Kiru dormait à moitié lorsqu’il sentit une présence près de lui, comme le poids d’un regard. Il semblait que quelqu’un l’observait, prenant des précautions pour se faire discret puisqu’il ne l’avait pas entendu approcher. Il aurait pu se redresser immédiatement mais il eut comme une intuition qu’il était possible qu’il s’agisse de la femme-oiseau qu’il avait cherché, si c’était le cas il valait mieux ne pas la faire fuir. Il resta donc immobile, attendant de voir ce que ferait la personne qui l’observait peu importe de qui il s’agissait. Il espérait seulement que ce n’était pas un marine qui lui pointait un flingue dessus car s’il tirait Le Golem mourrait sur le coup. Après tout le fait de rester immobile n’était peut-être pas la meilleure solution. Il allait ouvrir les yeux et se relever lorsqu’il sentit une pression sur sa peau, d’abord légère puis un peu plus forte pour finalement lui entamer légèrement la peau de la joue. Peu importe qui était-là ce qui venait de le toucher ressembler fort à une lame effilée. Si c’était effectivement le cas il y avait quelqu’un devant lui qui le menaçait avec une épée et il valait mieux garder quelques précautions.


Kiru se transforma en mode hybride, recouvrant ainsi sa peau d’une couche de pierre protectrice au cas où son observateur décide de lui couper la tête. Il ouvrit aussitôt les yeux mais resta néanmoins immobile. Il venait de gagner quelque peu en taille et releva légèrement les genoux tandis qu’il fixait dans les yeux la jeune femme-oiseau qu’il avait aidé plus tôt face aux marines. Et bien il semblait que parfois il soit plus simple d’attendre que les choses viennent à vous d’elles même plutôt que de les chercher. Le Révolutionnaire sourit à son observatrice, tentant de lui montrer qu’il ne lui voulait aucun mal il écarta les bras, mettant ses mains bien en vue afin qu’elle comprenne qu’il ne l’attaquerait pas, du moins pas si elle ne le faisait pas. Il releva la tête et observa les ailes de la créature qui lui faisait face, elles étaient assez imposantes, trop pour pouvoir passer inaperçu. Il ne savait pas pourquoi les marines l’avaient attaqué mais le simple fait qu’elle ait ces ailes pouvaient être une raison pour certaines personnes de vouloir l’éliminer. Les gens avaient peur de ce qu’ils ne connaissaient pas, ou de ce qui ne leur semblait pas normal. Kiru en savait quelque chose à ce niveau-là, le fait de pouvoir être rejeté par les autres à cause de sa différence lui était assez familier pour pouvoir imaginer le calvaire qu’avait pu endurer cette jeune-femme. Mais il était aussi certain qu’elle savait se battre, même si elle avait fui face à ces marines pourtant pas dangereux elle n’aurait certainement pas pu survivre jusqu’à maintenant si elle n’avait pas quelques capacités suffisamment importantes pour se défendre, à moins d’être extrêmement chanceuse.


Le Golem ferma les yeux et utilisa ses mains pour se placer en position assise contre l’arbre. Il les rouvrit pour regarder la jeune femme de nouveau, espérant qu’elle ne soit pas partie. Son comportement de fuite ne semblait pas vraiment lié à la peur ou à quelque chose du genre, ça semblait plus être une fuite d’agacement. Comme si elle en avait marre de devoir se battre, mais on ne pouvait pas fuir éternellement. Cependant certains vous diraient qu’on ne peut pas se battre éternellement non plus. Ça semblait être la même chose pour tous pourtant, la totalité de leur vie était une suite de combat pour survivre, pouvait-on seulement parler de vie dans ce cas? Kiru n’en savait rien et n’avait pas vraiment envie de s’étendre sur le sujet. Tout ce qu’il savait c’était que cette femme avait dû en voir de toutes les couleurs et continuerait à en voir de par le simple fait qu’elle était différente et que la nature humaine était de rejeter la différence. En attendant il se remit à sourire avant de dire au volatile :

Si tu cherchais à manger je suis pas encore mort. Repasses plus tard on sait jamais.

