Le vent remplissait les voiles du navire à la coque et aux voiles noires. Le pavillon de Puerto Havana flottait au sommet de l’embarcation représentant la plus importante compagnie de la cité état de North Blue. Fendant les eaux, le vaisseau s’approchait de la prochaine escale sur leur route tandis que le soleil descendait progressivement vers l’horizon.  Une dizaine de mains se refermaient en rythme sur la corde, tirant dessus d’un seul et même geste coordonné. Grimpant dans les gréements, les marins du second quart s’activaient pour mener à bien les directives des officiers. Finalement, sous le coup d’une soudaine bourrasque très violente et inattendue, chose pouvant arriver régulièrement sur les flots capricieux de la route de tous les périls, la voile d’étai de grand hunier ainsi que le petit hunier devinrent incontrôlables en pleine manœuvre.

-Je m’en charge !

Relayé par deux marins, une ange mesurant un bon trois mètres et disposant de quatre ailes dans le dos se dirigea à toute allure vers l’équipe qui essayait de rééquilibrer la situation pour ne pas perdre une des voiles qui pouvaient s’arracher à la prochaine bourrasque trop violente. Refermant son bras sur le cordage, la De Lérhane le laissa s’enrouler comme un serpent autour de son avant-bras avant de lever celui-ci pour que son bras forme un angle de 90° pendant que ses doigts se refermèrent sur la corde.

-Occupez-vous de l’autre ! lança-t-elle à l’intention du reste du groupe qui s’en chargeait.

Ses pieds s’ancrant dans le sol du pont supérieur, des fissures apparaissant même autour de ceux-ci, la bilcane maintenait la tension et essayait de replacer et retendre le petit hunier et la voile d’étai de grand hunier en même temps en superposant les cordages autour de son membre supérieur et en déployant sa force surhumaine pour tirer dessus tandis que les autres membres de l’équipage se chargeaient de gérer les détails avec les autres nœuds et cordes. Un gabier dans la mâture qui attendait sur un hauban de hune se jeta sur la voile en train d’être replacer pour attraper au vol la corde que tendait Ishtar afin d’y ajouter son propre poids tout en étant plus proche du tissu afin d’avancer vers celui-ci afin de donner des coups à l’arrière des creux pour que tout soit bien repositionner. Reculant pas après pas, la demoiselle ailée s’approcha des bittes d’amarrage afin de pouvoir faire le nœud qui avait cédé sous la puissance du vent. Ainsi, au bout d’une bonne minute et demi, la situation fut stabilisée avant que deux voiles ne soient perdus. S’essuyant le front, l’être ailée se dirigea à toute hâte vers un galhauban afin de grimper à son tour vers les hauteurs de la mâture afin de rejoindre l’étai de hune et vérifier son état. Ce faisant elle remarqua que tout était en ordre, par chance. Grandline était véritablement loin d’être facilement navigable comparé aux blues, mais c’était une habitude à prendre. En revanche, le Nouveau Monde c’était une toute autre histoire, bien plus terrible.

Après cette mésaventure, la De Lérhane redescendit et reprit ses taches habituelles en attendant que le navire accoste l’île de Namakura. La voilure fut progressivement réduite pour finalement procéder à l’amarrage. Passant par-dessus le bastingage, sur lequel elle s’appuyait avec son avant-bras, en un seul saut pour retomber en contrebas sur le ponton, celle qui officiellement n’était qu’une passagère du vaisseau mais était devenu une vraie membre de l’équipage se chargea de faire plusieurs tours de corde autour du bollard le plus proche. S’essuyant la sueur du front d’un geste de la main, elle profiterait du répit pour prendre quelques respirations tout en observant les environs ainsi que le soleil couchant. C’est alors qu’elle remarquerait le jeune homme assis non loin de là sur ce ponton des quais.

Avant que l’être céleste n’ait le temps de répondre, une voix quitta la dunette de la nef vaillante.

