Feuille de personnage Niveau: (33/75) Expériences: (112/220) Berrys: 149.714.000 B
Dim 27 Mai - 16:40
Kari Crown :
Immortal
Devils, Gods and Witches
Devils Got You Beat - Blues Saraceno
1339, Angleterre
Les guerres faisaient rage, emportant dans un large sillon mortel de nombreuses vies. Un royaume tiraillé entre les luttes contre l’Écosse et la France. Ces batailles n’étaient point miennes. Bien trop occupé à gérer l’élevage des moutons familial pour en vendre la laine, je gardais une oreille attentive aux bruits qui couraient. Je vois passer des cargaisons d’infanterie de temps à autre, des archers entourant des chevaliers qui paradaient. Pourtant, la victoire n’était acquise à personne encore.
Ma laine me rapportait de quoi subvenir aux besoins de ma famille. Ma mère, mes deux plus jeunes frères et ma sœur cadette. Ma mère… une belle femme, bien que trop maigre et trop bronzée, avec des yeux d’un vert à en faire pâlir toutes les feuilles des plantes qu’elle cueillait. Les pâturages commençaient à verdoyer, le soleil réchauffait doucement la terre qui avait si longtemps dormi au cours de l’hiver.
Ce matin-là, j’étais debout depuis plusieurs heures déjà alors que le soleil peinait à se montrer. Mes bêtes paissaient paisiblement tandis que je profitais de leur absence dans la bergerie pour changer la paille qui leur servait de litière. Je venais de finir ma tâche et commençais à disposer du foin dans le râtelier en bois avec une fourche lorsque le battant de la porte s’ouvrit précipitamment. La silhouette ma sœur se découpa sur l’extérieur nettement plus lumineux que la pièce où je me trouvais. Je la fixai, l’air interrogateur, stoppant ma fourche en pleine course à la recherche de foin. Un court instant s’écoula, durant lequel nous restâmes figés tous deux comme des poupées de cire avant que ma frangine ne s’avance d’un pas.
Ses cheveux étaient complètement ébouriffés, son teint livide, le regard soucieux, le souffle court et le bas de sa robe trempé de la rosée matinale.
- Que t’arrive-t-il ? Aurais-tu vu un esprit ? me moquai-je.
Ma pique ne sembla pas l’atteindre.
- Viens vite. Il y a quelqu’un en sang dans la forêt.
Laissant tomber ma fourche, je m’approchai d’elle.
- Où ça ? - Près de la clairière où j’aide mère à cueillir ses plantes.
Je frôlai ma sœur en sortant. Que s’était-il passé ? L’attaque d’une bête ? Il y avait quelques loups dans les parages, et de temps à autre mon cheptel diminuait. Je courus jusqu’à l’orée du bois, manquant de perdre l’équilibre ou de me tordre une cheville plus d’une fois à cause d’un trou dans le sol dissimulé par une grosse troche d’herbes. Rapidement, je trouvai la clairière. Les hautes herbes avaient été tassées et piétinées à plusieurs endroits, cela formait même une piste à suivre. Je m’engageai sur l’un des sentiers et slalomai entre les arbres avant de revenir à la clairière. D’un regard nerveux et d’un pas pressé, je retentai ma chance un peu plus loin. Je finis par apercevoir, sous le couvert des arbres, une silhouette étalée sur le sol.
C’était un homme à la toison blonde, une carrure moyenne et des mains usées. Je ne le connaissais pas. Son teint était encore plus pâle que celui de ma sœur lorsqu’elle était venue me trouver. Une fleur de sang séchée tachait ses habits d’une couleur claire. Je m’agenouillai vers lui précipitamment, cherchant l’origine du saignement avant de m’apercevoir qu’il y avait aussi du sang sur sa gorge et dans l’herbe. Je découvris de multiples griffures, plus ou moins profondes, mais surtout des morsures tout autour du cou et aux poignets. Deux dents, deux canines, deux crocs avaient perforés la chair jusqu’au réseau veineux, laissant le malheureux se vider de son sang. Le sang avait fini par arrêter de couler avant que j’arrive. Le pauvre homme avait succombé, les yeux grands ouverts et emplis de terreur, sa bouche tordue dans un rictus de peur et de douleur, exsangue. Paix à sa pauvre âme.
