Marine ford. Le nom à lui seul était impressionnant, de mon point de vue de paysanne ayant grandit sur une île semi-paumée. La première fois que mon regard avait découvert la silhouette imposante de la forteresse, j’en avais eu des frissons d’excitation. Ma nouvelle vie commençait et il n’y avait ici rien de similaire à l’ancienne. J’avais passé mes premiers jours à m’émerveiller de tout telle une gamine dans un magasin de bonbons. Maintenant ? Comment pourrais-je bien vous expliquer… C’est un peu comme de rencontrer le prince charmant. Au début on l’adore, il est si beau, si intelligent et tout ce qui vient avec. Puis, avec le temps, on réalise qu’il ne baisse jamais la lunette des toilettes, qu’il laisse traîner ses chaussettes et que son dos est plein de boutons. On réalise alors que le célibat était une option totalement valide finalement. Pour moi, cet endroit était pareil. Très impressionnant, très inspirant dans mes rêveries où je changeais le monde et laissait ma marque dans les livres d’histoire. Puis je revenais à la réalité où je devais encore faire cent-cinquante pompes et courir jusqu’à m’en dévisser les pieds au milieu d’un groupe de recrues en sueur. Vachement moins glamour tout d’un coup.

Il faut dire que j’avais été dangereusement naïve. J’avais compté sur mes talents de médecin pour mon admission au sein des forces armées du gouvernement mondial. De mon point de vue de bleue aux cheveux roses, j’allais sans doute bosser dans une infirmerie et m’occuper des bobos de tous et chacun. Erreur. Sitôt que ma malédiction était révélée mes compétences étaient ignorées comme une vieille peau de banane. Depuis mon arrivée, je n’avais pas vu l’ombre d’un scalpel ou même demandé à quiconque de respirer profondément. J’étais traitée comme un soldat et rien d’autre. Une recrue prometteuse que l’on devait former à la discipline, mettre en forme et initier aux arts martiaux. Loin de moi l’idée de m’en plaindre puisque, systématiquement, on s’était émerveillé de ma simple existence. À en croire les avis qui fourmillaient à mon sujet, j’avais un potentiel énorme et il ne fallait surtout pas me laisser le gaspiller. Mais pourquoi cette semi-victoire avait-elle des tons de douce amertume ? Peut-être que, au fond, une part de moi ne voulait pas changer le monde tant que ça. Peut-être que j’avais accepté, avant même de quitter mon île, que je serais un simple médecin de seconde zone toute ma vie. De façon subconsciente, je ne croyais pas tant que ça à mes propres rêves. Maintenant que j’en étais à bosser dur pour les réaliser, je m’en rendais bien compte.

Si je ne m’étais jamais considérée comme faignante auparavant, ce constat était vite en train de changer. Depuis combien de temps courions-nous ? Si je me fiais aux coups de sifflet qui me vrillaient les tympans avec assiduité jusqu’à me faire frôler la surdité, je dirais bien que je courais depuis au moins cinquante ans. Peut-être plus. Mauvaise foi mise à part, mon souffle se faisait difficile et une crampe venait de me prendre dans le côté droit. Évidemment je n’étais pas la seule dont les forces s’épuisaient, mais nous poursuivions notre route en une solidarité de celles qui se forment dans les grandes périodes de souffrance. Baisser les bras reviendrait à décevoir toute l’unité. C’était impensable. Et, pourtant, croyez-moi que j’y pensais. Même que, dans ces circonstances, je ne serais pas contre un tête-à-tête avec la chaussée ou une petite foulure de la cheville. De toute façon qu’est-ce qu’ils feraient ? Ce n’est pas comme si on allait laisser qui que ce soit me renvoyer chez moi. Si je le voulais vraiment, je pourrais sans doute me la couler douce et quand même être assignée à un bon équipage juste parce que j’étais maudite. Et là… Mon orgueil se rebellait. Pas question de devenir quelqu’un comme ça. Pas question de symboliquement cracher au visage de mes camarades en laissant mon pouvoir m’avantager de manière aussi injuste. Cette simple idée me faisait redoubler d’ardeur et m’offrait un second souffle qui était, ma foi, plus que la bienvenue. J’allais mériter chaque promotion, gagner des distinctions et m’élever dans les rangs jusqu’à être fière de mes accomplissements ! Quel dommage que, dans mon regain de rêverie, mon esprit s’était envolé assez loin pour rater cette petite irrégularité dans le sol. Trois, deux, un…. Penny voici le sol, le sol voici Penny. Humiliée, je restai au sol telle une flaque rose de la honte. Pourvu que personne n’ait rien remarqué et que l’on continue à courir sans moi. Pourvu que… Raté.