-Ola. Merci à vous pour votre accueil. Pourriez-vous nous indiquer la direction du marché s’il y en a un et dans le cas contraire les commerces locaux ? questionna le capitaine du navire marchand qui n’avait guère entendu le début d’échange entre la demoiselle qui dominait de ses trois mètres le jeune homme aux deux mètres notables.

La demoiselle ailée pencha la tête sur le côté en souriant nerveusement, s’excusant silencieusement que la réponse du capitaine ne soit pas adaptée à la proposition faite, mais elle attendrait que le jeune homme qu’elle venait de rencontrer offre une réponse aux marchands afin que ces derniers prennent leurs dispositions pour la suite de la journée. Pour ça part la bilcane avait d’autres ambitions qui coïncidaient bien mieux avec la proposition du jeune homme. Farfouillant dans un sac, la De Lérhane en sortit trois livres que Floyd aurait tout le loisir d’observer pour choisir lequel empruntait à l’étrangère au physique aussi exotique qu’atypique. Le premier était le Traité universel sur la pensée unique, considérations sur les dérives dictatoriales découlant d’une centralisation du pouvoir autour d’une seule personnalité et réflexions sur la théorie de l’identité sociale et celle de l’auto-catégorisation de James Poldark, livre interdit dans divers pays. Le second, bien moins intellectuel, disposait malgré tout un aspect scientifique puisqu’il s’agissait du Livre de la cartographie maritime et des méthodes de navigations ancestrales de Nikos Spelphe paru en 1421. Enfin, le dernier était Le Roman du Nouvel Age Jaune de Geoffroi La Valette paru au début de l’année qui n’était ni plus ni moins qu’un roman dont l’histoire se passait entièrement à Logue Town, écrit par un auteur de Logue Town et paru en début d’année. De quoi apprendre beaucoup sur cette cité célèbre pour avoir été le lieu de naissance et d’exécution du seigneur des pirates Gold Roger. Le porteur de D pouvait tout autant en choisir un seul qu’en prendre plusieurs, cela ne dérangerait aucunement la maudite qui enchaînerait ensuite.

-Alors ? Quels sont les points d’intérêt de votre île ? Et comment arrivez-vous à joindre les deux bouts ou vivre convenablement sur « l’île de la pauvreté » ? Avez-vous besoin d’un coup de main pour quoi que ce soit ?

La blonde aux quatre ailes semblait absolument fort aimable donc et même assez serviable pour offrir gratuitement son aide, mais aux vues des malversations que pouvaient subir certaines îles de Grandline cela pourrait malgré tout passer pour une tentative de glaner des informations en vus de malversations futures. Cependant, la demoiselle descendue des cieux descendait d’un navire marchand d’une ville marchande très importante de North Blue, il n’y avait aucune raison donc qu’on l’identifie come une criminelle non ? Souriante, l’ancienne révolutionnaire attendait simplement que son interlocuteur lui offre une réponse et démarre la visite du coin s’il était toujours disposé à le faire.

La demoiselle ailée sourit sincèrement lorsque l’homme devant elle se décida à s’emparé de l’ouvrage sur la cartographie marine et sur les techniques de navigation ancienne traditionnelle qui étaient commentés et enrichie du point de vue du quinzième siècle durant lequel l’ouvrage était paru. Il se décida ainsi à lui répondre pour lui dévoiler ce que possédaient les hommes et femmes formant la communauté de cette île.

-Savoir vivre avec peu est une forme de richesse, pas physique mais psychique, philosopha la De Lérhane. La culture, la façon de vivre, sont des richesses à part entière, tout comme l’agriculture, qui adapté à un contexte prouvent leur valeur. C’est d’ailleurs de cette richesse immatérielle que les livres nous livrent des secrets pouvant nous aider dans notre quotidien. Si vous voulez, j’en ai quelques autres qui vous intéresseront peut-être comme le Livre des Sciences Intermédiaires d’Alek-Ord Mi A’Druk Rah Dilf Foh ou L’Automne des Mers de Carpenter Von Kruggler. Néanmoins, je suis bel et bien intéresser malgré tout par le fait de découvrir ce que pourrait receler votre contrée, que cela soit tienne du grandiose ou de la magnificence du quotidien humain, l’artisanat était une altesse à part entière.