- Il est… mort ?
Je ne pris pas la peine de me retourner lorsque je reconnus la voix de ma mère. J’acquiesçai en silence avant de relever le corps dans le but de traîner le pauvre diable ailleurs.
- Comment ? - Une bête l’a mordu. Ma génitrice, à qui je tournais encore le dos, me contourna avant d’observer le cadavre. Je la regardai faire, intrigué. Avec un grand calme, elle prit avec une main le poignet droit du trépassé, le tourna afin de voir l’intérieur et posa son pouce sur la morsure, précisément dans l’espace séparant les deux trous bien visibles. Une once de surprise traversa un instant son regard puis elle le lâcha soudainement avant de river ses yeux aux miens.
- Qu’est-ce que c’est ? l’interrogeai-je.
Seul le silence ponctua ma réponse. Un léger courant d’air fit bruisser les feuilles des arbres alentour, courbant l’herbe haute et la rendant vivante l’espace d’un instant.
- Un puma, peut-être.
Je haussais les épaules. Si un prédateur rôdait dans les environs, mieux valait être prudent les jours prochains.
Et certains ne l’avaient pas été, ou pas assez. Un nouveau corps fut retrouvé, semblable au mien d’après ce que j’en avais entendu dire. Puis un troisième, tous à des endroits différents. Les rumeurs ont commencé à se propager telles des rongeurs envahissant les rues et les champs, alimentées par la découverte de nouveaux corps. Elles se sont multipliées, déformées, chacun ajoutant un fait plus ou moins vrai, exagérant certains aspects. Mais une chose ressortait de toutes. La Bête. Une chose, rôdant dans l’ombre, chassant la nuit, se déplaçant sans bruit et rapidement, avec deux longs crocs, capable de se transformer en homme le jour. C’était un constat effrayant de tout ce qu’il se passait. Les chasseurs du coin traquaient le prédateur inconnu sans relâche sans avoir de quelques résultats.
Ma mère ne semblait pas être prise de la même fureur que les autres. Elle restait silencieuse, continuait d’aller en forêt cueillir les plantes dont elle avait besoin. D’ailleurs, j’en discutais avec elle en buvant une boisson de sa propre conception, à base de plantes. J’aimais bien, ça sentait la forêt et c’était frais, jusqu’au moment où je me suis endormi subitement sans aucune explication, en plein milieu de notre conversation. L’endroit où je me suis réveillé ne m’était pas du tout familier. Il faisait sombre, quelques torches apportaient un peu de lumière, permettant aux ombres de se mouvoir au gré des mouvements des flammes. Mon premier geste fut de me lever mais mes mains ne bougèrent pas. J’étais attaché, cloué au sol les bras et les jambes écartés. Que se passait-il ? Où étais-je ?
Je tournais la tête de chaque côté, remarquant les lignes tracées en rouge et blanc autour de moi sur le sol poussiéreux. Plus loin, trois femmes discutaient à voix basse, le dos tourné. L’une d’elles m’était très familière et c’était presque inconsciemment je murmurai un :
- Mère ?
Elles se retournèrent toutes trois avant que ma génitrice – car c’était bel et bien elle – ne s’avance vers moi. Elle passa derrière moi. J’entendis le bruissement de sa longue robe et lorsque ses doigts vinrent effleurer le haut de mon crâne tendrement, je compris qu’elle s’était agenouillée.
- Mon enfant… mon bel enfant. - Mère, que se passe-t-il ? Pourquoi suis-je entravé de cette sorte ?