« AINSLEY !! »

Venaient alors les tu-tu-tuuuuu aigus qui roucoulaient en provenance du sifflet de notre instructeur. Par pitié que l’on vienne à mon secours. Que le ciel m’envoie une raison de ne pas me relever pour rattraper le reste du groupe. Juste une seule toute petite mini raison. Est-ce vraiment trop demander ?

@feat Sakuga Keigo Enjoy !!

Enfin, nous sommes de retour à l’antenne pour la suite de notre programme spécial flashback à Marine ford ! Au programme ? Rien de plus que la dernière fois. J’étais encore étalée au sol dans la honte et la poussière, ce qui constituait un bon 30% de ma vie de recrue au sein de la Marine. Ce n’était pas faute d’essayer de performer, bien au contraire. Je n’avais simplement pas l’habitude de ces exercices et, surtout depuis ma rencontre avec un certain Amiral, j’avais choisi de redoubler d’efforts pour ne plus me retrouver incapable de bouger en plein combat. Le bémol ? M’entraîner autant signifiait que, lorsque ma limite était atteinte, je retournais faire ami-ami avec le plancher. Si en soit cette routine ne me dérangeait pas, j’aurais bien aimé que mes collègues soient plus discrets avec leurs moqueries qui, elles aussi, s’étaient élevées au rang d’habitude. Heureusement, comme cette journée allait bientôt le prouver, il y avait encore des gens aimables dans ce monde. Des individus qui seraient prêts à passer outre l’autorité de l’instructeur pour me tendre la main.

Sa voix m’était parvenue d’en haut et, surprise, je clignai quelques fois des yeux avant de me retourner vers celui qui se tenait à présent là. Prends ma main ! Je me redressai pour mieux découvrir un jeune homme blond au dos sertit de ce que j’identifiai comme étant une grande paire d’ailes blanches. J’en oubliai sa main tendue tant j’étais émerveillée. La dernière fois que j’avais rencontré un ange… C’était Ishtar. Mais qu’est-ce que j’avais moi à toujours me perdre dans mes souvenirs dès que quelque chose me faisait me sentir un peu nostalgique ?! Puis il avait eu la gentillesse de m’offrir son aide, je ne pouvais quand même pas le faire attendre indéfiniment. Gênée, je fini donc enfin par poser ma main dans la sienne. Ni une ni deux, je me retrouve à nouveau sur mes pieds et m’empresse d’épousseter mon uniforme.

« Merci, c’est vraiment gentil de votre… part ? »

Maintenant que je suis à sa hauteur, enfin presque il faut dire qu’il a un bon 20 centimètres de plus que moi, j’ai une meilleure vision de ses traits. Si les cheveux blonds à eux seuls ne suffiraient pas à me permettre de le reconnaître, l’ensemble de son visage m’est lui assez familier pour m’évoquer un autre souvenir, bien plus récent celui-là. Je sais bien que je suis débile au moins vingt-trois heures par jour, mais je ne suis pas ingrate au point de ne pas reconnaître celui qui m’a sauvé la vie. C’était un incident tellement bête à bien y repenser. Le chapeau de Prim s’était retrouvé emporté au vent et, ignorante des détails de ma malédiction, j’avais choisi de plonger pour aller le récupérer. Si cet homme ne s’était pas trouvé là, s’il n’avait pas choisi de plonger à ma rescousse, je ne serais plus de ce monde.

« Sakuga ? »

Mais il y a un truc qui cloche. Si c’était bien lui, ce dont j’étais certaine à environ 83%, le Sakuga qui m’avait sauvé la vie n’avait pas d’ailes ! Mes yeux se portèrent sur ses appendices avant de s’agrandir, retournant ensuite croiser son regard et puis les ailes une nouvelle fois. Oh non. Oh non non non !

« Qu’est-ce qui s’est passé ?! Me dis pas que t’es mort et que t’as pas pu passer au paradis à cause de moi ? T’es pas condamné à être mon ange gardien hein ?? Oh mon Dieu… !! Je n’ai même pas eu la chance de te retrouver pour te dire que j’avais quitté Ironfall ! »

Ouais je suis une imbécile. Je sais.  

@feat Dumb & Dumber Enjoy !!

