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Nils Gratz
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Dim 15 Jan - 19:57



Internet ? C'est l'avenir !


Nils était assis sur le canapé prêt du feu de cheminée, tel le vieux qu’il commençait à devenir, il fumait tranquillement sa pipe avec ses chaussons aux pieds et le journal du jour. L’anniversaire de Ginny était toujours un bon prétexte pour se rassembler et fêter ça dignement. La grand-mère quant à elle était aux fourneaux, bien prête avec toute une flopée de mignardises et un magnifique gâteau à deux étages sur lequel on pouvait voir un « joyeux anniversaire » parfaitement calligraphié à la crème.

Levant les yeux de son papier pour jeter un œil à l’entrée, le vieillard ne bougea pas mais jeta tout de même un regard à l’horloge sur le mur. Soupirant l’espace d’un instant, il était d’humeur bougonne : s’il s’y était pris un peu plus tôt, il aurait sans doute eu le cadeau pour sa petite-fille en avance et il ne serait pas là à l’attendre désespérément. Quelle idée avait bien pu lui passer par la tête pour le commander d’aussi loin ?

Le vieillard en devenir restait persuadé de recevoir une magnifique grenouillère pour les fraiches nuits de la petite. Il avait investi un bon petit pécule qui lui venait des ventes de sa surproduction.



Entrez c’est ouvert !
La petite famille venait d’entrer. La mère était absente, elle travaillait beaucoup mais Eric, le fils ainsi que Chloé, Ginny et Benjamin entraient tour à tour dans la vieille ferme. Ils s’ébrouèrent quelque peu avant de déposer leurs affaires et d’entamer les conversations.

Après un câlin des plus revigorants, Nils paraissait quelque peu rassuré par la vision de sa petite famille. S’installant à table sans plus de cérémonie, la petite famille vivait son petit train-train sans être inquiétés le moins du monde par ce qui pouvait être à l’extérieur. Il était rare de voir de telles familles de nos de jours mais l’amour semblait omniprésent, comme si ce cocon familial ne pouvait jamais exploser, ne pouvait jamais être détruit.

Le repas avançait et après des entrées somptueuses, un magnifique plat bien copieux ornait maintenant la table. De plus en plus souvent, le grand-père tournait son regard vers l’horloge… mais qu’est ce qu’ils pouvaient bien faire !


Imaginez ! Un jour je suis certain qu’on aura un système pour savoir où sont les colis qu’on attend… j’vais peut-être le créer d’ailleurs ! J’appellerai ça… « Inter panet » !
Devant le visage interloqué des convives, Nils dut surenchérir avant que la phrase fatidique ne se termine.


Dis plutôt que tu as oublié d’ache…

Interception de l’information ! Et c’est pas net !


Sa logique était implacable. Et tandis qu’il se remémorait sa commande, l’ensemble des acteurs à la table pouffa de rire.

_____________________________

Plusieurs jours auparavant...


Allo ?! Merde… comment ça marche ?!
Divers bruits étranges émanaient alors du combiné, le grand-père sembla appuyer sur plusieurs choses en même temps. Il tenta de parler à un endroit puis à un autre provocant alors des changements de tonalités pour l’autre personne au téléphone.


Allo ?! Rhaaaaaaaa ! J’voudrais une grenou…
Décidément, les informations commençaient à mal passer mais Nils n'en s'en rendit absolument pas compte.


Et pas... qui bave... ère... j'y mettrai le prix !..
Mon dieu, qu’auraient donc compris les interlocuteurs ?





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Dim 15 Jan - 23:35
La commande
PV Nils Gratz


- PAPAAAAAA ! Il y a un monsieur qui demande comment ça marche !

George déboula dans la pièce sans attendre, toujours à l’affût de la moindre commande qui pourrait booster sa carrière. Son entreprise, encore toute jeune, avait beau fleurir bien mieux que celles de beaucoup d’autres, mon père en voulait toujours plus. Alors, même s’il n’avait certainement pas compris le sens de ma phrase, il ne s’était pas fait prié pour me prendre le téléphone des mains. Trop jeune pour avoir la permission de noter les commandes, j’étais déjà heureuse de pouvoir répondre à l’escargophone. Toute excitée de savoir ce que désirait cet homme, je tentai de monter mes oreilles proches du combiné en soulevant mon corps au-dessus de la table, à l’unique force de mes bras.

- Bingley à l’appareil, que puis-je pour v…

- Allo ?! Rhaaaaaaaa ! J’voudrais une grenou…

- Veuillez m’excu…

- Et pas... qui bave... ère... j'y mettrai le prix !..