Ce ne fut pas elle mais l’une de ses deux autres complices qui répondit à mes interrogations :
- Ils sont revenus des ténèbres se repaître des hommes et les faire leurs. Ils ne sont que des œuvres du Malin, bons à nous arracher nos maris et nos fils. Ils sont semblables à nous, leur teint est cireux, comme s’ils étaient atteints d’une quelconque fièvre. Mais la vue ou l’odeur du sang leur fait sortir les crocs et les rend vifs et agiles. Des Ombres ils sont nés, dans la nuit ils vivent, rejetés par la Lumière et le jour. - De qui s’agit-il ? - Des vampires. De viles créatures suceuses de sang, d’ignobles vermines engendrées par le Mal qu’il faut détruire. Tu as été choisi comme élu, celui qui les affrontera jusqu’à leur mort, au nom du Créateur et de sa lumière. - Mais… - Il en a été décidé ainsi. Sois heureux de ton sort.
Je forçais sur les liens qui me retenaient. Mes mains ne répondaient qu’à moitié, engourdies. Les trois femmes m’entourèrent avant de se joindre les mains. J’ai cru avoir une hallucination lorsque les flammes des torches grandirent soudainement avant de se mouvoir avec un rythme régulier. Les lignes tracées autour de moi s’enflammèrent, j’ai cru l’espace d’un instant brûler vif, avant qu’un liquide coule sur mon visage au goutte-à-goutte et ne vienne terminer sa course dans ma bouche. Un goût ferreux. Du sang. Puis ma mère et ses deux compagnes ont commencé à murmurer. C’étaient des mots dans un langage inconnu, des murmures gutturaux qui se transformèrent en psalmodie. Les flammes dansantes des torches grossirent encore jusqu’à ce que le chant du Diable, littéralement, ne s’arrête brusquement. Les feux s’éteignirent tout aussi précipitamment et enfin lorsque le calme revint et que les torches se rallumèrent comme par magie, une douleur subite envahie mon avant-bras gauche.
Je tournai la tête pour constater avec horreur la plaie profonde et sanglante qui avait élu domicile un peu avant mon poignet. Le sang coulait à flot, laissant une mare s’épanouir un peu plus sur le sol chaque seconde.
- Vous voulez que je meure ! Vous allez me tuer !
Le sang cessa de couler. La plaie se referma en un claquement de doigt. J’observais la scène avec un air effrayé.
- Que m’arrive-t-il ? Qu’avez-vous fait ? Qu’est-ce que vous êtes ? - Nous t’avons permis de devenir l’élu, celui qui chassera les bêtes suceuses de sang loin de nos contrées. Nous sommes des sorcières. Et nous t’avons transformé. Les viles créatures de l’ombre ne pourront pas te tuer. Personne ne le pourra. Pas même toi. Tu es devenu immortel.
Abasourdi, je ne pus même pas poser une autre question. Elles me délivrèrent de mes liens, me laissant sur le sol avant de toutes trois s’en aller. Comment agir ? Comment affronter le regard de ma mère chaque fois qu’il se posa sur moi les quelques jours qui suivirent ?
Je m’étais mutilé. Ou plutôt, j’avais essayé. La douleur était lancinante, la plaie et le sang bel et bien là, et puis l’instant d’après, tout disparaissait. Mon Dieu, qu’étais-je devenu ?
Une nuit, je me réveillai en sursaut. Des cris résonnaient dans la maison. Je me levai d’un bond, pour tomber sur une scène qui me figea. Ma mère était maintenue au sol par deux hommes, un troisième lui enfonçait un morceau de tissu dans la bouche. Elle saignait de la tempe et du nez.
- Que faites-vous ?
L’homme le plus près se tourna vers moi, ainsi que vers mes autres frères et sœurs qui avaient également été attirés par le bruit.
- Votre mère sera jugée pour pratique de sorcellerie.
