de perdre Gaïa, bien qu'il n'avait jamais rien entrepris à son égard... Toute sa vie, tout ce petit monde, on venait de le bazarder dans une autre dimension de laquelle il était... pire qu'étranger, une anomalie !

Cette gamine, qu'importait qui elle était, elle allait payer.

L'enfant découperait son andouillette tout en contemplant la lame aux dents arrondies avec laquelle il s'acharnait sur la viande.

Elle allait le payer...

La nuit portait conseil, disait-on, la sienne laisserait place à sa malice.
Carte blanche pour prendre forme.

___

Le lendemain, l'école entière était en effervesence. Les salles avaient été préparées la veille au soir pour que tout soit en place : sur la porte de chaque pièce se trouvait deux feuilles scotchées. Une présentait une lettre et un numéro, servant à situer l'endroit, l'autre listait les écoliers par ordre alphabétique. Entre dix et quinze enfants par salle.

Durant cette période d'examens, seraient mélangés l'ensemble des enfants peu importait leur classe. CP, CE1, CE2 et CM seraient ainsi regroupés : l'objectif étant de faire passer les examens dans un cadre strict comme les futurs étudiants auraient connu dans la suite de leurs cursus. Fini les contrôles en classe où l'on pouvait se rassurer d'un regard auprès de ses camarades, bonjour le lieu froid où chacun composait pour soi.

Par chance pour Fudo, les Zetsu seraient dans la même pièce. Sur le chemin de l'école, il jubilait en appréhendant quelque peu : Gaïa aurait été dans sa pièce, les noms commençant par une lettre de la fin de l'alphabet étant rares. Cela jouait en sa faveur.

Il se demandait alors, son petit plan en tête, comment se nommait l'autre garce ?
Grandes étaient les chances qu'elle ne soit pas dans sa salle ! Quel bien ça lui aurait fait.


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Sam 3 Juil - 23:49

Le diable est une petite fille [5]


Que pouvait bien faire une petite fille de dix ans dans une école qui passait des examens ? Elle devait bien sûr réaliser les examens avec ses camarades. Cela étant, la Olsen était d’une rare « intelligence » pour son âge. Régurgiter du savoir sur une copie lui prenait le temps de la rédaction, et grâce à sa lecture rapide elle était capable de gagner encore quelques précieuses minutes, et doubler tous ceux qui essayeraient de se mettre devant elle. Mais Lidy n’était pas en train de chercher à être la meilleure du classement. Elle le serait par absence de compétition… Et là encore, ce n’était de toutes les manières qu’une victoire insignifiante puisqu’elle quitterait l’île d’ici peu de temps.

Ainsi quelques minutes passèrent alors qu’elle se trouvait dans une salle à proximité de celle où était entrée Gaïa. Et quand l’examen eut commencé, la jeune fille croisa les bras et ne prit pas la peine de commencer à écrire… Car l’alarme incendie s’enclencha immédiatement, après un bruit de pétard qui résonnait dans l’école. Des cris de protestations s’élevèrent, autant parmi les enseignants qui se plaignaient de devoir ressortir des sujets de secours, que des élèves qui avaient trouvé les différents énoncés assez faciles.

Lidy se leva, et commença à sortir dans le couloir, observant d’un côté Fudo Zetsu qui devait bien se demander ce qu’il se passait. Ils furent bientôt tous emmenés dans la cour de récréation, et la petite fille aux cheveux bleus s’étira en faisant un signe de la main à une Gaïa dont la mine était pensive.

Soudain, sur l’estrade qui servait à faire les discours, le gardien de l’école s’avança avec un regard dubitatif. Il venait d’inspecter l’école, et de toute évidence il avait trouvé d’où venait le problème. Les yeux de Gaïa autant que ceux du blondinet au regard céruléen s’écarquillèrent, et ils les dirigèrent vers la petite maîtresse des ombres. Le cadavre d’un pétard était positionné dans les mains abimées de l’homme qui avait passé sa vie à arpenter les couloirs de ce lieu, ou du moins sa carrière.

- Un pétard a été retrouvé dans le casier de l’un d’entre vous. Je laisse à cet impertinent le soin de se dénoncer, grommela le vieil homme.

Les casiers. Des casiers à code qui étaient personnalisés chaque année par chaque élève, impossible de le connaître. La discrétion était assurée par les enseignants qui avaient cependant un code de secours, un système ingénieux qui ne permettait que deux coupables : et comme aucun adulte ne se mettrait ici en scène, c’était en réalité un seul coupable.

- Viens donc ici… Fudo Zetsu.

