Les derniers jours avaient été mouvementés... Tous, sans la moindre exception. Entre les rencontres, les changements, les nouveautés, les travaux de Graou Island, le voyage d'Holly, le Phoenix était passé de surprise en surprise, et ce pendant plusieurs semaines. Il avait bien besoin d'un peu de repos, mais cela semblait terriblement compromis : le Gouvernement Mondial, de part son comportement égoïste, le forçait à agir, et pas en bien. La précipitation et l'élaboration des divers plans qui s'étalaient devant lui prenaient donc une bonne partie de son temps libre. Incapable de renoncer à sa vie sociale, aussi bien auprès des villageois que de ses camarades, le capitaine pirate avait également continué à côtoyer les siens et son cher peuple... Tant et si bien que ses nuits en étaient véritablement amputées. Le sacrifice de quelques heures de sommeil n'était pas aussi lourd et pénible si l'on considérait les retombées que pourraient avoir ses efforts... Il en avait besoin, à vrai dire. Autant pour prouver qu'il conservait son indépendance et sa fierté que pour enfin atteindre ce que même Raphaël n'avait su effleurer : le poste de Yonkou qui lui revenait de droit. Arrogant ? Non. Il était juste l'étendard idéal pour les petites gens... Pas leur Roi, leur symbole.
Il n'allait pas régner, mais réunir.

C'était dans cet état d'esprit certes fatigué mais franchement déterminé que le blondinet était encore et toujours, continuellement assis à son bureau. Le Den Den Mushi, qui n'avait pourtant plus fait des siennes depuis quelques heures, se mit à nouveau à sonner. Nakata en profita pour prendre une courte pause, plaçant délicatement la plume qu'il tenait alors entre les doigts tout en se massant la tempe gauche d'un air absent. Qui diable pouvait bien lui en vouloir, maintenant ? Il eut un rire jaune en imaginant un scénario improbable : celui de la lieutenante générale qui, comprenant qu'elle avait fait une grossière erreur quelques temps plus tôt, s'en revenait pour platement s'excuser. Malheureusement et comme attendu, la voix qui résonna lorsqu'il décrocha le combiné n'était pas la sienne : au contraire, elle était masculine et solide. Le Phoenix demeura donc silencieux en attendant de savoir ce que son interlocuteur pouvait bien lui vouloir... Et il ne fut en quelques sortes pas déçu.

De la famille. Ce n'était pas improbable, même tout-à-fait envisageable, mais pour autant le Fenice ne s'enflamma pas : la dernière fois qu'il avait trouvé de la famille, il s'agissait de son jeune frère qui avait tout mis en oeuvre pour lui nuire et attenter à la vie des siens... Vaguement refroidi par cette hypothèse, le mythique se fit donc relativement prudent et entreprit de répondre calmement :

«C'est une nouvelle surprenante, à défaut d'être réjouissante. Sans offense, hein. Je n'aime pas les mauvaises surprises, c'est tout.»

Le musicien ajusta sa position sur son fauteuil en envisageant tout ce qui aurait pu être possible, s'il avait pris connaissance de cette existence plus tôt. Il n'avait jamais été obsédé par l'idée de retrouver sa vraie famille, biologique, même si ses parents adoptifs lui en avaient souvent fait la proposition : il n'était pas homme de foyer, et préférait l'aventure perpétuelle aux liens stagnants et fraternels, aussi bienveillants, chaleureux et désintéressés puissent-ils être. Sa famille, maintenant, c'était Damon, Kyoshiro, Alidia, Fran... Holly. Son ancienne famille, c'était Hato, Raphaël, Element, Hate, Jack. Si cet homme voulait se greffer à l'une d'entre elles, la bataille qu'il avait pu livrer pour obtenir son numéro était bien dérisoire à côté de ce qu'il allait devoir accomplir.

«Je ne suis pas du genre paranoïaque mais... Dois-je m'attendre à une demande, ou quelque chose dans le style ? Ou est-ce que cette quête est véritablement désintéressée ?»

Le Schichibukai avait pertinemment conscience du fait qu'il était désormais l'un des êtres parmi les plus redoutables et les plus influents de la planète : sa force et son courage impressionnaient là où son pouvoir et ses subordonnés inquiétaient. Il avait fait parler de lui pendant des années justement pour retenir l'attention de tout un chacun... Restait à voir si cet état de fait allait lui servir ou, au contraire, lui jouer quelques tours.