Jugée… ça voulait dire brûlée vive. On racontait que les sorcières, créatures des ténèbres et du Mal ne pouvaient être brûlées par des flammes. Si elles survivaient au bûcher, elles étaient lapidées, massacrées jusqu’à ce qu’elles expirent leur dernier souffle.
Ma mère était une sorcière. Qui m’avait transformé en quelque chose… d’innommable. Etait-t-elle aussi diabolique que ça ? Cette douce femme qui avait pris soin de m’élever pendant des années… A l’aube, le bûcher fut allumé. Ma génitrice et l’une des deux autres femmes étaient attachées, prêtes à divertir et contenter le peuple de leur sacrifice. Personne n’était au courant de la réalité, de la personne qui se trouvait au milieu de la foule, cobaye de leurs expériences pour un monde meilleur. Avais-je des regrets, de la peur ou de l’amour à ce moment-là ? M’a-t-on demandé mon avis avant de me faire subir ce que j’ai vécu et changer en ce que je suis actuellement ? J’ai remarqué qu’elles me fixaient toutes deux, les sorcières. J’ai attendu, ignorant leurs regards insistants. Puis quand les flammes ont monté, venant leur chatouiller les pieds et leur arrachant déjà des hurlements, j’ai fixé celle qui m’avait donné la vie et qui venait de me l’ôter, en un sens.
Alors j’ai regardé les flammes se repaitre de son corps. Des langues de feu léchant sa peau jusqu’à la faire cuire, de la même façon qu’un trop gros feu mangeait le mouton qui cuisait les jours de fête. Je ne pouvais décrire les sentiments qui m’habitaient à ce moment-là. Je pouvais pleurer celle qui m’avait mis au monde et qui était en train de brûler vive sous les yeux de centaines de curieux qui criaient à l’éradication du mal et de tous ses partisans. Je pouvais haïr la personne qui m’avait transformé en créature sans nom. Alors que pouvais-je ressentir, un mélange toxique de sentiments, un torrent de haine envers le monde ?
Je m’en allais, vide et silencieux. Là où j’aurais pu prendre le chemin pour rentrer à la maison, retrouver ma fratrie qui m’attendait, je fis tout l’inverse. Je pris la route, à pieds, jusqu’à la cité la plus proche. Sans rien, juste les pauvres haillons que j’avais sur le dos, je m’engouffrais par la seule grande entrée de la ville, protégée par des remparts en bois. J’étais épuisé, mes muscles souffraient. Mes pieds, qui auraient eu le temps d’être cent fois usés jusqu’au sang par cette marche semblaient cicatriser par magie à chacun de mes pas, comme c’était malheureusement le cas. Je me suis mis à mendier. La faim tiraillait mes entrailles, la soif ne s’étanchait jamais. Et de surcroît, tous mes sentiments et ressentis étaient démultipliés. C’était comme si mon corps ne pouvait subir aucun dégât mais qu’en compensation mon âme souffrait dix fois plus.
Peut-être que si j’attendais, j’allais mourir de faim, au sens propre du terme ? J’ai attendu, pour voir. J’ai cru devenir fou. Au final, une femme jetait du pain rassis à ses poules juste en face de moi. J’attendis qu’elle parte pour sauter au milieu des volailles et voler leur nourriture puis la dévorer. C’était sale, dur à croquer et dégoutant, mais tout ce qui m’importait était de faire taire cette terrible sensation de faim. Après quelques jours à tourner en rond, je me suis mis en quête d’un travail. Un aubergiste m’a chargé de devenir le palefrenier de l’écurie jouxtant son restaurant. Il avait besoin de quelqu’un qui s’occuperait des montures des voyageurs. Soit. Me voilà en train de changer la paille de box et de distribuer du foin dans les râteliers, pour changer. Et quand il me restait du temps, je me livrais à mes activités de chasseur. Je traquais ceux qui faisaient du tort aux humains, ceux qui se repaissaient de leur sang jusqu’à la dernière goutte. S’attendaient-ils seulement à voir quelqu’un les pourchasser comme ça ? Je n’avais aucune expérience dans le combat. Dur de rivaliser avec des créatures plus rapides, plus agiles et plus fortes que la normale. Et c’était sans compter leurs crocs. Alors je la joue de façon plus maligne. J’attends dans l’ombre, celle-là même où ils se tapissent la nuit. Ils vont souvent dans une auberge, quand ils ne vivent pas dans la ville-même. Je m’introduis dans leur chambre quand ils se reposent. Un pieu en bois dans le cœur, c’est tout ce qu’il me faut. Comme eux, je chasse mes proies. Comme eux, j’étais un chasseur. J’avais décidé de m’appeler comme ça désormais. J’étais un chasseur de vampires.
