Juste toi et moi.

Vingt heures approchait, il fallait commencer à se mettre en route pour arriver à temps. Assis en position lotus, à l’abri de toute nuisance, perché au sommet d’un toit plat, Shindô avait pu passer une fin d’après-midi agréable, réparatrice. Durant cette petite, il s’était remémoré tout ce qui avait pu se passer ces derniers jours, se rappelant comment ils s’étaient débrouillés pour en arriver là. Tout avait commencé lors du trajet jusqu’à Jaya, où il avait appris ce qu’il s’était déroulé à Drum, dans la salle du trône, alors qu’il écrivait le nom du Phénix sur un mur, pour l’accuser, du côté de la salle de bal. D’après le récit que lui avaient fait les autres, Dust s’y était donc introduit et, à la suite d’un refus du roi, il l’avait soumis à une sorte de chantage, en faisant amener un enfant qu’il présenta comme enfant illégitime. La suite, seul le Corleone la connaissait. En tout cas, d’après les autres, Dust était entré dans un compartiment secret avec le roi, mais en était ressortir seul.
Le Fugu se souvenait encore très bien de sa réaction à ce moment. Agissant sous le coup de l’impulsion, son poing droit était allé se fracasser contre la paroi du navire de Noctis. Il avait ensuite fait irruption dans la piaule d’un Dust aussi calme que d’habitude.

- Attaquer un roi ? Mais qu’est-ce qui t’est passé par la tête ? On avait un plan ! s’était-il écrié à ce moment.

Ce que Dust avait fait était une erreur, la pire qui puisse être commise. Le plan de base, consistait précisément à s’introduire dans la château pour localiser puis démonter le Canon mitrailleur à Sept coups Défenseur de la Couronne, dérober ses plans de construction et enfin quitter les lieux, en tuant uniquement si nécessaire. A cause de cet acte que Shin’ jugeait d’irréfléchi, le Gouvernement était très probablement au courant de ce qu’il s’était passé à Drum et n’allait certainement pas tarder à ouvrir une enquête. Avec tous les moyens techniques dont il disposait, peut-être même que les costumes portés par Renaissance lors de l’opération, pour masquer leur identité, ne pourrait pas les protéger bien longtemps. Cette situation alarmante n’avait pas inquiété le Boss plus que ça, du moins en apparence. Certes, le duo avait toujours agit de la sorte, Dust avançait et Shindô suivait en couvrant les arrières. Si d’habitude il ne posait pas de questions, il avait jugé bon d’exiger des réponses aujourd’hui, raison qui nous amène à la conjoncture actuelle.

Le rendez-vous avait lieu dans un coin délabré de la ville, l’endroit était effectivement en piteux état. A première vue, hormis la silhouette de Dust, que l’on pouvait deviner au loin, trônant fièrement au centre du chemin, la rue semblait déserte. Une affirmation qui fut très vite infirmée par un claquement de porte soudain, sur la droite du Gyojin. En vérité, loin d’être seuls, les deux chasseurs de primes étaient épiés par un public des plus discrets.

- Shindo ! Renonce a cette folie … tu sais que tu ne peux pas me vaincre .

- Je pense que s’il y a bien une personne pour laquelle il faudrait parler de folie ici, ce n’est pas moi. Quant à l’issue d’un possible affrontement entre nous, à ta place, je ne serais pas aussi catégorique. Non et puis de toute façon, il n’a jamais été question de s’affronter… répondit-il, voulant éviter un conflit qui n’avait pas lieu d’être.

Mais parti dans sa lancée, il continua...

- Ce combat sera le premier et le dernier qui nous opposera , si tu gagnes , tu seras libres de me prendre tout ce que tu désires , de partir , tu seras entièrement libéré de tes engagements . Si je gagne , tout ton argent me reviendra et tu reviendra dans l’équipage sans que le choix t’y sois laissé . Tu me comprends . Tu n’auras plus le droit de contester mes ordres . Aujourd’hui est le jour ou nous scellons nos destins , si je gagne , Renaissance vit , si je perds , Renaissance meurs . Il n’y a rien de personnel , c’est juste du business .


- Si c’est une question d’argent, je peux te donner tous mes Berry. Mais ne vas pas me faire croire que cet argent t’intéresse. J’avais pour habitude de suivre un Boss qui savait garder la tête froide et penser de manière lucide. Pour une raison qui m’échappe encore, le Dust de là-bas a simplement agit par pulsions. Renaissance ne disparaîtra aussi facilement, tu ne disparaîtras pas aussi facilement… Mais bon, puisqu’il faut apparemment passer par là pour avoir ne serait-ce qu’une once d’explication, on va se la donner… Juste toi et moi. lacha en décochant un sourire qui n’avait rien à voir avec le ton formel de son précédent discours.

