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Souvenirs, souvenirs
Erwin
Erwin
Messages : 5013
Race : Humain

Feuille de personnage
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Mer 24 Déc - 0:29
Souvenirs, souvenirs« L'oubli n'efface pas les péchés. »



Description du Haki:

La mémoire… C’est un engrenage particulièrement intéressant. Peu de personnes en connaissent réellement les fondements et les délimitations. Pour Katia, il s’agit de l’ensemble des sensations physiques et sensorielles vécues. N’entrent donc, à partir de cet instant, pas en compte les idées, les pensées, tout ce qui n’a jamais été inscrit noir sur blanc, ou peu importe la couleur que vous attribuez à la mémoire. Et tout cela… Tout cela pour dire que peu importe ce que je voudrais faire par la suite, peu importe l’utilité que j’aurai de mon pouvoir, je ne pourrai jamais être plus humain grâce à celui-ci, je ne pourrai jamais toucher à l’essence même de l’âme humaine. Je l’aurai frôlé du bout du doigt et lui aurai fait mes adieux d’ici peu. J’aurai prié de tout mon cœur pour que mon pouvoir s’éveille, plus puissant que jamais, puis pour qu'il s'éteigne.

Il y a trois semaines, des visions fugaces ont commencé à m’apparaître au détour de conversations avec Katia. Des brides de souvenirs qui ne m’appartenaient pas et que je m’étais pourtant approprié. Un nouveau stade de mon Haki de l’Observation qui m’avait tout de suite effrayé… terrorisé même. En tentant de m’en débarrasser, j’avais passé le plus clair de mon temps à éteindre mon pouvoir, à l’endormir parfois violemment, parfois moins. Ah, si seulement… Si seulement je n’avais pas à me soucier de moi-même.

C’était ainsi que je m’étais tourné vers Anya, une ancienne de mon village natal. Je n’avais plus foulé la terre qui m’avait vu naître depuis longtemps… Presque trois ans en réalité. La dernière fois que j’étais venu… Mes souvenirs étaient flous quant à cette période, mais je ne m’en étais jamais réellement soucié. J’avais donc à nouveau inscrit mon histoire sur le sol de mes ancêtres. Et c’est en combattant mon envie de ne jamais retourné sur ma terre natale que j’ai commencé à ouvrir une brèche dans mon cerveau.

« - Tiens, tu me fais penser à quelqu’un… »

Un homme s’était avancé vers moi. Rabougri, le visage endormi et ridé, la voix hésitante, il me regardait de ses yeux myopes avec insistance. Son sourire édenté se forma progressivement, et sa mémoire sembla lui rapporter quelques souvenirs lointains. Il toussota un long moment avant de me donner une tape sur la hanche, le plus haut endroit que sa main pouvait atteindre, tout en baragouinant quelques remarques :

« - Dans mon jeune temps, il y avait un gamin qui te ressemblait, un petit Erwin… »

Allister, ancien maire de l’île avant l’installation de la secte dont mon père était le chef. Il avait des problèmes de mémoire, essayait de les régler avec quelques médicaments mais cela ne s’arrangeait pas. Au moins, il était lucide aujourd’hui. Je préférai ne pas l’embêter avec mes histoires et lui proposai simplement mon bras pour le raccompagner jusqu’à sa maison. Le village n’avait pas changé, à l’exception de quelques maisons disparues comme de mauvais souvenirs avalés par le temps. Des terrains vagues avaient pris leur place depuis longtemps abandonnée. Mon sourire ne disparut pas de mon visage malgré la probable destruction de mon foyer d’origine. Je ne m’y étais jamais senti heureux de toutes les manières.