Codé par Kari Crown
Immortal
Bones, Skulls and Poppy
My Wicked Bones - Nick Nolan
1612, New Providence
J’ai eu envie de changer. Changer de paysage, changer de vie. M’éloigner de mon passé. Des vampires, je n’en entendais plus parler. A croire que j’avais décimé l’espèce. J’ai été recruté à bord d’un navire de commerce espagnol se dirigeant vers le Nouveau Monde, plus précisément la Nouvelle Espagne. J’ai vendu tout ce que je possédais au Royaume d’Angleterre, la petite chambre et le cheval que j’avais achetés, sans aucun regret. Le seul hic, c’est que je ne parlais pas la même langue, et eux ne parlaient pas la mienne, mis à part le capitaine qui bredouillait quelques mots, et encore. Finalement, on a adopté un code : tout ce qu’on disait était associé à des gestes, une intonation et parfois même un objet. Et j’ai même pu apprendre quelques mots, à force de les entendre.
Au cours des quelques 300 années que j’ai vécu, j’ai diversifié mes techniques de chasseur. Je me suis enrôlé comme soldat, puis j’ai immigré en Espagne, d’où partait le navire. La traversée fut longue. Des jours et des jours sur un vaisseau, à laver le pont, manœuvrer les voiles comme tout bon matelot. Nous nous sommes faits attaquer par des pirates, venus piller tout ce qu’il se trouvait à bord, y compris la marchandise. Malheureusement pour eux, le capitaine avait recruté en personne des mercenaires et des pauvres gens comme moi, ex-soldat ou voyou, qui savaient taper quand le besoin se faisait sentir.
Nous arrivâmes finalement à bon port, à Carthagène. Plusieurs matelots ont succombés au cours du voyage, soit aux attaques pirates, soit aux maladies ou à la carence. Redoutable et ignoble maladie qu’est le scorbut d’ailleurs, pour avoir eu l’occasion de la voir en action. De Carthagène, où j’ai vécu une vingtaine d’années, j’ai réussi à atteindre l’île de New Providence, refuge de la piraterie et des rebus du monde, comme moi. C’était ce que je pensais être, à l’époque. Un humain qu’on a transformé en créature immortelle pour éradiquer le mal, obligée de tuer soi-disant pour servir un dieu et une politique qui condamnent les crimes. Un monstre chasseur de monstres peut-il être un criminel si ceux qu’il tue ne sont pas, ou plus, humains ? D’ailleurs, peut-être que j’étais plus proche de ces buveurs de sang que des humains, finalement.
Je me lasse de cette « mission » que l’on m’a confiée. On m’a transformé à mon insu. Ça partait sûrement d’une bonne intention. Après tout, qui ne voudrait pas participer à la chasse des partisans du mal ? Qui ne voudrait pas aider à rendre le monde meilleur et faire une bonne action pour plaire à un dieu ? Mais qui demande à devenir une créature insensible aux coups, mis à part la douleur, insensible à l’âge. Parce que oui, parlons-en de l’âge. Je n’ai pas vieilli. 300 ans à vivre à travers le monde, le voir évoluer, c’est long et triste. C’est encore plus triste quand on se rend compte que, les gens autour de nous vieillissent et meurent et pas nous, non.
