Le Royaume de Torino. Klara en avait vaguement entendu parler avant d’accoster sur cette île. Des oiseaux géants, quelques villages, rien de bien intéressant à première vue. Sauf ce qui l’avait mené ici. La blonde ne se serait jamais intéressée à cette île si des rumeurs n’avaient pas circulés. Des rumeurs dont elle avait voulu tester la véracité. Et au final, son voyage n’avait pas été vain.

Silencieusement, la blonde avançait dans la forêt, suivant le plus discrètement possible un groupe d’individus pas vraiment discrets. Armes à la main, costard cravate, rien de bien normal pour une île comme celle-là. Rien de bien normal pour une majorité d’île. La densité de la végétation rendait sa filature difficile, mais tout autant alléchante. Un peu de difficultés ne pouvait pas lui causer de mal, et une traque n’en était que plus belle. Car oui, Klara traquait ces personnes. Enfin, surtout une, située au milieu du groupe. Un type pas vraiment grand, qui apparaissait plus comme un gringalet aux côtés des gorilles lui servant de gardes du corps. Une proie intéressante pour la blonde, qui lui permettrait peut-être d’atteindre des gens plus importants. Et plus malfaisants aussi. La marche à travers la forêt ne dura qu’une dizaine de minute avant qu’une clairière apparaisse à ses yeux. Un endroit qui sentait le piège à plein nez. Depuis une semaine qu’elle observait les faits et gestes du gringalet, elle ne l’avait jamais vu autant sur les nerfs que ces derniers jours, sursautant à chaque porte fermée trop violemment, à chaque verre posé d’une manière trop brusque. Comme s’il était en manque. Mais en manque de quoi, c’était une autre histoire.

La petite troupe s’arrêta au centre de la clairière, laissant la possibilité à Klara de les observer de loin, sans risquer d’être vue à travers le feuillage. Cette sortie était l’occasion de créer un regrettable accident qui coûterait la vie à ces personnes. Un très regrettable accident. Un léger sourire flotta sur ses lèvres, avant qu’elle ne retrouve son sérieux et son masque d’indifférence. Klara réfléchissait sur la manière de procéder avant qu’un bruit ne lui fit tourner la tête. A sa gauche, une fille sortit des fourrés, se dirigeant droit vers les personnes que la blonde voulait abattre. Mais qu’est-ce qu’elle faisait ? Lâchant un juron bien senti, elle observa la scène, ne comprenant pas bien l’histoire de « blanquette ». Mot de passe étrange pour cette situation. Ce qui se déroulait sous ses yeux dépassait sa compréhension. Un des types en noir s’avança, une mallette à la main. L’autre fille ouvrit son sac, semblant montrer quelque chose à l’autre type qui hochait la tête. Apparemment, la situation convenait à tout le monde vu que les sacs changèrent de main, après avoir étaient jetés. Drôle de manière pour procéder à un échange. Un manque de confiance des différents partis ? Sans doute.

Dans tous les cas, c’était sa chance d’en éliminer un maintenant. Réprimant un sourire, la blonde sortit son pistolet et se mit à viser. Ses entraînements portèrent leurs fruits. Avec un léger sourire, elle tira, voyant sa cible s’écrouler. Elle n’avait eu besoin que d’une seule balle pour réussir à atteindre son objectif. Un sourire satisfait sur son visage, elle pointa rapidement un autre gars, tirant deux fois cette fois-ci. Trois balles, deux types au sol, devant baigner dans leurs sangs. Ce que ça pouvait être jouissif. Néanmoins, les réactions ne se firent pas attendre. Les cinq survivants pointèrent leurs flingues dans différentes directions avant qu’un d’eux s’adresse violemment à la fille du départ. Sans doute lui demandait-il si elle avait un lien avec ce qui s’était déroulé. Ce n’était pas bon. Pas bon du tout. Fronçant les sourcils, la blonde soupira ensuite. La situation se compliquait.

Ecartant les branchages, Klara s’avança, pointant de son pistolet un autre type. Elle était à découvert, gardant néanmoins un air fier. Différentes réactions accueillirent son entrée en scène, même si la grosse majorité pouvait se résumer au fait qu’elle se fit mettre en joue. Prévisible. D’une voix agacée, elle s’adressa à la gamine :

-J’sais pas ce que tu fais là, mais tu devrais partir rapidement si tu veux pas te faire buter par inadvertance. Après c’est à tes risques et périls la gosse.