Le nom tomberait, et les regards se tourneraient vers le garçon qui était à nouveau mis sous le feu des projecteurs. Ce dont on l’accusait était grave : les pétards étaient dans son casier, et avaient déclenché l’alarme incendie, empêchant les examens de se dérouler normalement. S’il ne trouvait pas une défense solide, il ne risquait pas d’y avoir de seconde chance pour lui : il ne pourrait pas passer les contrôles, et verrait donc sa note se trouver à… Zéro. En plus de devoir faire venir ses parents, ce qui était de toute évidence un point auquel il n’échapperait pas.

Le regard de Lidy était amusé devant cette situation, et elle eut un sourire mesquin, avant de tenter de reprendre sa contenance. Gaïa, elle, semblait plus qu’interloquée mais se dit que ce n’était pas possible que la bleue ait fait cela. Le gamin céruléen, en revanche, regrettait de ne pas avoir eu l’idée à sa place, comme s’il était attaché au fait de faire les meilleures vacheries. Et dans ce brouhaha, une seule personne attirait l’attention de tous : Fudo. Et pas de la manière dont il aurait sûrement espéré l’obtenir.

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Dim 4 Juil - 19:10


Le diable est une petite fille


Le contrôle avait commencé depuis une dizaine de minutes déjà et des différences notables se constataient entre chacun des membres de la triplette Zetsu. Le pion de la pièce laissait son regard rouler sur chacune des têtes brunes, Ado était le plus rigoureux et semblait absorbé par sa copie. Il détaillait méthodiquement la feuille de l'énoncé très basique et s'affairait déjà à organiser des feuilles de brouillon ci et là sur sa table. Du brouillon pour une épreuve de CP ? Ce gamin devait bien être précoce se disait le bonhomme.

De l'autre côté, Dodo somnolait presque sur le papier déjà froissé qu'on venait de lui distribuer. Il fonctionnait comme ça, une manière de gérer le stress et la pression sur ses épaules : s'en dédouaner dès le début en faisant une sieste puis tout gérer dans l'immédiat en se réveillant au presque dernier moment. C'était que le bambin savait déjà comment s'auto-manipuler, il avait identifié la carotte susceptible de le faire avancer de façon optimale : la pression de la dernière minute. Un pari qu'il prenait, étant donné que Dodo n'avait prévu de réveil. Allait-il se réveiller ou allait-il tout bonnement rendre copie blanche, faute d'avoir dormi durant toute l'heure ?

Enfin, le surveillant découvrit une énergie incontrôlée qui vous sautait à la gueule d'un seul regard, un regard plein de mépris et de rage. Le cerveau en ébulition de Fudo laissait l'ensemble du flux de ses pensées transparaître au travers de ses deux sombres mirettes. Il disséquait la pièce en long et large, parfois dévorant la silhouette de la Valtor, assisse non loin devant lui. En ce jour le contrôle était le cadet de ses soucis : il avait même déjà mentalement fini l'exercice proposé, ne lui suffissait plus que rédiger sa pensée. Non, Fudo n'était pas là en ce jour pour s'occuper de ce fichu contrôle, une autre ambition l'animait. Plus funeste et basse. La vengeance.

C'était à ce moment que l'alarme incendie retentit. Tirant le vil hors de ses noirceurs naissantes.

-Hein ? Il... il... il est déjà l'heure ? Mais je...

Dodo, un filet de bave sur le menton, peinait à retrouver ses esprits et se resituer dans le contexte présent. Il ne put voir que le visage froissé du pion perturbé par la sonnerie retentissante, celui-ci ne tarda pas à suivre la procédure en demandant à chacun de quitter la pièce en rang et dans le plus grand des calmes. Rassemblement dans la cour.

___


-Mais non...

Les deux mots avaient été énoncés publiquement devant l'ensemble du personnel et des écoliers. Dodo laissa sa stupeur lui échapper tandis qu'Ado tombait des nues en posant son regard sur le dernier du trio.

Fudo Zetsu.

Prénom, nom. Une sentence, plus que ça, une convocation.

Un heurt violent et soudain dans le crâne de l'enfant, accusé contre toute attente, plongé dans un K.O mental d'incompréhension.

-Moi... ?

S'interrogerait-il, pointant sa poitrine de son index frémissant. Ses sourcils s'arc-boutèrent tandis qu'il fusillait  le vioc qui venait de l'appeler.

Des murmures s'élevèrent tout autour de lui, son corps de mettrait bientôt à le démanger, piqué à vif par l'ensemble des regards portés sur lui.

Jugement. Mépris. Rejet.

