Le pas léger, glissant dans les larges rue de Saint Poplar, j’avance en direction d’un des plus prestigieux café du coin. Bien que le nom, à savoir le «  Lézard Bleu », laisse à désirer ; cet établissement est connu pour ses whiskey de grande qualité, rameutant une clientèle des plus diversifiée. Mon uniforme de Marine est resté à la maison, comme d’habitude à vrai dire. Je ne suis pas là pour exercer mais bien pour jouer. Le casino de l’endroit, fraichement construit, gagne en réputation. C’est pour m’en faire un avis personne que je suis ici. C’est un moyen assez simple de se faire un peu d’argent. Mais avant tout, j’ai pris pour habitude de toujours me balader un peu dans les bars des îles que je visite, histoire de me renseigner un peu sur les ragots et diverses informations locales pouvant éventuellement se montrer utiles.

Avec délicatesse, je pousse la porte en bois massif du Lézard Bleu. Il y a quelques personnes. C’est plutôt bien remplis pour un simple début de soirée. Mon regard avisé détail chacun des clients présents pour savoir le quel serait le plus à même de me livrer quelques dires intéressants. Une jeune femme dénote clairement dans la clientèle. Elle se tient droite, hautaine sur un tabouret haut perché. Je connais ce genre d’individus. Elle se pense sans doute intouchable, dominant la situation et prenant tout le monde de haut. D’une certaine façon, elle en devient intrigante. Elle ne fait clairement pas partie de la masse. Je vois en cette jeune femme un nouveau jouet, éphémère ou non. Je ne parle pas de séduction mais bien de duel psychologique, voir jusqu’où je peux la pousser, la manipuler, l’affronter même. Car sans jouet les jeux sont bien monotones.

Sans plus attendre, je prends place à ses côtés. Je suis vêtu d’un costume trois-pièces immaculé. Mes cheveux d’un roux sauvage sont lâché de manière désinvolte. Mes doigts se balade sur le comptoir, pianotant frénétiquement. J’ai laissé dernière moi piercing et autres artéfacts que j’arbore habituellement quand je navigue sur les océans, le casino impose un certain standard. Un léger sourire en coin, c’est au barman que je m’adresse.

«  Je prendrais un Port Hellene de trente ans d’âge… Sur glace.  »

Comme prévu, mes mots induisent une réaction chez la femme qui siège à mes côtés. Ce n’est pas étonnant ; la couleur ambrée du breuvage qui se tient dans sa main est significative du Port Hellene. Ma commande n’était donc pas hasardeuse. Je l’écoute m’expliquer ce qu’elle pense sans doute que j’ignore. Un léger sourire, fin, indescriptible, se dessine sur mon visage. Sans même tourner la tête dans sa direction, je fais tournoyer le liquide dans le verre quelques secondes avant de prendre la parole à mon tour d’une voix énigmatique et désinvolte.

«  Ignorer une règle ou ne pas en tenir compte sont deux choses bien différentes.  »

Pour seule justification, je prends une profonde inspiration bien que calme et paisible puis souffle délicatement devant moi. Une flamme vive mais mesurée s’échappe de mes lèvres pour venir lécher le comptoir sans pour autant laisser la moindre trace. Je ne fais pas fi de la surprise du serveur. Nous sommes sur Grand Line, il doit probablement être habitué.

«  Il faut savoir s’adapter.  »

Je n’attends pas de réaction particulière. Ce n’est pas un spectacle ou une quelconque démonstration, simplement une justification. Bref, quoi qu’il en soit, j’en profite pour ajouter quelques mots distraitement.

«  Qui plus est, à partir du moment ou l’eau utilisée pour faire la glace est pure et à donc une température de dilution parfaite, celle-ci relèvera parfaitement l’arôme du whisky sans le ternir car elle ne fondra pas suffisamment vite. Vous n’êtes probablement pas sans savoir qu’une goute d’eau relève les saveurs du Whisky au plus haut point.  »

Parfois je me surprends moi-même. Je n’ai absolument pas le moindre intérêt dans ce breuvage en réalité. J’ai simplement retenu ces informations parmi tant d’autre sans même réellement m’en rendre compte. Serais-je présomptueux ? Arrogant ? Oui, probablement mais j’aime jouer et ce jouet semble des plus intéressant. Finalement, elle me donne son nom d’un air tout autant las que le mien. Je réponds aussi et comme à mon habitude, je me garde bien de préciser ma profession et encore moins mon grade.

