Regardant le corps à ses pieds, la verte constatait que capturer le zigoto avait été plus compliqué que prévu. Non pas que l’homme était plus fort que prévu, non, ça c’était resté dans ses prédictions, simplement qu’il avait un très bon instinct et qu’il avait à peine posé le pied sur la plage qu’il avait senti que quelque chose n’allait pas, tentant de fuir presque aussitôt.

Elle avait pu le rattraper, usant de sa malédiction pour tirer sur la ceinture du primé et le ramener ainsi sur la plage, et de là, le sable l’avait enlacé, immobilisé et étouffé jusqu’à ce que mort s’en suive. Ça n’avait guère pris de temps, mais la jeune femme n’avait pas vraiment osé regardé la chose, vaguement mal à l’aise des bruits qui provenaient du corps cherchant à se débattre et éructant sa salive alors que l’air ne rentrait plus.

Dans ses oreilles, les bruits étaient amplifiés, pour son plus grand dégoût. Elle avait déjà tué avant, et le referait sans aucun doute dans le futur, mais ce genre de bruit… Ça sonnait sale. Ça sonnait comme le sacrifice nécessaire pour son bien, ça avait la mélodie de l’égoïsme et ça s’assemblait comme une symphonie à l’hypocrisie.

Pour autant, il fallait bien qu’elle se débarrasse du corps maintenant, surtout si elle voulait donner une preuve au gouvernement qu’elle s’était occupée du maltraiteur de tortue. Une tête probablement, qu’elle pourrait faire parvenir à Lidy discrètement, éventuellement avec un petit mot. Au pire, elle pourrait toujours juste la propulser à travers une fenêtre au hasard d’Enies Lobby et fuir en volant.

Son regard tomba sur le corps, lui rappelant que de toute manière, pour le moment, il fallait s’occuper de lui. Il n’était pas très lourd, mais le sable n’aidait guère la jeune femme, et il était hors de question qu’elle le prenne sur ses épaules, même si ça lui simplifierai la tâche.

Tout ça pour manquer de faire un arrêt cardiaque en entendant une jeune fille lui hurler dans les oreilles ou presque. Dans les oreilles, quinze mètres, quelle différence avec une ouïe comme la sienne. Ceci dit, fée des bois, ça lui parlait non? Il y avait une gamine qui l’appelait comme ça… Milou? La jeune femme tourna la tête en direction de l’origine du bruit, découvrant effectivement une gosse à cheveux blancs visiblement ravie de la revoir.

Immédiatement, la verte lâcha le bras du macchabé pour venir flotter proche de la gosse, tapotant sa tête pour la saluer, comme si elle traitait une enfant du voisinage. Ce qui, en un sens, était assez similaire à leur relation. Milou était une jeune pirate débutante qui voyait probablement la médecin comme une grande sœur plus confirmée dans le domaine.

“ Milou? C’est pas ce que tu crois!”

Elle rebaissa la tête vers le corps avant de la relever, abandonnant l’idée de se justifier.

“ Bon d’accord si, c’est ce que tu crois, mais il y a des raisons. Déjà c’était un salaud, en plus il maltraitait sa tortue, et puis, faut bien que je travaille un peu si je veux devenir corsaire…

Euh bref, sinon, tu vas bien? Qu’est ce que tu fais là, tu es enfin arrivée sur Grand Line?”

Le claquement de dent, peut-être un frisson de peur à l’idée de la prochaine sur la liste, ramena un tant soit peu la verte à la réalité. Terroriser la gosse n’était vraiment pas dans ses objectifs, c’est juste qu’elle ne pouvait pas vraiment planquer le corps dans une poche et faire comme si de rien était. C’est donc naturellement, et maladroitement, qu’elle tenta de rassurer la jeune fille.

“ Mais… Enfin…”

Elle marmonna deux trois mots, incertaine de comment aborder le sujet, avant de finir par abandonner dans un “Non rien oublie” à peine audible. C’était de toute façon probablement mieux comme ça. Qu’est ce qu’elle pouvait bien dire pour désamorcer la situation de toute manière, “T’inquiètes, c’est pas toi la prochaine normalement”? Bonjour l’ambiance après ça, sans même parler du fait qu’elle serait passée pour une psychopathe dans le meilleur des cas.

De toute façon, Milou semblait déjà être passée à autre chose, visiblement toujours aussi hyperactive. Est ce qu’elle souffrait d’un trouble quelconque de l’attention ou est ce que c’était juste un signe tardif d’une croissance retardée… Elle lui avait plus ou moins dit avoir eu une enfance plus que troublée, ça avait peut-être joué, mais c’était dur de dire. C’était plus facile de diagnostiquer les tares physiques… Elle allait au moins l’air d’aller bien, contrairement à la verte noyée dans le flux de parole qui tentait désespérément de recoller les morceaux.