Nul soutien, si ce n'était l'incompréhension de ses frères, pour le porter.

-Mais... je n'ai jamais... jamais !

Des pétards ? Dans son casier ?

Un cliquetis actionnerait le raisonnement du piégé. Il s'agissait-là d'une erreur, même pire, un complot ? Comment pouvait-on avoir trouvé un objet dans le casier qui lui avait été assigné alors même qu'il ne l'avait jamais ouvert ?

Pour y mettre quoi ? Des livres ? Des cahiers ?

Non.

Fudo n'était pas de ce genre à se reposer sur son casier. Il n'avait pas besoin de cet ordre dans sa vie : sa mère faisait tout à la maison pour optimiser sa vie scolaire, en aucun cas il n'utilisa ce casier.

-Monsieur... c'est une err...

Assez. Le gardien avait assez attendu et commençait à s'impatienter. Il laissait le tout monter et exploser à la gueule du gosse qu'il rappelait à l'ordre et convoquait à ses côtés.

Fudo n'eut de choix à se résoudre, les épaules basses, le chef dépité, laissant un dernier regard parcourir le troupeau l'entourant.

Un éclair bleu vint foudroyer son crâne, celui-ci était apparu aux côtés de la Valtor.

Cette fille.

Cette garce.

Les lèvres de Fudo frémirent un temps, tandis que sa haine grandissait en lui.

Puis le tout explosa lorsque la gamine lui offrit un sourire mesquin en retour.

Tout devint clair.

Elle.

-Toi !

La trajectoire du môme fut subitement déviée par un pas spontané en direction de la Olsen. Cette gamine, il en était sûr, ce sourire, c'était là la réponse à toutes ses interrogations ! Hier elle l'avait humilié publiquement, lui faisant porter le chapeau, et, aujourd'hui, elle venait de le piéger, d'une façon ou d'une autre.

Cette petite peste, oui, il ne l'avait jamais vue auparavant. Et depuis qu'elle était rentrée dans sa vie, tout s'était empiré !

C'était elle. C'était certain !

-Dis lui que c'est toi !

L'enfant se rapprochait à grand pas de Lidy, ignorant complètement la Valtor à ses côtés, il s'approchait dangeureusement d'elle, les griffes toutes sorties. Son index la pointait tandis que sa langue se déliait de plus en plus.

-C'est de ta faute ! Déjà hier ! Espèc...

La main du gardien vint saisir le poignet du gamin excité et condamné par sa haine, son regard se dilata avant de se brouiller. Son bras fut rabaissé d'un coup avant d'être tiré par le responsable des lieux. Il serait sorti hors de l'attroupement d'élèves.

-Qu'est-ce que vous faites ? Hey !

L'enfant tentait de se débattre du mieux qu'il pouvait, mais la force du gardien était trop importante. Ses yeux d'ébènes fusillèrent la Olsen avec rage, il voulait la faire disparaître. Annuler son existence toute entière.

-Vous faites une erreur ! J'vous dis que c'est elle ! J'ai... j'ai... j'ai jamais eu de truc de ce genre chez moi, encore moins dans ce foutu casie...


Un bruit métallique sonna alors son dernier glas. Ses petites jambes qui s'excitaient depuis tout ce temps, tentant de se débattre tant bien que mal, venaient de trahir l'enfant. Le couteau enfantin qu'il avait ramené de chez lui venait de tomber de sa poche arrière. C'était là un petit couteau, la lame d'environ cinq centimètres de long, métallique, aux dents rondes, le pommeau en un plastique jaune translucide.

Les yeux du môme s'écarquillèrent en grand face au spectacle, comme s'ils allaient se déloger de leurs orbites.

S'il ne paraissait aucunement dangeureux, la symbolique était bien présente.

Elle condamnait Fudo de façon irrévocable, personne ne pouvait plus le défendre.


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Dim 4 Juil - 20:23

Le diable est une petite fille [6]


- Qu’est-ce que cela veut dire ?

Le regard de tous était dirigé vers le couteau au sol, mais celui de Lidy restait figé sur le visage tordu successivement par la colère puis la stupeur de ce jeune garçon. Elle ne pouvait pas souhaiter meilleur déroulement. Un doigt passa sur ses lèvres, tandis qu’elle jugeait méthodiquement l’ensemble de la situation, essayant de ne pas se laisser emporter par cette victoire. Il fallait qu’elle-même mimique la surprise, l’étonnement… Mais il n’en était rien. Finalement, son regard se tourna vers Gaïa dont les pensées déferlèrent dans son esprit. Elle, comme le Zetsu, avaient compris qui était derrière cette mascarade.

