L'arrivée à Shivering Island... Un voyage mouvementé !

Les vagues venaient percuter la falaise haute d’une vingtaine de mètres qui constituait la façade nord de la base de Seppen Town, QG de la Marine de North Blue.
Et les vagues frappaient de plus belle sans accorder de trêve à l’irréductible défenseur qu’était cette grande falaise, faisant à elle-seule face à l’infinité de cette armée qui sans cesse l’assaillait dans un perpétuel bruit de fracas. Quelques courageuses mouettes tentaient une pénible sortie mais rares se faisaient les poissons qui par une mer si déchainée s’aventuraient à la surface.

Accoudée à la rambarde qui surplombait la falaise, je profitais un dernier instant de la terre ferme avant de prendre la mer en direction de Shivering Island. Après de longs interrogatoires, Tanos, un hors-la-loi capturé il y a de cela un mois, au centre d’un important réseau criminel nous donna finalement quelques renseignements quant à certaines actions menées en cachette au cœur de l’ile. Ma mission était de partir seule en reconnaissance et de n’agir que si la situation venait à m’y contraindre.

Me sortant alors de mes pensées, une poignée d’hommes arrivèrent depuis le port au pas de course.

« Lieutenant, votre bateau est prêt à embarquer, nous avons entreposé des rations de nourriture ainsi que votre escargophone et certains de vos effets personnels. »

« Bien ! Vous pouvez rentrer à la base je me charge du reste. »

« D’accord Lieutenant, à vos ordres ! Mais… Lieutenant ? »

« Qu’y a-t-il soldat ? »

« Par un temps pareil et sur une si petite embarcation, sortir en mer revient à se suicider ! Et si vous tombez à l’eau vous… »

Ne lui laissant pas le temps de finir sa phrase, je donnais un ferme coup de poing sur la rambarde. Je détestais me faire rabaisser ou que mes hommes doutent de mes capacités…

« Ce ne sont pas de simples vagues qui vont venir à bout d’un lieutenant de la Marine, soldat ! Votre manque de confiance m’indigne… Le seul réel problème actuel est la présence de hors-la-loi à Shivering Island. Même si l’ile n’est pas sous notre juridiction, il reste intolérable d’offrir à ces crapules un havre de paix et de tranquilité. Ais-je été assez claire ? »

L’homme acquiesça d’un timide mouvement de tête avant de repartir en compagnie des autres soldats qui l’accompagnaient.
Sous la pression de ma main, la rambarde avait commencé à se désagréger et à peu à peu se décomposer une fois transformée en sable.
Frottant ma jupe pour en enlever le sable qui s’y était déposé, je me mettais en route pour le port, accompagnée de l’incessant fracas des vagues…

Une petite embarcation m’attendait amarrée à un quai isolé. Elle n’arborait aucun pavillon pour ne pas attirer l’attention. Un mat unique supportait son unique voile blanche, une embarcation ridiculement simple, mais manœuvrable seule, ce qui était son avantage.
Le jeune soldat avait raison, et la mer était particulièrement agitée… Mais il était urgent que je ne rende le plus rapidement possible à Shivering Island. Qui sait ce qu’il s’y trame chaque jour à notre insu.
J’embarquais alors sur le petit bateau et détachais soigneusement les amarres. La tempête était telle que le vent fit gonfler la voile à l’instant où je la hissais sur le maigre mat.
Au loin les nuages commençaient fort heureusement à se dégager et ce n’est qu’après une dizaine de minutes de combat acharné contre les éléments que le vent s’apaisa et les vagues diminuèrent peu à peu leur amplitude. Les vagues avaient déposé tant d’eau sur le fond du bateau que j’en avais jusqu’au-dessus des chevilles. Ecore secouée de droite à gauche par les vagues omniprésentes, j’agrippais un vieux sceau en bois fissure et commençais à vider énergiquement l’eau du bateau Malgré les difficultés que je rencontrais à naviguer, la situation de ma plaisait… Je menais un vrai combat, un combat contre la mer, celle qui peut être tout autant l’amie des marins que leur pire cauchemar, et aujourd’hui c’était plus proche de la seconde situation. Mais ne dit-on pas que chaque affrontement nous rend plus fort ? Et mon adversaire n’était pas n’importe qui, il était monstrueux, infini…

