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Dim 26 Oct - 16:35
« L'arrivée sur l'île »


« Skygge, tu savais que la première cause de mort chez les gens comme toi, c’était le fait de toujours se montrer grognon ? »

Levant la tête de son livre, le noiraud lança un regard noir à la personne qui venait de parler, pestant quand le sourire de ce dernier s’étira encore. Il détestait ce sourire. Il détestait quand Nath venait l’emmerder comme ça. Etait-ce trop demander que de vouloir la paix ? Apparemment, oui. Préférant ignorer l’enquiquineur qui lui servait de binôme, le noiraud retourna à sa lecture ô combien passionnante. Douce ironie que cela. Il n’aimait pas lire. Pas qu’il ne soit pas un intellectuel, non, juste qu’il n’aimait pas rester coincer entre quatre murs, à lire. Il préférait bouger, ou même faire la sieste à l’air libre. Mais là, il s’agissait d’un cas de force majeur.

Une secousse amena sa tasse de café à rencontrer le sol, libérant le liquide chaud sur le plancher. D’un coup sec, l’épéiste referma son livre, bougeant ensuite son cul de sa chaise. Peut-être que cet idiot de capitaine voudrait bien de son aide, maintenant. Une nouvelle secousse lui fit froncer les sourcils, avant qu’une troisième ne l’oblige à se rasseoir. Il commençait à se sentir mal, là. Dans le fond, cet homme, qui pouvait se montrer si arrogant et détestable, n’avait pas vraiment le pied marin. Chose plutôt délicate quand on est amené à devoir se déplacer d’île en île pour les affaires. Ou tout simplement parce que l’île précédente était à mourir d’ennuie. Tu devrais peut-être t’allonger, non ? S’allonger ? Belle idée que celle-là. S’il venait à s’allonger, il allait rendre son déjeuner, c’était pratiquement certain. Il était même prêt à en mettre sa main à couper. Kayden pouvait avoir des idées stupides, parfois. Préférant ignorer les paroles de la demoiselle dans son crâne, le noiraud essaya de se recomposer un visage neutre, voulant faire bonne figure. Mais, la seule autre personne présente dans la pièce n’était pas dupe. Nath le regardait fixement, essayant de déceler le moindre petit signe de faiblesse. La moindre petite chose. Sky frissonna quand son regard azur croisa celui de son vis-à-vis. Des yeux verts, perçants. Des yeux donnant l’impression de voir au fond de votre âme. Le blondinet avait le chic pour déstabiliser les personnes avec ce regard. A croire qu’il le faisait exprès. Mais c’était sans doute le cas.

Une nouvelle secousse arracha une grimace au noiraud, tandis qu’il retenait assez difficilement une certaine envie de vomir. Un sourire apparût alors sur le visage de Nath, qui semblait tout particulièrement s’amuser de la situation. Lui, si propre sur lui, avec un visage avenant, pouvait être la pire des ordures quand il le voulait. Son côté frêle était trompeur, tout comme sa capacité à s’ébahir d’un rien. Il était sans doute pire que certains hors-la-loi. Peut-être que, s’il n’avait pas formé un duo avec Skygge, il serait devenu l’une de ces crapules. Il correspondait bien au profil, de toute manière. Le malade lança un regard assassin au blondinet, préférant éviter d’ouvrir la bouche pour le moment. Ces moqueries allaient se payer, assurément. Il allait souffrir, parole de Sky.

Une heure ou deux, c’est le temps qu’il fallut pour que l’on vienne les prévenir qu’une île était en vue, qu’ils allaient voir pour accoster le plus rapidement possible. S’il l’avait pu, le noiraud aurait sauté au plafond pour exprimer sa joie. Là, il n’était qu’une larve couchée sur le sol, poussant parfois des râles de douleur. Nath était là, agenouillé près de lui, le piquant parfois avec un cure-dent, pour vérifier s’il était toujours en vie. Intention louable mais bien mal menée. La scène avait de quoi amuser, ce qui fut le cas pour le matelot chargé de les prévenir. Il ne tarda d’ailleurs pas à déguerpir avant de se mettre à rire, trouvant bien mal venu le fait de se moquer de passagers. Même si ces derniers avaient été plus que désagréables lors de la traversée. C’était plutôt bien fait pour eux.