L’appel fut coupé aussitôt. La demande n’avait rien de convaincant, mais George ne pouvait pas refuser. Jusque-là, il avait toujours su satisfaire ses clients, et s’était toujours bien sorti des arnaques qu’on avait essayé de lui faire subir. Il avait beau être un mauvais père, on ne pouvait pas lui ôter ça : c’était un très bon commerçant. Toujours à l’écoute de ses clients, il ne manquait jamais à ses devoirs. Je ne l’aimais pas, mais j’étais incapable de me cacher que je l’admirais un peu pour ça. C’était un homme parfaitement organisé, professionnel, carré. Le genre de gars dont le bureau n’a jamais connu de feuille qui dépasse. Avec ça, pas besoin d’être un génie pour savoir que je n’étais pas de lui. Tout ce que j’entreprenais avait pour unique destin la destruction. A partir de là, George et moi n’étions pas fait pour être amis. Je me contentais de lui comme père, tout comme il me supportait, à sa manière, comme fille.

George se tourna vers moi, l’air un peu perdu. S’il devait livrer ce colis, il n’avait aucune idée de ce dont il s’agissait.

- Tu as un livre sur les animaux, non ? me demanda-t-il.

Excitée de me sentir enfin utile, je bondis vers ma chambre sans lui répondre, pour aller chercher le tant désiré livre. Sur la bibliothèque trônait divers ouvrages que mes parents m’avaient achetés en espérant m’intéresser à un sujet ou un autre, en vain. Les bouquins prenaient la poussière sur une étagère, empilés anarchiquement les uns sur les autres en formant une tour à l’équilibre douteux. Je tirai vers moi le plus bas, pour faire tomber les autres et pouvoir les atteindre. Un énorme son d’éboulement cria dans toute la maison, tandis que les livres se jetaient sur moi, comme pour se venger du réveil brutal que je leur imposais.

- Ca va Maud ? s’écria ma mère, Marie, de sa voix douce.

Je la rassurai en répondant à l’affirmative, tout en cherchant dans le tas de livres celui qui pourrait intéresser mon père. Lente à la lecture, je m’aidais des images pour trouver le bon, jusqu’à tomber sur une sorte de grosse encyclopédie imagée, où l’on pouvait voir des animaux de toutes sortes, des plus petits et insignifiants aux plus grands et imposants. Je l’attrapai dans mes bras, et le traînai en courant jusqu’au bureau de George, pour le brandir sous son nez. Pour une fois, je lui étais utile autrement qu’en tant que souffre-douleur. Je ne m’attendais pas de sa part à ce qu’il me sourit, comme un père aimant le ferait. Je n’en avais même pas l’idée, étant donné que de lui je n’avais connu que les coups. Il se contenta de me remercier froidement, puis ouvrit le livre et se mit à tourner les pages à toute vitesse, faisant toujours preuve du même calme, du même professionnalisme que toujours. Je le regardai en pensant que même sous cette figure, sous cette apparence d’homme posé, à l’écoute, attentif, il m’effrayait. J’avais peur de lui parce que je savais ce qu’il cachait sous ce masque. Parce que derrière ce visage neutre, il y avait celui avec les traits tirés, avec la peau rouge et les veines sur les tempes. Il y avait l’homme qui frappait. Un frisson me parvint avant qu’il ne reprenne la parole :

- Une grenouille épaquibavère, c’est ce qu’il a dit ?

- Je crois, oui !

Je n’avais pas tout à fait entendu ce que l’homme avait dit, mais il me semblait que ça ressemblait, de près ou de loin, à ça. Je posais le nez sur le livre, suivant du regard les pages qui tournaient. Soudainement, George se tapa le front en s’exclamant :

- Merde, il m’a pas dit où livrer ! Je vais chercher si je peux pas trouver de quoi savoir.

J’acquiesçai d’un signe de tête avant de me mettre au travail. J’entendais en fond mon père à l’escargophone, quand je tombai au hasard sur la grenouille tant recherchée. En fait, ce n’était pas épaquibavère, mais équapibavère. Elle avait l’air vraiment dégoûtante. La description était accompagnée d’une petite vignette dans laquelle était dessinée, en plusieurs fois, la bestiole en question. Vue de dessus, elle était en forme de triangle équilatérale. Et étrangement, vue sur le côté, elle semblait parfaitement sphérique, munie d’un énorme ventre rond, et d’un dos qui ne l’était pas moins. Au milieu de cette sphère, un trait orange pétant coupait la couleur vert citron de la grenouille, de façon transversale. Sa peau était parfaitement lisse, mais décorée d’une multitude de points multicolores, bien que tournant principalement autour de teintes de rouge, d’orange et de jaune. Après avoir découvert l’apparence de la grenouille dans les moindres détails, je m’attaquai à la lecture du petit paragraphe qui la présentait. Apparemment, c’était une espèce rare, mais sur Trader les marchés ne manquaient pas de babioles excentriques. La trouver ne serait pas un problème pour George, il saurait à qui s’adresser.