New Providence, c’était un endroit merveilleux et malsain à la fois. Des taudis en bois bancales qui menacent de tomber ou des baraques à grandes colonnes espagnoles ravagées par l’humidité et la pourriture, tout était mélange et résultat d’un joyeux bordel détonnant. Les lanternes qui illuminaient les porches et les balcons lors des longues soirées, les bagarres résonnant dans chaque taverne remplie d’ivrognes en mal de vie, les dérapages au sabre, l’abondance des banquets, les rires, les pleurs, la musique, les filles qui se pavanaient et faisaient rouler leurs courbes au beau milieu de la rue, tout était enfer et paradis.
Chaque marin en mal d’aventure entendait le doux murmure des vagues l’appelant, bavant devant les navires se succédant au port, chaque pirate avare touchait l’or clinquant de ses doigts, rêvant des trésors les plus fabuleux.
Seul l’argent dictait sa loi, entraînant quelques règlements de compte, laissant vivre chacun comme il l’entendait. Parfois même, un mot revenait dans toutes les têtes : liberté.
1615, Macao
Après avoir tourné autour de New Providence et de la Nouvelle Espagne et explorer d’innombrables endroits merveilleux, je me suis embarqué sur un navire marchand de la Compagnie Britannique des Indes Orientales. De New Providence, je suis retourné à Carthagène, et de là je suis revenu à Londres. Puis de Londres, nous avons vogué jusqu’en Inde, les cales presque vides. A l’époque, nombreux étaient les navires marchands de toute nationalité voguant dans les eaux de l’Océan Indien.
Surat, Bombay, Madras et Calcutta ont été nos escales. Les cales ont été approvisionnées en feuilles de thé et graines de pavot, puis nous nous avons fait voile jusqu’à Singapour, Hong-Kong et Macao. A chaque fois, une partie du stock de pavot s’évanouissait pour devenir propriété d’un bien heureux qui le transformerait de opium et le vendrait en suite aux quatre coins du continent asiatique.
Codé par Kari Crown
Immortal
Guns, Powder and Slaves
Run All Night - Blues Saraceno
1805, Colorado
Ma bourlingue a fini par me ramener sur la Nouvelle Espagne, ou devrais-je dire l’Amérique. J’ai entamé un journal de bord. Aujourd’hui, certaines questions m’obsèdent. J’ai vécu 500 ans, j’aimerais pouvoir me reposer. Eternellement. Ne pas connaître le chagrin qui m’assaille chaque fois que je regarde ces visages familiers vieillir alors que moi, je reste jeune. Hier, en affûtant un vieux couteau de chasse, je me suis coupé. J’aurais aimé que la blessure reste ouverte, j’aurais aimé voir mon sang couler, triturer la blessure pour qu’elle ne se referme jamais, plonger le couteau dans la plaie plus profondément jusqu’à ce que le sang ne s’arrête plus de couler. Je veux mourir. Hélas, à peine les pensées formulées que tout était déjà refermé et cicatrisé. J’envisageai un instant d’entailler ma peau, de tronçonner la chair sans m’arrêter. Combien de temps aurais-je dû le faire ? Combien de temps aurais-je pu tenir avant que la douleur m’empêche de continuer ? J’étais las et nostalgique de la vie à laquelle on m’avait arrachée. Un demi-millénaire de vie, c’est beaucoup trop.
J’ai décidé de participer à cette «ruée vers l’or » promettant mille et une richesses alléchantes. Je n’ai tenu que quelques années avant qu’un incident mortel arrive à l’un de mes compagnons. Un éboulement et il s’est retrouvé écrasé sous un rocher 5 fois plus gros que lui. Je me rappelle encore de l’impact, le grondement et les vibrations dans le sol que cela avait conduit. Le pauvre homme n’avait même pas eu le temps de crier.