Poser un pied sur le plancher des vaches fut comme une délivrance pour Sky, qui ne tarda pas à se reprendre et à se recomposer son éternel visage grognon. Là, il n’était plus une larve. L’image qu’il avait donnée de lui le fit tiquer, le faisant serrer les poings. Il détestait la mer, il détestait les tempêtes. Et, juste pour être sûr, il ne monterait plus sur un navire avant deux semaines. Le temps de faire oublier à Nath ce qu’il avait vu. D’ailleurs, il laissa à ce dernier le soin de remercier le capitaine du vieux rafiot qui les avait conduits ici, préférant chercher une quelconque taverne pour se mettre à l’abri. Parce que, vu la pluie qui continuait à s’abattre, il avait la légère impression de se prendre un seau d’eau dans la tronche toutes les cinq secondes. Et c’était plus que désagréable. Plissant les yeux, dans l’hypothétique espoir d’y voir plus clair à travers cette pluie torrentielle, le noiraud fit quelques pas, s’arrêtant bien rapidement sur le porche d’un magasin afin d’attendre son équipier. Partir à l’aventure, seul, ne serait pas bon. Ils pourraient mettre du temps avant de se retrouver. Et, pour le coup, il n’avait pas envie de le perdre, ce temps. Pour une fois que tu n’agis pas stupidement. La remarque, pleine d’ironie, de Kayden, le fit se renfrogner. Tu apprendras que je n’agis jamais stupidement. Peut-être parfois dans le feu de l’action, mais jamais stupidement. Cela revient au même, non ? Un rire suivit rapidement cette phrase, montrant parfaitement qu’elle se moquait de lui. Fronçant les sourcils, il lança un regard assassin au ciel, unique interlocuteur réel qu’il pouvait avoir maintenant. Même si c’était sa sœur, il lui arrivait de la détester. Vraiment.

« Ah, t’es là ! Tu aurais pu m’attendre, avec le capitaine. Surtout que bon, c’est pas comme si tu avais trouvé une auberge ou quelque chose comme ça. »

Arquant un sourcil, Skygge détailla le blondinet de haut en bas. Il était trempé, tout comme lui. Ses cheveux, d’un naturel rebelle, étaient parfaitement remis en arrière, signe qu’il avait dégagé des mèches de son visage. Son T-Shirt était collé contre sa peau, dévoilant ainsi une légère musculature. De quoi faire chavirer le cœur de quelques femmes, sans doute. Détournant son regard, le noiraud préféra ne rien dire, s’appuyant simplement contre la porte du magasin. S’il la voulait tellement, son auberge, autant qu’il aille la chercher tout seul. C’est un soupir qui attira son attention, suivit bien rapidement d’une sensation de chaleur autour de sa main. D’un coup, il se fit entraîner par un blondinet tout sourire, le ramenant sous la pluie sans la moindre gêne.

« Viens, on va bien la trouver notre auberge ! »

Il semblait sûr de lui, pour le coup. Un léger sourire flotta sur le visage de Skygge, tandis qu’il se laissait entraîner sans vraiment résister. Même s’il pouvait être étrange, Nath était toujours Nath : un garçon qui s’amusait d’un rien. Et c’était sans doute pour cela qu’il l’aimait.

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Dim 26 Oct - 20:44
« Et puis, un jour, on peut perdre la personne que l’on aime. Encore. »


Comment cela avait-il pu dégénérer à ce point ? Comment avait-il pu laisser faire ça ? La pluie, qui n’avait cessé de s’abattre sur cette île depuis plusieurs jours, frappait son corps meurtri, le faisant grimacer. Il était beau, le fier chasseur de primes. Lui qui souhaitait attraper les primés pour payer ses loisirs, il s’était frotté à plus fort que lui. Sa respiration était difficile, sa vue se troublait peu à peu, mais il ne voulait pas quitter cet enfoiré des yeux. Il ne voulait rien louper du spectacle macabre qui se préparait devant lui. Il ne pouvait pas détourner le regard alors qu’il allait y passer. Il ne pouvait pas faire comme s’il ne voyait pas, comme ce qu’il avait fait pour Kayden. Il n’avait pas la force pour cela.

Il était incapable de bouger. Ce n’était pas par simple faiblesse ou par peur, mais simplement parce qu’il était complètement hors course. Son bras droit se retrouvait planté au sol par la lame d’une épée, son arme était loin de lui. Sur son corps, on pouvait apercevoir les marques des différents coups qu’il avait encaissés. Et, pour l’immobiliser complètement, on lui avait administré un puissant paralysant. Maintenant, il ne pouvait simplement plus rien faire, mis à part respirer et cligner des yeux. Il était donc seulement capable de regarder, insultant mentalement ces ordures de pirates.