L’une des particularités de la grenouille équapibavère est sa capacité à excréter un liquide biologique de couleur blanche et de texture épaisse. La vie en colonie de cette espèce de grenouilles lui permet sa survie, étant donné le mode de nutrition extraordinaire adopté par ces animaux. En effet, chaque individu lèche un partenaire pour se nourrir du liquide biologique dont sa peau est recouverte. Une fois le liquide dans la cavité buccale de l’individu, ce dernier peut décider de satisfaire sa faim ou de s’en servir de système de défense, en le crachant dans les yeux d’un assaillant pour l’empêcher d’attaquer.

Ensuite, il y avait tout un tas de détails scientifiques et biologiques que je ne comprenais pas, et j’arrêtais ma lecture, déjà difficile, ici. Ce que j’avais retenu, c’était que cette grenouille était moche. George revint de bonne humeur, ayant reçu une réponse satisfaisante à son appel. Je lui montrai la page que j’avais trouvée, et il s’empressa d’aller acheter deux belles grenouilles équapibavères quelque part sur le royaume de Trader, me laissant seule avec ma mère, ici.

Il revint quelques heures plus tard avec le colis, une boîte en bois trouée, dans laquelle on entendait deux grenouilles à l’heure du repas. George m’avertit qu’il avait beaucoup à livrer sur West Blue, et qu’il aurait besoin de mon aide pour déposer ce colis chez le client. Toute contente de pouvoir voyager à nouveau dans son navire marchand, je me préparai en toute hâte pour le lendemain, jour de départ.

Le voyage dura peu de temps grâce au super bateau de livraison rapide que mon père avait acheté. Une fois sur l’île de Toroa, je bondis avec la caisse vers la ville, avant de me rendre compte que je n’avais aucune idée d’où vivait l’homme. Je ne manquais pas de demander ma route à un passant, qui visiblement connaissait bien le coin. Par ici, tous semblaient se connaître, et il sut me conduire jusqu’à une ferme, celle où je devais déposer le colis.


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Mer 18 Jan - 17:09



pépé dos au fil ?


Le vieux commençait à rechigner dans son coin. Le gâteau avec les cinq bougies serait bientôt amené et lui n’avait toujours rien. Même la petite Chloé avait confectionné un petit collier de nouille pour sa sœur bien qu’elle ne la portait pas vraiment dans son estime. Visiblement, c’était son père qui l’avait forcée à faire au moins un petit quelque chose.

Voyant l’heure tourner, Nils n’avait maintenant plus le choix, il commença alors à débarrasser la table, chose pour le moins étrange qui fit arquer un sourcil à Linedea, la grand-mère. Elle ne pipa cependant pas un mot : depuis un moment maintenant, les deux tourtereaux étaient suffisamment proches pour se comprendre sans vraiment s’adresser la parole. Ainsi, pour laisser une dernière chance à son mari, elle détourna l’attention de tout le monde en racontant une histoire dont elle avait le secret pendant que le grand-père prenait une porte de sortie à la dérobée. Passant par le champ, il avait sa grange en visuel mais son devoir était de refaire le tour discrètement pour prendre la direction de la ville.


La livraison à distance… pfeuh ! Autant demander à des autochtones ou des amazones de s’en occuper : le service serait le même !
Il ruminait. Il avait vraiment voulu le cadeau le plus exceptionnel pour sa petite fille et l’ile de Toroa n’avait jamais été très réputée pour son excentricité et sur la qualité de ses cadeaux d’anniversaires. Certes, il avait pu innover chaque fois mais à en vouloir toujours plus, il voulait que ça provienne d’une autre ile. En réalité, il avait obtenu le numéro par un ami à qui il avait livré un surplus de céréales récemment.

Se déplaçant en catimini, de façon très certainement ridicule vu son âge, afin d’éviter d’être vu par sa famille, il arriva dans la cour de la ferme. S’époussetant un peu, il ne remarqua pas tout de suite la petite jeune fille qui se trouvait non loin de lui. Il fallut que l’ancien face un ajustement au niveau de sa vue pour finalement la héler discrètement.


