Lorsque la famille sortit du train, tout le monde portait ses affaires. Même Anna la petite dernière de 5 ans portait son petit sac à dos. Marc du haut de ses 16 ans portait ses 3 sacs tandis que sa mère, Claire, portait son sac à main ainsi que sa trousse de toilette. Lionel, le père, portait péniblement ses sacs et celui de sa femme. Tom, dans ce cortège portait ses 2 sacs tout en pensant encore et toujours à Laura. Ainsi, dans ce climat calme et rêveur, il sursauta lorsqu’il entendit une voix lui dire :
« Renonces-y Tom ! Tu as perdu renonces-y. »

Tom se retourna et chercha partout autour de lui la personne qui lui parlait, et qui connaissait son nom. Ce ne pouvait pas être Marc, il le voyait au tabac-presse à plus de 40 mètres. Personne ne semblait vouloir lui parler, ou même le regarder, et il ne reconnaissait personne :
« Renonces Tom ! Ils vont te tuer, c’est ta dernière chance. »

Il comprit alors que cette voix provenait de son esprit. Un passant intrigué par l’inactivité et le visage figé de Tom s’avança vers lui pour lui demandait si tout aller bien. A ce moment, Tom se jeta sur lui et le secoua par les épaules en hurlant :
« Jamais ! Tu m’entends ! Jamais ! »

Peu à peu, Tom sembla se calmer tandis que la foule s’amassait autour d’eux. Il n’avait rien compris, il venait d’entendre cette voix lorsque son corps s’était projeté sur ce pauvre homme en le secouant comme un pommier. Et une voix qui n’était pas la sienne avait hurlé à travers sa bouche. Le passant était blanc de peur, Tom aussi ! Il le lâcha et repartit en vitesse vers la sortie qu’avaient pris ses parents. Une main se posa alors sur son épaule, l’insistance qu’elle entrainait l’obligea à s’arrêter. Il se retourna de plus en plus effrayé et découvrit un contrôleur qui le regardait avec méfiance. Que devait-il faire, tenter de fuir ou écouter le contrôleur qui allait surement lui dire de le suivre dans son bureau ? Tom tentait de réfléchir paniqué car il ne comprenait même pas ce qui se passait quand le contrôleur lui parla :
« Tenez vous avez oublié votre sac … et essayez de vous calmer un peu. »

Tom resta bouche-bée, ne réussissant pas à articuler un mot. Le contrôleur repartit alors en lui tournant le dos tandis que sa mère l’appelait en lui demandant de se dépêcher. Il s’empressa de récupérer son sac et partit en trottinant vers sa famille. Il mit ses affaires dans le coffre et monta dans la voiture que ses parents avaient laissée sur le parking lors de leur dernière visite. Malgré la peur et les questions qui se bousculaient dans sa tête suite à la scène qu’il venait de vivre, les railleries de son frère, les indications de sa mère ainsi que les jeux de sa sœur lui firent oublier momentanément ce qui s’était passé.

Le voyage en voiture passa assez vite. Tandis que la mère parlait du paysage, des courses à faire et de la vie à venir à des enfants qui l’ignoraient totalement. Le père conduisait tranquillement, Anna jouait avec une petite poupée et Marc écoutait son MP3. Tom, lui, se perdait à nouveau dans ses pensées, le regard perdu dans le vaste paysage qui défilait derrière la vitre. Il pensait à tout ce qu’il avait laissé à Paris. Il pensait à sa vie, à ses amis, il se rappela sa première rencontre avec celui qui était devenu son meilleur ami, Max ! Il avait 11ans lorsqu’il était rentré en sixième et les troisièmes n’avaient alors pas manqués de faire de lui leur larbin. Tom était chétif à l’époque, même aujourd’hui à 14 ans il n’était pas très musclé. Mais cette faiblesse physique s’accompagnait d’une volonté de fer de ne jamais se soumettre. Malheureusement cette volonté lui valut de nombreuses raclées de la part de ces « grands » qui étaient décidés à le faire souffrir.


