L'excellente nouvelle avait été apprise quelques minutes seulement auparavant. L'ironie du sort, c'était qu'il venait tout juste de raccrocher suite à sa conversation plus ou moins houleuse avec Ren qu'il se devait à nouveau de décrocher le combiné... Mais il s'agissait cette fois-ci d'un indicible plaisir. Mori. Le miracle qu'ils avaient tant cherché, c'était Mori ! Nakata n'avait su se remémorer le pouvoir de soin extraordinaire de ce personnage croisé très brièvement, plusieurs années auparavant... Toutefois, avec le recul, le choix lui apparaissait effectivement comme absolument évident. Grâce à cette intervention de la part de ce pirate solitaire, les Tengoku no Seigi pouvaient enfin compter sur le soutien plus ou moins indéfectibles d'une pirate d'envergure, également ancienne capitaine corsaire : une chance et une joie certaines, que le Phoenix avait hâte de mettre à profit. Aucune paire de bras ne serait de trop à l'avenir... Mais restait encore à savoir si Elisabeth accepterait sa demande, ou si elle la rejetterait sans plus de cérémonies. Pour lui avoir à quelques reprises adressé la parole, le Schichibukai songea qu'elle ferait probablement preuve de fierté et qu'elle accepterait volontiers de lui rendre la pareille... Les personnes droites étaient fondamentalement honnêtes. Cela étant, le mythique ne l'appelait pas seulement pour lui faire part d'une ou de deux demandes : il entendait bien la questionner, à plusieurs sujets. Ainsi, il se mit à composer son numéro, et attendit qu'elle ne décroche. Lorsque cela serait enfin le cas, il s'annoncerait simplement et sobrement :

-Allô ? C'est Nakata.

Dans le fond, il ne la connaissait pas plus que ça, mais s'en fichait plus ou moins : l'importance qu'elle pouvait revêtir à l'avenir ne venait pas de leurs atomes crochus, mais de sa puissance et de la fidélité de ses subordonnés. Construire une armée était un travail de longue haleine.

Elle lui avait répondu assez rapidement, et un sourire s'érigea sur le visage du forban, à mi-chemin entre délectation et satisfaction. C'était un grand moment, pour lui, une espèce de consécration : il se rendait tout bonnement compte de l'influence qu'il se tissait, des multiples liens qu'il générait avec d'autres pointures. Cela avait commencé depuis quelques temps, et cela s'enchaînait en ce moment avec cette Elisabeth, et l'ancienne maréchale Andromède. De quoi continuer à parfaire sa position et à se rendre crédible, légitime aux yeux de ses principaux rivaux... Nakata, considérant toutefois leur situation avec prudence et sécurité, garda à l'esprit qu'il ne devait pas se montrer trop explicite ou direct dans ses futurs prises de parole durant les instants à venir : il n'avait pas son den den mushi blanc avec lui, puisque celui-ci était resté à Graou Island. Autrement dit, aucun moyen pour lui d'être assuré de la sécurité de leur échange... Le Phoenix décida donc de se montrer plus ou moins nébuleux :

-J'imagine qu'on vous a grossièrement raconté comment s'est déroulé votre détention provisoire, alors je ne m'attarderai pas là-dessus. Le Gouvernement Mondial vous a effrontément manqué de respect, aussi assurément qu'à moi, mais le sujet n'est pas là non plus. Dans l'état des choses, j'aimerais juste savoir si vous souhaitez continuer à combattre en leur nom.

La négative n'impliquerait pas forcément un comportement odieux et criminel, impitoyable et froid : le Phoenix lui-même considérait qu'il n'était pas véritablement un porte-parole du Gouvernement, alors même qu'il se montrait généralement raisonnable et respectable. En tout cas, cette demande lui semblait à première vue primordiale : si Elisabeth décidait de continuer à vouer sa vie au bien-être de ces crevures, leur collaboration risquait d'être compliquée, à l'avenir...

