Il faut équiper le Capitaine

Un échange de bons procédés

Ce matin, Tony s'était réveillé avec une sacrée gueule de bois. Il faut dire que la caisse monumentale qu'il s'était mis la veille lui avait vilainement tapée derrière le crâne, malgré son héroïque résistance à l'alcool, cultivée par une jeunesse passée chez les nains. C'est dire ! Mais on ne rencontre pas un Klabautermann tous les jours, et on échappe encore moins à la beuverie générale lorsqu'il vous invite sur le bateau de son équipage de pirates.

Le défi du jour, ce serait de se montrer à la hauteur de la promesse qu'il avait fait au capitaine de son ami Pumori, le redoutable mais néanmoins sympathique Valentine D. Kain, qui avait urgemment besoin d'une nouvelle ancre. Tony lui avait en effet indiqué la forge où il travaillait en attendant. Et il avait bien l'intention de démontrer ses talents de forgeron au capitaine des Dokugan, afin de mériter sa place sur le navire. C'était le deal auquel ils étaient arrivés : le blondinet mettrai son savoir et ses compétence de charpentier et de forgeron au service des pirates, et eux, en échange, le mènerai à bon port.

Un échange de bon procédés, en somme. Tony avait put partager une soirée avec les membres de cette fine équipe, et en dehors du médecin qui avait parfois un sourire hyper malsain, ils avaient tous l'air de bon gars... enfin, de gens honnêtes, au moins. Et puis il y avait deux véritables BOMBASSES à bord ! Il ne lui en fallait pas plus.

Ainsi donc, L'enclume Ardente arriva à la forge sur les talons du borgne qui jouait avec la sonnette, et passa de suite dans l'arrière boutique où les fours déjà chauds attendaient d'entrer en action. Il sursauta lorsque Mani, l'apprenti du patron, renversa la pièce d'artillerie qu'il confectionnait gauchement. L'acier trop chauffé éclata comme du verre dur le sol de pierre, tandis que le pauvret se répandait en excuse. Quel gâchis... Enfin, c'est le métier qui rentre...

Tony se mit de suite à l'ouvrage. La conception d'une ancre à crochet était la b.a.-ba de la profession, mais son emploi en tant qu'arme de corps à corps nécessiterait tout de même quelques retouches inédites, histoire d'optimiser l'affaire.

Fi du jas, pièce servant à arrimer l'ancre à un bout, inutile dans ce cas précis...

Il faudrait équilibrer le poids des deux becs, tout en conservant les deux formes bien précises : une pour percer, l'autre pour appuyer. Ça permettra un maniement plus nuancé, comme avec un bec de corbin, ces marteaux de guerres forts redoutables (même si le Kain n'était sûrement pas du genre à faire dans la finesse)...

Prévoir une manille sans jeu, laissée à la verticale. Si jamais le capitaine se prend un jour la fantaisie d'y accrocher une chaîne, ça lui permettra de la faire tournoyer comme un lasso sans que ça ne déséquilibre tout le bouzin...

Façonner l'organeau comme le pommeau d'un manche de hache. D'ailleurs, la verge tout entière devra être cylindrique, et non carrée, pour une meilleure prise en main...

Pour une meilleure absorption des chocs, la tête et la verge seront fondus par dessus un cœur en acier torsadé...

Et pour le style, une jolie gravure de tête de mort avec un bandeau sur l'oeil, juste sur la jonction de la verge et de la tête...

Le travail fut long et fastidieux. Fort heureusement, le forgeron faisait la même taille que le pirate, et avait peu ou prou la même carrure, ce qui lui permit de façonner son œuvre en se basant sur ses propres mesures. Au bout de plusieurs heures de travail acharné au cœur même de la fournaise, Tony acheva de tremper l'ancre dans un bain d'huile et d'eau salée, comme avec une véritable lame. Elle serait à la fois plus résistante que n'importe quelle autre ancre, mais aussi un peu plus lourde. D'ailleurs, le grand blond avait les épaules douloureuses d'avoir trimballé ce fardeau toute la journée, et c'est avec un sourire fatigué qu'il la remit à son nouveau propriétaire, qui sembla comblé comme un gosse le jour de Noël.

"Et voilà une véritable ancre de combat pour le capitaine Kain ! Chose promise, chose due."

Tony alla donc récupérer ses outils et son paquetage, faisant ses adieux à l'aimable maître de forge qui regretta de devoir quitter un si bon élément tout en continuant à s'arracher les cheveux avec son apprenti. Le blondin en profita pour négocier un rabais sur la facture qu'il présenterai au capitaine pirate. Après tout, il avait fait tout le boulot, et ne demanderai pas à être payé. C'était un service rendu. Ne resterait donc que le coût des matériaux et du temps d'utilisation des fours. Ça ne ferait pas une énorme différence, mais c'était déjà ça.

Il rejoint ses nouveaux compagnons de route. La route serait longue jusqu'à Water Seven, surtout en naviguant au log pose. Mais peu lui importait. Il se sentait déjà chez lui sur ce navire.

Tony partait pour une aventure, comme il n'en aurait jamais rêvé...