Quelques dizaines de minutes me permirent d’atteindre à un rythme très lent la maison de l’ancien maire. Elle ne dénotait pas des autres demeures, et malgré ses cent-vingt-ans révolus, l'habitant des lieux arrivait encore à monter les escaliers qui menaient à sa chambre. Je lui adressai un au-revoir attristé, tandis qu’il se tournait vers une photo grandeur nature de sa douce femme, Paprika. Elle avait été sa camarade, sa partenaire de vie, et ne l’avait jamais laissé tomber. Malheureusement, la maladie l’avait emportée six ans plus tôt. A cette époque, les soins médicaux étaient trop chers pour deux vieux retraités, et mon père les avait laissés crever comme des chiens. C’était un homme dur, mais n’est pas forcément dur celui qui est injuste. Lui mariait à la perfection ces deux traits de caractère, à défaut de s’être remarié tout court après le départ de ma mère.

Montant les marches qui montraient la route vers l’ancien temple, en haut d’une colline surélevée, j’observai les bâtiments qui composaient ma ville. Mon cœur était chagriné aux souvenirs d’antan qui y résidaient : Louise, Léon, mon père meurtrier et ma mère disparue… Tout semblait à la fois si proche et si lointain… Un jour, peut-être pourrais-je réparer les erreurs de mon passé. Continuant vers l’endroit qui avait hébergé la secte qui dirigeait l’île autrefois, je me rappelai les processions religieuses qui descendaient la montagne, les enfants faussement sacrifiés aux yeux du peuple et obligés en secret de devenir prêtres ou prêtresses de l’Ordre.

« - Oh, mais ne serait-ce pas Erwin ? »

Une voix ancestrale et douce s’était élevée sur ma gauche. Je tournai la tête et souris à la femme à mes côtés. Je l’avais reconnu rien qu’au carillon du son que ses cordes vocales produisaient : Anya. L’ancienne du village qui du haut de ses cent trente-ans était aussi la personne la plus respectée des lieux. Ses décisions étaient irrévocables et indiscutables, mais fort heureusement pour la démocratie, enfant de cette nouvelle ère, elle n’usait pas de cet atout selon mon dernier rapport concernant l’île. Pour son âge, elle était encore droite et svelte. Ses os fatigués et ses muscles rabougris auraient pourtant dû la trainer vers le sol, mais elle se tenait debout, poussée par une force presque mystique. Je lui souris tout en la suivant silencieusement, sans formule de politesse particulière. L’une de ses mains semblait tenir une canne invisible alors qu’elle s’avançait, et quand elle arriva enfin en hauteur, un long soupir de soulagement sortit de sa bouche.

« - On dirait que tu n’es pas là pour rêvasser mais que dirais-tu d’accorder un peu de ton temps à une vieille dame solitaire ?
- Voulez-vous du thé, Anya ? »

J’avais parlé avec l’égard que j’accordais à toute personne de son âge : en évitant de commenter ses vieux et doux caprices qui me faisaient me sentir apprécié. Anya, Allister et sa femme étaient trois personnes qui ne m’avaient pas rejeté pendant les incidents que j’avais causés et qui avaient poussés la révolution secrète de l’île à reprendre le pouvoir. Tout en rigolant, mon hôte m’indiqua d’une voix toujours aussi douce :

« - Tu ne sais même pas où sont rangées les tasses, ne te précipite pas trop. »

Ses paroles étaient celles d’une femme d’expérience. Elle savait que si j’étais revenu ici, ce n’était pas juste pour lui rendre visite. Contrairement à la majorité des personnes de l’île, Anya avait connaissance de mon pouvoir. Elle le connaissait même mieux que moi, à vrai dire, puisque son père en avait été le précédent possesseur. Le fruit du démon de la téléportation existait bien avant moi, et il existerait bien après moi. Les coïncidences étaient vraiment quelque chose d’incroyable. Tout en préparant le thé, l’ancienne du village me raconta ce qu’il s’était passé en trois ans. Même si je m’étais tenu informé des changements politiques pour éviter que l’île ne retombe entre de mauvaises mains, je n’étais pas au courant de tout ce qu’il s’était produit depuis le temps. Les frères Grambetta avaient décidé de prendre la mer pour partir à l’aventure, après s’être créé deux années de merveilleux souvenirs, ils étaient revenus : leur foyer et leur famille leur manquait trop. Depuis, le benjamin avait trouvé une femme merveilleuse, elle était enceinte de six mois à présent. L’aîné n’était malheureusement pas aussi chanceux en amour et enchainait les déboires. Bientôt, il serait sorti avec toutes les célibataires majeures de l’île, avait ajouté en plaisantant la doyenne.