J’étais tellement occupée à être conne— AHEM ! À être surprise par la présence de ses ailes ! Que je ne relevai même pas qu’il venait de m’offrir un autographe. J’étais en pleine panique, me demandant si l’âme de celui qui m’avait sauvé la vie peinait à passer de l’autre côté. Était-ce de ma faute ? Étais-je si maladroite que même un inconnu avait réalisé que j’aurais bien besoin de mon propre ange gardien ?! Non, ce n’était rien de si grandiose ou même de si dramatique. Preuve étant qu’il s’empressa de me corriger, affirmant qu’il était bel et bien vivant. Mon regard se fit interrogatif, l’air de dire : t’es sûr mec ? Mais oui, il l’était. Preuve étant que le blond se permit de déboutonner le haut de sa chemise pour se pincer. Huh ?! Il ressent la douleur, cool franchement, je suis contente pour lui, mais… Mais !!

« Oï !! Pourquoi tu te pinces pas la joue ou le bras comme une personne normale ?!! »

De quoi je vais avoir l’air moi ! D’une recrue qui abandonne son entraînement pour regarder le torse de tous les jolis mecs morts qui passent par là ? Enfin, non, celui-là il est vivant finalement, heureusement. Je n’avais même pas osé poser les yeux sur ses cicatrices, ne faisant que les entrevoir à peine. Au moins il y en avait un de nous deux pour se garder un peu de gêne. Autant dire que je fus soulagée lorsqu’il referma sa chemise et je pu retrouver mon calme. Ceci étant dit, l’ange admit avoir oublié mon prénom avec le sourire et, d’une certaine façon, je ne pouvais pas trop lui en vouloir. C’était triste de me dire que notre première rencontre n’ait pas été aussi mémorable pour lui que pour moi, mais il était difficile de vraiment en vouloir à quelqu’un qui m’avait sauvé la vie. Puis il était ravi que je me sois libéré de mes chaînes, ce à quoi mon sourire fit écho. Oui, j’en étais bien contente moi aussi et, surtout, contente qu’il en soit content.

« C’est Penelope ! Même si la plupart des gens m’appellent juste Penny. »

Espérons que, cette fois-ci, il allait s’en souvenir. Tu-tu-tuuuuuu !! Ah merde ! Mon instructeur va me passer un savon c’est pas le moment de taper la discute ! Je m’apprête déjà à m’excuser et à m’éclipser pour retourner dans les rangs lorsque la voix du blond s’élève à nouveau, plus énervée cette fois. On est quand même pas des animaux ! Il peut bien ranger son jouet et nous laisser profiter de nos retrouvailles en paix ! Je peux pas. Je pouffe de rire et dois me détourner, main plaquée contre la bouche et l’autre contre mes côtes. Terrible ce Sakuga ! Mais je dois bien admettre que je suis contente qu’il s’interpose de la sorte. J’avais prié le ciel pour que l’on me vienne en aide et, pour la seconde fois, c’est lui qui avait répondu à l’appel. Certes, les circonstances étaient moins dramatiques que la fois précédente, mais j’étais tout de même très reconnaissante. Mon instructeur, ceci dit, ne pris pas la chose aussi bien que moi. Sourcils froncés et torse bombé, le voilà qui s’approchait d’un air menaçant.

« Et je peux savoir qui a l’audace de venir déranger l’entraînement de mes recrues ?!! »

Aie…       

@feat Dumb & Dumber Enjoy !!

J’étais bien contente que mon prénom lui soit revenu, mais nous avions d’autres priorités dans l’immédiat. Des priorités qui marchaient vers nous avec frustration pendant que les autres recrues soufflaient un peu en se demandant dans quel merdier Ainsley s’était encore fourrée. Au moins l’un de nous deux ne laissait pas cela entacher sa bonne humeur, mais peut-être qu’il aurait dû. Nerveuse, je m’empresse de prendre la position de garde-à-vous lorsque se rapproche mon supérieur. Pitié je ne veux pas aller récurer les toilettes… Pitié pas les toilettes… Je suis le Commandant Sakuga Keigo !

« Heiiiin ?? »

Pour de vrai ?! Depuis quand ? Et comment ça m’emprunter pendant quelques heures ?! J’allais poser mes questions, mais il s’était rapproché de moi avec une célérité surprenante. Tout semblait si simple de son point de vue et le grand sourire qu’il me décochait l’illustrait bien. Ce type était tellement solaire, rayonnant d’insouciance et de bonne humeur. Ainsi, lorsqu’il tendit la main vers moi pour la seconde fois ce jour-là, je ne me sentais pas l’âme de la refuser. Peut-être que, un jour, je vais apprendre à ne pas serrer la main des officiers de la Marine. Peut-être. Dans l’immédiat ? Je me faisais de nouveau emporter par ce qui devait être un mouvement de Rokushiki. J’aurais sans doute eu un moment de déjà vu si je n’étais pas occupée à m’accrocher à l’ange comme je le pouvais, histoire de réduire la pression exercée sur mon bras avant qu’il ne me disloque une épaule. Pas croyables ces mecs !