1828, Louisiane
Suis-je un monstre ? Sont-ils des monstres ? J’ai quitté le Colorado pour la Louisiane. Je vis dans une petite bicoque en pierre, loin, bien loin des grandes maisons coloniales et de leurs hectares de champ de canne à sucre, là où les classes sociales se résument à propriétaires et esclaves. Au cours de mes périples, je n’avais pas eu affaire à ça, ou pas directement. Sur le coup, je ne m’étais pas posé de questions. J’avais oublié les quelques serviteurs que j’avais pu croiser à mon époque. Je ne savais pas, vivant en pleine campagne, ce qu’il se tramait dans les cités et leur haute société. Ce n’était qu’en arrivant que j’avais vu ces gens torturés, ces étrangers à peine débarqués et déjà enchaînés à leur pauvre destin.
Je cultivais mon propre lopin de terre, me permettant ainsi de subvenir à mes propres besoins et de vendre le peu de surplus que j’avais. Un beau jour, j’ai vu un homme arriver, vêtu de haillons et maigre jusqu’à l’os. Lorsqu’il m’a aperçu, il a pris peur et s’est enfui. J’ai appris par la suite qu’on l’avait retrouvé mort, une fleur de lys gravée dans sa peau à l’épaule, le reste de son corps déchiqueté et en morceaux.
Qui sont donc les hommes capables d’une telle cruauté envers leurs semblables ? N’ont-ils aucune foi pour infliger tel supplice ? Serait-ce là le nouveau genre du Mal, les nouveaux vampires ? J’avais perdu foi en beaucoup de choses depuis des années. De plus en plus, l’humanité me répugnait. Moi qui la voyais évoluer, grandir comme si elle était l’un de mes enfants, me voilà lassé et perdu.
Codé par Kari Crown
Immortal
Sun, Bears and Home
Drink the Water - Justin Cross
1974, Floride
En plein cœur des scandales politiques et d’affaires d’espionnage du WaterGate, je me trouve en Floride. Que ce soit la mienne ou celles des autres, la foi semble réellement perdue.
En revanche, une nouvelle fascination populaire s’est développée au cours des années. Les sciences. La technologie. Ces choses tantôt abstraites tantôt concrètes qui me semblaient si difficile à comprendre au début. Comprenez-moi, quand vous apprenez pendant des années que la Terre est plate et qu’un morveux nommé Galilée tente de changer la vision des choses, c’est compliqué.
Téléviseur, radio, tout était nouveau et beau depuis quelques décennies, mais pas assez pour effacer les nouvelles atrocités perpétrées au cœur même de l’Europe et qui ont fini par y mêler le monde entier. Ah, l’Homme, l’Homme, l’Homme…
Pour la première fois de ma vie j’ai été à l’université, après avoir un peu falsifié mes dossiers d’inscription. Eh, dur de dire que j’étais né au XIVème siècle, non ? Après avoir bien travaillé pendant quelques années, paressé sur la pelouse et testé cette drôle d’activité qu’est le sport collectif, j’obtenais mon PhD dans les affaires. Quelques années plus tard, j’ouvris ma propre boîte et une décennie encore plus tard, tout roule. Finalement, le fait d’apprendre de nouvelles choses, de changer de routine, de découvrir d’incroyables innovations m’a permis de tenir encore un peu et d’éveiller ma curiosité quelques instants. A chaque fois, c’était comme si je réapprenais à vivre. Que je redevenais l’insouciant que j’avais été.
Des vampires ? Je n’en ai pas revu, mis à part dans les livres. Et ceux-là, il m’est bien dur de les chasser.