Si la médecin avait tout compris, la jeune pirate avait été embarqué par une autre pirate plutôt sympathique, mais qui l’avait poussée à l’eau, apparemment sous le coup de la surprise. Si c’était vrai, elle avait déjà de la chance d’être encore en vie. Il restait encore à déterminer qui c’était ce Toto, mais bon, l’info viendrait. Sûrement… Ça devait être la personne qui l’avait déposé ici, sans vraiment lui dire où “ici” était. Pas très sympa.

“ On est sur Maisetsu. Je peux pas vraiment te dire de qui de quoi, première fois que je pose les pieds sur l’île aussi, je savais juste que j’y trouverais euh…”

Elle baissa les yeux sur le corps avant d’esquiver le sujet de piètre façon.

“ Enfin, d’y trouver ça quoi. Et non, c’est pas pour Elesh, elle est sûrement partie se nourrir d’elle-même sur l’île. Je doute qu’elle revienne affamée. J’ai juste besoin de lui à cause de sa prime, c’est pour montrer au gouvernement que je suis sérieuse dans mon idée de devenir Corsaire. Ça et le fait qu’il maltraitait une pauvre tortue sans défense.”

Une tortue-île massive probablement capable de renverser des navires de guerre gouvernementaux simplement en étendant son cou, mais ce n’était pas comme si l’information avait une grande valeur pour la verte, qui avait clairement un souci dans son échelle de la valeur de la vie.

“ Sinon je vais bien oui, et toi? Enfin, à part la baignade que tu as l’air d’avoir pris. Tu veux peut-être qu’on se déplace, histoire que tu puisses te sécher? Encore que…”

Elle agita la main et une ombre recouvra les deux jeunes femmes, descendant avant de venir crever la surface de l’eau pour s’agencer plus ou moins correctement avec la plage, la porte du phare s’ouvrant d’elle même et la verte mimiquant la courbette d’un servant.

“ Si Mademoiselle veut bien se donner la peine.”

Elle se releva avant d’ajouter.

“ Oh attends, tu veux peut être que euh, Toto te rejoigne? Et t’inquiètes pas, Elesh est dehors, donc tu la verras venir normalement.”

Le cadavre s’envola brusquement, passant par une fenêtre du dernier étage où la médecin s’en occuperai plus tard.

“ Tu veux manger quelque chose? Quoi que, vu comment t’es trempée, une serviette sèche ça me paraît bien avant. Tu te souviens où est la salle de bain?”

Une piscine… Non, définitivement, la verte n’en avait pas sur son lopin de terre volant. Elle avait bien une baignoire à la limite, mais clairement, ce n’était pas vraiment la même chose. Peut-être qu’elle pourrait se faire installer ça, mais ça risquait de faire un peu grand pour le jardinet… Avec une extension de terrain peut-être? Ça semblait compliqué, et puis quand est ce qu’elle utiliserait une piscine? Non, à bien y réfléchir, c’était sûrement une mauvaise idée. Mais si “Toto” avait besoin d’une piscine… Est ce qu’il s’agissait d’un poisson? Un homme-poisson n’aurait pas eu besoin… Une sirène? Toto ne faisait pas très masculin comme nom, mais c’était possible… Ah non, Milou en parlait au masculin…

“ Euh… Toto… Il… Enfin, il était dessous?”

La jeune femme était ouvertement confuse et embarassée, en plus de se sentir mal à l’aise à l’idée d’avoir potentiellement assassinée une pauvre créature innocente dont le seul crime était d’avoir fait l’erreur de se poser sous un phare volant. Certains auraient pu dire que c’était la vie, un coup de malchance, mais pour la verte, c’était un brin plus que ça. Une sorte de “glub glub” aquatique vaguement choqué retentit dans ses oreilles et elle poussa un soupir de soulagement. L’animal n’avait rien si ce n’est une crise de surprise aiguë.

Quant à la jeune fille, qui avait visiblement bien des soucis immédiats, elle ne tarda pas à filer à l’intérieur, montant les escaliers quatre à quatre comme la sauvageonne qu’elle était au fond d’elle-même. Et si en haut le bruit des serviettes frottant les unes aux autres se faisait entendre, la médecin fouillait dans le garde-manger, constatant rapidement un problème.

“ Il n’y a pas grand chose… Quand est-ce que ça a autant baissé?”

Elle avait bien une réponse en tête, qui commençait par Elesh et finissait par Norn. La boule de poil avait probablement lancé une ou deux razzias sur le cellier quand la jeune femme dormait, et il suffisait d’un réveil difficile pour qu’elle ne le remarque pas… Se grattant l’arrière du crâne, elle remettait ses plans en cause. En soi, elle pouvait bien préparer une soupe, il devait rester un peu de jus dans le Heat-Dial qui servait pour la chaudière, mais… Ça faisait mince, en plus de prendre du temps.

Entendant l’appel de Milou, la jeune femme releva la tête pour se diriger vers la gosse, découvrant une espèce de femme-serviette avançant difficilement tant ses pas étaient gênés par les tissus. Elle resta coite un instant avant de pouffer de rire devant l’apparence incongrue de la chose.