Lorsque nous nous immobilisâmes enfin, j’eu besoin de quelques secondes pour me retrouver une contenance. Le blond ? Évidemment qu’il riait à gorge déployée, sinon c’est moins drôle. J’aurais bien aimé me fâcher contre lui et lui dire de faire plus attention, mais son rire était si communicatif que je me contentai de passer une main dans mes cheveux en soupirant, un immense sourire aux lèvres. Quel imbécile… Ce dernier pris d’ailleurs l’initiative de relancer la conversation, me demandant si j’avais déjà eu la chance de parcourir les rues de Marine Ford à proprement parler. Lui devait aller à la caserne, mais faire attendre le navire qui l’attendait ne le dérangeait pas plus que ça. Je devrais lui faire un sermon pour ça… Mais en même temps il n’est plus un gamin et comme il est plus haut gradé que moi… Ouais tranquille, ce n’est pas ma responsabilité de jouer les gardiennes d’enfant là tout de suite.

« Je n’ai jamais visité en profondeur, mais je suis passée par ici deux ou trois fois. »

Bon par contre, ça ne m’aurait pas dérangée de passer par la caserne. J’étais toujours vêtue de mes vêtements de mousse qui avaient pris la poussière quelques fois, sans parler de la sueur générée par la séance d’entraînement où le blond m’avait kidnappée. On ne m’offrit toutefois pas l’occasion de demander à faire un détour puisque, déjà, il reprenait la parole. Son esprit enjoué était plein de questions, s’intéressant à moi et à ce que j’étais devenue depuis notre dernière rencontre. Cela me fit sourire tendrement. Je pouvais comprendre ça. En tant que médecin, il n’y avait rien de plus gratifiant que de revoir un patient quelques années après que je leur ai sauvé la vie. Voir ce qu’ils étaient devenus m’emplissait de fierté et j’avais l’impression de ne pas exister pour rien. En allait-il de même pour l’ange ? Aucune idée, mais je n’allais pas le priver de ses réponses. Et regardez-le être tout fier d’avoir rejoins la Marine… Adorable.

« Bien joué ! Maintenant avec les ailes et tout, on ne croirait jamais que tu ais déjà été du mauvais côté de la loi. »

Avais-je d’abord dit avec un grand sourire. Puis, je pris le temps de m’étirer les bras en hauteur en formulant mes autres réponses. Je voulais qu’elles soient satisfaisantes, complètes et honnêtes. Il méritait bien ça.

« À la base je m’étais dit que je pourrais simplement devenir un genre de médecin errant, puisque je pratique depuis plusieurs années. Ça m’aurait suffi à survivre, me faire offrir à manger et un endroit où dormir en échange de soins, ce genre de trucs. Mais j’ai vite compris que ce n’était pas une option viable à long terme à cause… de ma malédiction. C’est le seul vrai moyen dont je dispose pour me défendre et, toute seule… Disons que j’ai peur de détruire des trucs ou de blesser des gens par inadvertance. Mais ici, je pense que c’est plus sécuritaire. Puis j’aurai quand même les moyens de faire le genre de différence que j’ai toujours voulu faire. Voilà, tu sais tout ! Maintenant, tu crois que c’est possible de faire un détour ? Je suis fière de porter l’uniforme, mais si on va se balader pendant quelques heures j’aimerais bien me changer et me rafraîchir un peu. »       

@feat Dumb & Dumber Enjoy !!

Devrais-je lui faire remarquer que cette tentative échouée d'exhiber sa musculature ne faisait que nuire à sa crédibilité ? Non, ça me semblait trop méchant, surtout vu sa bonne humeur qui, elle, répondait à l'appel. Devrais-je plutôt entrer dans la blague et faire comme si j'étais impressionnée ? Valait mieux ne pas trop l'encourager quand même, juste au cas. Après cela la conversation s'était poursuivie tout naturellement et j'avais résumé mon périple, ajoutant à la fin ma demande de détour dans le coin de la caserne. Le blond ne tarda pas à remarquer l'évidence : je n'avais toujours pas confiance en mes capacités. Je forçai un sourire un peu embêté d'avoir été si facilement cernée par l'ange. On dirait qu'ils s'étaient passés le mot pour me dire d'avoir confiance, de défier mes capacités ou que sais-je encore. Tout ça parce qu'il y avait "un feu" en moi ou quelque chose du genre. C'est ce que l'Amiral Kurohebi pensait en tout cas. Pour sa part, le lieutenant annonça que, le jour où j'arriverais à trouver la réponse à mon problème, j'allais devenir imbattable. À mon tour de lever fièrement le bras pour faire ressortir fièrement l'un de mes risibles biceps.