C’était Lidy, la petite fille à la chevelure bleutée, la petite fille au regard animé par les intrigues. Elle avait manigancé, créé des preuves, et à présent elle était l’archétype même de l’incarnation juvénile du diable. Oh, oui, il n’y avait pas de doute : « Le diable est une petite fille. ». Cette pensée traversa subtilement l’esprit du garçon aux yeux céruléen, qui s’était avancé en direction de Lidy et avait inévitablement attiré son regard.

- Est-ce que vous allez bien, jeune fille ? Demanda un des professeurs qui venait d’arriver.

La Olsen fit mine de mettre du temps à réaliser qu’on lui parlait, comme si elle était stupéfaite, tandis que le Zetsu était tiré sans ménagement vers le bureau du Principal. C’était une condamnation, le Gardien allait demander son exclusion définitive. Il n’aurait cependant pas gain de cause, elle en était persuadée, mais une chose était certaine : la scolarité de CP de Fudo était ruinée. Il l’avait bien cherché, ça lui remettrait les pieds à terre. Lidy, après avoir marmonné quelque chose pour l'enseignant s'éloigne, se retourna finalement vers Gaïa et celle-ci soupira.

- Tu sais ce qu’il s’est passé ?
- Et bien, j’imagine qu’il a mal rangé ses jouets.


Le doute. Elle ne pouvait pas lui donner de réponse affirmée, sans quoi elle deviendrait une complice, et ce serait peut-être trop à supporter. Une trentaine de minutes plus tard, le père de Fudo arriva dans les lieux, paniqué, suivi par la mère de famille qui semblait particulièrement énervée. Pendant ce temps-là, Lidy avait réussi à esquiver les deux frères de sa victime, mais s’ils commençaient à trop la chercher elle ferait en sorte de leur faire bouffer la poussière. Après tout, à défaut d’être beaucoup plus mature, elle avait plus de force physique qu’eux.

Après le départ des professeurs, elle fut finalement amenée vers la sortie. Les remontrances du Zetsu devaient s’être terminées. A vrai dire, la punition que Lidy lut dans l’esprit d’un des personnels était assez légère : une semaine d’exclusion complète sur la semaine des examens, et l’impossibilité de passer les rattrapages. Ce qui signifiait le redoublement. Lui redoublerait, et pas ses frères. Il allait sûrement l’avoir mauvaise.

Le soir venu, Lidy rentra chez elle, observant son frère qui était rentré avec du sang sur le visage.

- Pas le mien, avait-il précisé sans que cela inquiète la jeune fille.

Elle acquiesça et le laissa aller prendre une douche. Lorsqu’il revint, une serviette pour se couvrir en bas et les cheveux encore trempés, Lidy le regarda avec indifférence. Il se demanda si elle n’était pas lesbienne : « Elle pourrait au moins rougir. » pensa-t-il, et le regard dégoûté de sa sœur lui fit hausser un sourcil de surprise.

- Bien joué pour aujourd’hui. Tu retournes pendant deux semaines à l’école, et après on dégage.
- Je n’ai plus à détruire Fudo ?
- C’est le nom du gamin ? Fais ce que tu veux. N’attire juste pas trop l’attention.
- C’est compris.


Elle se dirigea dans sa chambre et alla dormir. Le lendemain matin, le père Zetsu serait appelé à la base pour une série de remontrances, ce qui le conduirait plus tard sûrement au bar pour oublier. Lidy, elle, se contenta d’esquiver les deux frères qui étaient en train de tenter de la trouver pour qu’elle confesse des crimes dont ils la croyaient coupable, mais les séances d’examens reprenaient de plus belle, et l’intensité des sessions épuisaient.

Alors, à la fin des contrôles, arriverait le fameux jour. Celui où Fudo reviendrait à l’école.

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Lun 5 Juil - 11:24


Le diable est une petite fille


Le Directeur de l'école, Monsieur Vondaire, avait été mis au courant de l'affaire lorsque le môme eut été amené dans son bureau. Une trentaine de minutes avait suffi aux deux parents pour qu'ils rejoignent leur progéniture et que son jugement puisse commencer.

La mère de Fudo était tombée des nues en apprenant ce dont l'enfant avait été accusé, mais également pour le petit couteau qu'il avait ramené de chez eux. Son bébé lui parut alors méconnaissable, comment avait-il pu dériver autant ? Si l'accussation du casier lui paraissait étrange car la cheffe de famille savait bien qu'en aucun cas son enfant allait utiliser tel objet, le fait que Fudo avait sur lui ce couteau enflait le moindre doute sur ce qu'il était capable de faire. Bien éduqué ou non.

