Viper et Leone, Chasseurs de Marines Ma nouvelle vie en tant que Lieutenant au sein de la Marine me plaisait particulièrement. Cela ne faisait que quelque temps que j’avais rejoint cette administration, mais j’avais pu obtenir tout ce que j’espérais. Un salaire stable, me permettant de me la couler douce quand j’estimais avoir un petit coup de mou, ou même simplement lorsque j’en avais envie ; et une situation plus qu’avantageuse en terme de moyens et de reconnaissance. Alors certes mon grade demeurait encore assez bas – chose tout à fait normale par ailleurs -, mais je savais pertinemment qu’en me donnant les moyens je pourrais me hisser au plus haut de l’échelle. Après tout, il me fallait bien ça si je souhaitais m’élever bien au-dessus de cet idiot de Ghetis. Dans tous les cas, ma vie était devenue bien plus agréable, et plus simple surtout. Bien évidemment, il m’était toujours possible de chasser à tout moment – et rien que le fait d’agir de cette façon était récompensé, même en cas d’échec. Alors autant dire que je ne donnais pas ma part aux chiens, bien au contraire ! C’était d’ailleurs également le cas d’Ozkan qui, étant un Chasseur de la tête aux pieds en passant par les globules rouges et blancs, ne pouvait rester calmement dans ses quartiers à se tourner les pouces ou passer la serpillère. Du coup, il nous arrivait parfois de réaliser quelques missions en duo, ramenant des criminels plus ou moins recherchés afin d’être grassement récompensés.
Oh, et en parlant du loup – on en voit la queue -, j’avais été missionné en cette belle journée d’été pour retrouver deux de mes anciens camarades sur une île un peu perdue de South Blue, très proche de Red Line. D’après les informations que l’on avait pu me donner, ils étaient devenus Chasseurs de Marines, ce qui devait probablement leur rapporter davantage. Ça ne pouvait guère être autrement car je n’aurais pas compris leur démarche sinon. Qu’importe, dans tous les cas ils s’étaient détournés du droit chemin et j’avais pour ordre de les ramener en tant que prisonniers. Cela me faisait un peu de peine de savoir que j’allais capturer des personnes avec qui j’avais pu travailler par le passé – et qui m’avaient également sauvé la mise une fois – mais je ne pouvais pas faire autrement. Les ordres étaient les ordres, et il m’était impossible de contester une telle décision car les raisons de cette interpellation étaient louables. Par conséquent, j’avais fait le voyage jusqu’à l’île dont il était question à bord d’un navire de la Marine et accompagné d’une poignée de soldats. La plupart étaient surtout là pour s’occuper des déplacements bâtiment maritime et pour l’entretenir, mais certains pouvaient me venir en aide si j’en ressentais le besoin. En réalité, j’étais suffisamment sûr de moi pour appréhender les deux « criminels » à moi tout seul, mais un peu de renfort au cas-où ne serait peut-être pas de trop, sait-on jamais. Après tout, en combinant leurs aptitudes, ils pouvaient être relativement puissants, probablement même plus que moi – et ça me faisait du mal de l’admettre.
Ainsi, certains de mes hommes m’avaient suivi jusqu’à l’entrée du village où certains habitants semblaient très clairement me dévisager. Faisant signe aux soldats de reculer, je leur ordonnai sur un ton presque dictatorial de rester sur leurs gardes et attendre une nouvelle instruction de ma part jusqu’à nouvel ordre. A ce moment-là, je n’avais plus qu’à faire une seule chose pour ma faciliter la tâche. Bien sûr que je pouvais me renseigner sur l’éventuelle position des chasseurs en m’adressant à la populace, mais cela me ferait sans doute perdre plus de temps qu’autre chose. D’autant qu’au vu du regard que l’on me lançait depuis mon arrivée, il m’était aisé de déduire que la Marine n’était pas forcément la bienvenue sur ces terres. Alors, levant les bras comme pour faire un appel à je ne sais quelle divinité, je fis en sorte de libérer une petite vingtaine de papillons dont seuls les yeux d’un blanc immaculé pouvaient ressortir de la noirceur de leur corps. Grâce à ces Incarnations de mon âme, j’allais être en mesure de quadriller toute la zone à la recherche de mes cibles. Par conséquent, sans émettre un seul bruit, les lépidoptères s’envolèrent et se séparèrent suffisamment pour procéder de la meilleure façon possible, me laissant à ma place. Il me faudrait ainsi plusieurs minutes avant que l’information cruciale ne me revienne, me permettant de ce fait de me mettre en route sans plus attendre.