Après avoir examiner la chose, la perspective d’un combat contre Dust était loin de déplaire à Shindô. Le combattre était très intéressant comme expérience, car on pouvait le frapper à pleine puissance, sans qu’il ne s’étale au sol dès le premier coup. Peut-être qu’au final, tout ce cirque n’était qu’un prétexte pour pouvoir se taper dessus… Shindô utilisa sa garde habituelle, écarta les jambes et leva son avant bras au dessus de son épaule. Il allait prendre l’initiative avec un premier mouvement rapide : « Kaisoku : Harakudashigeri ». D’une puissante impulsion, il fondit droit vers son adversaire, avant de lui coller un puissant coup de pied dans le ventre. L’attaque, destinée à plier de douleur un humain, fut enchaînée d’un second coup de pied vertical : « Kachiage Haisoku », destiné à faire décoller Dust dans les airs.

- Je veux savoir ! Que s’est-il passé avec le Roi, ce jour là ?

Le Fugu ne se faisait pas d’illusions. S’il y avait bien une erreur qu’il ne se permettait jamais, c’était de sous-estimer un adversaire. C’était l’une des pires choses que l’on pouvait commettre en terme de manque de respect. De plus, il était parfaitement conscient de la force que possédait Dust. Trop de personnes considéraient à tort que tous les projets accomplis par le Corleone avaient été couronnés de succès uniquement grâce à sa malédiction. Certes, elle l’aidait beaucoup, mais aujourd’hui, elle ne serait pas un frein pour ce combat. Sur ce plan, Shin’ restait confiant, Dust allait devoir faire preuve d’une grande volonté s’il voulait vraiment l’emporter. Voilà le véritable sens de cet affrontement : il était temps de remettre les points sur les i, il fallait que chacun fasse ses preuves, montrant aux autres que sa place était méritée. Pour Dust, l’enjeu semblait similaire.

- Le roi ... ce vieux fou est mort mais qu’est ce que ça change dit moi ? et surtout depuis quand est-ce que tu poses des questions ? tu suis tu obéis ! si tu n’as pas encore intégré je vais t’aider à mémoriser , on retiens toujours mieux grâce à une petite dose de ... Douleur …

- Tu sais quoi, ça tombe bien. Malgré ton retour et la victoire facile contre Silva, certains parmi nous continuaient de douter de ton habilité à mener une troupe. Prouve à tous ces gens qu’ils ont tord !

Shindô avait appuyé ses paroles avec une certaine condition, car sa première attaque avait fait mouche. Il avait observé le corps de son Boss valdinguer vers un mur en se demandant s’il ne faisait pas fausse route depuis tout ce temps. Ce simple combo avait-il suffit à le mettre hors combat ? Heureusement non. L’homme se releva, tranchant d’un revers de la main les quelques décombres sous lesquelles il était enseveli. Son bras était transformé en diamant, mais avait une forme et une couleur inhabituelle. Cette nouvelle technique semblait très intéressante… Lorsque Dust revint se placer sur le ring, le facies du Fugu arbora un air amusé.

- Tu sais Shindo , le désavantage , c’est que je te connais presque trop bien ..

- Je pourrais dire la même chose, Dust.

Comme il avait beaucoup de mal avec les lames, Shin préferait généralement s’en tenir à l’écart. Ce combat n’y faisait pas exception. Ainsi, lorsque l’attaque horizontale se présenta à lui, il l’évita d’un habile saut périlleux arrière. Il put en ressortir indemne, ou presque. Dans le mouvement, sa longue chevelure sombre ne put y échapper totalement. De même, s’il esquiva cette première attaque sans problème, la seconde technique lui posa d’avantage de souci. Dans sa posture habituelle, il était prêt à contre-attaquer mais la lumière qui irradiait du diamant autour de son bras l’empêcha de discerner clairement l’attaque. Il se ramassa le poing en plein dans la figure et vola à son tour vers les murs d’habitations voisines. Si ça continuait à un tel rythme, ils finiraient par détruire les lieux. L’homme poisson, profita de ce léger temps mort pour méditer sur la situation. Ce qu’il ressentait à cet instant précis était étrange… Il menait un combat important, contre un adversaire puissant, pourtant il y avait au fond de tout ça un certain amusement. Il finit par se relever d’un seul bond et essuya le filet de sang qui coulait sur son menton.

- Il est temps de passer aux choses sérieuses.

Joignant le geste à la parole, Shindô posa sa main droite sur les débris de la maison contre laquelle il avait été projetée. D’une poigne ferme, il attrapa le pan entier de la façade en pierre et en bois, qu’il balança littéralement sur son adversaire. Il enchaîna par un prodigieux bond dans les airs. L’énorme roc balancé quelques secondes plus tôt couvrirait sa seconde offensive, plus dangereuse. En effet, il retombait droit sur Dust en effectuant une série de saltos sur lui-même, avant de délivrer un puissant coup de jambe.

- Ka Ka Kakato Otoshi !