La jeune femme n’avait pas fui, se reculant tout de même avec rapidité et tombant d’une manière assez humoristique. Cependant elle ne sembla pas saisir ou ne pas apprécier l’ironie de sa phrase. Bien qu’elle ne bougeait plus son regard traduisait le fait qu’elle ne savait pas vraiment quoi faire. Il était compréhensible qu’elle hésite entre la curiosité ou la fuite en se retrouvant face à cette entité de pierre mais Kiru aurait pensé qu’étant elle-même différente elle aurait réagi avec plus d’ouverture d’esprit. Il la regarda plus en détail, elle semblait littéralement tombée du ciel, et surtout elle avait l’air très jeune. Sa façon de le regarder, de réagir, on aurait pu croire qu’elle n’était encore qu’une enfant et son physique ne disait pas vraiment le contraire. Mais le Golem était persuadé que sous cette ingénu était présent une femme qui avait dû voir des choses horribles et qui connaissait bien les horreurs de ce monde. Il se retint même d’éclater de rire en la voyant se mettre à bouder, les joues gonflées et avec une tête qui aurait fait fondre toutes les mères à grand cœur. Elle sembla alors vouloir lui répondre :

Je ressemble tant que ça à une cannibale ? Et puis tu as l'air pas mal fort, ce n'est pas comme si tu allais mourir bientôt.

Visiblement la jeune femme prenait sa réflexion au premier degré. L’ironie et elle semblaient faire deux et Kiru aurait peut-être dû s’excuser afin qu’elle ne se fasse pas de fausses idées mais il était plutôt d’humeur joueuse aujourd’hui et se sentait bien de faire tourner en bourrique cette jeune inconnue. Il l’écouta alors lui demander pourquoi il l’avait aidé et se décida à s’amuser un peu. Il fallait juste espérer que la jeune ingénue ne paniquerait pas trop, et puis si elle fuyait ça aurait au moins était un petit passage sympa dans sa journée. Il la fixa dans les yeux et se mit à parler :

Tout d’abord mademoiselle vous devriez savoir qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Que ce qui peut paraître solide peut parfois se briser d’une pichenette.

Sur ces mots il divisa sa tête et illustra ses paroles d’une pichenette sur son crâne qui fit tomber celui-ci droit sur ses genoux. Il était tombé de telle sorte qu’il ne pouvait pas voir la réaction de la jeune femme mais en rigolait intérieurement, il poussa même le vice à rester quelques secondes immobile, comme si son corps était désormais dépourvu de vie. Il adorait jouer ce petit tour aux gens, même si souvent leur réaction n’était pas vraiment très réceptive à sa petite blague. Finalement après quelques secondes il utilisa ses bras pour replacer sa tête sur son cou en annulant la division avant de reprendre la parole, faisant comme si rien ne s’était passé.

Et puis qui te dis que je t’ai aidé, il est tout à fait possible que ces marines m’aient attaqués car j’étais une proie tout comme toi mais que moi j’étais encore au sol, donc à leur portée.

Kiru tenta de prendre un air sérieux en disant ces paroles mais il ne put s’empêcher d’arborer un grand sourire, ce qui devait vraiment être marquant quand on le regardait, dans tous les cas il s’amusait bien, mais il sentait que la réaction de la femme ne serait pas la même. Le Golem aimait voir les gens à qui il jouait ce genre de tour patauger dans les questions pour tenter de comprendre ce qu’il se passait.

Le Golem écoutait la jeune femme avec une mine bougonneuse, vraiment celle-là n’était pas marrante. Limite trop sérieuse la façon dont elle parlait était semblable à celle d’un commandant dirigeant ses troupes, bien que Kiru en ait rencontré dans la Révolution des très comiques. Contrairement à la première impression qu’il avait eu la femme-oiseau n’avait rien d’une gamine et son air grave lui donnait envie de lui dire de retirer le balais qu’elle avait à un certain endroit. Bien sûr il s’en retînt, visiblement sa première impression aux yeux de la créature n’avait pas vraiment était positif donc il valait mieux stopper quelque peu les gaffes. Il se surprit à comparer l’inconnue à une mère coincée en train de sermonner son enfant qui aurait fait une bêtise. Non là il fallait vraiment qu’il se calme car ses idées partaient vraiment dans le n’importe quoi. Il se concentra de nouveau sur la jeune femme qu’il venait de rencontrer, qui émettait des doutes quant à ce qu’il venait de dire, se basant sur son intuition féminine. S’il y avait bien un pouvoir dans ce monde en lequel le Révolutionnaire ne croyait pas c’était bien celui-ci. A vrai-dire il n’avait jamais réellement comprit en quoi il consistait mais le simple fait d’entendre son nom faisait perdre toute crédibilité à ses yeux pour celui qui le prononçait. Néanmoins il tenta de rester courtois et répondit simplement à son interlocutrice :

Certes je dois avouer qu’il n’est pas dans mon habitude de laisser des marines tirer sur des gens sans réagir. Bien que je n’ai rien contre le tir au pigeon il me semblait inapproprié à ce moment-là.