-Tu me deçois, comment peux-tu..

Des paroles sèches et perçantes qui heurtèrent l'enfant de plein fouet. Cependant, la matriarche jouait également l'actrice : hors de question que l'un de ses fils ne ratent une partie de ses études, quand bien même il s'agissait de la classe de CP. Cela lui était intolérable et rien que cette finalité ait été envisagée par le directeur lui donnait envie de gerber.

D'un autre côté, droit derrière son fils, se tenait Jiro Zetsu. Un colonel de la marine qui venait de faire le trajet pour répondre à l'alarme qu'avait sonnée sa femme la veille. Son rejeton semblait perturbé en ce moment et pour sûr, il venait de commettre une faute grave. Cependant, pour Jiro, tout homme était amené à un moment ou à un autre à faire un pas de travers. Son gosse était juste précoce, voilà ce qu'il se disait.

La main du colonel se poserait sur la nuque de Fudo, ce dernier assis sur une chaise plantée devant le bureau de Vondaire, il regardait ses deux mains tremblantes posées sur ses genoux. La honte muselait la rage du gamin, quelques larmes de colères s'écrasaient de temps en temps sur le dos de ses mains tandis que les grands discutaient de son sort, l'excluant complètement de la scène.

C'était bien la première fois que ce sentiment naissait en Fudo : celui d'être présent dans ce monde tout en étant rejeté et ignoré. On ne voulait ni le voir ni l'entendre, c'était là une anomalie que l'on souhaitait exiler.

Un exil de une semaine qui lui ferait perdre son avancée et ruinerait les rêves de perfection scolaire de sa mère.

Si Jiro essaierait de négocier avec Vondaire pour rendre le redoublement facultatif, au moyen d'un stage de sensibilisation précoce chez la marine, le directeur n'était en rien convaincu : peut-être cela aurait été envisageable, oui, peut-être. Pour l'heure, Vondaire n'avait pas que ça à faire de donner sa chance à un pareil gamin et à ce parent qui semblait irresponsable, incapable d'expliquer ni même de comprendre les actions de son enfant.

La soirée et semaine serait longue pour Fudo, il ruminerait son mal dans un silence sépulcral. Ses frères tenteraient bien des fois, en rentrant de leurs journées de contrôles, de lui remonter le moral et lui faire part des différents sujets qu'ils eurent. Rien ne pouvait consoler le petit Zetsu, perdu dans une brume épaisse d'incertitude.

Sa vie avait été si facilement mise sur le bas côté. D'un protagoniste prometteur, il était devenu un paria qu'on désirait effacer.

Tout ça, tout ça à cause d'une gamine mesquine et sournoise. Une peste dont il ne savait rien, mais qui, pour sûr, avait choisi de le descendre en publique.

Ce monde était injuste.

Jiro était resté aux côtés de son fils pendant trois jours afin de le garder et de lui inculquer quelques valeurs. Essayer de recadrer le tir tandis que sa mère s'attelait au travail après avoir déposé ses deux autres enfants à l'école le matin.

La relation entre Fudo et Jiro était certe ténue, de part l'absence du père, justifiée par son travail, le paternel pensait encore avoir du poids pour cet enfant en formation. Pour pareil cas, Jiro pensa à une chose pour essayer de recadrer son fils. Plutôt que de lui filer un poisson, il lui donnerait une canne à pêche.

Ce monde était injuste, oui, et lui colonel pouvait en témoigner. Mais dans ce monde, il était bien difficile de savoir ce qui était bien ou non, bon et mauvais. Cela rendant la justice difficile à mettre en oeuvre : il ne s'agissait pas de lignes que l'on mettait en application sans considérer les cas indépendamment les uns des autres. Ce n'était pas ça la justice pour Jiro, non, il s'agissait de comprendre l'accusé et de voir les faits au travers de son propre prisme. Comprendre pour juger des actes justifiés et non pas condamner des actes tirés hors d'un contexte.

Puis vint la lumière aux ténèbres de Fudo. Le geste ultime d'un père à son fils : un lègue. Un bouquin tiré de faits réels, un livre racontant l'histoire d'un hors-la-loi dont l'activité avait été condamné bien que celle-ci était nécessaire pour la survie économique de beaucoup.

Jiro aurait espéré que son fils daigne comprendre ce livre de la façon souhaitée.
C'était là la grave erreur du Zetsu. Ce livre constituait le gouffre dans lequel Fudo souhaitait se jeter corps et âme, la soupape libératrice à ses maux et incompréhensions du moment.