L’Archange du Typhon se mit à suivre celui que l’on pouvait désormais dénommer comme étant son guide au sein de cette aventure au travers de ces terres nouvelles à explorer. Elle retint les informations qu’on lui donna, mais ne put s’empêcher d’approcher du temple que Floyd lui présenta, analysant le style architectural pour en déterminer les origines et inspirations, les variations propres à la culture locale qui s’était assurément approprié le savoir-faire d’autres lieux plus peuplé avant de se mettre à ériger une bâtisse avec une fonction si importante au sein d’une communauté.

-Vous savez s’il a été érigé à la fondation de la ville ou ultérieures à celle-ci ? Savoir si cela a été une intention première ou une nécessiter postérieur afin de rassembler la communauté et indiquant assurément des enjeux sociaux passés qui auraient posés certains problèmes, conjecturait la blonde aux quatre ailes en caressant la pierre que le temps labourait de ses doigts charnus et désarticulés.

Cela devait peut-être paraître étrange au jeune homme qu’une personne s’attèle à décortiquer le monument avec autant de minutie en dépit de son abandon et du peu qu’il y avait à inspecter dessus. Ishtar se gratta le menton, sortit un carnet et fit un croquis de plusieurs éléments de l’architecture. Une fois cela fait, elle rangea son croquis et se tournerait vers le porteur du D pour poursuivre la visite. Elle s’occuperait d’écrire son étude plus tard. Mais finalement, il n’y avait plus grand-chose à voir selon le local. La bilcane fit la moue avant de répondre.

-Pourriez-vous me montré vos moyens de subvenir à vos besoins ? Votre agriculture ou votre élevage, si limité soit-il, et m’expliquer un peu plus en détail la répartition que vous faite de la nourriture ? Y a-t-il eu des cas de rebelles qui voulaient en prendre davantage sur le dos des autres ? Des voleurs ? Ou même des meurtres dans ce but ? Je ne parle pas seulement sur l’histoire récente mais sur la période le plus large possible ? Savez-vous également quand est-ce que votre communauté à commencer à adopter son mode de vie actuel ?

Était-elle en train d’écrire un livre sur l’histoire de l’île ? Cela aurait été crédible, mais en vérité c’était son désir d’en savoir plus sur ce qui pouvait être une véritable expérience sociale établit sur la durée et en déduire des enseignements. Si tous savaient prendre ce qu’il fallait sans dépasser leurs besoins par désir, le monde se porterait bien mieux après tout.

-Je n’ai pas besoin d’aller faire des emplettes dans des commerces… Si vous voulez nous pourrons parlé du monde extérieur, ça ne me dérange pas, déclara la De Lérhane qui recommençait à noircir une page de son carnet.

-Une réponse donc… Bien… Les Longs-Bras… Rares ou inexistant sont ceux qui viennent se recueillir ici vous dite… Peut-être… Cela peut-être un atout pour certains… Y-a-t-il quelque chose comme une cave ou des pièces recluses et discrètes cachaient dans cette ruine ?

La De Lérhane ne voulait pas encore l’évoquer à haute voix, mais il y avait rien de mieux qu’un lieu à l’abandon pour se cacher au cœur de l’ennemi à son nez et à sa barbe. Ainsi, des Longs-Bras pouvaient tout à fait élire domicile ici et espionner leurs proies dans le plus grand secret sans se mettre plus en danger que cela. Si cela demeurait possible, il faudrait qu’Ishtar aille voir pour s’assurer que les pauvres erres de cette communauté ne souffrent pas davantage d’un tel espionnage. Devrait-elle en parler à ces gens si c’était le cas ? Cela les alarmerait peut-être inutilement… Mais la disparition d’espion pourrait induire des représailles alors il faudrait qu’elle aborde le sujet avec eux si cette conjecture tout ce qu’il y a de plus hypothétique s’avérait être malheureusement et « malchanceusement » la réalité.