“ Allez petite grenouille, on se sèche au lieu de se balader comme ça.”

Elle réfléchit un instant avant de constater que puisque la gamine avait mangé un zoan du singe, “Petite grenouille” ne convenait pas tellement. Après un second instant de réflexion, elle convint que ça n’avait aucune forme d’importance.

“ Bon écoutes, j’ai quasi plus rien à manger et faut que je fasse des courses. Tu veux explorer la ville à côté? Parce que j’ai que ça à te proposer. Je connais pas le coin, mais on devrait bien pouvoir trouver quelque chose.”

La verte observa un instant la gosse tenter d’étendre sa serviette, révélant une étonnante crise de perfectionnisme. C’en était même presque perturbant, l’adolescente n’ayant jusque-là jamais vraiment révélé quelque chose qui pourrait s’y apparenter. Un toc développé au cours des dernières années peut-être? En tout cas, elle finit par s’estimer satisfaite, courant soudainement vers la sortie déjà transformée en singe, comme si elle était incapable de s’en tenir à une forme.

Des robes comme les siennes? La verte baissa les yeux pour vérifier ce qu’elle portait, une simple robe blanche comme à l’accoutumée. Rien de honteux, la fabrique et la couture semblaient tout à fait honnêtes, mais rien de mirobolant non plus. C’était “juste” une robe blanche comme on pouvait en trouver n’importe où ou presque. Le tailleur le plus médiocre serait probablement capable d’en créer une vingtaine par jour sans trop de souci, et même sa mère, pourtant peu douée en tant que couturière, aurait pu en faire une si elle le voulait. La verte les achetait juste parce que… Pour un tas de raisons en fait. La plus importante étant peut-être que Lucina la trouvait belle dans ces robes. Probablement même.

“ Je suis pas bien sûre de pourquoi tu veux les même, ça sera sans doute pas pratique pour la vie de pirate, et encore moins si tu dois te transformer, tu crois pas? Mais si tu y tiens, je pense que ça devrait pas être très dur à trouver, c’est juste une robe basique. Ça devrait pas te coûter grand chose non plus d’ailleurs.”

Il avait suffit d’un instant pour attraper la zoan et la déposer sur la plage, de laquelle elles partirent vers ce qui semblait être une plaine au vu de l’herbe montante, d’abord éparse, puis de plus en plus omniprésente, jusqu’à ce que le sable devienne terre et la plage une plaine. Au loin, l’ombre d’une ville, et en face… un quatuor à l’air patibulaire, presque caricatural de la médiocrité peureuse du hors la loi refusant de vraiment se lancer.

La verte se contenta de pencher la tête vers la droite en les entendant alpaguer le duo féminin, incertaine de ce qu’ils voulaient. Ils n’allaient quand même pas… Si. Un instant, la pirate se demanda si elle n’était pas en train de rêver après avoir lu une bande dessinée pour enfant de trop, où les méchants étaient très méchants et les gentils très gentils. En fait, c’était presque légèrement ridicule, et elle avait presque pitié d’eux. Pas Milou visiblement, qui était soudainement repassé en singe pour sauter sur l’un d’entre eux avant de le mordre à l’épaule, assez fort pour que la verte entende plusieurs os se briser, à commencer par la clavicule.

Le hurlement de douleur qui accompagna ce craquement fît réagir le reste du groupe, l’un d’entre eux cherchant à défendre son compagnon et décrocher le singe, l’autre commençant à se diriger vers la verte d’un air menaçant, ou du moins ce qui était probablement censé être un air menaçant mais semblait plutôt une panique désespérée, probablement à l’idée que, peut-être, ce n’était pas sa meilleure idée.

Un premier pas, puis un autre, avant de s’arrêter complètement, les mains soudainement portées à sa gorge, sa respiration guère plus qu’un sifflement infime alors que la pouille qui lui servait de t-shirt s’enfonçait profondément dans sa chair, écrasée par la malédiction de la primée. Les larmes lui emplissaient les yeux sous le regard indifférent de sa tortionnaire, ses genoux venant toucher le sol alors que ses dernières réserves d’air formaient un simple “pitié” avant que son visage ne percute la route. Pas mort, mais pas prêt de se réveiller non plus.

Le dernier membre du quatuor, désormais ouvertement terrifié par ce qu’il venait de voir, décida que la chose la plus sage à faire était de prendre ses jambes à son cou. Un brin trop tard cependant, puisqu’une langue de grenouille vint l’attraper, l’engloutissant en un instant pour ne plus jamais le voir réapparaître, contrairement à la boule de poil verte qui déglutit bruyamment avant de lorgner sur l’imbroglio de chair humaine et simiesque.

Et avant que la verte ai pu l’arrêter, la langue fusait de nouveau, cette fois vers l’homme actuellement en train de se saisir d’une saïmiri qui avait intérêt de bien s’accrocher à sa proie…