Pssssssst ! Allez ! Oust ! Tu vas me faire repérer !
Soudainement, une illumination traversa l’esprit du grand-père : son ticket de gain de temps se trouvait là, juste devant lui ! A peine eut-il terminé de la réprimander qu’il sauta sur l’occasion. C’en devenait limite pervers comme genre de pratique... avec un regard brillant, le vieil homme s’approchait de la petite d’un pas lourd. Nils jeta un regard furtif à droite et à gauche avant de lui faire signe de s’approcher avec sa main.


Dis, tu veux te faire quelques berrys ? Bien ! Tu vas toquer à cette maison et tu dis que tu es une amie de Ginny. Ok ? G-I-N-N-Y. Allez, si t’es sage, je te donnerai une sucette… ou peut être bien mieux encore.
Mon dieu. Il ne fallait pas que la grand-mère ou la marine entende parler de cette histoire : ce genre de propos, déformés, risquaient de ternir une réputation déjà dangereusement basse. Sans laisser trop l’occasion de comprendre ce que comptait dire la jeune fillette, le vieil homme serait parti sans même un signe de tête comme approbation. En réalité, il lui fallait son cadeau et c’est avec un pas de course que peu lui connaissaient qu’il partit en direction de la ville. Deux possibilités s’offraient alors à la jeune fille : allait-elle suivre le grand-père ou accéder à sa requête ?





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Jeu 19 Jan - 15:58
Un ogre !
PV Nils Gratz


Le garçon de la ville me laissa seule et retourna à son travail, une fois que nous eûmes la ferme en vue. Je pouvais finir le chemin toute seule, car selon lui, il n'y avait aucun danger pour une petite fille, ici. J'avais bien remarqué qu'il était reparti très vite, l'air un peu stressé. Alors son histoire d'aucun danger, je n'y croyais pas trop. Bien que timide et appréhendant le moment de saluer le client, j’avais hâte de savoir quel genre de personne pouvait commander ce genre d’animal. Peut-être un collectionneur, un éleveur de grenouilles en tout genre ou ce qui était pour moi un taxi-ermite, ces gens qui se passionnent à empailler des animaux morts. A moins que ce ne fût un savant fou ? Dans tous les scénarios que j’inventais, le type était sacrément louche. Après tout, désirer des grenouilles qui se lèchent les unes et les autres, ce n’était pas commun. Dans mon esprit d’enfant, j’imaginais que mon après-midi pouvait être très amusant avec une personne aussi bizarre. Pourtant, ce sentiment n’était pas partagé par l’autre partie de mon cerveau, qui me disait qu’il n’était pas impossible que l’homme veuille me mettre dans une marmite, me faire fondre et m’ouvrir le ventre pour découvrir ce qu’il y a dedans. Ou pour me farcir aux grenouilles. Quoi qu’il en fût, je ne pouvais plus revenir sur mes pas : George m’en aurait voulu, et mon sort n’aurait pas été mieux que celui qui m’attendait dans la marmite.

Encore plus proche de ma destination, soudainement, je vis un homme, plutôt vieux, ouvrir une porte et se déplacer comme un crabe à travers la cour. Effrayée, j’arrêtai ma marche brusquement, l’observant avec de grands yeux ronds. Je n’avais presque aucun doute : c’était le client. Il fallait que je lui remette le colis, et pourtant, il m’était impossible de bouger ne fut-ce que le petit doigt. J’avais laissé tomber le colis par terre, prête à fuir si le vieux tentait de m’agresser. Les grenouilles répondirent à la chute en coassant longtemps et bruyamment, pour faire parvenir leur mécontentement. A quelques pas de moi, le monsieur regarda dans ma directement, ce qui me fit vraiment hésiter à prendre mes jambes à mon cou. Il avait un peu un regard de veau, mais un veau en colère. Il avait l’air d’agir comme un animal, de manière imprévisible. C’était peut-être même un ogre déguisé en vieux fou. Il aurait pu me sauter dessus à tout moment pour m’avaler toute crue.

Au lieu de quoi il me gronda et me demanda de partir. Je faillis ne plus rien y comprendre : on me disait que c’était ici que je devais déposer ma boîte, mais lui me chassait de cette ferme. L’homme de la ville s’était peut-être trompé ? Ou le vieux était fou, et il avait oublié sa commande. La situation bien trop compliquée à résoudre pour mon cerveau de petite fille me perdait, au point de me donner envie de pleurer. Ma gorge se serrait, et mes yeux commençaient à s’humidifier.