Pour la suite, la bilcane nota chaque détail dans sa tête et tenta d’établir un plan général de la stratégie d’évolution sociale. Le point très notable que Floyd soulevait à la fin, c’était l’existence d’un ennemi commun et oppressant, invincible et intouchable, qui était la source de leur malheur en quelque sorte. C’était certainement sur cela que reposait la cohésion globale. S’unir dans la faiblesse pour créer sa propre force. Au final, la loyauté à leurs principes et leur juste répartition des richesses étaient peut-être juste une conséquence du besoin de survie. Quelques cas égoïstes devraient cependant apparaître sporadiquement malgré tout, peut-être des départs vus que cela semble faire un moment qu’il n’y a pas eu de voleur. En tout cas, cela donnait à réfléchir sur la cohésion sociale et les théories à établir sur les réactions de l’humain sous une tyrannie lointaine et absente qui prend le contrôle de leur terre par l’assaut et la pression. Un peuple despote absent et, dans un certain sens folklorique, légendaire… En effet, avec une absence d’autre contact que des raids, les Longs-Bras avaient de forte chance d’être devenu pour cette communauté une simple image, un mythe vivant qui déferle sur eux régulièrement sans qu’il ne puisse en décrypter autre chose que les assauts et la cruauté. Quels étaient les réels enjeux derrière ces vols. Etaient-ce un royaume Longs-Bras ? Une communauté Longs-Bras rebelles ? … Ou même une unité Longs-Bras affilié à une organisation plus large ? Au final, les citoyens de ce village avaient-ils un réel moyen de tirer au clair la vérité derrière la velléité ?

-Des pommes de terre… Intéressant.. Je vois je vois. Et qu’est ce que les Longs-Bras vous volent principalement ? Lors de leurs activités criminels, que vous font-ils le plus souvent et le plus rarement, classés respectivement dans cet ordre ?

-Je vois, je vois, déclara la bilcane en notant et en comprenant que globalement la situation faisait qu’il n’y avait que peu de cycles de vengeances entremêlé dans cette histoire. Oh non. En vérité je suis juste une voyageuse… Mais mon côté philosophe me pousse à réfléchir aux sociétés, à leur histoire et l’évolution des communautés, les diverses expériences sociales qu’elles ont vécues, ce genre de chose. Cela permet d’essayer de cerner de nouveaux aspects de l’humain et de sa psyché. Au-delà de la simple recherche de compréhension du monde, j’espère pouvoir mettre cela à profit pour aider les gens, pour savoir les convaincre d’agir pour leur bien ou d’essayer d’instaurer des environnements sociaux propices à une pais relative ou en tout cas à une harmonie.

Elle marqua une pause.

-Il y a pas longtemps je réfléchissais à la Théorie de l’Auto-Catégorisation par exemple, qui était notamment abordé dans un des livres que je vous ai présenté. Une de ses hypothèses principales est que les facteurs qui augmentent le caractère saillant de la dimension comparative au niveau exogroupe-endogroupe conduisent à l'augmentation de perception des similitudes avec les membres du groupe. La dépersonnalisation du soi se réfère à un processus qui peut être qualifié comme auto-stéréotypisation. Il est important de différencier la dépersonnalisation de la désindividualisation. La dépersonnalisation, telle qu’elle est conçue dans le cadre de la TAC, ne comprend ni la perte de l'identité individuelle ni la submersion du Soi dans le groupe, ni encore une sorte de régression vers une forme plus primitive ou inconsciente de l'identité. Il s'agit plutôt d'un basculement d'un niveau personnel vers un niveau social de l'identité. Un basculement dans la nature et le contenu du concept de soi correspondant au fonctionnement de la perception de soi à un niveau d'abstraction plus inclusive. Dans cette perspective, la dépersonnalisation peut être considérée comme un gain d'identité dans la mesure où elle représente un mécanisme par lequel les individus peuvent agir en termes de similitudes et les différences sociales produites par le développement historique de la société humaine et de la culture.