Visiblement, ce prénommé Ja'far n'était pas doué de mauvaises intentions à son égard, ou à celui de ces proches : il paraissait juste satisfait à l'idée de converser avec lui, comme s'il était pressé de rattraper le temps perdu. C'était quelque chose que l'artiste avait du mal à intégrer et à imaginer, même s'il concevait parfaitement que cela puisse être le cas : il n'avait pas été éduqué aussi correctement vis-à-vis des relations familiales que la moyenne, et il avait donc probablement quelques dissonances sur le sujet avec les autres personnes qu'il pouvait côtoyer... En bref, Nakata était quelque peu soulagé de voir que cet inconnu, désormais cousin, ne lui voulait apparemment pas de mal. Certes, il était un peu tôt pour en être certain, mais puisqu'il était à l'ordinaire un être prompt à la discussion et à la fraternisation, il jugeait déplacé de se méfier davantage. Dans le pire des cas, il ne serait jamais trop tard pour réviser le jugement qu'il portait à cet inconnu...

«J'imagine que personne ne peut le deviner à l'avance, oui.»

Un léger rire s'échappa des lèvres du Fenice tandis qu'il répondait à la phrase de son interlocuteur concernant son influence et la croissance extraordinaire qu'il avait obtenu durant la dernière décennie. L'ancien marine avait parcouru un sacré bout de chemin en une poignée d'années et cela, c'était un fait incontestable : quant à savoir s'il lui en restait tout autant ou s'il venait tout juste d'atteindre l'apogée de sa carrière, c'était une autre histoire... Ne se formalisant guère de sinistres pensées, le Schichibukai reporta son attention sur la suite des palabres de son homologue. Il y répondit, un peu plus tard, en attrapant la plume qu'il avait déposé sur son bureau de sa main libre, et en l'élevant au niveau de son regard d'un air distrait :

«J'en ai vaguement entendu parler, ouais... Mais... Un revenant ? Kizaru n'était pas plus impressionnant ?»

La dernière phrase avait été décrochée avec humour, même si l'histoire du prétendu revenant l'interloquait. Il se demandait simplement qui pouvait être ce type capable d'attirer tous les regards pendant une bataille de cette ampleur...

La mine pensive de Nakata demeura fixée sur son visage tandis que son interlocuteur lui exposait les quelques détails qu'il possédait du prétendu revenant. Une prénommée Nala, une fermeture éclaire, des blessures... Mars ?! Le Schichibukai lâcha la plume qu'il tenait dans sa main gauche tandis qu'il restait immobile et silencieux. Son cœur avait raté un battement à l'évocation du nom de ce groupuscule, celui-là même qui avait causé la mort d'Hato quelques mois auparavant. Mais pour le peu qu'il en savait, la majorité des membres de cette organisation criminelle avaient perdu la vie à l'époque... Le prénom de Nala collait à la jeune sœur de l'ancien vice-amiral qui avait créé le jeu en lui-même, mais... Pour le reste ? S'il ouvrit la bouche promptement après les derniers mots de son cousin, le Phoenix fut contraint à patienter quelques minutes de plus avant d'enfin pouvoir prononcer quelques mots :

«Mars ? Nala ? Qu'est-ce que...»

Il s'empêcha de lâcher un juron tandis que son cerveau, fonctionnant à plein régime, peinait à éliminer les scénarios les plus négatifs et les moins rationnels. Selon ce qu'il avait pu en apprendre, Kokuwo Makui avait été battu par son collègue Schichibukai, Abel, suite à une série d'affrontements qu'avait livré le boss de Mars avec les divers candidats qu'il avait sélectionné, Hato y compris... Alors, cela ne pouvait pas être lui, n'est-ce pas ? Mais alors, qui ? Qui était capable de glacer le sang d'une flopée de hauts-gradés du Gouvernement Mondial, alors même que se trouvaient à ses côtés les légendaires Kizaru et Akainu ? Qui, censé être mort, pouvait provoquer autant de stupeur rien que par sa présence ? Les poings du corsaire se serrèrent violemment, tandis que sa mâchoire elle-même se contractait : si ce mec avait survécu...

«Je vais le butter...»

Son expression faciale, dévisagée par la rage, avait changée du tout au tout : ses yeux n'existaient plus que pour retransmettre sa froide colère, son insatiable rage. Si ce type avait vraiment survécu, alors il était le prochain sur sa longue, très longue liste.

Luvneel, la Révolution ? Ces quelques bribes d'informations désarçonnèrent Nakata, et le tirèrent promptement de sa furie vengeresse. Makui, à condition qu'il ait bien survécu, ne devait pas obséder ses pensées : il finirait tôt ou tard par lui tomber dessus, si tel était le cas, et lui ferait regretter de ne pas être mort la première fois. Ainsi donc, le Schichibukai se concentra davantage sur les dires de son cousin : si celui-ci disait vrai alors effectivement, il risquait de se mettre à dos quelques pointures... Se demandant même si Erwin et Mike, issus de North Blue, ne risquaient pas de mal le prendre, le Fenice répondit à son homologue :

«Bon courage, espoirs partagés.»

Pour l'heure, le Phoenix ne voyait guère ce prénommé Ja'far comme quelqu'un d'important dans sa vie... mais la chose changerait peut-être, à l'avenir. Personne n'était en mesure de le savoir à l'avance non plus.