Heureusement, le vieux monsieur résolu plus ou moins le problème en agitant ses bras pour m’inviter à approcher. Sans oublier qu’il était certainement capable de m’assassiner à coup de canines, et donc prête à fuir s’il le fallait, j’obéis pour ne pas l’énerver. J’avançai craintivement jusqu’à être toute proche de lui, le regard braqué sur sa bouche. Elle me paraissait gigantesque, et il me semblait voir un million de dents à l’intérieur. « J’ai peur, j’ai peur, il faut que je m’en aille tout de suite ! » criait une petite voix à l’intérieur de ma tête. Soudainement, l’ogre ouvrit la bouche, et je vis ma bien courte vie défiler devant mes yeux. Qu’est-ce qu’il allait bien me faire ? Me manger ? Faire de mes os des couverts pour ses repas ?! Dans les contes, les enfants qui n’avaient pas été sages étaient dévorés par des bêtes horribles, par des monstres. Et moi, j’avais déjà une belle collection de bêtises, mais je n’avais aucune envie de mourir ! Encore moins dans le ventre de cet affreux. Mais avec mon corps frêle, mes petits bras et jambes tremblants, je n’avais aucune chance d’en sortir vivante. Incapable de fuir, immobilisée par la peur, j’entendis le vieux fou prendre uniquement la parole, sans chercher à me manger.

- Dis, tu veux te faire quelques berrys ? Bien ! Tu vas toquer à cette maison et tu dis que tu es une amie de Ginny. Ok ? G-I-N-N-Y. Allez, si t’es sage, je te donnerai une sucette… ou peut être bien mieux encore.

Et sans que je n’ai le temps de répondre, l’homme s’en alla aussitôt, me laissant toute seule au milieu de la cour. Je retenais encore un peu mes pleurs, pour aller ramasser la boîte. L’idée de gagner une sucette me plaisait et, dans un sens, me consolait un peu. Mais l’émotion avait été si importante qu’une fois devant la porte, après avoir toqué faiblement contre la porte, j’éclatai en sanglots, en braillant, si bien qu’on aurait pu m’entendre depuis la ville, si on avait un peu d’oreille.



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Sam 4 Fév - 12:31



Gateau licorne !


Le groupe déjà réuni pour l’anniversaire de la petite semblait ne pas avoir entendu les faibles tocs sur la prote. Il faut dire que c’était normal vu que des discussions d’adultes étaient déjà bien entamées pour chacun des protagonistes. On s’intéressait tout particulièrement à la conjoncture actuelle et à tout ce qu’il pouvait se passer sur l’ile : les derniers ragots, les dernières trouvailles et les dernières lubies du grand-père dont la dernière ne datait d’il n’y avait pas une minute. Eric était persuadé qu’il n’avait pas eu le temps de préparer de cadeau pour la petite fille mais des pleurs particulièrement violents vinrent couper court à la conversation. Ginny, très avenante de nature haussa un sourcil envers son frère et sa sœur avant de s’attarder sur la grand-mère qui alla ouvrir la porte, la petite fille, curieuse de nature, sur ses talons.

Ouvrant la porte, elle tomba nez-à-nez avec une pauvre petite fille toute triste et en larmes. S’agenouillant devant la petite toute mignonne, la grand-mère ne sut pas vraiment ce qu’elle faisait là et bien que l’idée que Nils put y être pour quelque chose, elle écarta l’idée pour s’adresser à la nouvelle venue.


Bah alors ma petite… qu’est ce qui ne va pas ? Tu t’es perdue ?
Le visage rassurant et souriant de la grand-mère avenante avait le don de faire fondre les cœurs les plus durs. Nul doute que bon nombres de personnes étaient tombées dans ses filets : même Chloé, la rebelle de service qui deviendra plus tard une « dure à cuire » selon ses dires ne pouvait jamais rien redire à sa mamie.

Juste derrière elle, Ginny se cachait. Impossible pour elle de réprimer sa curiosité tant et si bien que sa tête dépassait des jupons de son aïeule. La pauvre petite ne supportait pas la tristesse. Sans savoir même ce qui taraudait la jeune fille, la petite rousse s’approcha inconsciemment de Maud pour la prendre dans ses bras et lui faire un câlin. Débordante d’amour pour tout le monde, c’était une chose particulièrement normale pour elle.

Linedea souriait de la situation et alors que Ginny relâchait son étreinte pour tenter de prendre la main de la jeune fille en implorant du regard sa mamie. Cette dernière, toujours sur le pas de la porte ne put s’empêcher de sourire à son tour à la demande implicite de sa tendre petite. Se tournant vers la nouvelle venue, Linedea entama la conversation pour l’inviter à entrer.


Tu es une amie de Ginny ? C’est superbe !
Tapant dans ses mains pour manifester son contentement c’est Ginny qui reprit la suite en prenant la parole.