Autre chose, le choix d’une catégorie dépendra de deux éléments : son accessibilité et la correspondance entre cette catégorie et la réalité extérieure. L’accessibilité d’une catégorie dépendra entre autres des buts que l’on poursuit à un moment donné et de sa valeur dans la définition du soi. Conformément à l'hypothèse, selon laquelle les individus se catégorisent sur base de similitudes, la théorie de l'auto-catégorisation estime qu’un groupe d’individus a plus tendance à former une catégorie, si la perception des similitudes entre ces individus est accessible à un moment donné. En résumé, la catégorisation dépend de l’accessibilité, qui se compose entre autres de l’adaptation à une situation ponctuelle, buts que l’on poursuit à un moment donné, de la récence de l’activation de cette catégorie et de la valeur émotionnelle dans la définition du soi. Le choix d’une catégorie sociale dépendra également de la qualité de son adéquation avec la réalité que l’on cherche à se représenter. Ainsi, la représentation de la réalité sociale recherchée par le sujet doit correspondre à la réalité objective, perceptible par ce dernier. Cette perception de la réalité comporte deux aspects distincts :

*la comparaison ou l’adéquation comparative : fait référence au principe de meta-perception dans la mesure ou l’adéquation est définie en termes d’émergence de la « netteté » d’une catégorie sur un fond contrasté.

*le rapport à la norme ou l’adéquation normative fait référence à la signification sociale et au contenu de la catégorisation. Cette forme d’adéquation spécifie « la direction que les différences groupales doivent prendre pour rendre compte de la signification partagée de deux catégories sociales. »

… Et je viens de remarquer que je me suis laisser aller à des points de vue techniques et que vous n’avez pas dû saisir grand-chose à ce vocabulaire. Veuillez m’excuser de vous embêter avec mes histoires.

Passant sa main dans ses cheveux, elle se tenta à faire une proposition.

-Et vous ? Quelles questions avaient vous sur le monde qui se trouve au-delà de ces eaux. Je pourrais peut-être vous éclairez sur certains points à défaut que nous ayons fait le tour de la question de votre village.

L’ambition cartographique du jeune homme était louable et titillait le coin de la lèvre supérieur de la bilcane tandis qu’elle demeurait silencieuse pour écouter son interlocuteur ainsi que d’une certaine manière de s’excuser pour avoir ainsi monopolisé l’espace vocal durant un bon moment pour faire part de considération de sociologie bien loin des préoccupations terrestres. Ce fut bien entendu au tour de la grande asperge à la toison doré et aux égides emplumées de se présenter. D’un geste courtois, l’Archange du Typhon rendit la révérence et se redressa pour desceller ses lèvres pour laisser sa langue courir entre ses dents, ses mots glisser le long de la mâchoire pour en jaillir avec paisibilité.

-Je me nomme Ishtar… Ishtar De Lérhane, pour vous servir.

Se tournant subitement, elle présenta son dos à Floyd et d’un geste l’invita à approcher.

-Pour vous remercier de m’avoir aidé et d’avoir supporté mes réflexions sociologiques, je vais vous aider à mon tour. Vous allez pouvoir enregistrer dans votre mémoire la forme de cette île.