On lui avait donné une canne à pêche, oui, mais ne lui avait pas montré comment s'en servir.

Cet esprit scindé en deux, entre pragmatisme et ego, entre rêves et pulsions, entre désirs de posséders ou de détruire, venait de trouver sa génèse.

Un autre Fudo verrait ainsi le jour en même temps que cette passion pour le monde dépeint et parcouru par le héros de ce bouquin.

L'Underground.

___

Les cigalles chantaient ce lundi matin, elles accueillaient des écoliers tout sourire de se retrouver devant leur école, maintenant que les contrôles étaient du passé. Certains jouaient entre eux en chahutant candidement, d'autres calinaient leurs parents avant leur départ en classe.

Trois mômes semblaient se détacher de toute cette ambiance, Ado, Dodo et Fudo. Les deux premiers avaient tenté de remonter le moral de leur frère pendant tout le week-end, le faisant relativiser : papa négociait toujours avec le directeur pour amoindrir sa peine, passer outre le redoublement via un stage à la marine. Cela lui aurait ruiné ses petites vacances estivales, mais au moins il aurait évité de perdre une année. Et puis, si cela ne passait pas, il aurait toujours  pu sauter une classe pour rattraper ses frères : une motivation qui pourrait stimuler Fudo, montrer à tous que malgré sa chute il était toujours là, en état de surclasser tout le monde pour atteindre les sommets.

Mais non, rien n'était. Fudo semblait désinteressé de la situation, il avait juste un bouquin à la main, dont le titre était gravé sur la pochette épaisse de l'oeuvre : Dig Into The Underground.

L'enfant était complètement hermétique, ses yeux se baladaient sur les gens lui faisant face, cependant il percevait la distance séparant leurs vies et la sienne. Leurs esprits du sien.

Ce n'était pas un sbire. Pas un quidam. Fudo n'était pas comme eux, il se le refusait et s'éleverait.

C'était là la différence, entre ceux qui subissent et ceux qui dirigent.

Non.

Plus que diriger, règner.


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Lidy Olsen
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Lun 5 Juil - 20:06

Le diable est une petite fille [7]


Elle n’avait pas prévu de le martyriser. Elle savait qu’il reviendrait ce jour, les pensées des autres étant trop diffuses pour ne pas être au courant. Après cette semaine d’examens où elle n’avait pas cherché à se classer première du classement, il arriverait pourtant un « classement généralisé en pourcentage de réussite » des enfants. Loin de se surnommer Olsen pour les besoins de la mission, l’intelligente gamine voyait son prénom et son nom factice trônés au-dessus des autres. En plus de l’avoir humilié, elle avait surpassé les deux frères Zetsu qui étaient respectivement classés dans les dix premiers. Pourtant, son regard désintéressé prouvait qu’elle avait terminé sa mission. Gaïa s’était approchée pour la féliciter, et elle avait souri de manière innocente, ayant profité de la semaine pour aider sa jeune amie à réviser, et surtout lui apporter un peu de réconfort.

- Il est là, chuchota Gaïa.

Elle ne le pointa pas du doigt, mais Lidy suivit les pensées pour arriver à ce garçon. Elle fronça les sourcils, et se mordit la lèvre en observant le désordre ordonné qui régnait dans l’esprit de cette personne… Elle doutait qu’il puisse un jour se hisser au sommet, cependant ses ambitions immédiates étaient un peu étranges. Et tandis qu’elle voyait ce « Roi Fou » s’élever dans cet esprit conscientisant, son regard s’en décrocha et elle prit la main de Gaïa pour sortir. Pendant quelques minutes, elles se tirent la main avec une certaine tendresse enfantine, avant de se poser sur un banc dehors.

- C’est bientôt l’heure, marmonna gênée la jeune fille rougissant.
- Je sais… Gaïa, il y a quelque chose que…
- Lidy ! Gaïa !


Le troisième membre de leur bande venait de débarquer avec un enjouement certain. Elle le lorgna avant de froncer les sourcils. Le garçon aux yeux céruléens. Elle se tourna vers la Valdor qui semblait encore attendre la fin de la phrase de la bleue, essayant de l’inviter à s’exprimer à travers divers indices visuels. Finalement, la demoiselle soupira et se leva, avant de tourner les talons. Elle voulait annoncer à Gaïa que son départ avait été précipité, qu’elle partait ce soir. Cependant, elle ne pouvait s’y résoudre.