« Trouvés. »Esquissant ainsi un léger sourire de satisfaction, je plaçai mon pied droit devant l’autre et me mis simplement à suivre la direction indiquée par mes insectes. Celle-ci me menait directement dans une forêt où se trouvaient diverses choses intéressantes pour l’utilisation de mon pouvoir. Il y avait des rochers, des lianes, des racines, des troncs, … Un peu de tout en somme. Ayant récemment fait l’acquisition de quelques petites âmes bien fraîches, il ne me restait plus qu’à me servir de l’environnement comme d’un moyen d’arriver à mes fins. En effet, incapable de se rendre compte de ma présence à l’heure actuelle, les deux chasseurs seraient sans doute surpris de faire face à différents pièges relativement bien élaborés. De ce fait, je n’eus qu’à suivre la direction qu’ils prenaient pour agir sur leur chemin en toute discrétion. Seul un papillon allait continuer de les surveiller afin de s’assurer qu’ils ne dévient pas de leur trajectoire ou décident de faire quelque chose d’autre. Les autres, quant à eux, retournèrent à moi pour me laisser reprendre leur âme.
Moi, pendant ce temps, je laissai le charme opérer… Attrapant les âmes en ma possession dans la sacoche que je transportais, je les fis virevolter avec douceur jusqu’à les faire atteindre leurs nouveaux réceptacles. L’une d’elle s’implanta dans le sol, en plein milieu du chemin de terre, tandis que deux autres vinrent prendre vie à l’intérieur des racines de deux arbres différents. Puis, dans l'attente de voir mon plan se dérouler comme de préférence comme je l'avais prévu, je fis en sorte de me cacher. Et, c’est après quelques minutes d’attente que les proies purent se jeter dans mon filet. La première, Leone, posa très naturellement le pied à l’endroit où se trouvait le premier Homie qui, sans réfléchir, ouvra la bouche pour l’engloutir. Evidemment, le Tontatta n’avait pas été littéralement dévoré, loin de là. Toutefois, ce petit « tour de passe-passe » m’avait permis de l’enfermer au moins temporairement dans un lieu sombre se trouvant finalement à quelques dizaines de centimètres de la surface. Je savais pertinemment qu’il finirait par s’en sortir d’ici peu de temps, mais ce moment de répit était déjà bien suffisant pour attaquer Viper pendant qu’il se trouvait seul.
« C’est pas vrai ! Yashin, c’est bien toi ? Qu’est-ce que tu fous ?! »Je venais tout juste de sortir de ma cachette, dévoilant ce visage qui lui était si familier.
« Je t’aurais bien dit que je suis là pour discuter un peu et rattraper le temps perdu mais.. C’est pas le cas. Le fait est que vous chassez des Marines désormais. Vous pensiez vraiment qu’on ne m’enverrait pas vous capturer compte tenu de notre relation passée ? Ne me prends pas pour un idiot, Viper. »Me lançant un regard noir, toutefois accompagné d’un sourire presque méprisant à mon égard, il me répondit très sereinement.
« Quand bien même. Qu’est-ce que tu crois pouvoir faire ? T’as oublié qu’on t’a sauvé la vie sur Torino ? Sans nous, tu n’étais rien. Et surtout, tu sais très bien qu’à nous deux, on te surplombe largement. »Soupirant en constatant que le chasseur n’avait pas l’air de comprendre que pour le moment il était seul face à moi, je croisai les bras en le regardant d’un air hautain. Je connaissais son style de combat ainsi que sa malédiction. Et, par conséquent, j’étais au courant de sa faiblesse au combat rapproché.
« Asmodeus, Azazel. »« Yes Master ! »Sur ces mots, deux dagues s’échappèrent de ma veste et se mirent à flotter lentement dans les airs. Toutes deux arboraient quelques traits humains : des yeux ainsi qu’une bouche. Oui, elles étaient bel et bien vivantes ! Celles-ci directement issue de mon âme étaient des Soul Homies, créatures bien plus puissantes que les simples Homies utilisés précédemment. Par ailleurs, elles étaient capables de se mouvoir selon leur bon vouloir puisqu’elles disposaient de leur propre personnalité. Sachant très bien ce qu’elles devaient faire, elles s’exécutèrent alors, fusionnant littéralement entre elles pour former une double lame qui s’allongea même des deux côtés pour en augmenter la portée. Toutefois, je n’allais pas me battre avec moi-même, non, ça serait bien trop épuisant. Donc, les deux dagues désormais réunies s’élancèrent à toute vitesse en tournoyant en direction du chasseur. Celui-ci, ne comprenant pas encore toute l’étendue de mes pouvoirs, préféra se méfier en prenant de la distance tout en balançant des boules de neige dans l’espoir de pouvoir toucher l’arme volante. Mais.. Il n’y avait rien à faire. Quand bien même le projectile serait envoyé correctement, il se retrouverait simplement tranché en deux, incapable de faire effet.