Ces mêmes pirates qui avaient brisés sa vie, quelques années auparavant.

« Alors, l’morveux, elle est où ta charmante sœur ? J’suis sûr qu’elle est bonne maintenant. Ah, mais je suis bête, elle est morte. AHAHAHAHA ! »

Le noiraud serra les dents face à ces propos volontairement blessants. Ce type avait voulu les exploiter, et il l’avait fait, pendant longtemps. Il était celui-ci qui avait mis à mal leur fuite du Grey Terminal. Il était celui qui était la cause de tous leurs problèmes. Ses sbires se mirent à rire, fiers de la plaisanterie de leur capitaine. Ces types n’étaient que de simples moutons, suivant le plus fort pour espérer se retrouver sous les feux des projecteurs un jour. Ils étaient pathétiques. Skygge allait les tuer, ça oui. Il allait les faire souffrir, les écorcher vivants, les émasculer. Il allait couper ces ventres gras pour faire sortir les intestins et les donner à des animaux sauvages. Ils allaient souffrir avant de mourir, il se faisait le serment.

Le capitaine sembla capter le regard de haine du chasseur de primes, un rictus arrogant se formant sur son visage abîmé par le temps. Ce gosse, qu’il avait exploité, était stupide. Pensait-il réellement les tuer, eux ? Même la marine n’avait pas pu les déranger, alors un vulgaire gamin. Décidément, ce môme pouvait être drôle. Et, il serait plus drôle après cela.

Le regard de Skygge, haineux auparavant, se voila de doute. Qu’allait-il faire, cet enfoiré ? La panique le saisi alors quand il le vit approcher un pistolet de la tempe de Nath. Non, il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas faire ça. Pas à son Nath, pas à celui qu’il adorait aimer. Pas à lui.

« Dis-lui adieu. »

« NAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAATH ! »

La détonation, pourtant forte, ne sembla pas avoir atteint les oreilles du noiraud. Les yeux écarquillés, il n’arrivait pas à décrocher son regard du corps du blondinet. Il était là, étendu au sol. Comme lui. Sauf que, Nath ne pourrait pas se réveiller. Une balle à bout portant dans le crâne, cela ne pardonnait. C’était fini, terminé. Il n’y avait plus de duo. Il n’y avait plus rien.

La rage, ce sentiment si fort et si compréhensible après une telle scène, ne sembla pas vouloir s’emparer du corps de l’épéiste. Il n’aspirait plus à rien, maintenant. Nathanaël était mort, pourquoi continuer ? Kayden, puis lui. Autant qu’il soit le troisième, la boucle serait bouclée. Il n’aurait plus à souffrir inutilement. Les yeux secs, son regard se porta alors sur l’assassin de son meilleur ami. Un regard vide, ressemblant à celui d’un soldat envoyé sur le front. Un soldat qui avait vu bien trop d’horreurs. Il en avait assez, il voulait partir. Quitter ce monde.

« Achève-moi. »

Ces deux mots allaient signer son arrêt de mort. Le pirate s’approcha, marchant sur le corps du blond comme s’il n’était rien. Le noiraud avait perdu l’envie de se battre. Il regardait maintenant la mort s’approcher comme une sorte de délivrance. Il n’aurait plus à souffrir pour rien, maintenant. Et, il pourrait rejoindre Kayden et Nath. C’était tout ce qui comptait.

« Tu n’es qu’un imbécile, gamin. »

Une nouvelle détonation, partiellement couverte par la pluie, se fit entendre cette nuit-là. Le sang quittait son circuit pour se déverser par terre, abreuvant les pavés. La vie quittait peu à peu ces personnes, abandonnées à leur sort.

C’était fini.
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Dim 26 Oct - 22:09
« Renaître de ses cendres. »


Combien de temps s’était écoulé depuis la dernière fois ? Il ne savait pas et ne cherchait pas vraiment à le savoir. Le noiraud avait survécu à cette nuit. Physiquement, il était présent. Mentalement, c’était une autre affaire. Depuis son réveil, il n’avait fait que regarder par la fenêtre de la chambre qu’il occupait. Qu’il pleuve, qu’il vente ou même que le temps soit clément, il ne bougeait pas de son fauteuil, toujours dans la même position. Inquiétant, n’est-ce pas ? Mais ce n’est même pas ce manque d’activité qui faisait le plus tiquer les autres occupants de cette chambre, ça non. C’était son regard. Un regard éteint, donnant l’impression qu’il était dans un autre monde. Un monde dont il ne reviendrait jamais.