La question qui était demeurée en suspend quelques instants durant révéla finalement la réponse escomptée : Elisabeth entendait bien se détacher du Gouvernement, et poursuivre son petit bonhomme de chemin de son propre côté, en veillant à l'établissement de ses propres souhaits et idéaux. Une décision qui réconfortait grandement le corsaire, et qui amplifia d'ailleurs sa mine joviale. Il ne se moquait évidemment pas de son ancienne collègue, mais se délectait indubitablement du Gouvernement Mondial et de leur maladresse légendaire les ayant mené à se forger un nouvel hypothétique ennemi. Elle, qui avait lutté des mois sinon des années durant, volontairement aveuglée, pour le bien-être de la marine et des chiens qu'elle protégeait revenait enfin sur son serment. Une décision qui annonçait un certain changement dans les temps à venir, et duquel pouvait assurément profiter Nakata, en bon opportuniste qu'il avait toujours été. Une carrière de forban ne naissait pas simplement du néant : il fallait la construire, brique par brique, pour parvenir à un résultat enfin satisfaisant...

-Sentiment partagé. Ma priorité, dans les jours à venir, va me pousser à me montrer relativement occupé, mais si la perspective d'une grosse opération à venir vous séduit, je pourrais essayer de vous recontacter en temps et en heure. A vrai dire, je ne vous ai pas protégé uniquement par bonté, l'assurer serait mentir. J'aimerais que nos équipages respectifs puissent compter l'un sur l'autre, à l'avenir.

Il s'agissait donc d'un moment clé, pour Tengoku no Seigi : l'officialisation ou non d'un pacte avec un autre équipage majeur, et déjà bien établi sur la scène mondiale.

Pour l'heure, il semblait qu'Elisabeth était prête à accéder à sa requête : tout comme le Fenice s'y était attendu, elle avait une fierté certaine et palpable qui la poussait à honorer ce genre de dettes. Un excellent point pour le Phoenix, donc, d'autant plus qu'il semblait bel et bien donner à Tengoku no Seigi de réjouissantes perspectives d'avenir : si elle attendait manifestement l'avis des siens pour lui fournir une réponse éternelle, la demoiselle acceptait bien volontiers la possibilité d'un parcours en tant qu'équipages alliés. A première vue, la chose était extrêmement satisfaisante pour Nakata : la guerrière semblait avoir développé des ambitions similaires aux siennes, ou tout du moins honnêtes, louables et justes. La promesse, donc, de ne pas avoir à la menacer tout comme il venait de le faire avec Ren, sous prétexte que leurs méthodes ne convenaient pas l'un à l'autre. Ainsi, lorsque l'ancienne Schichibukai eut terminé la prise de parole, le mythique souhaita en tout premier lieu la réconforter et la rassurer :

-Je comprends, oui, loin de moi l'idée de vous soumettre, vous et vos compagnons. Je risque simplement d'avoir besoin d'un peu d'aide pour la suite des événements, d'ici quelques semaines ou quelques mois... Et l'expertise de pirates renommés n'est jamais de trop.

Il reconnaissait sans le moindre mal le fait qu'Elisabeth possédait une expérience et une poigne extraordinaire, sans doute sous certains aspects égale à la sienne. Il n'était pas le seul capitaine d'exception à se frayer un chemin à travers les vagues menaçantes de Grand Line... Et c'était d'ailleurs une force, qu'il entendait bien cultiver. L'union fait la force. Même les Yonkous se reposaient sur un adage tel que celui-ci. Le fait qu'ils l'appliquent avec succès n'était qu'une preuve parmi tant d'autres qu'il s'agissait de la bonne conduite à aborder pour arriver aux sommets.

-Cela étant, à nouveau, mon objectif n'est pas de vous forcer la main. Si vous avez un objectif qui nécessite un peu d'aide, mon équipage et moi-même serons ravis de vous le fournir.