Il avait rajouté cette dernière phrase avec un sourire en coin. Il n’arrivait pas à s’empêcher de taquiner la jeune inconnue et ses réactions, peu réactives ne faisaient que l’encourageait à continuer. Il savait qu’il s’agissait simplement de son humeur du jour, s’il l’avait rencontré la veille il aurait certainement été très courtois et aurait fait une meilleure impression mais là il était d’humeur joueuse. Finalement il aperçut le soleil derrière la jeune femme qui semblait avoir bien avancé depuis qu’ils étaient arrivés sur l’île. Il prit alors conscience que beaucoup de temps s’était écoulé depuis qu’il avait laissé Lorka et que celui-ci devait certainement avoir fini désormais. Si c’était le cas il valait mieux ne pas le faire attendre trop longtemps sur le bateau si Kiru voulait éviter d’avoir droit à quelques remontrances de la part de son mentor. Il se releva alors, oubliant totalement la présence de la femme, et avança vers le bord de la colline. Il scrutait le port au loin, tentant de voir son navire, comme s’il avait pu apercevoir sur le pont la présence de l’homme qui l’avait intégré à la Révolution, lui confirmant le fait qu’il devait se dépêcher à regagner le navire afin qu’ils puissent retourner sur le Royaume de Saint Urea.


Finalement il se souvint de la jeune inconnue dont il venait de faire la connaissance. Se retournant il revint sur ses pas et reprit un air sérieux, désormais il redevenait le commandant Révolutionnaire recherché par la marine qui s’apprêtait à se rendre sur Grand Line. Il reposa ses yeux sur le visage de la jeune femme il lui adressa ce qui était certainement les premières paroles sérieuses de sa part depuis leur rencontre :

Eh bien chère amie il semble qu’il faille écourter cette petite conversation.

Il fit une petite pause, se rendant compte qu’il ne s’était toujours pas présenté, alors que le moment de partir approchait pour lui il allait y remédier.

D’ailleurs je suis Kabayochi.M.Kiru pour vous servir.

Il lui avait donné son nom entier sans y faire attention. De toute façon il doutait qu’elle le connaisse, n’étant pas une marine et lui commençant tout juste à être connu sur West Blue le fait de dévoiler entièrement son identité ne devrait pas poser de problèmes. Il attendit alors une réponse de la part de la jeune femme, qu’elle se présente à son tour par exemple.

Moi mon nom est Safira Daishizen. Votre changement de comportement est plutôt impressionnant, vous êtes lunatique ?

Kiru regarda la jeune femme dans les yeux, retenant un soupir désespéré. Il semblait que la gamine qui sommeillait en cette Harpie comme elle s’était elle-même appelée avait refait surface. Il se contenta de croiser les mains, se donnant ainsi un air encore plus sérieux avant de lui répondre :

Enchanté de vous connaître et sachez très chère que le comportement n’est que la matérialisation d’une humeur bien souvent passagère. En conséquent le comportement fluctue en fonction des périodes, des lieux ou des situations où vous vous trouvez. Sur ce au plaisir d’une prochaine rencontre madame.

Sur ces mots il réalisa une petite courbette avant de se retourner et de se diriger vers la ville. Bon il en avait certainement un peu trop fait mais il fallait qu’il se dépêche à retourner sur le navire puisqu’ils devaient avoir quitté l’île avant la nuit. De plus le fait de se montrer aussi poli ne pouvait pas être mal perçu et son humeur taquine était désormais loin. Il était de retour dans le sérieux des événements qui allaient bientôt se dérouler mais ce petit écart l’avait bien amusé. Il ne se retourna pas pour voir la réaction de la femme-oiseau, accélérant légèrement le pas pour être sûr d’arriver à temps sur l’embarcation qui l’avait emmené sur l’île. Sur le chemin qui l’emmenait au port il se remit à penser à la rencontre qu’il venait de faire, rien de très significatif après réflexion mais il se prit à penser que pour sa deuxième visite sur l’île il laissait une deuxième femme dont il ne savait que le nom derrière lui. Ça commençait à devenir une habitude de couper court aux conversations sur cette île et de partir comme un voleur. Mais après tout c’était quand même assez marrant et Kiru ne doutait pas qu’un jour il finirait par revoir cette Harpie nommée Safira dans d’autres conditions, peut-être plus favorables ou peut-être moins favorables. Comme il se doutait qu’un jour il retrouverait cette jeune fille qu’il avait rencontré sur cette île jadis et qu’ils pourraient alors finir leur conversation restée en suspens. Il n’aurait su l’expliquer mais bizarrement il se sentait comme lié à cette jeune femme alors qu’il ne la connaissait quasiment pas. C’est sur ces idées qu’il monta à bord de leur bateau, y retrouvant Lorka qui lui fit un hochement de tête avant d’ordonner qu’on lève l’ancre. Kiru se plaça sur le pont, regardant l’île de Kawaii Kazan Shima s’éloigner peu à peu tandis qu’une nouvelle personne prenait place dans ses souvenirs.