« - Et toi, que deviens-tu ? »

Sa question était posée par politesse mais aussi par la curiosité qu’on pouvait avoir à son âge. Je ne lui cachai rien : mes voyages, mes rencontres, ma sœur, mes amis. Sans hésiter, je lui racontai pendant des heures, bien après que le thé fut froid, mes souvenirs les plus mémorables, qu’ils soient bons ou mauvais. Je lui parlai aussi de Micqueot, et de cet endroit que j’appelais « Maison ». Pendant de longues minutes après cela, le silence régna dans la salle. Profitant de cet instant, je refis chauffer la bouilloire au-dessus d’un feu créé par un Heat-Dial. C’était le dernier investissement de la maison.

« - Tu n’es pas venu ici pour me raconter toutes ces histoires, n’est-ce pas, Erwin ? »

Je hochai la tête lentement, dos à elle alors que je savais son regard porté sur mes épaules.

« - C’est étrange, mais tu ne ressembles en rien en ton père. C’était un homme cruel et égocentrique, il a pris beaucoup de vie pour son simple plaisir. En revanche, tu as l’aura de ta mère, une personne toujours tournée vers sa famille… J’ai été aussi surpris que tout le monde lorsqu’elle est partie sans toi, elle disait qu’elle ne pourrait jamais quitter son fils.
- Je la cherche pour savoir pour quelle raison elle m’a laissé derrière, répondis-je à la question muette d’Anya. Pour mon père, je ne l’ai pas revu depuis que j’ai quitté l’île, ajoutai-je distraitement. »

Mon regard s’était tourné vers la fenêtre. La nuit s’était installée, noire et dominante. Anya regardait les étoiles elle aussi, et après avoir bu une nouvelle tasse de thé chaud, elle me laissa quelques instants seul pour aller se soulager. Sans montrer un signe quelconque de discrétion, j’allai fureter sur les meubles du salon. Chaque objet racontait une histoire, portait en lui la mémoire des hommes. Certains objets devaient remonter au siècle dernier, et plus encore. Dans notre univers, il était difficile de définir avec exactitude à quand un artefact remontait. Un petit livre sur une table dans lequel était inscrit une écriture ancienne, et quelques traductions étaient disponibles à côté.

« - Cette écriture est de très peu moins ancienne que celle des Ponéglyphes, m’expliqua Anya en revenant, le regard porté sur l’ouvrage comme s’il s’était agi d’un trésor. Cependant, contrairement à ceux-ci, cette écriture est autorisée. »

Elle en savait plus qu’elle ne le disait, mais j’évitai de lui demander. Je ne voulais pas encore me mêler aux affaires liées à l’histoire ancienne. Fermant les yeux, la doyenne approcha une main de mon visage. Elle sentait la lavande, cette plante qui poussait de l’autre côté de l’île et dont les effluves étaient utilisés dans les savons. Tout en y pensant, je m’étais laissé faire, profitant du contact de la peau fripée contre ma joue. De nouveaux souvenirs entraient à l’intérieur de moi alors que je venais de demander d’une voix douce :

« - La lavande est décidément l’un de mes parfums préférés. »