Quand la fille pris la parole, Klara sentis un léger soulagement la saisir, avant de se ressaisir. Au moins, celle-ci comprenait qu’elle n’avait rien à faire ici et que sa survie dépendait de sa coopération. C’était déjà ça de gagné. Lâchant du regard sa cible, la blonde regarda un court instant l’inconnue aux cheveux noirs se reculer. Parfait. Fixant à nouveau son attention sur sa cible, la blonde fronça à nouveau les sourcils. Apparemment, ils allaient se regarder dans le blanc des yeux encore un moment. Tellement ennuyant. Elle allait prendre la parole quand son regard fut attiré par le manège de l’autre. Bordel, qu’est-ce qu’elle fichait ? Serrant les dents, Klara remarqua qu’aucun des types en costard cravate n’avait remarqué le manège, se contentant de la fixer. Ils avaient eu le droit à une mort cérébrale ou quoi ? Pire que des poissons sortis hors de l’eau. Retenant un soupir d’exaspération, elle écarquilla soudainement les yeux, regardant avec stupeur un des types se prendre une sorte d’étoile sur le côté, le faisant voler un peu plus loin dans un cri d’agonie certaine. Cette scène sembla tirer les autres de leurs léthargies car ils se mirent à tirer, essayant de l’atteindre. Fronçant les sourcils, la blonde se déplaça rapidement, essayant de ne pas se faire toucher. Soit une mission impossible. Un tintement familier et une balle ricocha sur son bras gauche, allant se perdre dans les broussailles aux alentours. Le peu que la blonde tirait allé souvent n’importe où, jusqu’à ce qu’elle atteigne enfin un ennemi. Quatre de morts, il ne restait que deux gorilles et le chef.

Se reculant rapidement après une salve de tire, elle voulut recommencer, découvrant avec horreur que son chargeur était vide. Pestant de rage, elle rangea son pistolet rapidement, se retrouvant sans armes devant des types qui avaient l’air d’avoir des chargeurs ne se déchargeant jamais. Ça ne jouait plus en sa faveur. Essayant de garder un air impassible, la blonde songea à la fuite. Une fuite qui se voulait impossible seule. Après tout, l’autre avait voulu l’aider, et la laisser aux mains de ces fous signerait son arrêt de mort. Ce qu’elle pouvait détester quand son plan ne marchait pas comme prévu.

Sa réflexion s’était faite rapidement et les coups pleuvaient à nouveau sur elle, ne lui laissant pas un instant de repos. Pestant à nouveau, la blonde se leva, jetant un regard de défi à ces hommes et courut en direction de l’endroit où elle était venue auparavant. A couvert sous les branchages, elle essaya d’aller en lisière de forêt en se déplaçant vers la droite. Son poste d’observation bien en main, elle regarda les trois types se diriger vers la direction qu’elle avait prise. Les rôles s’étaient inversés pour le moment. La chasseuse devenait la proie.

Quand Klara vit ces hommes passaient sous les branchages, elle compta cinq secondes avant de sortir de sa cachette, se dirigeant vers la clairière rapidement. Le temps pressait. Ramassant l’arme qu’avait dû utiliser la jeune fille, elle fit de même avec la propriétaire, faisant passer son bras par-dessus son épaule à elle pour la tenir fermement. L’arme d’un côté, la fille de l’autre, Klara avança, voulant jouer sur sa rapidité et sur la stupidité de ceux se prenant pour des traqueurs. Qu’ils étaient stupides. Essayant de ne pas prendre un air dégoûté, elle arriva près des branchages de l’autre côté de la clairière, les dépassant avec plus ou moins de difficultés avant de déposer la fille aux cheveux noirs près d’un tronc d’arbre, son arme près d’elle. Sa pâleur inquiéta légèrement la blonde, avant que celle-ci ne prenne la parole :

-Pour quelqu’un qui devait partir, tu t’es fait remarquer.

Un soupir franchit ses lèvres, avant qu’elle ne continue.

-Je ne sais pas si tu tiens vraiment à ta vie, mais s’ils ont remarqué ton manège, ce qui ne m’étonnerait pas, tu risques de mourir de leurs mains.