Tu veux venir manger le gâteau avec nous ? C’est un gâteau avec des licornes !
Le sourire et les yeux de la petite rousse brillaient de mille feux. Maud pourrait-elle faire face à tant d’amour et de bienveillance ?


______________

Pendant ce temps, Nils arrivait en ville et cherchait par tous les moyens à se procurer le cadeau idéal. Décidément, les services de livraisons n’étaient plus ce qu’ils étaient…

Alternant entre magasins de souvenirs et échoppes diverses, rien ne le contenta véritablement, il prit alors la décision de se rendre sur le port. Peut-être qu’à la criée, certaines personnes auraient des lots atypiques ? Il fallait faire vite !






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Sam 4 Fév - 16:10
Miam miam !
PV Nils Gratz


Une grand-mère ouvrit la porte, me découvrant en pleurs et surprise, d’ailleurs, de trouver au pied de sa porte une gamine sangloter. Pour se mettre à ma hauteur, la vieille dame plia les genoux. Toute pleine de bienveillance, elle me questionna sur les raisons de ma tristesse. Sa voix était douce, et si les voix avaient pu se manger, la sienne aurait certainement eu le goût d’un gâteau au miel. Ca n’avait rien d’extraordinaire en soi, c’était une grand-mère : on dit rarement du mal d’elles. Pourtant, moi qui n’eus connu que la douceur d’une mère, cette nouveauté sécha mes larmes rapidement. En réalité, la tendresse de ma mère n’existait que pour couvrir la violence de mon père. Au final, je n’étais pas malheureuse, mais bon bonheur était nul. Un équilibre parfait. La bonté de cette femme âgée n’avait rien de tel. Trop jeune, je ne comprenais pas quel bienfait elle m’apportait, et n’était capable que d’accepter qu’elle m’offrait une consolation gratuite, sans même connaître la raison de mes pleurs. Je crois que sans m’en rendre compte, j’avais eu un petit coup de foudre pour cette grand-mère, dès le premier regard. Cette soudaine attirance pour la dame m’avait tant surprise que je n’avais même pas su répondre à sa question.

D’ailleurs, je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche qu’une petite fille surgit des jupons de la vieille femme et bondis sur moi, pour m’enfermer dans ses bras. Habituée à ce genre de caresses venant de ma mère, d’une femme adulte, je ne compris pas tout à fait comment réagir à ce geste. Je me raidis brusquement, de petits frissons se soulevèrent sur ma peau et mes cheveux se hérissèrent au sommet de mon crâne. Je laissai tomber la boîte par terre, à nouveau. Les yeux ronds, grands ouverts, je regardai la grand-mère sans comprendre ce qui était en train de se dérouler : pourquoi la petite fille me prenait-elle dans ses bras ? Est-ce qu’elle essayait de me jeter un sort ? Ou est-ce qu’elle avait un rhume, qu’elle voulait me refiler ? Si d’ordinaire les enfants avaient plutôt tendance à s’éloigner de moi plutôt qu’à m’étreindre ainsi, le geste de l’enfant n’avait pas l’air de surprendre la plus vieille. Au contraire, sa seule réaction fut de sourire, sûrement émue par l’attitude aimante et chaleureuse de la petite.

Puis La fille m’attrapa la main, et je me laissai faire. Je me rendis compte que la tactilité abusive que m’offrait la petite rousse me mettait mal à l’aise. Il y eut un jeu de regard complice entre les deux, que je ne compris pas le moins du monde. Celui-ci se conclut lorsque la grand-mère me dit :

- Tu es une amie de Ginny ? C’est superbe !

Je voulus répliquer lorsque je me souvins des dires de l’ogre : si je me faisais passer pour une amie de Ginny, j’aurais le droit à une sucette… ou peut-être même plus ! J’imaginais déjà une cargaison entière de sucreries en tout genre juste pour moi, en échange de ce petit service. Et Ginny n’avait pas l’air d’être contre l’idée de devenir mon amie. Tout ce que j’avais à faire, c’était de jouer avec elle. Un instant, j’oubliai qu’à chaque fois que j’avais joué avec un autre enfant, ça s’était mal terminé. Alors avec un grand sourire, l’esprit toujours plongé dans les bonbons j’acquiesçai d’un grand signe de tête. Sans compter qu’à l’époque, j’avais terriblement besoin d’affection. Qui savait ? Peut-être que cette fois, elle deviendrait vraiment mon amie. Elle prit d’ailleurs la parole, à son tour :

- Tu veux venir manger le gâteau avec nous ? C’est un gâteau avec des licornes !