Un jour qu’une de ces bandes le corrigeait dans un recoin du collège Max était venu à son secours. Max n’était qu’un sixième mais il possédait une carrure déjà imposante. Ce jour là il n’y avait que trois racailles qui frappaient Tom, Max n’eut donc pas trop de difficultés à les faire fuir. Il aida ensuite Tom à se relever et se présenta. Au fil des jours ils devinrent peu à peu inséparables. Mais bien sûr, la bande dont faisaient parti les trois racailles que Max avait fait fuir voulut se venger. C’est comme ça qu’un jour, à la sortie du collège, une dizaine de gars leurs étaient tombés dessus. Mais ils ne s’intéressaient pas à lui, ils voulaient se venger de Max, et ils comptaient bien lui faire payer son action. Ils encerclèrent alors Max, laissant de côté Tom. Le plus grand de la bande dit un mot et ils se ruèrent tous sur Max, Tom comprit que c’était le chef. Les premiers malfrats arrivés sur Max furent reçus par des successions de coups qui les mirent KO. Mais il ne put tenir le même rythme avec les suivants, il fut très vite débordé et ses assaillants prirent alors l’avantage. L’un des malfrats le fit trébucher et les autres se jetèrent sur alors sur lui en le rouant de coups de pied. Tom, pétrifié, regardait son ami à terre qui se faisait maltraiter. Il ne pouvait l’aider seul, mais il ne pouvait pas fuir pour chercher de l’aide. Il regarda la ruelle où ils se situaient et vit surtout des débris et des poubelles jonchant le sol. Il releva la tête et constata que le chef des malfrats lui tournait désormais le dos et que les autres étaient trop occupés avec Max pour le voir. Il s’avança et ramassa un morceau de bois par terre, ce qu’il allait faire était complétement stupide, mais il fallait qu’il le fasse. Il s’approcha doucement du malfrat, lui tapota l’épaule, brandit le morceau de bois à deux mains et l’abattit sur la joue gauche du chef qui se retournait. Il sentit quelques craquements dans la bouche de sa victime sous l’impact du bois, mais il ne lâcha pas. Le corps du malfrat s’écrasa par terre, il avait dû perdre connaissance. Les autres cessèrent alors de frapper Max pour se retourner vers lui, Tom voyait qu’ils hésitaient sur l’attitude à tenir, il en profita. Plaçant son pied droit sur le ventre de sa victime pour le maintenir, il leva son morceau de bois et leur cria :

« Dégagez et laissez-nous tranquille ou je lui éclate la tête ! »

Les malfrats se regardèrent, ne sachant pas quoi faire. L’un d’eux avança d’un pas et Tom esquissa un mouvement de frappe avant de lui lancer :

« Je ne plaisante pas ! »

En disant ça il avait donné un coup de pied dans le ventre du chef pour appuyer ses propos. Ce geste paru décider le malfrat qui s’était avancé puisqu’il fit un signe aux autres et recula en regardant fixement Tom avant de disparaître au coin de la ruelle. Tom continua de regarder le coin de la ruelle pendant une trentaine de secondes, craignant de voir revenir les malfrats. Puis il était tombé à genoux et avait lâché le morceau de bois pour mettre ses mains sur ses yeux et pleurer. Max se relevait, il était marqué mais semblait en bonne forme. Mais Tom ne le regarda pas, Tom continua de pleurer car il avait eu peur. Peur des malfrats certes, au début, mais surtout il avait eu peur de lui. Il avait éprouvé du plaisir à frapper ce malfrat et avait encore envie de s’acharner sur lui. Mais il lui semblait pourtant que cette envie n’était pas totalement la sienne, il n’aurait su expliquer pourquoi, mais il avait l’impression de ne pas contrôler son corps entièrement à ce moment-là. Par la suite les parents de Max s’étaient plaints et les malfrats avaient été virés du collège. Tom n’avait plus jamais entendu parler d’eux.

La voiture s’arrêta dans la cour de la maison et Tom revînt au moment présent pour découvrir son nouveau lieu de vie.