«  Logan V. Seyfried pour vous servir.  »

Discrètement, je regarde ma montre. Bientôt je me dirigerai vers le casino.

Toujours armé de cet éternel sourire en coin, j’écoute la jeune femme siégeant à mes côtés s’interroger sur la nature de mes pouvoirs. Elle fait fausse route, bien que j’ai en effet un fruit du démon en ma possession, je n’en ai pas une utilisation classique. Je garde bien le petit pendentif autour de mon cou sans y toucher décidant de garder encore cette carte dans ma manche, celui-ci étant bien trop reconnaissable. En penchant légèrement la tête sur le côté, je me tourne finalement dans la direction de Danyka.

« Désolé de vous décevoir mais non ; je n’ai pas mangé de fruit du démon. J’ai bien quelques connaissances à ce sujet mais disons que j’ai ma propre façon de faire. »

Elle finit par me poser une question autrement plus embarrassante, à savoir celle de ma profession. Ce n’est pas réellement un problème, depuis le temps j’ai apprit à mentir sur ma fonction dans des situation autrement plus dangereuse qu’une simple dégustation dans un bar. De manière habituée sans trahir le moindre mensonge, je prends la parole en gardant cet air énigmatique qui m’est si familier, loin de me douter que je m’adresse à un membre du célèbre clan Décimas.

« Aujourd’hui je ne suis qu’un simple joueur parmi tant d’autres. Savez-vous qu’un des plus grand Casino de Grand Line est situé sur cette île ? Je m’apprête justement à aller m’amuser un peu. Souhaiteriez-vous vous joindre à moi ? »

Voila une invitation des plus banales certes mais ouvrant des portes à une soirée bien plus haute en couleur. Les casinos sont des endroits relativement simple pour les gens avec mes compétences et j’ai bien envie d’en apprendre plus sur cette nouvelle rencontre.

Je n’ai pas l’habitude de faire face à des refus. J’obtiens toujours ce que je veux, d’une manière ou d’une autre manoeuvrant pour amener les gens ou je souhaite les voir. J’ai toujours apprécié les défis et ce nouveau jouet semble des plus prometteurs. Alors qu’en règle générale, je n’aurais sans doute pas changé mes plans, pour une fois je décide de ré aviser ma soirée. Cet éternel sourire en coin au visage, je termine mon premier verre sans pour autant rien commander de nouveau. Elle ne semble pas apprécier les mystères que j’aime laisser planer autour de ma personne intérieurement je dois bien admettre que je m’amuse.

« Garder quelques tours dans sa manche en toutes circonstances sur Grand Line est du domaine de l’obligation. Mais très bien, je crois comprendre que vous aimez jouer carte sur table. Qu’il en soit ainsi. Cependant sachez que j’en attends de même de votre part. »

Je commence par prendre une brève inspiration. Après tout, nous sommes sur une île gouvernementale, ce n’est pas un risque inconsidéré, loin de la. J’ai le sentiment que si je veux continuer de jouer sans changer de compagnie, je vais devoir révéler quelques informations sur ma personne, ce qui n’est pas dans mes habitudes.

« Je suis un officier de la marine... Mais disons que je suis en vacances aujourd’hui. »

Loin de me douter que je me trouve face à un membre de la célèbre milice Décimas je m’attends tout de même à une réponse haute en couleur. Je ne suis pas un idiot, ce qu’elle me dira n’aura en réalité aucune importance. L’honnêteté des gens perd énormément en crédibilité quand ceux-ci se retrouvent face à un gradé du gouvernement mondial si ce n’est quelques téméraires irréfléchis, ce qui ne semble pas être le cas de cette Danyka. Je me concentre principalement sur ses mimiques, sur son langage corporel pour déceler un éventuel mensonge.