Dans mon imaginaire d’enfant, je trouvais ça étrange de faire un gâteau aux licornes. Je n’avais à vrai dire jamais mangé de gâteaux à base de viande, et je ne savais même pas que les licornes existaient en dehors des contes. Alors dans cette proposition, la seule information qui m’intéressa fut « gâteau ». Pour répondre à la petite fille, je glissai un timide « oui » à ses oreilles, accompagnant le mouvement d’un geste de la tête. Cet après-midi-là, j’avais bien l’intention de me faire exploser la pense ! De ma main libre, j’attrapais le paquet qui enfermait les grenouilles tout en attendant que Ginny m’amène jusqu’au Graal, ce délicieux gâteau. Néanmoins, un problème se posait : j’étais censée livrer le colis, donc venir ici en tant que livreuse, et jouer l’amie Ginny, donc venir ici en tant que simple compagne de jeu. Il fallait que je trouve comment régler tout ça. La solution vint d’elle-même : j’étais une bien piètre menteuse, mais je réussis fièrement à lier plus ou moins les deux faits. Assez absurdement en fait… mais j’y arrivai tout de même, ça suffisait. Ainsi, je m’adressai à la grand-mère :

- En fait je venais aussi pour livrer le colis ! Je suis la fille du livreur. Mais quand même une amie de Ginny !

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Les ténèbres


Linedea ne tiqua absolument pas sur la réticence de la jeunette devant le côté avenant de sa petite-fille : c’était comme si tout ça semblait être dans sa nature. Alors que Chloé n’était pas du genre à aller vers l’inconnu, Ginny était bien plus ouverte et surtout bien plus inconsciente. Lorsque la petite entra dans la maison avec sa nouvelle amie, elle s’apprêtait à vouloir lui montrer ses jouets mais la grand-mère insista pour que tout le monde retourne à table. Le gâteau n’allait pas tarder à arriver.

Regardant la belle Maud, la doyenne ne comprit pas où la jeune fille voulait en venir avec cette histoire de livraison. De toute évidence, le vieillard avait encore fait des siennes et n’avait pas mis au courant la grand-mère de la situation. C’est donc tout naturellement qu’elle pensa qu’il s’agissait d’un cadeau pour l’anniversaire de la petite. L’ouverture d’esprit de la petite et son esprit bien trop dans le fantasmagorique ne laissait jamais de doute quant à sa capacité à se faire des amis.


C’est le cadeau d’anniversaire pour Ginny ? C’est très gentil de ta part tu sais.
Un sourire béat et une caresse sur le cuir chevelu de la nouvelle venue vinrent clore cette dernière marque d’attention. Histoire de continuer un peu la conversation, la grand-mère se releva mais revint sur ses pas pour présenter tout le monde.


Alors : je te présente Eric, c’est le papa de Chloé et de Ginny. Dans le landau c’est Alphonse, le petit dernier et pépé est sans doute parti aux toilettes une nouvelle fois sans doute…
Un soupir las et après avoir levé les yeux, la grand-mère en oublia finalement le principal.


Mais toi ma chérie ? Comment tu t’appelles ?
Une fois les présentations faites, Maud serait invitée à aller à table avec chacun des convives, elle pourrait ainsi choisir de garder sa boite ou la mettre avec les autres cadeaux. Alors que Linedea retournerait en cuisine préparer le grand final du gâteau, Ginny en profiterait pour s’éclipser et revenir très vite avec l’un de ses jouets préférés pour le tendre à Maud : une petite peluche assez sale en forme de poney où une corne de bois avait été ajouté à la va-vite.

La situation était au bonheur le plus total pour l’ensemble des membres de la famille mais en était-il autant pour Maud ? Peu avant le gâteau, Eric se leva et ferma tous les volets, les lumières s’éteignirent et un noir très profond prit place dans la salle à manger. C’était comme si les ténèbres s’abattaient sur la pièce. La situation dura plusieurs secondes ainsi puisque le gâteau n’était pas encore prêt. Habitués, les enfants souriaient déjà mais une telle oppression ne risquait-elle pas de mettre à mal l’esprit de la future maudite ? Si tel était le cas, Ginny tenterait alors de saisir une nouvelle fois la main de Maud pour la rassurer mais serait-ce seulement possible ?


______________

De son côté, Nils arriva finalement au port où il reconnut l’emblème du navire à qui il avait commandé la grenouillère. Furieux, il accéléra le pas pour se retrouver juste au niveau du ponton et se mettre à hurler.


C’est à c’t’heure là qu’on arrive bande de branquignoles ?!
Il était furieux. Visiblement, il n’avait absolument pas compris que la jeunette était celle qui devait être la livreuse. Il continua alors à invectiver depuis le ponton tout en amassant pas mal de curieux autour de lui qui regardaient la situation depuis le port.