Lidy s’évaporerait comme elle était apparue : dans un silence assourdissant. Ce n’était que son passage qui avait provoqué un certain bruit. Prenant part aux cours de la journée, elle s’installa à sa chaise comme d’habitude et divagua. Pendant le début de l’après-midi, juste avant la fin de la pause déjeuner, elle serait prise à part par le Directeur et passerait devant la classe des CP, un air sérieux et trop adulte dans son regard pour être considérée comme une enfant.

- Tu vas donc quitter l’école.
- Oui, Monsieur.
- Tu sais où tu vas aller ?
- Non, pas encore monsieur. Mon frère déménage.


Elle s’arrêterait là. Il était au moins au courant qu’elle n’avait de parents. Comment une petite fille sans parents pouvait mieux tourner qu’un garçon avec ? C’était décidément pitoyable.

- Tu as quelque chose à me dire avant de partir ?

Elle hésita quelques secondes, et il le vit. Il avait ses suspicions, depuis l’incident, cependant il n’était pas prêt à investiguer. C’était la parole de Lidy qui pouvait sauver Fudo Zetsu des abysses, lui redonner son statut d’avant. Elle avait levé le regard, s’était frotté le menton, avait réellement réfléchi. Puis sur une voix définitive, avait répondu :

- Non.

Le directeur opina du chef avant de poursuivre. Elle serait amenée à présenter son départ devant sa classe, ce qu’elle ne ferait pas par manque de temps. Finalement, l’heure de la sortie sonna, et tous les élèves furent invités à partir. Lidy passa une ultime fois devant le garçon qu’elle avait martyrisé sans lui accorder d’importance. L’ignorance est après tout le meilleur des mépris.

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Lidy Olsen
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Mar 6 Juil - 10:36


Le diable est une petite fille


La matinée s’était déroulée sans accroc pour Fudo. Bien que certains écoliers, maîtres et pions pouvaient lui lancer des regards méprisants de temps à autre, l’enfant avait réussi à canaliser sa haine latente en une forme d’énergie motrice qui lui permettrait d’aller de l’avant. C’était que comme tout enfant, son esprit ne s’arrêtait jamais de tourner. Il était ainsi ouvert à toute nouvelle expérience pour absorber un maximum de choses, pareil à une éponge. En résultait un apprentissage rapide, propulsé par une chose que le Zetsu venait de découvrir la semaine passée : plus qu’une ambition, une passion. Une passion pour un monde qu’il venait de découvrir, un qui le stimulait plus que celui dans lequel le gamin avait évolué jusqu’alors et était condamné à grandir dedans pour plusieurs années encore.

La frustration qu’il avait connu la dernière fois, dans le bureau de Vondaire, celle d’exister dans un monde tout en y étant ignoré et rejeté, poussa l’enfant à trouver conseils. Non pas sa mère, non pas son père : des hors-la-loi. Tout se trouvait dans ce livre qu’on lui avait apporté, comme s’il s’agissait-là d’une bible le gamin lirait son histoire et en tirait des leçons pour avancer. La véritable école, un retour d’expérience face à la malice des humains, plutôt que cette fichue école primaire cadrée par des personnes n’ayant jamais rien vécu de trépidant dans leur vie. Préférant voir le bout de leur nez plutôt que de s’élever au-dessus de la masse et achever des ambitions à la hauteur de leur ego d’antan, celui que chaque enfant possédait avant de se faire diminuer par des maîtres et figures parentales limitantes.

Aussi, Fudo semblait parfaitement détaché de son sort, son esprit happé par cette nouvelle passion. Son père se chargeait toujours de négocier avec Vondaire afin d’éviter ce redoublement, il obtiendrait certainement gain de cause à terme, en proposant notamment des stages pour d’autres écoliers qui seraient intéressés par l’expérience. C’était que Jiro Zetsu avait compris ce qui stimulait Vondaire : la reconnaissance d’autrui. Et si son établissement proposait ce genre d’expérience insolite, pour sûr que le nom de son école aurait figuré dans la presse de Diminuto, cerclé d’éloges.

Un évènement vint cependant menacer l’accalmie dans laquelle le futur criminel était bercé depuis son retour. Ses yeux avaient croisé la silhouette de cette gamine qui avait causé sa descente aux enfers plusieurs jours auparavant. Elle semblait sur le point de quitter les lieux, tandis que les autres enfants jouaient entre eux pour se récréer. Fudo se détacha ainsi de la masse, quittant ses deux frères, pour se diriger, son livre sous le coude, vers la Olsen. Ses sourcils s’étaient légèrement froncés, cependant une ligne directrice lui dictait sa conduite intérieurement.