Si le jeune homme se laissait aller à exécuter la requête que lui amenait la grande demoiselle à la chevelure doré, il pourrait se rendre compte très bientôt d’un changement prononcé. Le blanc des ailes devint vert émeraude tandis que le plumage s’étendais sur son dos et le reste de son corps mis à part la partie face qui venait être couverte d’écailles ventrales mais était caché à la vue du futur forban. Les jambes fusionnèrent en un unique appendice qui porta la longueur de son corps à huit mètres. Les cheveux devinrent également des plumes, longues, souples, fines mais toujours jaunes. Les iris virèrent à l’or et les pupilles s’allongèrent verticalement tandis que les dents devinrent crocs en s’assemblant pour laisser plus d’espace entre elle. À peine la transformation fut elle achevé que les ailes se mirent à battre l’air avec régularité et puissance, faisant soulever les deux corps. L’ascension commença ainsi et l’ancienne révolutionnaire régula sa vitesse pour que les frottements du vent ne fassent pas choir son passager. Mètres après mètres, le duo s’envolait, grimpait vers la voute céleste. Le plancher des vaches s’éloignait et le Jackham gagnerait de plus en plus en visibilité, comme si l’horizon reculait progressivement pour révéler davantage de partie de l’île. Pouvait-il avoir un meilleur point de vue que celui-ci pour essayer de dessiner une carte de sa terre natale ?

L’étrange « grand condor », serpent emplumée aux ailes bienveillantes nommé d’après un habitant levant la tête, semblait naviguer sur la brise à des dizaines de mètres au-dessus de sol, son immense carrure réduite depuis le plancher des vaches à la silhouette d’une créature inhabituelle. Beignant dans la lumière des rayons du soleil, l’être céleste avancé en modérant sa vitesse, longeant depuis les hauteurs les courbes de l’île pour que le jeune cartographe n’en soit pas réduit à un seul point d’observation pour les détails. Le vent des cieux venait caresser le plumage de la bilcane qui laissait la splendeur de son premier vol à son passager. Pour elle, s’était devenu normal, une application standard de ses pouvoirs, mais la De Lérhane savait à quel point cela était émerveillant et grisant la première fois. En aucune façon elle ne voudrait gâcher ce moment à ce à qui elle l’a offert. Qu’il demeure silencieux ne dérangea ainsi guère l’angélique qui s’attelait à maintenir sa vitesse pour ne pas que les frottements du vent ne gênent la prise de croquis du porteur de D. Elle n’avait pas réagi pour ne pas importuner son interlocuteur qui devait tout ignorer de la signification de ce D, mais cette lettre unique présente pour relier nom et prénom dans certaines lignées était des plus étranges et des plus mystérieux. Ils étaient plus rares encore que les personnes excédant les deux mètres ou ayant naturellement des couleurs de cheveux particulièrement farfelues. L’ailée aurait aimé percer les mystères, les raisons de l’existence d’une telle marque de nomenclature, mais au fil des générations ce savoir avait été perdue. Les rares porteurs du D que la maudite avait pu croiser au fil des années ne lui avait pas permis savoir davantage, mais peut-être céderait-elle à tenter à nouveau sa chance avec celui-ci.

-Oui, pour beaucoup cela n’est que légende, tout comme les contrées d’où je viens, au-delà des nuages. S’il existe de multiples énigmes autour d’eux, il est incontestable que chacun offre des particularités attrayantes à son porteur… Bien qu’il le condamne à ne plus jamais pouvoir nager. Malheureusement certains utilise leurs capacités pour faire le mal.

Continuant d’avancer, le regard solaire de la maîtresse de la météo se porta jusqu’à la ligne d’horizon lointaine et à jamais inaccessible, là où naissait le Soleil et où le jour mourrait à chaque crépuscule. Du point de vue zénithale de l’incarnation du Serpent à Plumes, astre vivant et météorologique ayant offert à des civilisations un Eden via la bénédiction du contrôle parfait de leur agriculture selon les légendes, même l’océan et ses courbes marines revêtaient un nouvel aspect lointain et contemplatif lorsqu’il était observé de cette hauteur.