« Tout à fait ! J'espère que t'as peur pour ton grade parce que j'vais te dépasser vite fait ! »

Je n'y croyais pas vraiment, mais c'était plus fun de prétendre le contraire et de simplement me laisser gagner par la simplicité et l'optimisme de mon compagnon du jour. Il accepta au moins de passer par la caserne, notant qu'il pourrait récupérer ses affaires. Pas mal, j'allais peut-être réussir à minimiser son retard par la simple force des choses. Ou pas, seul le temps nous le dirait. Toujours est-il que, trop énergique pour aller au même rythme que le reste du monde, le jeune homme avait décidé qu'il allait jouer les taxi grande vitesse. J'hésitai lorsqu'il m'offrit son dos, prenant bien attention à ne pas m'accrocher à ses ailes, tel que demandé. Bon par contre le commentaire sur ma façon de courir... Disons juste que je ne me suis pas privée pour lui enfoncer un genou dans le bas des reins !

« T'as dit quoi à propos de ma façon de courir, je crois je t'ai pas bien entendu ? »

Et, s'il osait répéter, je ne me priverais pas pour augmenter un peu la pression. Moi, susceptible ? Bah oui de temps en temps, comme tout le monde, non ? Ahem. Au moins le trajet se passa sans trop d'accrocs et, je dois l'admettre, c'était plutôt marrant de se déplacer aussi vite à dos d'ange. Un peu conne dans mon genre, je voulu étendre les bras pour me la jouer façon reine du monde, mais changeai rapidement d'idée pour mieux m'agripper à mon porteur lorsque je perdis ma balance et passai très près de tomber. Ouais okay il avait un point finalement et, gênée, je n'osai plus faire de folies. Sur place, je fut contente de retrouver le plancher des vaches, bien qu'en vrai mon côté flemmarde était bien content d'avoir eu l'option de simplement me laisser transporter. Bah quoi, je venais de finir un gros entraînement quand même !

« Je me dépêche ! »

Lui dis-je avant d'aller disparaître dans la section de la caserne où se trouvaient mes quartiers. Agrippant des vêtements de civil, je courus vers les douches pour m'y rafraîchir et faire un brin de toilette. Dans mon empressement je glissai presque sur un savon, mais évitai le pire en m'accrochant au pommeau de douche. Je dois vraiment commencer à faire plus attention... Je m'étais ensuite séchée rapidement, laissant mes cheveux rosés me dégouliner sur les épaules alors que j'enfilais mes vêtements de rechange. Aller hop hop ! Pas question de le faire attendre ! Et direction la sortie, là où j'avais abandonné l'ange.

@feat Dumb & Dumber Enjoy !!

Malgré mes efforts qui m’avaient presque valu quelques bleus, j’étais toute de même revenue la dernière. En même temps à quoi est-ce que je m’attendais ? J’avais été aux premières loges, une quinzaine de minutes plus tôt. Je devrais savoir à quel point la célérité de l’ange jouait en sa faveur lorsqu’il était question de revenir à un point de rencontre le plus rapidement possible. Mes petites jambes, surtout après l’entraînement que je venais de quitter, ne faisaient pas le poids.

« Je suis là ! »

Avais-je d’abord annoncé par simple politesse. Maintenant que j’étais plus près, je pouvais bien voir la montagne de trucs que le blond était allé chercher. Des sabres, un sac, un carnet et plus encore. En comparaison, moi qui avais choisi de simplement revenir avec des vêtements de civil, j’avais l’impression que j’allais un peu faire tache à côté. D’ailleurs l’ange ne se priva pas pour me faire remarquer que j’en avais mis du temps. Ne pas oublier que je devais reprendre l’entraînement après ? Aie, il marquait un point !

« De toute façon on en a pour quelques heures alors… si ça se trouve l’entraînement sera déjà fini ! »

C’était mon espoir en tout cas. Peut-être que de m’arranger pour qu’il ne fasse pas attendre ses propres coéquipiers n’était pas la meilleure des idées finalement. Il serait tout à mon intérêt de lui faire perdre le plus de temps possible, sans quoi j’allais effectivement devoir remettre mes habits de mousse et reprendre la course. Autant dire que je n’en avais pas du tout envie, ayant moi-même un caractère très flemmard à mes heures. Quand le blond me demanda où je voulais aller en premier, par contre, je me retrouvai un peu embêtée. Me grattant la joue, je partageai mon indécision.