« On doit le secouer. Regarde, il fait peur comme ça ! »

« Pourquoi est-ce qu’on devrait s’en charger ? C’est toi qui as voulu le sauver, tu n’as qu’à assumer toute seule. »

« Il a raison. En plus, tu savais pertinemment que ce serait une cause perdue. Tu as assisté à la scène, non ? De ce que tu as raconté, ce type voulait mourir. Il fallait le laisser se vider de son sang. »

Ces voix, encore. Même s’il était comme absent, le noiraud pouvait les entendre. Pas analyser les propos, mais au moins percevoir qu’il n’était pas tout à fait seul. Ils devaient être trois, à tout casser. Pourquoi était-il ici avec eux ? Il n’avait pas envie d’y penser. Qu’est-ce qu’ils allaient faire de lui ? Il préférait mourir. Mais on l’avait empêché de partir, une première fois déjà, alors pourquoi pas une seconde ? Il était bien loin de ces pensées, préférant regarder, sans vraiment le voir, le ballet des personnes dans la rue. Untel se bat avec un autre untel, un autre achète son pain, encore un autre va s’acheter une paire de chaussures. La vie quotidienne. Un quotidien semblant plus que saugrenu après ce qu’il avait vécu. Mais la vie ne s’arrêtait pas pour lui, pour son chagrin. Il fallait faire avec. Il fallait s’en remettre. Mais c’était bien plus facile à dire qu’à faire.

« Hey, toi. Tu ne veux pas manger un morceau ? Tu n’as pas soif ? »

Skygge regardait toujours cette ruelle, obstinément. Il n’avait même pas écouté les paroles de cette personne. Enfin, jusqu’à ce qu’elle prononce la phrase, celle qu’il attendait sans vraiment le savoir.

« Tu veux mourir ? »

Son cerveau mit quelques temps à analyser ces mots pourtant si simples. Lentement, il tourna la tête vers cette personne qui lui proposait ce dont il rêvait. Une fille, avec une peau légèrement grisée. Mais ce détail lui importait peu. Tout ce qu’il voulait, c’est qu’elle lui accorde ce qu’il souhaitait. Son regard, éteint, avait repris un peu vie grâce à cela. La fille se mit à sourire, comme si elle s’attendait à cette réaction. Elle prit toutefois le temps de remettre une mèche de cheveux derrière son oreille, avant de s’installer contre le rebord de fenêtre, son regard charbon ne lâchant pas les prunelles azurs de son vis-à-vis. Elle venait de capter son attention, elle le savait. Pour la première fois, il venait de poser les yeux sur elle. Et, pour la première fois, il semblait prêt à faire tout ce qu’il fallait pour obtenir le droit de mourir. La demoiselle lâcha un soupir. C’était triste, de finir ainsi.

Inspirant à fond, elle posa rapidement ses mains sur les épaules du noiraud, dardant sur lui un regard noir. Elle n’allait pas laisser ainsi la personne qu’elle avait sauvé quelques jours plus tôt, ça non.

« Bien, tu vas m’écouter maintenant. Tu veux mourir ? Très bien, c’est ton droit. Mais c’est égoïste. Le blond, là, il est mort pour toi. Alors tu dois vivre pour lui, t’as compris ? C’est totalement cliché, mais c’est la vérité. Je n’accepterai pas que tu baisses les bras comme ça, même si l’on ne se connaît pas. Maintenant, tu vas bouger ton cul de ce fauteuil et manger. Déjà que t’es pas bien gros, ne pas manger ne va pas t’arranger. »

Elle venait de déblatérer ces propos sans respirer, sidérant quelque peu le noiraud. La surprise, la première véritable émotion qu’il exprimait depuis plusieurs jours. La première d’une longue série, la demoiselle l’espérait. Fière de son coup, elle se redressa, se dirigeant rapidement vers le plateau repas de la veille, afin de l’apporter au blessé. Elle allait le forcer à manger, qu’importe le temps que cela prendrait. Oui, il allait la manger cette compote.

Les paroles de la jeune fille avaient fait leur petit bonhomme de chemin dans le cerveau du noiraud. Dans le fond, elle avait raison. Il n’avait pas le droit de mourir, de gâcher le reste de sa vie, alors que ceux qu’il aimait n’avaient pas pu vivre la leur. Il devait profiter pour eux. Il devait vivre pour eux. Au bout de la troisième tentative de la fille pour lui faire manger son assiette, il finit par obtempérer. Il allait vivre. Il allait souffrir, mais vivre. Tu prends enfin une décision censée. La voix de Kayden lui arracha un maigre sourire, qui surprit la demoiselle en face de lui. Qu’avait-il à sourire comme ça, maintenant ? Mais le voir sourire était mieux que de le voir survivre sans volonté. Elle ne dit pas un mot, le laissant faire. Jusqu’à ce qu’il finisse son assiette.