-Ne vous inquiétez pas pour moi. La majorité du temps je ne suis pas sur un navire marchand et je me déplace à vitesse de croisière entre les îles sous cette forme. Je peux tenir de nombreuses heures. Un seul passager n’ajoute pas suffisamment de poids pour que cela soit à ce point encombrant. Bien entendu, quand je fais ce type de voyage, je dois atterrir et me détransformer avant d’aller en ville. Je ne suis pas sûr que des habitants verraient d’un bonne œil une créature monstrueuse et mythologique débarqué du ciel pour se transformer sous leur yeux en une femme trop grande pour la moyenne.

Le vent chantait aux oreilles fluettes des créatures qui dominait l'île depuis leur position céleste, seigneurs des nuages et maîtres du zénith. Le temps s'engouffrait aux confins de l'espace pour figer dans l'espoir les instants magnifiques et précieux d'un monde s'aplatissant sous nos yeux dénaturés. Les couleurs du soleil luisaient sur la mer qui s'étendait à perte de vue, s'engageant sur les voies du monde pour porter ses messages infinis jusqu'à l'autre bout de cette planète qui recelait autant de mystères que d'îles. La pérennité de la nation s'échouait sur les rivages du firmament dans une toile qui n'avait que la splendeur pour se disputer à la majesté. Une âme vive, un rapace torturé. C'est sous la coupe du jugement que s'élève le rythme grandiose de la vie, de ces battements, de cette sensation pulsatile qui envahit l'âme lorsque le ciel nous pénètre, nous affirme de par ses couleurs et sa météo un éphémère sentiment, qu'il soit bénéfique ou néfaste, qu'il soit nostalgique ou déprimant, qu'il soit l'amont ou l'aval.

Il venait cependant l’heure de redescendre. L’ascension laissait sa place à la descente provoquée par le bruit d’un carnet qui se fermait, s’effondrant sur lui-même avec les pages en guise de vagues. Mais dans le même temps, il y avait une interrogation qui planait, une interrogation concernant le contexte de l’obtention de ces pouvoirs. Si la demande était légitime, le questionnement qui planait dans l’esprit de la guerrière maudite en était bien différent. Si la demoiselle ailée n’était pas cupide en informations et enseignait gratuitement et sans rien attendre en retour son savoir, le sujet de l’obtention du Hebi hebi no mi modèle mythique du Serpent à Plumes était quelque chose qu’elle n’évoquait que très très rarement. Pratiquement jamais.

-Oui et non. C’est une longue histoire qui se déroule dans une contrée oubliée, au cœur des ruines et des monts, des forêts et des rivières. Un choix qui s’est opéré. Je pense que cela tire malgré tout plus sur le positif que le négatif pour la réponse à ta question, j’avais des doutes mais j’ai accepté de passer outre pour tenter ma chance.

Atteignant le planché des vaches, la bilcane reprendrait forme humaine une fois que le jeune homme serait descendu de son dos. Elle se tourna alors vers le village.

-Et si nous allions voir ce que font les camarades de mon navire et les habitants ?

De plus, la De Lérhane avait eu l’impression de voir quelque chose depuis là-haut, une signature thermique non loin de là. Si jamais les Longs-bras essayaient d’attaquer, elle pourrait peut-être aider ? A moins qu’on lui demande expressément de ne rien faire pour que le statu quo général soit conservé. Et puis ce qu’elle avait vu pouvait tout à fait être un animal sauvage…

Le regard de la demoiselle ailée se fronça lorsque son ouïe lui fit capter les sons aux tonalités particulière de colère. Un ton qui faisait élevait les voix de l’âme et taisait celles de la raison pour laisser l’esprit dérivé sur le flot des sentiments jusqu’à ce que les torrents emportent tout sur leur passage. La zizanie naissait avec facilité là où les émotions se faisaient trop virulentes.