« Bonne question… Je ne sais pas ce que tu dois acheter, mais si c’est lourd, ou volumineux, il vaut peut-être mieux garder le shopping pour la fin ? Dans l’immédiat… »

Un grondement monstrueux s’échappa de mon ventre, ponctuant ma phrase et me faisant passer au rouge de la honte. Oups. En même temps j’aurais dû m’y attendre. Après tout ce temps passé à courir, faire des pompes et j’en passe, évidemment que mon corps allait finir par demander à ce que je le nourrisse. Gênée, je me tournai donc vers le blond en espérant qu’il aurait une bonne solution à mon petit problème.

« Tu connais un endroit abordable où l’on pourrait aller manger un morceau ? Je crois que j’ai faim… »

@feat Dumb & Dumber Enjoy !!

Ramen ? Mon regard s’illumina d’un coup et, si mon ventre avait pu gargouiller en code morse je crois bien qu’il aurait approuvé largement. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me l’offre ceci-dit et me demandais si c’était vraiment une bonne chose. Devrais-je insister pour payer mon propre repas ? Enfin il n’y avait rien de mal à se laisser gâter de temps à autre… Sauf que je ne voulais pas donner la mauvaise impression non plus. Mais des ramens…

« C’est une excellent idée ! »

M’entendis-je dire plus que je ne le prononçai. J’avais tellement faim que les détails s’embrumaient dans mon esprit de toute façon. J’allais manger de bons ramens et c’était tout ce qui comptait. Peu importe en compagnie de qui et peu importe qui allait payer. Comme quoi, si l’on veut me soudoyer, c’est avec la bouffe qu’il faut le faire ! Nous marchions donc vers notre destination, tous deux plutôt joyeux des circonstances. Ce n’est que lorsqu’il reprit la parole que je retrouvai un semblant de sérieux, m’intéressant à ce que lui aussi avait vécu depuis notre première rencontre. Je me doutais que beaucoup devait avoir changé puisque, bah, il avait des ailes maintenant ! Au fond de moi, je ne pouvais m’empêcher de faire le lien avec Ishtar qui, jadis, avait nommé un Sakuga comme étant l’un de ses camarades. Était-ce bien ce même jeune homme blond ? Avait-il décidé de se faire greffer des ailes pour ressembler davantage à son amie ? C’était peut-être un peu tiré par les cheveux.

Je fus néanmoins contente de l’entendre dire qu’il avait choisi de se détourner des démons de son passé pour plutôt se consacrer à son avenir. S’il se voyait autrefois comme un égoïste idiot et arrogant, il considérait avoir maintenant évolué grâce aux rencontres qu’il avait faites en cours de route. Mon sourire, et mon regard, se fit bienveillant, heureuse comme je l’étais de savoir que mon sauveur avait lui aussi eu la chance d’être secouru de ses propres zones d’ombre. Je décidai d’ailleurs de le lui exprimer.

« J’en suis sincèrement heureuse. Je pense que tout le monde mérite de rencontrer ce genre de personne qui nous aide à évoluer dans la bonne direction, et encore plus quand il est question de quelqu’un qui m’a sauvé la vie ! Ha ha ! »

À mon tour de rire avec le cœur léger, comme le faisait l’ange depuis que nous avions quitté le groupe de recrues. Mes iris se perdirent ensuite en direction du ciel alors que je me fis pensive, m’orientant moi aussi vers l’avenir.

« Je vais devoir continuer à bosser fort, et je compte bien le faire d’ailleurs, mais j’aimerais bien être de ces gens-là moi aussi. Pas simplement parce que j’ai une dette envers toi, bien que ça joue je l’admets. Simplement… J’aimerais être quelqu’un comme ça, une bonne influence qui aide les gens à se défaire de leurs ténèbres pour mieux les aider à avancer. Et tant qu’à l’être, je me dis que pourquoi ne pas en profiter pour redonner un peu à celui qui m’a permis de recommencer à vivre, tu comprends ? »

Question purement rhétorique que je lui posai en lui décochant un sourire, reportant toute mon attention en sa direction pour mieux porter attention à sa réponse et à ses réactions.

@feat Dumb & Dumber Enjoy !!

