Nous nous reverronsCeci n'est pas un adieu ~
Royaume d’Illusia. Sa demeure depuis un moment. L’endroit où elle vivait avec James et Sarah. L’endroit qu’elle allait quitter. Cela faisait longtemps qu’elle y réfléchissait, se demandant comment leur annoncer la nouvelle. Elle ne voulait pas les blesser, ne voulait pas vraiment les abandonner. Pourtant, c’est ce qu’elle allait faire aujourd’hui. Klara observa le soleil pointer à l’horizon, donnant des couleurs de plus en plus clairs à un ciel portant encore les couleurs de la nuit. Elle était toujours réveillée avant eux, observant ce spectacle dont elle ne se lassait pas. Plénitude. Son visage neutre d’habitude laissait paraître le dilemme intérieur auquel elle était confrontée. Elle ne pouvait pas partir comme une voleuse. Pas avec eux. Sentiment étrange au fond d’elle. Tristesse. Il fallait qu’elle parte, mais comment l’annoncer ? Comment le dire à ces enfants qui la considéraient comme leur grande sœur ? Elle ne savait pas. N’avait jamais eu besoin de savoir. Horrible.
-Grande sœur ?
Surprise, la blonde se tourna lentement, offrant un sourire au nouvel arrivant. James, un petit capable de se faire discret comme il le fallait. Il la regardait, ses yeux semblant sonder ses pensées. Il était malin, peut-être comprendrait-il ? Sans doute. La question principale était : Comment va-t-il réagir ? Elle ne voulait pas de larmes, pas d’adieux déchirants. Car pour elle, elle ne portait pas avec pour l’objectif de ne jamais revenir. Elle reviendrait ici, prendre de leurs nouvelles. S’ils voulaient toujours d’elle…
-Tu compte partir n’est-ce pas ?
Surprise à nouveau. Etait-elle si prévisible ? Ou avait-il un don ? Les deux possibilités lui semblaient tout à fait plausibles. Sentiment étrange à nouveau. Résignation ? Qu’est-ce que cela signifiait ? Ils ne lui avaient jamais expliqué…
-Rester ici serait vous mettre en danger. Toi, ta sœur et tout ce village. Ici, des personnes pourront vous aider sans soucis et…
-Je veux pas que tu partes !
Sarah. Elle, si petite, si fragile, avait entendu le principal. Les yeux remplis de larmes, elle se jeta sur la cyborg, la prenant quelque peu au dépourvue. La blonde n’avait jamais prévue ça. Comment était-elle censée réagir ? Si elle avait été humaine, elle aurait su. Mais elle n’était plus ça. Elle était née d’un projet obscur. Elle était née des mains d’un savant fou. Tristesse. Maladroitement, elle posa sa main sur la tête de la petite, lui ébouriffant les cheveux. Se baissant doucement, elle se mit à sa hauteur, regardant les larmes couler sur ses joues roses.
-Je reviendrai. Jamais je ne pourrai vous laisser sans nouvelles…
Voix métallique. Sourire se voulant réconfortant. Ces enfants lui avaient appris à sourire, alors elle sourirait pour eux. Déchirement intérieur. Désir de rester pour eux contre désir de partir dans l’espoir de sauver d’autres enfants dans la même détresse que ces deux-là. Que faire ? Céder à sa première envie ? Ou au contraire partir pour la seconde ? Horrible dilemme…
-Le principal c’est que tu reviennes alors…
Voix mélodieuse d’un enfant ayant compris ce qu’un adulte ne voulait pas dire. James était intelligent. Il devait vivre ! Ce serait l’un de ceux qui changeront ce monde si elle ne réussissait pas. Elle n’en doutait pas une seule seconde. Cet enfant était promis à un brillant avenir s’il ne gâchait pas ses chances. Rester avec eux serait gâché l’une de ses chances. Après tout, habiter avec une criminelle, partisante de la Révolution qui plus est, n’est pas bien vu par tous. Elle souria doucement, les regardant tour à tour. Ces enfants lui avaient donnés le sentiment d’appartenir à une famille, de ne plus être un monstre : d’être humaine. Alors pour eux elle jouerait les humaines jusqu’au bout, revenant ainsi au bercail de temps en temps. Pour eux, elle ferait comme si elle avait un cœur qui lui dictait sa conduite.
-Bon, vous m’aidez à faire mon sac ?
Elle leur souria lorsqu’ils hochèrent la tête en signe d’accord. Faire ce sac serait l’une des dernières choses qu’ils feront ensemble après tout. Tristesse. Désir de remonter le temps. De changer les choses peut-être. Elle ne savait pas. Ne souhaitait pas y penser. Galère. Lentement, elle marcha vers sa chambre, James et Sarah la suivant de près. Elle avait l’impression d’y aller à reculons, sentant sa résolution fondre comme la neige au soleil. Idiotie. Se reprenant, elle avança plus rapidement, prenant un sac dans un coin de la pièce, jetant quelques affaires à l’intérieur. Elle n’aurait pas besoin de grand-chose. Se charger ne rimait à rien. Alors qu’elle était concentrée sur ses affaires, une boîte fit son apparition dans son champ de vision. Une boîte d’un bois simple, sans excès. Une boîte que tenait Sarah. Etonnée, elle leva les yeux vers elle, attendant un semblant d’explications.
-C’est un cadeau que je voulais te faire… Ouvre-le.
Un cadeau ? Pourquoi un cadeau ? Et pourquoi ressentait-elle de la joie au fond d’elle ? Illogique. Hochant doucement la tête, elle prit la boîte dans ses mains, l’ouvrant doucement. Dedans, elle pouvait apercevoir cinq barrettes, identiques à celle qu’elle portait toujours dans ses cheveux. Ne disant rien, elle regarda à nouveau la fillette, l’interrogeant du regard.