-Oui, répondit la bilcane au jeune cartographe qui l’accompagnait avant de presser le pas pour rejoindre les lieux d’où s’élevait ce qui semblait être un échange de courroux.

Floyd entra en premier et la grande demoiselle atteignant les trois mètres de hauteur fut contrainte, comme à l’accoutumée, de se baisser pour passer dans l’encadrement de la porte. C’est ainsi que la scène se dévoila à ses yeux. L’Archange du Typhon grinça des dents en découvrant cette situation. Laissant le porteur du D allait voir le protagoniste issu des locaux, le tenancier de la taverne semblait-il, la blonde aux quatre ailes de son côté se dirigea vers le mousse le plus proche qui lui aussi observait ce qu’il se passait avec inquiétude.

-Diégo… Va informer le capitaine immédiatement, lui suggéra tel.

Le dénommé Diégo hocha la tête, se leva d’un coup d’un seul et se précipita à l’extérieur afin de rejoindre le vaisseau de la Flotte Noire. De son coté, Ishtar se dirigea vers le groupe de marins saouls qui semblaient pencher dans une certaine agressivité. Les revendications du patron furent hurlées par ce dernier lorsque Floyd demanda à ce qu’on lui clarifie la situation. La réponse du groupe des quatre buveurs ne se fit pas attendre davantage.

-Qu’est ce qu’on s’en branle des choppes ! Resservez-nous, c’est tout ce qu’on veux te demande gros con !

L’homme - Alfredo Maradonia, un homme de Puerto Havana qui avait perdu son père trois mois plus tôt lors d’un abordage de pirates longues jambes sur cette voie de navigation de Grandline – ne semblait rien vouloir entendre et porta une bouteille, déjà vide, à sa bouche avant de ronchonner pour la quatrième fois d’affiler sur son absence de contenu. Commençant à faire tournoyer l’objet en verre et manière menaçante tout en se dirigeant vers le comptoir derrière lequel se trouvait sa cible, le marin était prêt à déchargé toute sa frustration. Soudainement, il rentra dans un mur qu’il n’avait pas vu… Ah non ce n’était pas un mur, c’était quelqu’un… Quelqu’un d’incroyablement grand. Il leva la tête et croisa alors le regard argenté de l’originaire de la mer blanche. Penchant la tête sur le côté car il ne comprenait pas, la voix de la céleste résonna.

-Calme toi Alfredo. Remboursez ces gens pour les dommages que vous avez fait. Assumez un peu.

-Tais-toi la grande chieuse, pesta un des autres saouls. Pour toi tout est simple, mais on a pas tous les même capacités qu’toi. Laisse nous nous amusez comme on l’entend.

-Ne parle pas comme ça à Ishtar ! répondit un autre marin assis deux tables plus loin qui n’avait fait que soupiré. Elle nous aide beaucoup plus que les passagers qu’on transporte habituellement.

-Et alors Juan ? Ça reste une passagère qui s’la pète.

Le dénommé Juan se leva pour avancer vers l’homme bourré qui leva la main, ayant saisit une masse imaginaire, et attendait de l’abattre sur le visage de son camarade de bordée. Cependant une main large vint saisir son poignet. La De Lérhane ne comptait pas laisser la bagarre éclatée.

-Calmez-vous à la fin ! Le capitaine sera là d’une minute à l’autre.

-Cafteuse ! pesta Alfredo avant d’abattre sa bouteille dans le dos de la blonde.

Celle-ci se brisa et les éclats se répandirent alors que la tête de l’angélique se tourna vers son assaillant qui recula de deux pas face au regard terrifiant de l’être venu du ciel. Fermant ses paupières, la rage se transforma en tristesse en un instant. Elle rouvrit les yeux avec un regard plein de compassion.

-Allez les gars… Payez ce que vous leur devez et rentrez dormir. Cela vous fera du bien… tenta-t-elle…