2012, Canada
Après un tour du monde, dont un passage nostalgique dans mon Europe natale, je fis une pause au Canada. Ottawa, Vancouver, Toronto, Montréal, je passais par les plus grandes villes. Puis, je me sentis attiré par une contrée encore plus froide et d’un blanc immaculé. Nunavut. C’est son nom, drôle de nom d’ailleurs, pour une province du Canada. On m’a dit que des peuples Inuits vivaient encore là-bas. Ni une ni deux, j’emménageai dans une vielle maison en bois dans un petit village enneigé. Une seule route passait, une petite route, qui ne menait quasiment nulle part. Il ne m’était pas rare d’apercevoir des ours polaires rôder dans le coin, fouiller les poubelles en quête de nourriture.
2015, Vermont
Aujourd’hui, un commissaire est venu chez moi. J’ai été assez surpris. Que me voulait-on ? Il m’a expliqué mener une enquête sur des fraudes au sein de ma société. J’en avais été averti avant, mais il a révélé être venu me voir également pour autre chose, après avoir débattu des fraudes.
Il me tendit une vieille photo, ou une copie d’une vieille photo à en juger par le papier glacé récent. Je m’identifiais sans peine dessus mais je fis mine d’être surpris.
- Un problème avec ça ? demandai-je.
Il tapota la photo à l’emplacement de ma tête.
- Vous voyez qui c’est ? - On dirait… moi. - Exact. J’en ai une cinquantaine comme ça. Certaines datent de plus d’un siècle. - Et donc ? - On dirait que dans votre famille, vous vous ressemblez tous. Je trouvais ça amusant. - Effectivement, dis-je avec un sourire. - Exactement les mêmes. Au même âge…
Je le toisai un instant avant de conclure avec un air rieur et une tape dans son dos :
- Allons bon, vous n’allez quand même pas croire que je suis immortel ?
Codé par Kari Crown
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Thème de Vincent
Spoiler:
Futur thème de Vincent
Vincent W. Turen
Vincent W. Turen
Messages : 347
Race : Inconnu
Équipage : Inconnu
Feuille de personnage Niveau: (33/75) Expériences: (112/220) Berrys: 149.714.000 B
Dim 27 Mai - 16:40
Les résultats, donc :
1er place : Kari Crown. (10.000.000 B) L'histoire est prenante, du début à la fin, bien qu'il n'y ai pas réellement de fin, à vrai dire. J'ai beaucoup aimé le fait que ton personnage voyage et apprend à vivre avec son temps. C'était bien trouvé et j'apprécie beaucoup.
2ème place : Kokoro Kururu (7.000.000 B) Bien que semblable à l'histoire de Kari, ton histoire me semble plus sentimentale, plus personnelle. Elle est très intéressante et ta vision de l'immortalité est très touchante. Je trouve, cependant, que l'histoire manque du piquant, vis-à-vis de celle de Kari, voilà la raison principale de ta seconde place.
Mention honorable : Bien que vos visions de l'immortalité soit différentes (l'obtention du pouvoir, les effets sur le long terme, etc...) elles se trouvent quand même assez similaire. Je pense surtout aux effets sur le corps de votre personnages. Pour ma part, je voyais cela d'une manière assez différentes, malgré le fait que j'apprécie vos idées. Pour autant, je ne me vois pas vous départager, car vos tendances sont assez opposés aux miennes. Je vous donne donc, à chacune, une moitié de la mention honorable.
Autre chose. Je viens à peine de lire vos textes, j'en suis désolé. Ils sont supers et j'aurais du m'occuper de ceci bien avant, mais le temps et l'envie n'étaient pas là. En tout cas, merci de votre participation et j'espère être plus entreprenant à l'avenir pour être un peu plus réactif !
Félicitations à Kari Crown qui gagne le concours et bravo aussi à Kururu !
A plus, pour un nouveau concours !
PS au staff : Serait-il possible de transférer les fonds aux participantes ? (11.500.000 à Kari et 8.500.000 à Kururu ?)
PS à Kari : Je crois que j'ai niqué ton code... Désolé.