Un léger sourire se forma sur ses lèvres. Cette fille n’avait vraiment pas la tête de l’emploi pour être une tueuse. Mais bon, elle-même était mal placée pour dire ça. Un craquement se fit entendre pas très loin de leur position, la faisant se mettre sur ses gardes. Apparemment, ils étaient tout proches.

Cela faisait bien cinq minutes que le bruit s’était fait entendre, pourtant, il n’y avait plus rien maintenant. Fausse alerte ? Sans doute pas. C’était une coïncidence beaucoup trop étrange pour être le cas. Relâchant néanmoins la tension qui s’était accumulée, la blonde se tourna vers la fille qu’elle avait sauvée. Celle-ci semblait reprendre pied dans la réalité car elle l’entendit soupirer. C’était tant mieux, elle n’aurait pas à la porter jusqu’à un endroit sûr. Les premières paroles de celle-ci la firent sourire. Elle la considérait donc comme une enfant ? Peu de gens pensaient ça d’elle. Et puis, dans cette situation, on pouvait se demander qui ressemblait plus à une enfant que l’autre. Et ce n’était certainement pas elle. Klara allait répondre, quand l’autre prit à nouveau la parole. Etait-elle folle ? Elle voulait faire diversion ? C’était une mission suicide, pure et dure. Déjà qu’elle s’était retrouvée mal en utilisant une arme qu’elle était censée savoir manier, alors là, courir pour échapper aux balles de ces idiots c’était de la folie. Elle risquait d’y laisser des plumes.

Cette fille était tout simplement folle. Rien que par le fait de venir dans ces lieux pour échanger des valises avec ces types était de la folie. Et là elle ne faisait que confirmer l’opinion que Klara avait sur elle. Pourtant elle ne bougea pas quand celle aux cheveux noirs partit. Elle voulait aller au casse-pipe ? Très bien. Mais elle ne la laisserait pas se faire trouer comme du gruyère. Délaissant l’arme qu’elle lui avait conseillé de prendre, Klara s’avança, attentive aux bruits qu’elle pouvait discerner. En courant, cette fille dont elle ne connaissait pas le nom arrivait à la distancer un peu, même si sa course n’était pas la plus rapide que la blonde avait eu l’occasion d’observer. Mais elle n’y prêta pas plus attention que ça. Des coups de feu ne tardèrent pas à se faire entendre figeant sur place Klara. Si l’autre se faisait atteindre, c’était fini. Pourquoi elle avait proposé de faire comme ça ? Elle voulait mourir prématurément ? Retenant un juron bien senti, elle se calma, essayant de trouver la position de ceux qu’elle voulait éliminer. Trois personnes, ce n’était pas des plus compliqué à trouver dans une forêt où le branchage pouvait craquer et dévoiler une position. C’était même intéressant. Finalement, ces types redevenaient des proies sans même s’en rendre compte. Et c’était ça le plus amusant.

Les tirs s’arrêtèrent à un moment et la blonde cru que c’était car ils l’avaient touché, mais ils reprirent quelques instants, la soulageant au passage. Là, elle s’en serait voulu. Elle commença à avancer, suivant le lieu d’où provenaient les bruits de coups de feu. Enfin, de ce qu’elle arrivait à percevoir. Sortant son katana, elle avança petit à petit, voulant être sûre de leur tomber dessus directement. Se faire avoir car elle se serait trompée de quelques mètres aurait été idiot. Et elle ne voulait pas faire cette idiotie maintenant. Sur ses gardes, elle continua d’avancer, espérant que la fille qu’elle avait aidée puisse jouer au chat et à la souris encore longtemps. Après quelques minutes qui lui semblèrent interminables, elle tomba enfin sur un des types en costard. Un sourire s’afficha sur son visage et elle l’attaqua par derrière, le tuant après quelques secondes d’efforts. Un de moins, plus que deux. Un léger soupire franchit ses lèvres lorsqu’elle se releva, essuyant le sang sur la lame de son katana. Le silence régnait dans la forêt, il y avait maintenant deux possibilités : Soit la chasse était finis, soit ils étaient à court de munitions. Et bizarrement, elle avait une préférence pour la deuxième solution.