Une fois sortit de la tempête, je posais ma carte de North Blue sur le fond du sceau retourné, le pont étant encore trempé et je tentais de me repérer. La tempête ne m’avait semblerait-il pas trop déviée de mon itinéraire. Une fois l’embarcation sur le bon cap, je m’asseyais, les jambes en tailleur et adossée au mat. Le sol encore trempé mouillant ma jupe et me donnait froid. Frissonnant, j’attrapais d’une main malhabile une épaisse veste blanche bien trop grande pour moi. L’enfilant énergiquement et encore grelottante, je me recroquevillais sur moi-même.
Je repensais alors à ma journée depuis son commencement jusqu’à ma situation actuelle emmitouflée dans ma grande veste. C’était de cette vie dont j’avais toujours rêvé… Une vie d’aventure ! Un sourire timide se dessina sur mon visage. Je devais avoir l’air sotte à sourire toute seule au milieu de l’océan, mais peu importe. Un instant, j’oubliais le froid qui m’entourait et je m’endormais…

Réveillée par une brusque secousse, je me redressais en sursaut. Avais-je heurté un rocher ? Un monstre marin ? M’apprêtais-je à essuyer une nouvelle tempête ?
Rien de tout cela. Mon bateau venait simplement de toucher la terre ferme. Mais une autre crainte naquit en moi… Etait-ce la bonne ile ?
Fort heureusement le voile sombre qui recouvrait l’ile et le grand volcan qui la surplombe ne pouvaient pas me tromper, j’étais bien arrivé à Shivering Island… Malheureusement aucun signe d’un quelconque port, je ne savais pas de quel côté de l’ile je venais de débarquer…
Amarrant tant bien que mal le bateau à un arbre proche de la rive, je fermais la boutonnière de ma veste, emportais dans un petit sac quelques provisions pour la route et me mis en route pour la ville…

D'autres Marines sur l'île ? L'éventualité d'une future collaboration...

C’est fou comme mille cinq cent quatre-vingt arbres peuvent avoir la capacité hallucinante de se ressembler en tous points ! Voilà bien deux bonnes heures que je marchais dans cette forêt sans rencontrer la moindre clairière, ni même une simple cabane… Néanmoins les arbres se faisaient de plus en plus petits et certains ne dépassaient même pas les cinq mètres. Je me décidais donc à escalader l’un d’entre eux pour tenter d’apercevoir une indication qui me permettrait de retrouver la ville. La fumée s’échappant d’une cheminée, une absence d’arbres dans une zone étendue, les mats des nombreux bateaux qui devraient affluer dans le port.
Choisissant alors un arbre offrant un assez grand nombre de prises, j’entamais son ascension avec habileté pour me hisser sans encombres jusqu’à son sommet. De là, je scrutais l’horizon…
Derrière moi s’étendait une grande portion de la forêt, celle que je venais de parcourir. Mais je pu constater avec joie que la direction que j’avais empruntée était la bonne car je parvenais après une longue observation à repérer à deux bons kilomètres de là les indices qui me permirent de repérer le port… Un timide sourire de satisfaction se dessina sur mon visage tandis que je m’agrippais à une branche à bout de bras avant de la lâcher pour limiter la hauteur de ma chute.
Je ramassais le baluchon que j’avais abandonné au pied du végétal te déboutonnais ma grande veste blanche pour enfin me remettre en route vers la ville dont je connaissais à présent la localisation.

Le chemin fut assez bref et bien rapidement se dessinèrent les premières habitations de la ville dont je ne tardais pas non plus à en rencontrer les citoyens… Leurs visages ne trahissaient aucune émotion, ce qui couplé au teint blanchâtre de leur peau me donna rapidement froid dans le dos. Comparables à des vampires sans la longue cape loir et les dents pointues, le premier contact que j’eus avec l’un d’eux me réconforta quant à mes craintes par rapport à ma première confrontation avec les gens du coin. Une jeune femme m’indiqua avec un grand sourire la direction de l’auberge la plus proche en soulignant qu’il s’agissait de l’une des mieux entretenues de l’île. Je pourrais donc y retourner ce soir sans craintes pour prendre une chambre au propriétaire des lieux.

Tentant de me remémorer les indications fournies par Tanos, je scrutais les alentours dans l’espoir qu’un déclic me permettrait de recouvrer la mémoire. Inutile pour le moment… La route ainsi que mon arrivée m’avait fait penser à bien d’autres choses et ces informations étaient maintenant enfouies dans un endroit inconnu de mon cerveau. Sans trop m’inquiéter je repris ma route dans la ville, cela finirait bien par me revenir à un moment ou à un autre.