Pendant ce temps, non loin de ma position, je pus entendre le sol gronder et trembler quelque peu. Il ne pouvait s’agir que de Leone qui faisait tout son possible pour se sortir de cette prison terrestre. Et, à voir la tête du Homie le contenant, il allait bientôt y parvenir. Malheureusement pour moi, le fait de focaliser mon regard sur cette zone ne m’avait pas permis de faire attention au reste. C’est ainsi que Viper put profiter de ma distraction pour tirer une boule de neige qui, au lieu de viser l’arme, avait pour objectif de me toucher moi, directement. Incapable de réagir suffisamment vite, je fus contraint d’encaisser et de laisser mon bras droit se recouvrir d’une couche de neige. Et, alors que j’essayais de m’en débarrasser en frappant dessus avec mon autre main, je fus violemment percuté par le Tontatta qui frappa ma cuisse gauche de toutes ses forces en me faisant tomber à la renverse. Après ça, je ne pus m’empêcher de râler en tentant de me relever malgré la douleur aigüe. Seulement, même si j’étais personnellement « handicapé » grossièrement, Asmodeus et Azazel n’avait pas arrêté d’agir de leur côté. Si bien que Viper se retrouva bien vite en mauvaise posture et se retrouva avec une profonde entaille en plein milieu du dos.
« Argh, bordel de merde ! »Leone, par réflexe, chercha à le rejoindre au plus vite pour lui venir en aide mais c’était une grossière erreur. Sa bonté le perdrait véritablement un jour. Malheureusement, ce jour était arrivé bien rapidement. Il me fallait alors profiter de son intervention pour me débarrasser de lui sur le champ. De ce fait, l'une des racines animées précédemment vint s’étendre de façon à attraper les jambes du nain pour l’immobiliser en plein vol.
« J’suis désolé, les gars. Mais j’y suis contraint. »Sur ces mots, je me relevai entièrement et m’approchai de Leone en boitant et en le regardant se débattre comme il le pouvait. Cependant, je ne m'attendais pas à ce qu'il sorte un petit coutelas qu'il serra fermement entre ses doigts pour frapper la racine avec ténacité. Cela ne fit d'abord pas grand chose, jusqu'à ce qu'un coup - sûrement donné au hasard - vint fendre le visage du Homie en deux. Dès ce moment, l'entrave devint rapidement plus lâche et un masque coupé dans le sens de la longueur tomba au sol. Je n'en croyais pas mes yeux. Je n'avais jamais vu une réaction comme celle-ci auparavant. C'était comme si la vie avait été immédiatement retirée. Comme si ce Homie était.. Mort. Quelque peu sous le choc de la découverte de cette faiblesse, je ne pouvais tout de même pas m'arrêter maintenant. Alors, en basculant mon bras gauche vers l’arrière, je mis un coup de poing vif et sec en plein visage du Tontatta pour l’assommer en profitant de ma taille supérieure.
« C’est fini pour toi, p’tit loup ! »« Oui, terminé loupiot ! »
A genoux sur le sol, Viper était essoufflé et surtout, il sentait clairement sa plaie le lancer violemment. Il n'allait pas pouvoir résister très longtemps, mais il se devait de se battre jusqu'au bout. C'est pourquoi, avec un incroyable instinct de survie, il parvint à se retourner pour envoyer une boule de neige en plein milieu de la double lame, là où se trouvait le manche formé par la fusion des dagues.
« Non c'est pas vrai ! »« Impossible ! »
L'arme immobilisée pour le moment, il se releva en puisant dans ses dernières forces et se rua en ma direction en préparant une énorme boule de neige dont il se servirait pour me transformer entièrement en Bonhomme de neige. En tournant lentement la tête, je me rendis compte de la situation, mais je ne pouvais strictement rien faire. Comment éviter cet assaut ? Comment m'en protéger ? je ne voyais aucun moyen. C'est alors que je fus sauvé, pour la deuxième fois. Asmodeus et Azazel avaient décidé de se séparer en tirant le plus possible de chaque côté de la double lame afin de se défaire de l'immobilisation. Et, une fois libérées, elles s'étaient mises à foncer avec rapidité sur le chasseur pour venir se planter profondément dans ses mains, évitant ainsi le lancer.
« Y'a rien à faire.. Désolé, Leone.. »Sous le coup de la douleur, il s'évanouit, incapable de faire quoi que ce soit d'autre. Et c’est ainsi que la mission s’était terminée. Les deux chasseurs avaient été mis hors d’état de nuire et moi j’allais devoir me remettre de leurs offensives ainsi que d'une telle découverte. Evidemment, je fis en sorte de briser la neige s’étant agglutinée sur mon bras afin de me libérer de son emprise, mais je n’allais clairement pas pouvoir porter les deux pour les ramener. Alors, par souci de simplicité, je créai une nouvelle entité entièrement noire ayant une forme plus humanoïde et suffisamment forte pour pouvoir porter un homme. Celle-ci s’empressa ensuite d’attraper Viper pour ensuite me suivre jusqu’au navire, en repassant par le village de civils.
« Ça n’aurait jamais dû arriver. J’aurais pas dû me laisser déborder par ces deux imbéciles. »