« Je m’appelle Juliet. Et toi ? »

Le faire parler serait un grand pas. Mais peut-être faudrait-il qu’il boive, avant ? Elle lui apporta un verre, le regardant avaler doucement le liquide à l’intérieur. Enfin, il tourna sa tête vers elle, se mettant à bouger ses lèvres sans sortir un son. Jusqu’à ce qu’elle l’entende. Ce mot, à peine audible. Son nom.

« Skygge. »

Skygge. Elle pouvait mettre un nom sur cet inconnu qu’elle avait sauvé de la mort. Un nom original. Skygge. Cela lui donnait une impression de force, d’un je-ne-sais-quoi particulier. Elle aimait bien ce nom. Et elle commençait à apprécier la personne qui le portait.
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Lun 27 Oct - 14:49
« Évoluer. »


« Ta garde ! Fais un peu attention à ta garde ! »

Le combattant serra les dents, parant l’attaque de son adversaire du jour. Il le savait, pour sa garde, elle n’avait pas besoin de lui répéter cent cinquante fois par jour. Enfin, s’il faisait toujours la même erreur, c’était peut-être parce qu’il manquait d’attention. Il était trop facilement distrait. Poussant un soupir, le noiraud se redressa, cassant sa posture de combat. Il en avait marre, il avait besoin d’une pause là. En silence, il se dirigea vers un arbre, s’asseyant à son pied. S’entraîner, c’était bien beau, mais pour faire quoi après ? Dans l’immédiat, il n’était pas utile, il n’était pas assez fort. C’est à peine s’il pourrait arriver à chopper une prime correcte. Le noiraud doutait. Il doutait de lui, de ces personnes avec qui il traînait maintenant. Il doutait de tout.

Son regard azur se porta sur la demoiselle, dissimulée sous un grand manteau à capuche, qui lui en voulait tant avec sa garde. Juliet, la vampire qui l’avait sauvé d’une mort certaine. Cette fille était plutôt jolie, même si son teint légèrement grisé était étrange. Mais, c'est ce qui faisait son charme. Elle sembla comprendre qu’elle était observée, se tournant vers Skygge avant de lui tirer la langue. Il détourna les yeux, ramenant ses genoux contre lui avant de les entourer de ses bras. Cette fille était sidérante. Malgré son espèce, son besoin de boire du sang pour vivre, ce qui était tout de même assez « grave », elle pouvait se montrer aussi immature qu’un gamin de dix ans. A croire qu’elle était pareille que les autres. Tout ce qui peut la différencier, ce sont ses pouvoirs et son régime alimentaire. Rien de plus. Méditant les paroles de Kayden, Skygge finit par hocher la tête. Juliet avait une apparence humaine, elle se comportait comme une humaine. Elle avait juste ce petit truc en plus qui la rendait différente. Ce n’était pas pour autant qu’il fallait la juger et en faire une paria. Elle méritait d’avoir sa chance, surtout qu’elle faisait un travail remarquable sur elle-même pour garder le contrôle, même quand quelqu’un se mettait à saigner sous son nez. Cette fille était forte mentalement. Et, pour ça, elle avait tout son respect.

Elle te plait, non ? Écarquillant légèrement les yeux, les joues du noiraud se teintèrent rapidement de rouge. Juliet, lui plaire ? Impossible. Pas aussi rapidement. Pas après Nath. Il ne voulait pas s’attacher à cette fille, de peur de la perdre elle aussi. Mais force était de constater que c’était plutôt mal partie, là. Tu sais, tu as le droit de t’attacher à d’autres personnes, je ne t’en veux pas, au contraire. Nath. C’était lui. Tout comme Kayden, Skygge pour l’entendre dans son crâne. Le lien qu’ils avaient tissé n’était pas mort cette nuit-là, il était toujours présent. Et pouvoir entendre la voix du blondinet était un réel réconfort pour le noiraud. Un peu comme lors de la mort de Kayden. Mais, resterait-il aussi longtemps qu’elle ? Sky l’espérait. Il avait besoin d’eux pour avancer, qu’importe ce que les gens pouvaient dire. Il avait terriblement besoin d’eux.