Peut-être n’était-ce que le fruit du hasard, mais au détour d’une rue, je vis avec surprise un détachement de membres de la Marine interrogeant des passants. Il se composait d’une poignée d’hommes et de femmes aux gabarits bien distincts. Ce comité tout ce qu’il y avait de plus hétéroclite reprit alors son chemin lorsqu’une jeune femme dont la coiffure multicolore ne cessait de m’intriguer remit à un homme à la carrure imposante un petit bout de papier. Certainement avaient-ils obtenu les indications dont ils avaient besoin. Par curiosité, je décidais de les suivre discrètement.
Le chemin ne fut pas long et nous arrivâmes rapidement au bureau des autorités locales où pénétrèrent les individus. Restant à l’extérieur de celui-ci, je les épiais discrètement par la fenêtre, tentant de comprendre certaines portions de phrases. Il semblerait qu’ils parlaient d’une enquête, d’un incident qui se serait produit sur l’île et au sujet duquel cet équipage était venu mener une enquête approfondie. Cela devait très certainement avoir un lien avec ce dont nous avait parlé Tanos. A moins que deux importantes actions criminelles puissent toutes deux partir de cette petite île assez reculée… Il serait donc bon que je suive ces types, car celui qui semblait tenir les rênes imposa la présence de deux hommes de la police locale. Ces deux hommes de main pourraient donc leur servir de guide, et par conséquent à moi aussi.
J’hésitais tout de même à risquer une approche, une proposition d’aide. Mais ne connaissant pas la nature de ce détachement militaire, mieux valait garder mes distances jusqu’à en apprendre plus sur eux…
Un homme donc l’imposante carrure qui faisait contraste avec sa petite taille vint interrompre la discussion en cours pour semblait-il offrir ses services au capitaine de l’équipage. Le moment était étrangement choisit pour un recrutement, mais après tout, c’était toujours un membre en plus pour eux, et donc un allié potentiel supplémentaire pour moi face à notre adversaire commun dont j’ignorais jusqu’au nom…

La suite des évènements serait très intéressante à suivre…

Une bourde, une grosse bourde...

Le petit groupe fit alors route en direction de la forêt. Plus étoffé qu’auparavant, celui-ci comptait à présent presque une dizaine de membres qui ne semblait apparemment pas tous se connaître. Qu’est-ce que cette maigre délégation aux origines variées pouvait bien faire sur cette île… Et de plus au nom du gouvernement mondial ! En regardant à l’horizon, je constatais qu’au-delà de cette forêt que nous traversions, l’objectif véritable de cette randonnée était le volcan. Tanos nous avait en effet parlé du volcan comme un éventuel repaire de bandits de toutes espèces, mais n’avait pas pu nous indiquer avec précision l’entrée de cet incontournable rendez-vous des malfrats car il n’y était semblerait-il jamais allé et avait laissé l’un de ses sous-fifres se rendre sur les lieux.
Il était presque évident que la mission de ce petit groupe était très similaire à la mienne. Sans doute devrais-je aller à la rencontre de ces soldats… De plus j’avais à présent la certitude que l’un d’eux était maudit par le pouvoir de l’un des fruits du démon, ce qui impliquait qu’il ne s’agissait certainement pas d’un rassemblement de petits rigolos ! Et en parlant de ce comité tout à fait hétéroclite, mon attention était présent portée sur l’un ou plus précisément l’une de ses membres. Une jeune fille aux cheveux multicolores que j’étais certaine d’avoir déjà rencontré auparavant sans pouvoir me remémorer les conditions dans lesquelles cette rencontre eu lieu… Cela me reviendrait certainement plus tard, et là n’était pas la priorité. Je pouvais très bien l’avoir croisé dans une base de la Marine lors d’une courte affectation, mais cela ne me disait absolument rien. Passons…

Tapie dans les buissons qui bordaient le petit chemin emprunté par mes homologues de la Marine, je me faufilais de fourrés en fourrés à la recherche de bonnes cachettes. Le moment n’était pas propice à une apparition inattendue parmi eux ! Des discussions superficielles naquirent entre les uns et les autres, parlant un coup de filles et un autre de se frapper dans le foie… Drôle de comité !
Mais alors que j’accordais trop d’importance à ma filature, je ne vis pas la brindille sèche sur laquelle mon pied se posa provoquant un craquement relativement discret, mais suffisamment bruyant pour attirer l’attention d’un soldat avertit ! Transformant mon corps en sable, j’en répandis la totalité sur le sol. Malheureusement le sol était constitué en grande partie de terre et de feuilles, et les quelques petits tas de sable qui jonchaient sur le sol ne passaient pas si inaperçu… Mon pouvoir ne me permettait pas de séparer chaque grain de sable qui me composait pour les dissocier les uns des autres. Pourvu qu’ils ne s’approchent pas… Ce serait la pire entrée en scène que je puisse espérer faire !

Attendant patiemment sans faire le moindre mouvement, je croisais mentalement mes doigts bien que dans l’incapacité de le faire physiquement dans mon état actuel.