Depuis quand n’avais-je pas mangé d’aussi bons ramens ? Deux bonnes semaines, au moins. Oui, bon, d’accord, j’avais l’âme d’une gourmande et les ramens étaient, évidemment, très haut dans mon palmarès de la bouffe de réconfort. Toujours est-il que nous avions pris place et que le service rapide était une véritable bénédiction pour mon pauvre estomac criant famine depuis que j’avais quitté mon entraînement de manière prématurée grâce à un ange venu du ciel, littéralement. Est-il étrange de dire que je fus déçue lorsqu’il s’empressa de dire que je n’avais rien à lui rendre ? Croyait-il que je n’avais rien à lui offrir en retour ? Naaaan, ça ne pouvait pas être ça, si ? Je m’empressai de prendre une grosse bouchée de ramen pour étouffer mes inquiétudes et me recentrer sur le moment présent. Le monde n’attends que des gens comme toi. J’avalai mes nouilles, espérant que la rougeur de mes joues puisse être attribuée à la chaleur de mon bol.

« Peut-être bien… »

Réponse un peu nulle, mais c’était la première à m’être passée par la tête. Non seulement je doutais de ses mots, mais en plus ils me frustraient un peu. Le monde, carrément ? Donc, en gros, tout le monde sauf lui. Celui envers qui j’avais une dette et à qui je voulais rendre la pareille au moins une fois. C’est donc avec la mine légèrement boudeuse que je pris ma prochaine bouchée, comme toujours trop transparente pour dissimuler la moindre de mes émotions. Et là… Si tu veux vraiment me rendre un peu… Je me redressai sur mon banc, attentive comme s’il allait me confier un secret d’État. Le retrouver quand je serais prête à reprendre la mer ? Ha ! Ce serait facile ça !!

« Mais évidemment que je vais te retrouver ! Je ne m’imagine pas prendre la mer avec quelqu’un d’autre parce que bon, il me faut bien quelqu’un sur qui compter si je tombe à la mer. Et bon appétit à toi aussi ! »

Vraiment Penny, t’es certaine à 100% de ça ? Je terminai une autre bouchée, mes pensées divaguant en direction d’un grand brun qui avait déjà menacé de me faire assigner à ses troupes pour une mission ou, même, à plus long terme. Si l’on m’avait dit que tant de portes allaient s’ouvrir à moi une fois que je serais membre de la Marine. Enfin, je n’étais pas sotte pour autant. Si je n’avais pas eu la chance d’être maudite par un fruit aussi puissant que le Gura Gura no Mi, l’une de ces deux offres n’aurait sans doute même pas eu lieu. Mais qu’importe, pour l’heure je n’allais pas manquer une occasion de me la jouer, esquissant un sourire confiant et ponctuant mon petit dialogue de mouvements de mes baguettes.

« Enfin, si on me le permet bien sûr ! Tu vois, je n’en ai pas l’air, mais il se trouve que je suis déjà très en demande ! Je vais devoir refuser une offre de quelqu’un de très très haut placé juste pour être dans le même équipage que toi alors j’espère que tu réalises la chance que tu as. C’est pas tous les jours qu’on a une collègue aussi prestigieuse ! »

@feat Dumb & Dumber Enjoy !!

Moi qui avais bêtement cru que je pourrais me la jouer en laissant sous-entendre que j’étais une recrue très en vue présentement, voilà qu’il me dépassait et de loin. Il avait déjà fait partie de la flotte d’un Amiral ?! Et pas que, il avait dit son équipage, carrément. Une petite minute… Quelles étaient les chances pour que… ? Naaaaaan. Enfin, il n’y en a pas dix mille non plus des Amiraux. La mention de la demoiselle du service des agents secrets me passa presque complètement par-dessus la tête. Curieuse, mais aussi un peu gênée maintenant, je me concentrai à nouveau sur mon bol de nouilles. J’y plongeai mes baguettes pour mélanger le tout, espérant être subtile ou, au minimum, assez subtile pour berner le blond.

« Ah ! Un Amiral, carrément ! C’est super prestigieux ça, je suppose que le simple fait d’en voir un passer ça doit déjà être vachement impressionnant alors être dans l’équipage de l’un d’entre eux c’est incroyable ! Je sais pas du tout ce que je ferais si j’avais un jour la chance d’en rencontrer un ! »

Heureusement qu’il parla ensuite de ses ailes. Selon ses mots, il les portait pour voler à sa propre manière, à son rythme. Rythme qui devait être assez rapide vu la vitesse à laquelle nous nous étions déplacés plus tôt, mais passons. Le choix de ses mots faisait naître plusieurs questions en moi. Il les portait ? Juste ça ? Genre comme un sac à dos ou c’était plus compliqué ? Parce que si tel était le cas il pourrait toujours simplement les porter par-dessus ses vêtements ça lui éviterait de faire des trous dans tout ce qu’il portait. J’avais profondément envie de lui poser la question, mais craignais qu’il s’agisse d’un faux pas. Au final, il avait pris la peine d’officiellement me souhaiter la bienvenue dans la Marine avant que je ne puisse prendre une décision sur la question. Déjà qu’il avait été incroyablement gentil de me payer un bol de ramen, je me sentais carrément choyée de recevoir en plus un accueil aussi chaleureux dans les rangs de la Marine.