« Conversation interne, c’est ça ? »

Le visage de Juliet, à quelques centimètres du sien, fit sursauter le chasseur de primes. Depuis quand était-elle là ? Reprenant un visage neutre, il hocha simplement la tête. Son secret, il lui avait avoué, quelques jours auparavant. Après tout, cette fille avait eu le courage de lui révéler sa condition, il pouvait bien en faire de même pour les voix dans sa tête. Même si c’était deux choses totalement différentes. La demoiselle se mit à sourire, se laissant tomber sur les fesses ensuite.

« J’espère qu’ils vont être d’accord avec moi ! J’ai étudié ta manière de combattre et, désolée de te l’apprendre, tu es plutôt mauvais. Ce n’est pas irrattrapable, mais tu ne peux pas te permettre de compter que sur un sabre. Il te faut autre chose. »

Le noiraud s’était renfrogné au fur et à mesure de ces paroles. Mauvais ? Certes, il n’était pas le meilleur épéiste au monde, il ne connaissait pas des attaques extraordinaires, mais il n’était pas mauvais. Ça non. Toutefois, il se surprit à attendre avec une certaine impatience ce qu’elle pouvait proposer pour combler ses difficultés. Une arme géniale ? Un style de combat particulier ? Qu’avait-elle trouvé d’extraordinaire ? Son excitation fit peu à peu place à de l’incompréhension. Juliet venait de sortir un pistolet de sa sacoche, ainsi que quelques balles. Elle voulait qu’il use d’une arme à feu ? Ce n’était pas son style, loin de là. Elle le savait, en plus.

La demoiselle se mit à soupirer. Cette réaction de rejet, parfaitement visible sur le visage du noiraud, elle s’en était doutée. Chargeant l’arme, elle la pointa rapidement en direction d’un arbre, tirant ensuite. Cinq secondes après la détonation, l’arbre était en feu. Ce pistolet n’était pas chargé par des balles spéciales, ça non. La vampire avait créé des balles spéciales, parfaites pour différents types de situations.

Un léger sourire se dessina sur le visage du noiraud. Un pistolet spécial ? C’était plus intéressant. Plus intéressant, mais aussi beaucoup plus dangereux. S’il le maniait mal, il risquait d’engendrer une catastrophe plus grande que si les balles étaient normales. Pourtant, il n’était pas certain d’accepter.

« Je n’aime pas les armes à feu, tu le sais. »

Juliet hocha simplement la tête, un grand sourire ornant son visage. Rapidement, elle sortit divers chargeurs, ainsi que des petits cubes de couleurs différentes.

« Je sais, mais tu as besoin de ça. Tu as besoin de mes compétences pour t’améliorer ! Et puis, regarde, il n’y a pas que ces balles spéciales, il y a aussi des bombes, des poisons. Tout un tas de petites choses intéressantes ! Alors, qu’est-ce que tu préfères ? »

Cette fille, si intelligente, était cinglée. Elle était complètement timbrée. Fronçant les sourcils, le noiraud observa de loin les diverses fioles et autres éléments qu’elle avait exposé à sa vue. Il savait qu’elle aimait se diversifier, mais pas à ce point-là. Et pas en aussi grande quantité. Ses yeux firent la navette entre les différents éléments, s’arrêtant quelques secondes supplémentaires sur l’arme à feu. Il allait fouler du pied un de ses principes, mais tant pis.

« Les balles spéciales. »

Le sourire, déjà grand de la vampire, sembla s’accentuer encore plus. Skygge avait cédé, et cela semblait lui faire plaisir. Énormément plaisir. Attrapant la main du noiraud, elle lui colla bien rapidement le pistolet, lui indiquant sa cible. D’abord étonné, il finit par s’exécuter, touchant toutefois un pauvre arbuste à deux mètres de la cible initiale. Un tir comme ça, sans concentration, était voué à l’échec pour un débutant. Il n’était pas le héros d’un quelconque livre policier qui, alors qu’il vivait une vie normale, pouvait toucher le méchant situé à cent mètres de lui. Ici, c’était la vie réelle. Et, contrairement à ce héros de pacotille, il allait avoir besoin de leçons.

« On va t’entraîner, ne t’en fais pas. Tu deviendras le meilleur bien rapidement !»

L’assurance de Juliet le fit sourire. Cette fille, qui n’était qu’une inconnue quelques semaines auparavant, était maintenant celle qui lui permettait d’avancer. Et il comptait sur elle pour assurer ses arrières, pour les aventures à venir.
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