Une image brève de champs remplis de lavande s’était étendue devant moi, et au milieu d’elle, un homme d’un certain âge me faisait signe de le rejoindre. Je courrais vivement vers lui, tout en lui tendant la main. J’avais la main d’une enfant, une main innocente tendue vers un homme que j’appelais papa. Il me tenait alors la main et m’emportait sur d’autres îles où des champs de lavande s’étendaient plus encore à perte de vue. Puis, une dernière scène apparut dans mon esprit : celui d’un champ brûlé au milieu duquel se tenait mon père. J’hurlais son nom sur son cadavre, mes larmes perlaient le long de ma peau. Ma voix était brisée sur ma peau, et même si je ne ressentais pas les mains sensations qu’Anya, mon cœur se serra comme le sien à l’époque. Une larme s’écoulait sur ma joue alors que je mettais ma main sur celle dont les souvenirs venaient de de déferler en moi.

« - Je suis désolé, Anya, je suis désolé, je suis désolé… »

Mes excuses résonnaient dans la pièce inlassablement alors que j’avais décidé de serrer contre moi la vieille femme dont les larmes avaient aussi commencé à couler. Je ne savais pas comment contrôler ce pouvoir, et en ce moment je n’avais pas la tête à ça. Mon Haki s’était bloqué, je ne ressentais plus aucune voix autour de moi, ni celles des insectes sous la maison, infimes et discrètes, ni celle d’Anya ou des personnes directement en bas de la colline.

« - Tu n’as pas à t’excuser, ton pouvoir est juste en train de grandir, finit par dire la doyenne en s’éloignant légèrement de moi. J’ai connu beaucoup de personnes avec le Haki de l’Observation évolué, et j’ai moi-même développé le mien. Je peux sentir quel est le pouvoir de la personne qui se trouve en face de moi grâce à cela… Et le tien vient juste de s’éveiller, alors il faudra y aller doucement. »

Elle parlait comme une enseignante cette fois-ci. J’acquiesçai en séchant mes larmes et m’assis sur un coussin au sol, juste au-dessus des tatamis tressés qui avaient remplacé l’ancien carrelage froid du temple. Anya avait fini par s’asseoir à son tour, fermant les yeux tandis que les miens étaient grands ouverts, au cas où elle pourrait m’apprendre quelque chose sur mon pouvoir. Elle soupira quelques secondes et commença finalement les explications :

« - Le Haki existe car chaque être vivant a une âme, ce que les gens d’aujourd’hui appellent une voix. Ton âme est un mélange de tout ce qui existe en toi : ta mémoire, tes émotions, tes pensées. Et certaines personnes sont capables de lire l’âme, même si chacune d’entre elle a ses particularités. La tienne a cette alchimie si particulière avec les souvenirs que ta lecture de l’âme se tourne tout particulièrement vers le vécu de ceux en face de qui tu te trouves. Tu es un lecteur de mémoire, Erwin. »

Cette femme était différente de la chaleureuse vieille dame que j’avais connue. Elle me traitait à présent comme son élève. Je ne dis pas un mot pendant qu’elle parlait, j’osais à peine respirer et parfois j’oubliais que je devais le faire pour ma propre survie. Mon regard croisait de temps à autre le sien, et j’y voyais une figure rassurante, qui pourrait me guider dans mon apprentissage de cette capacité. Mon cœur s’emballait au fur et à mesure, et lorsqu’elle eut enfin fini de parler, je réfléchis à ce qu’elle venait de dire. Je n’étais pas certain que le Haki permettait de lire l’âme : après tout dans mon idée, l’âme avait toujours la même taille, et le Haki permettait de voir l’âme en fonction du corps… Je secouai la tête, de toutes les manières le propos le plus important n’était pas là.

« - Comment est-ce que je peux maîtriser mon pouvoir ? »

Anya sembla réfléchir un instant et elle finit par se resservir du thé avant de me répondre, cette fois-ci plus chaleureuse et moins didactique :

« - Le Haki de l’Observation est un pouvoir bien plus mystérieux, mais j’aimerais d’abord savoir pourquoi tu es venu me voir.
- Vous êtes la seule personne que je connais ayant eu une vie aussi longue alors je me suis dit… Et puis, étrangement, j’ai la sombre impression qu’il me manque toute une période de ma vie ici… »

Anya resta silencieuse un instant avant de répondre à mon inquiétude.