-Tu disais toujours avoir peur de la casser… Là tu en as de rechanges maintenant.
Son sourire innocent lui donna également envie de sourire. La remerciant doucement, elle fit une chose qui l’étonna. Elle prit la fillette instinctivement dans ses bras. Moment de tendresse éphémère. Moment de tendresse se terminant dans les larmes pour la petite. C’était dur, trop dur. Partir en laissant des enfants pleurer : Elle n’y arrivait pas, ne voulait pas y arriver. Pourtant elle n’avait pas le choix. Se faisant violence, Klara se redressa et cala la boîte dans son sac, faisant attention à ce que rien ne casse. Le peu d’effets personnels qu’elle avait, elle y tenait. Autant qu’elle tenait au fait que les deux enfants devant elle aient un bon avenir. Elle ne souhaitait que leur survie et leur bonheur. Rien d’autre n’avait d’importance. Elle n’était qu’une cyborg, criminelle de surcroît. Une criminelle ne peut pas offrir un avenir sans nuage à son entourage. C’était chimérique, rien de plus, rien de moins. Détournant les yeux de ces visages pleurnichards, elle regarda par la fenêtre. Une belle journée s’annonçait, que demander de mieux pour un jour de départ ? Un petit sourire orna son visage un court instant, avant que celui-ci ne reprenne son impassibilité.
-Vous m’accompagnez jusqu’à la sortie du village ?
Sa voix avait comme résonné dans la pièce. Etrange. Les deux enfants la regardèrent, des expressions différentes peintes sur leur visage respectif. De la tristesse pour Sarah, de la résignation pour James. Si différent mais pourtant complémentaire. Fermant les yeux un cours instant, elle mit son sac sur son épaule avant de tendre ses deux mains vers ses protégés, les invitant à s’accrocher à elle. Chose qu’ils firent rapidement, la tenant comme s’ils avaient entre les mains une bouée de sauvetage. Une bouée qui leur permettait de garder la tête haute et de ne pas se noyer. Comparaison stupide. Klara avança doucement, sortant de la maison silencieusement avant de se mettre en route. De temps en temps, elle entendait un sanglot étouffé, que ce soit d’un côté comme de l’autre. Ils se retenaient de faire du bruit, c’était flagrant. La blonde, elle, essayait de ne pas y prêter attention. Elle essayait de rester concentrée, de ne pas craquer. Car elle savait que sinon elle ne pourrait jamais partir. Qu’elle resterait ici jusqu’à la fin, juste pour être avec eux. La blonde manquait de volonté à ce niveau-là, c’était plus que certain.
Plus ils approchaient du lieu de la séparation, plus les deux enfants ralentissaient, l’obligeant à elle aussi ralentir. Comportement puéril. Comportement pardonnable. Pour eux tout du moins. Pour des adultes, cela aurait paru plus que ridicule. Les enfants sont rois à ce sujet. Avait-elle été comme ça aussi ? Elle ne savait pas, ne savait plus. Un trou noir dans sa mémoire. Une chose qu’elle ne pourrait jamais combler. Tristesse.
Le petit groupe s’arrêta au bout de quelques pas. La promenade était finie, le temps des au revoir était venu. Les deux enfants évitaient son regard, préférant le sol à son visage. C’était limite vexant. Ne relevant pas la chose, la blonde s’accroupit, se mettant ainsi à la hauteur de James et Sarah. Ceux-ci la regardèrent avec des grands yeux pleins de larmes. Une petite grimace apparut sur son visage avant qu’elle ne reprenne le contrôle et se mette à sourire. Un sourire qu’elle voulait rassurant. Qu’elle espérait rassurant. Les deux petits le lui rendirent avec un peu plus de mal, mais ils le firent au moins.
-Je reviendrai … Je vous l’aie promis non ?
-Promis juré ?
-Promis juré.
Cette promesse avait été dite avec le sourire, accentuant sa sincérité. Klara croyait en cette promesse et mettrait tout en œuvre pour la remplir. Même si elle devait traverser tout un océan pour la tenir. Ces enfants étaient sa famille maintenant, elle se devait donc de ne pas les inquiéter plus que ça.
Lentement, la demoiselle de ferraille se releva, faisant un pas en arrière pour s’écarter d’eux. Ils avaient relevé la tête, la regardant avec les larmes aux yeux, s’efforçant de ne plus pleurer. Ils étaient courageux. Ou alors faisaient-ils ça pour lui faire plaisir ? Le doute subsistait, mais n’était pas important. Calmement elle se mit à reculer, avant de se tourner définitivement. Elle sentait leurs regards dans son dos, mais essayait de ne pas y prêter attention.
James et Sarah regardaient la silhouette de Klara avançait sur le chemin. Le garçon tenant fermement la main de sa sœur dans la sienne. Chacun était à la recherche d’un peu de réconfort de la part de l’autre. Pourtant, leurs mines renfrognaient laissèrent place à la surprise quand ils virent la blonde levait le poing vers le ciel. C’était leur signe. Celui qu’ils avaient mis en place un soir où il pleuvait des cordes dehors et que l’ennui était de mise. Alors elle s’en souvenait ? Un grand sourire apparut sur le visage de chacun des gosses avant qu’ils ne fassent de même. Ce signe prouvait qu’ils allaient se revoir, que même s’ils devaient se séparer, jamais ils n’oublieraient les autres. Qu’ils étaient liés.
Klara avançait pour réaliser ses convictions. James et Sarah restaient et grandiraient pour devenir des personnes heureuses. Des personnes qui suivraient l’avancée de la cyborg dans le Monde.