On augmente la cadence

Comme il s’y attendait, si sa première attaque avait fonctionné, c’était surtout parce qu’il avait pris Dust de surprise. Maintenant que l’homme était focalisé sur le combat, le blesser d’avantage allait être difficile. Sur le plan psychologique, affronter le Boss de Renaissance était très difficile pour ses adversaires habituels, parce qu’arrivait toujours cet instant tragique où le combattant se rendait compte qu’il ne pourrait jamais passer à travers le diamant. Et là, dans environ 90% des cas, soit ils continuaient le combat avec un acharnement inutile, soit ils se lançaient dans des stratégie foireuses, toujours dans l’optique de « Blesser Dust ». Shindô n’était pas comme ces insectes, voir le sang du Corleone ne l’intéressait pas. Tout ce qu’il voulait, c’était lutter, combattre.

Balancer des rochers semblait totalement inefficace, l’énorme Roc n’avait pas déconcentré son adversaire, qui semblait bien déterminé à cueillir dans les airs le Fugu qui jouait les poissons volants. Shindô était l’un des rares combattants (non volant) à ne pas craindre les face-à-face aériens, car grâce à son corps, il pouvait toujours éviter de prendre des dégats, même suspendu au dessus du sol. Alors qu’il tourbillonnait sur lui-même en retombant vers Dust, il entendit le bruit caractéristique d’une arme à feu et aspira par réflexe une énorme quantité d’air. Son corps se déforma pour prendre la forme d’un gros ballon et au moment où l’arme fit feu, il orienta la bouche sur le côté et expulsa l’air avec force. Les balles étaient donc évitées. Il parcouru une distance non négligeable en l’air, passant au dessus de quelques bâtisses. Mais décidé à l’empaler au sol, le Boss adaptait sa course au sol sur la progression du second, dans les airs.

- Je vais me tenir à l’écart de ta coupe de cheveux.

Dust allait l’empaler, il était juste en dessous. Heureusement, il y avait un mur sur la droite. Shindô ferma les yeux et inspira un grand coup, puis il donna un puissant coup de poing dans la façade sur sa droite, son bras s’y enfonça de façon nette et il stoppa sa chute. Décidant de rester perché, il profita des quelques prises à sa disposition et remonta la façade pour se poser sur le toit de l’habitation. Pour provoquer son adversaire, il lui fit un signe de main, du genre « approche »

Cerise sur le gâteau

Malgré la provocation, Dust n’avait pas poursuivi son adversaire sur le toit. Dommage, un combat perché avait de la classe. Shindô avait surtout proposé ce changement de décor pour éviter de faire plus de grabuge. La Marine ne risquait certainement pas de débarquer sur Jaya, l’île étant totalement cernée par des forbans. C’était justement de ces pirates dont il fallait se méfier, s’ils n’étaient peut-être pas tous très fort, ils étaient nombreux et n’apprécieraient certainement pas que l’on détériore leur territoire. De toute façon, l’homme poisson ne cherchait pas vraiment à se battre à fond, mais plutôt à se défouler et il en avait déjà bien assez eut. D’un bond, il retourna sur le plancher des vaches, face à son adversaire.

- Tu sais quoi, tu as raison. Finissons-en.

Pour clore en beauté ce petit match d’exhibition, Shindô opta pour l’une de ses dernières techniques. Après de nombreuses heures passées à l’exécuter dans le vide, il voulait voir ce que ça pouvait donner en situation réelle et avec son pouvoir, Dust était le « sac de frappe » idéal. En position de combat, l’homme poisson fléchit ses genoux afin de mieux adhérer au sol sur ses points d’appui et serra les deux poings, au niveau de la taille. Il demeura ainsi un petit moment et brisa brusquement le silence en poussant un puissant Kiai, cri de guerre témoignant de la Volonté engagée dans cette attaque. Pourtant, son poing ne fit que « brasser le vent » devant lui, alors que Dust se tenait quelques mètres plus loin.

- Karakusagawara Seiken !

DComme si l’attaque avait attendu qu’on l’appelle pour se manifester, une onde de choc, clairement décalée dans le temps par rapport au moment du coup de poing, se dégagea devant l’homme poisson, soufflant ainsi tout ce qui se trouvait à sa portée. L’attaque atteindrait Dust, sans toutefois le blesser. En effet, l’onde se propagerait dans la vapeur d’eau de l’air, jusqu’à atteindre le corps adverse, sans pour autant pouvoir traverser les couches de diamant pour endommager la chair. La distance parcourue dans les airs lui aura fait perdre trop de puissance. Par contre, s’il y avait eu contact direct entre le poing et Dust, l’onde aurait très probablement traversé le corps pour ressortir derrière. Mais Shindô n’allait pas tester cela ici, pour une très bonne raison. A l’instant où il exécuterait le Corleone aurait tout le loisir de contre attaquer… S’estropier ici était inutile, il fallait rester focalisé sur le futur.

- Regardez, ils sont là ces bouffons !

Ils étaient une dizaine. Sabres, foulards, visage pas content, borgnes, crochets, bouteille de rhum... Le gros cliché de la bande de pirate. Ils arrivaient par une ruelle parallèle et semblaient prêt à en découdre.