« - Il y a une époque où l’île a été mise à feu et à sang, une époque où tu nous as sauvé, Erwin… Tu ne t’en souviens sûrement pas à cause de l’hypnose qui a été appliquée sur toi pour ton propre bien. »

Je restai figé un instant. Ce n’était pas possible, c’était… Pourquoi ? Non, comment ? Je ne m’en souvenais pas… Me souvenir de quoi ? Je savais que j’étais revenu sur cette île pour les sauver, puis Louise était partie… Non, en réalité je ne savais pas. Je baissai la tête, légèrement déprimé. C’était une partie de ma mémoire qui avait été volée, pourtant une petite voix dans ma tête me disait de ne pas la récupérer, que ce serait mieux ainsi.

« - Merci de me l’avoir dit, Anya. J’aimerais aussi savoir pourquoi j’ai éveillé mon Haki évolué…
- Tu dois avoir eu une intense envie de voir les souvenirs de quelqu’un, ou de connaître le passé de quelqu’un… L’Observation est différente des autres Hakis, s’il faut quand même un entrainement pour le maîtriser, il s’éveille sous le coup d’une intense émotion. »

Je me souvenais avoir éveillé mon Haki lorsque Katia m’avait avoué que notre mère ne voulait pas de moi. Qu’elle était vivante et qu’elle m’avait abandonné. J’en aurais pleuré des jours durant si toutes ces voix n’étaient pas venues me déloger de mon chagrin. Et à présent, parce que je voulais absolument en savoir plus sur ma mère, j’étais capable de lire les souvenirs des gens… Il allait falloir que je trouve une manière de le faire fonctionner. Ou que j’apprenne en réalité, puisque la manière ne dépendait pas réellement de moi.

Je me mis alors à réfléchir aux situations où mon pouvoir s’était déclenché… Quand j’avais appris d’un ancien révolutionnaire qu’il connaissait ma mère mais il ne voulait pas me dire quand il l’avait vu pour la dernière fois. A ce moment-là, j’étais tellement en colère que j’aurais peut-être été capable d’en venir aux mains… Mais je n’avais pas cédé à mes plus bas instincts. La seconde fois, c’était quand Katia avait commencé à me parler de son passé avec notre mère… Et je lui avais demandé à quoi elle ressemblait… C’était à ce moment-là que j’avais vu son visage. En fermant les yeux, je pouvais m’en souvenir comme si c’était moi qui m’étais trouvé en face d’elle. Nous partagions les mêmes traits, enfin j’avais l’impression, j’espérais, que je lui ressemblais. Jamais son sourire ne semblait quitter son visage. Puis aujourd’hui, je m’étais retrouvé dans les souvenirs d’Anya… Mon regard se posa sur elle, et je culpabilisai d’avoir violé son intimité de cette manière. Les souvenirs sont si personnels… J’avais encore du mal à croire que mon pouvoir me permettait d’aller en zone interdite.

« - Tu ne devrais pas t’en faire à ce point-là, les souvenirs sont de mystérieux objets qu’il va te falloir étudier avec attention si tu veux arriver à contrôler ton pouvoir. Pour ça, il va falloir que tu pratiques…
- J’aimerais que vous gardiez cela pour vous, Anya, ce pouvoir… Je ne veux pas que d’autres personnes sachent que je l’ai. Beaucoup n’ont pas votre attitude face à cela. »

Elle acquiesça discrètement d’un signe de la tête, souriant à moitié. Sa main ridée vint à nouveau se poser sur ma joue, et elle dit d’un ton amusé :