« Héhé ! Merci Commandant, je vais faire de mon mieux pour ne pas vous décevoir ! »

Détendue, je ne pris pas la peine de lui faire remarquer qu’à ce rythme il allait mettre des nouilles partout au lieu de les manger. À la place, mon esprit était retourné se balader dans son dos, là où trônaient ses grandes ailes blanches. Ça devait être trop bien de pouvoir voler. On n’avait plus besoin de marcher, ni de craindre de tomber dans l’eau. En plus c’était très classe et super original comme accessoire de mode. Argh tant pis ! Ma curiosité ne pouvait pas être contenue plus longtemps !!

« Alooooors… Ça fait longtemps ? Les ailes je veux dire ? Tu les garde pour dormir aussi ? Enfin, je veux dire, si tu les porte du coup c’est comme porter un manteau ou un truc comme ça ? »  

@feat Dumb & Dumber Enjoy !!

J’ignore comment j’avais réussi mon coup, mais le blond n’avait pas du tout questionné ma façon très très louche de parler des Amiraux de la Marine. Ce n’était pas plus mal, je préférais encore garder cette information pour moi, pour l’instant. Enfin, j’aurais pu lui en parler, non ? Non. J’ignorais pourquoi, mais j’avais très envie de ne pas ébruiter ma petite soirée sous les étoiles avec l’Amiral Archer. Ainsi, je fus soulagée lorsque Sakuga me parla plutôt de ses propres expériences avec un membre de l’amirauté. Un allumé, un fou qui ne pensait pas à respecter les institutions. Ce devrait être quelqu’un d’autre du coup, non ? Mais il lui avait aussi apprit une technique du Rokushiki. Enfin, pas la même, mais une technique tout de même. Je fus rappelée à l’ordre lorsque l’ange parla de vouloir briller à sa façon et ne pas se soucier de l’étiquette qui lui était appliquée malgré ses actes. J’esquissai un sourire compatissant, comprenant trop bien ce qu’il voulait dire et me souvenant des mots du Kurohebi à ce même sujet.

« Même si ça leur prend du temps, je suis certaine qu’un jour ils seront fiers de toi. »

Dis-je sans pouvoir m’en empêcher. Ceci étant dit, la suite prit rapidement un tournant que je n’avais pas vu venir et je m’en mordis la langue. Comment pouvais-je être aussi maladroite, moi et mes questions stupides ? Je découvris bientôt que le fait de porter des ailes n’était pas une simple envie d’originalité ou de faire changement pour pouvoir voler dans le ciel. Bien au contraire, ces ailes étaient davantage des prothèses destinées à remplacer celles qui lui avaient été arrachées. Comment son propre père avait-il pu lui faire subir quelque chose comme ça ? Je déglutis, me demandant ce que j’aurais bien pu faire à ma propre famille si une rage similaire s’était emparée de moi lorsque j’avais consommé mon propre fruit du démon. Le Gura Gura no Mi, le Paramécia le plus destructeur au monde. Je pouvais déjà me sentir trembler sous le poids des scènes que je m’imaginais et, heureusement, Sakuga me réconforta rapidement sur la question. S’il m’avait sauvée ce jour-là, sur la plage d’Ironfall, c’était justement parce qu’il me croyait incapable de commettre de telles atrocités. La mine basse, c’est sobrement que je lui répondis.

« Merci d’avoir cru en moi. »

Il évoqua l’heure qui tournait avant de brusquement changer de sujet, retrouvant ses rires habituels comme si rien ne s’était passé. Sans doute qu’après s’être ouvert ainsi, il préparait sa fuite pour ne pas avoir à discuter plus en profondeur de ce qui s’était passé. Si je n’avais plus l’humeur à rigoler, je me voyais mal aller à l’encontre de son souhait et le forcer à s’ouvrir plus encore. À la place, c’est donc un sourire tendre que je lui offris tout en posant ma main sur la sienne.

« Merci de t’être confié à moi, ça me touche beaucoup. N’hésite pas si un jour tu as envie de me parler d’autre chose, d’accord ? Je serai là, Sakuga. »   

@feat Dumb & Dumber Enjoy !!