Dans la vie rien n’était immobile. Pour s’adapter aux circonstances et évoluer, il fallait posséder l’esprit libre. Une bataille passée restait un danger, même si l’on en était sorti vainqueur. Celle-ci étant encore fraîche dans l’esprit, on aurait une facilité à s’enorgueillir et se reposer sur ses lauriers, usant toujours du même stratagème qui nous avait fait gagner une fois. En cas de défaite, nous étions généralement indécis, nerveux et frustrés : il fallait alors se détacher, bien difficilement et au prix de son orgueil, de cet affront pour prendre le recul nécessaire. Effacer l’aspect néfaste de cette expérience pour faire place nette du passé, en se concentrant sur ce qui arrivait présentement et nos ambitions futures.

-Nous ne sommes le reflet que de notre propre orgueil.

Avait lancé l’enfant, dans un souffle, en direction de cette gamine qu’il fixait comme une ennemie. Il se tirerait alors, retournant à son banc et sa lecture pour y débuter un nouveau chapitre.

Cette phrase, Fudo ne la comprenait pas encore totalement, il l'avait simplement lue dans ce bouquin. Pour autant, elle avait eu un écho dans son esprit et elle semblait correspondre à ce que cette peste dégageait : ces travers mesquins qu'elle dégageait, ce sourire vicieux qu'elle lui avait balancé lors de son accusation, un jour elle se serait faite prendre la main dans le sac à cause de ce souhait, celui de faire savoir à sa victime qu'elle avait bien toute les cartes en main. C’était sa façon à lui de lui montrer qu’il avait tiré du manège de la bleue une leçon, lui permettant d’aller de l’avant. Un jour ces mots auraient sûrement une résonance particulière pour ces deux petits êtres.



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Ven 9 Juil - 17:16

Le diable est une petite fille [8]


La phrase que sortit le jeune garçon qui s’était avancé ne fit pas écho en Lidy Olsen à cet instant. Il faudrait attendre bien des années plus tard et le débâcle suite à l’enquête sur la Triade, les événements funestes de Ennies Lobby, pour qu’elle y mette enfin un sens. Pourtant, ce n’était pas qu’elle n’en avait pas conscience, c’était simplement qu’une part d’elle-même était convaincue que ces paroles n’étaient qu’une ultime tentative de sa victime pour regagner l’ascendant. Si elle voulait encore le briser, elle aurait dû prendre le temps de l’humilier à nouveau, mais une part d’elle-même avait pitié de cette âme en peine. Elle se contenta donc de continuer à faire ce qu’elle savait faire de mieux : l’ignorer.

Elle quitta l’école, et n’y remit plus un pied. Son frère l’attendait à la maison, ayant déjà empaqueté les quelques affaires qu’ils prenaient avec eux. Le monde ne se souviendrait pas de cette petite fille, mais peut-être se souviendrait-il du monstre qu’elle avait créé, sans s’en rendre compte. Les histoires d’une enfant n’étaient finalement que le reflet de celles de leur famille, du chemin qu’ils traçaient pour eux. Dans le cas de Fudo, la voix royale avait été celle de la perfection entachée par l’arrogance, et dans le cas de Lidy, le contrôle absolu aveuglé par l’orgueil.

Ses pas la guidèrent hors de l’île, et elle se retourna une dernière fois sur le navire qui la menait vers d’autres terres. Elle fronça les sourcils, sans regretter, se disant qu’elle aurait au moins obtenu un peu de temps avec cette petite Gaïa Valdor. Elle sourirait à son frère qui trouvait que le travail avait été bien exécuté, et était fier de ce qu’elle avait accompli. La reconnaissance du seul membre de sa famille était ce qui faisait que Lidy se levait chaque matin. Elle aimait son frère, plus que tout, et même s’il lui arrivait d’être mesquin ou manipulateur elle lui trouvait toujours, au bout du compte, une excuse.

Elle ne se doutait pas que plus d’une dizaine d’années plus tard elle l’exécuterait de ses propres mains. Comment un enfant pouvait-il se douter de cela après ? Elle ne savait pas non plus qu’elle vivrait une romance courte et épique, elle ne savait pas qu’elle aurait le bonheur de créer une famille et le malheur de la perdre presque aussitôt. Elle ne se doutait des répercussions de son orgueil sur le monde, ni même des vies qu’elle prendrait dans son sillage. Son histoire, l’histoire de Lidy Olsen, était celle d’une fille qui cherchait des failles. Une petite fille à l’apparence angélique, au sourire joyeux… Une petite fille, ou un diable ?

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Lidy Olsen
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