« - Demande-moi ce que tu veux savoir, mes souvenirs sont tiens dès à présent.
- Je…
- Tu dois t’entraîner, et je ne suis plus qu’une vieille dame à la frontière de l’incertain. Tant que mes souvenirs vivront avec toi, j’existerai toujours.
- Merci, Anya, fis-je en lui tenant la main. J’aimerais savoir si vous avez déjà été sur le Nouveau Monde… »

Elle sourit. Une brève image apparut, un long chemin vers le Nouveau Monde et finalement une île magnifique avalée par la mer la seconde d’après. Des dizaines d’hommes-poissons à la frontière du Nouveau Monde autour d’elle tout à coup. Elle leur parlait, disait que le Nouveau Monde était un endroit dangereux. Ma tête… Je luttais contre les souvenirs, ce n’était pas les miens, j’avais l’impression de… Prenant ma tête entre mes mains, j’éteignis mon pouvoir. Pendant le temps où j’avais utilisé cette nouvelle aptitude, mon Haki n’était plus concentré que sur cela.

« - Laisse les souvenirs t’imprégner, il faut que tu aies l’impression de les vivre, Erwin. »

Je soufflai, les genoux croisés devant mon enseignante. Elle me prit les mains, même si je n’en avais pas besoin cela me détendait. J’étais en confiance avec elle. Son odeur de lavande me revint, et je finis par lui demander :

« - Quel relation aviez-vous avez les hommes-poissons ? »

Ses souvenirs se déversèrent plus spontanément et avec plus de fluidité cette fois-ci. Elle me faisait confiance, et elle me laissait entrer dans ses souvenirs si précieux, si nombreux. Je vis des hommes-poissons de tout âge et de toute espèce. Ils étaient si nombreux, et leurs noms résonnaient encore dans mes oreilles. L’un d’entre eux s’approcha de moi et je sentis ma poitrine devenir plus lourde, plus… Non. Encore une fois, je me figeai sur place et repoussai cette sensation que j’avais à présent assimilée. La sensation physique d’avoir des seins.

« - C’est horrible, lançai-je en me touchant les pectoraux au-dessus de mon tee-shirt. Comment tu fais pour porter des trucs comme ça ? »

Ah, je la tutoyais. Enfin, après tout, à présent ce n’était plus un pronom qui allait se mettre entre nous. Lu souriant, je finis par reprendre mon entraînement. Il me fallut plus d’une dizaine d’essais avant d’arriver à me sentir assez femme pour être Anya et laisser les souvenirs pénétrer ma chair, mon cerveau. Toutes ces histoires avec les hommes-poissons qui l’avaient secourue, toutes ces personnes, ces visages. Pendant un long moment, je ne pus m’empêcher de sourire. Mon pouvoir était presque maitrisé, mais pour cela il allait falloir que je fasse d’autres essais sur d’autres personnes.

Mon premier et seul choix fut Allister. Je voulais voir ce qu’il avait vu, me souvenir de la fois où il m’avait vu, de ce qu’il voyait réellement de moi, même si ses pensées resteraient secrètes. Je m’étais dirigé vers lui, et avais posé une simple question.

« - Vous vous souvenez d’Erwin ? »

Il avait alors repensé à mon visage quand j’étais jeune garçon, à une scène particulière que nous avions partagé, sa femme, lui et moi. Seulement, je voyais à présent cette scène de son point de vue, de ses yeux. Il chuchotait à sa femme que j’étais le fils qu’ils n’avaient jamais eu, et elle répondait qu’il avait eu un fils, il y a longtemps, mais que celui-ci était mort avant eux. Alors son regard partait vers le sol, mais bientôt il me contemplait à nouveau tandis que je jouais avec des brins d’herbe. Pourquoi ces souvenirs-ci ? Pourquoi des souvenirs qui me tiraient des larmes ? Décidément, je ne pouvais pas supporter tous ces souvenirs.

Erwin
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