« Tu m'as pris pour qui, mon gars ? J'suis un guedin, moi. Tu m'cherches ? Bim, bastos dans ton crâne. Avec moi, ça plaisante pas. Aller, si t'as vraiment trop peur, j't'autorise à te pisser dessus. Victime. »

Sauvetage et scoop ne font pas ménage

Entre les cris des journalistes, l'effervescence du bureau, les sonneries multiples des Den Den Mushi et les mouvements divers et variés, il n'y avait que peu de place pour le doute : la parution du nouveau numéro du Global Seken Information était prévue pour le lendemain, et les employés étaient tous attelés aux ultimes tâches qui les incombaient pour finir dans les temps... Sans quoi c'étaient toutes leurs productions qui allaient prendre et accumuler un retard monstrueux, permettant ainsi aux autres boites dans le secteur de reprendre leur place de leader sur le marché et les bouter définitivement hors du top classement. Au milieu de toute cette ardente agitation se trouvaient deux hommes : le premier, droit devant le bureau du second, le teint pâle et le corps tremblant, possédait une touffe de cheveux d'un rouge vif et surprenant. Akis venait tout juste de rentrer sur Enies Lobby, et avait profité de quelques instants de calme pour peaufiner son article, qu'il venait tout juste de porter à son supérieur... Janmark. L'homme en question toisait les écrits de son subalterne avec dédain : il n'avait pas l'air réellement satisfait. Et pour cause : le rédacteur avait réalisé un travail formidable ! Problème : les deux hommes ne pouvaient pas se supporter... Du coup, voir le jeune écrivain réussir avait tendance à foutre les nerfs du rédacteur en chef en pelote. Après avoir terminé la lecture du manuscrit que son collègue venait tout juste de lui tendre, l'homme se redressa sur sa chaise et se massa la tempe, beuglant quelques directives à un homme proche de lui et lui sommant d'arrêter de brailler comme un cinglé. Il reporta ensuite son attention sur l'envoyé spécial qui, de son côté, bouillonnait d'une joie candide... Et il fallait le comprendre ! Non seulement le jeune homme avait su remplir l'objectif de son déplacement avec brio, apportant quelques nouvelles liées directement à un coup d'éclat de la part du contre-amiral Nowaki lui-même, mais en plus il n'y avait strictement rien à lui reprocher, pour le coup. Oui, le vieux Morendiny allait devoir respecter son travail... Plus encore ! Il allait devoir admettre la qualité d'un tel article, même si cela allait probablement lui arracher la gorge ! Dans ces conditions, le Tokushi n'aurait strictement jamais pu tirer une mine d'enterrement : il était bien trop enjoué pour cela ! C'était d'ailleurs en le détaillant d'un peu plus près que l'on remarquait quelques détails pour le moins amusant, du moins d'un point de vue extérieur : ses tremblements semblaient davantage liés à l'excitation qu'à l'effroi, et son teint blême avait principalement été causé par les nuits blanches à travailler sur cet article durant le trajet du retour plutôt que par l'approche d'un verdict dont l'issue était déjà certaine et fixée !

« Pas mal. Pas mal du tout. Dommage que ce soit trop tard pour figurer en première page. »
« Haha, merci, c'est vrai que j'ai particulièrement assuré et que je mérite d'apparaître sur la couv... QUOIIII ? »

Ah ça, il était tombé des nues ! En un instant, la situation venait de changer du tout au tout : c'était désormais Janmark qui, un sourire narquois bien en évidence, menait la danse et malmenait son opposant. Dans de telles circonstances, il semblait prendre un malin plaisir à admettre la qualité journalistique des écrits de son subordonné... Puisqu'Akis n'allait de toute façon rien en tirer ! Oui, en vérité, les dés avaient été jeté bien avant le retour du rouquin : avant son départ, même. Le rédacteur-en-chef conservait généralement au moins un coup d'avance sur son ennemi trop candide, afin d'être certain de n'avoir aucune mauvaise surprise une fois le retour de son envoyé spécial détesté... Et il venait d'en dévoiler un de plus ! Tandis que le jeune citoyen semblait suspendu aux lèvres du Morendiny, celui-ci se permit d'avaler une gorgée de café avant de soupirer d'aise. Puis ce fut avec un faciès encore plus méprisant qu'il ajouta, non sans un amusement certain :

« Bah oui. Tu rentres au dernier moment, et tu crois qu'on t'a gardé une place bien au chaud, sur la première de couverture, rien que pour tes beaux yeux ? Ça marche pas comme ça le journalisme, Akis. Rigueur, talent, efficacité. Enfin, j'imagine qu'on peut quand même glisser ton article, disons... Avant-dernière page ? »
« Garg... »

Aaah, rien de tel que de se rendre compte qu'une aventure durant laquelle on a pu risquer notre vie ne nous attirera aucun véritable bénéfice ! Il n'y a assurément pas de meilleur goût que celui du travail bien fait, et que personne ne remarque... Et tandis que son supérieur le congédiait d'un simple signe de la main satisfait, le Tokushi laissait une pensée solitaire croître exponentiellement en son for intérieur : il allait le faire, un jour ou l'autre... Il allait obtenir un article sur la première page, et allait devenir le journaliste le plus célèbre et le plus apprécié aux quatre coins de la planète !