Si j’avais bien vu se profiler le statut de hors la loi, j’étais loin de m’imaginer me retrouver face à une Décimas en cette simple soirée d’été. Sans laisser transparaitre la moindre réaction, je l’écoute tout en saisissant le cigare laissé à mon intention. Ce n’est pas spécialement risqué au vu de mon immunité prodigieuse à la plupart des poisons. Je souffle une nouvelle flamme, plus légère cette fois, pour allumer le présent. Etrangement je me retrouve légèrement en elle, dans sa façon de parler principalement. Ancienne membre de la marine apparemment sauf que contrairement aux pions, elle a changé de faction de son plein gré.

« Pas tant que ça. La milice de Centes ne cesse de grandir au détriment du gouvernement… Je devrais sans doute mettre fin à mes vacances pour vous enfermer… Je suppose. »

Je ne bouge cependant pas le moins du monde. Tout dans mon attitude montre que je n’en ai en réalité pas à moindre intention. Je me demande moi-même pourquoi. Je n’ai rien à y perdre et je pourrais sans doute lui soutirer des informations utiles. Disons simplement que mon instinct me fait penser qu'aujourd’hui n’est pas le bon jour. Je la crois sur parole quand elle dit faire partie des Décimas. Personne ne serait assez stupide que pour attirer l’attention du monarque simplement pour se faire mousser.

« Mais je dois bien avouer être curieux. Je connais le décret Décimas sur le bout des doigts, j’ai lu tous les rapports concernant votre roi. Je sais surement tout ce qu’il est possible de savoir pour quelqu’un de ma position sur Centes. Donc j’aimerai savoir ; pourquoi rejoindre les Décimas ? »

C’est une question réelle et non un interrogatoire. J’aime comprendre le monde qui m’entoure et l’engouement actuel pour eux m’échappe. Je pense être assez ouvert surtout que, de manière ironique, le plus grand criminel entre Danyka et moi c’est sans le moindre doute moi.

C’est avec attention que j’écoute la réponse de Danyka. Nous sommes maintenant seuls dans le bar et je garde paisiblement le silence. Son discours semble élaboré, presque récité et manque de coeur selon moi. Son avis sur la marine est tranché et sombre mais je ne peux pas la blâmer pour ça, il est vrai que les agissements du gouvernement sont parfois discutables. Cependant, je reste sceptique face à ce qu’elle me raconte. Je ne peux m’empêcher de penser être face à une femme qui s’est faites avoir par les doux idéaux de la cour sous forme de mensonge. Connait-elle seulement les réelles intentions de Centes plus que moi ? J’en doute mais je ne dis rien.

« Je ne suis pas le genre de soldat qu’il est habituel de croiser. Je n’ai pas d’animosité particulière envers les Décimas mais je remplis les missions qui me sont donné à leur encontre. »

La marine nous veut intégralement ennemis des Décimas mais je ne suivrai pas cet ordre sans m’être fait ma propre opinion d’abord. Finalement je me redresse sur mon tabouret et me lève avec délicatesse pour reprendre doucement la parole de manière bien plus sérieuse pourtant.

« Je n’ai que faire de la noblesse, que se soit vous ou les dragons célestes. Quant à Ohara, il s’agissait d’un peuple de criminel qui cherchaient à déchiffrer les écritures interdites que sont les ponéglyphes. Ils ont créé eux même leur tombe. »

Je la regarde pendant quelques secondes sans rien ajouter. Je n’ai plus rien à faire ici.

« La prochaine fois que nous nous croiserons, ça ne sera pas aussi simple. Je ne pense pas qu’il y ai déjà de prime sur votre tête ou en tout cas pas conséquente mais je n’hésiterai pas à vous arrêter si c’est le cas. »

Et sans ajouter le moindre mot, je tourne les talons pour ne pas me retourner et me diriger en direction du casino de l’île.