Elle est où ma livraison hein ?!







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Dim 5 Fév - 12:57
Une nouvelle famille
PV Nils Gratz


Je me laissai tirer à l’intérieur par la petite Ginny, qui voulait me faire voir toute sa collection de jouets. Elle avait l’air de les aimer. C’était un point qui nous reliait, à ce détail près que les miens survivaient rarement plus de cinq jours. Pourtant, sa mamie nous demanda d’aller plutôt vers la table où toute la petite famille s’était réunie, pour couper le gâteau. Elle prit ensuite le temps de me remercier pour le cadeau. Je n’insistai pas sur le fait qu’il s’agissait d’un colis, et pas d’un cadeau, et sourit simplement pour toute réponse.

Toutes ces marques de tendresse, tous ces gens qui débordaient de gentillesse me mettaient presque mal à l’aise. J’avais l’impression d’être un cochon à l’abattoir. En réalité, je n’avais aucune idée de comment un cochon était mis à mort, mais je pensais qu’on le cajolait, qu’on le berçait et le rassurer avant de lui trancher la tête cruellement, sans prévenir. J’étais de nature anxieuse, et pas spécialement câline ; mon appréhension envers tout ce bonheur semblait donc légitime. Pourtant, ça me plaisait. Je sentais que quelque part, cette famille heureuse que la grand-mère me présentait ne me faisait que du bien. Pour l’après-midi, je pouvais me permettre d’oublier mon douloureux présent, et enfin de me sentir chez moi, pour de vrai. Cette sensation d’appartenir à une famille, alors que j’avais totalement conscience que je n’avais rien à voir avec eux, me plaisait et me blessait à la fois. Je voulais rester là pour toujours. Ne plus jamais retourner auprès de mon cauchemar de père. Devenir une adulte convenable, entourée d’amis et d’une famille aimante. Je voulais connaître le bonheur. Mais les choses ne se sont absolument pas déroulées ainsi, et aujourd’hui je ne regrette rien. Ces rêves d’enfants étaient des idées gnangnans, tout juste bonnes à être écrites dans les aventures d’une princesse nunuches. Je n’ai jamais été plus heureuse que maintenant.

Lorsque la vieille me présenta toute la famille, elle fit allusion au grand-père, qui n’était pas présent. Je ne compris pas de suite qu’il s’agissait de l’ogre que j’avais rencontré un peu plus tôt. En réalité, je n’eus même pas le temps de faire le rapprochement qu’elle me demanda, à mon tour, de me présenter. J'adorais sa manière de m’appeler « ma chérie », comme si elle me mettait au même rang que ses petits-enfants. Cette femme débordait de bonté. Bordel, que ces gens sont détestables. Quoi qu’il en soit, bien que j’ai du mal à l’admettre, elle me plaisait énormément. Alors toute confiante, bien loin de mes pleurs pourtant si récents, je répondis d’une voix ravie :

- Je m’appelle Maud !

Puis tous ensembles, nous alliâmes nous asseoir à table, sur laquelle je posais la boîte. Là, Ginny en profita pour me prêter une peluche en forme de cheval, avec un bâton sur la tête. Une licorne. C’était pas une vraie licorne, mais pour Ginny, c’était tout comme. Un instant, je me sentis mal vis-à-vis de la petite. Elle était si heureuse, avec juste… ce jouet. A moi, on m’offrait de vrais peluches, de vrais jeux, pas des vieilleries rafistolées. Je me demandais si dans le fond, je n’exagérais pas un peu sur mon propre cas. J’étais peut-être plus aimée que ce que je pensais. Mais non, je n’exagérais rien. Je n’ai jamais aimé cet homme, ce George qui n’était pas mon père, et je ne l’aime toujours pas, bien qu’il soit mort depuis quelques années déjà. On ne peut pas aimer tout le monde, n’est-ce pas ? Alors je n’ai rien à me reprocher à son propos. Seulement, enfant, je manquais de fermeté. Mon petit cœur n’était pas encore tout à fait formé, et on pouvait y trouver quelques failles, çà et là. Les choses ont bien changé.

Alors que je souriais presque tristement à ce qui semblait être ma nouvelle amie, les lumières s’éteignirent, sans prévenir. Surprise, je sursautais, pas spécialement à l’aise dans le noir. J’avais une grande imagination, mais malheureusement pas assez joyeuse pour qu’elle crée un beau monde dans mon esprit. Non, dans le noir, j’avais peur que des esprits se réveillent, qu’ils m’engloutissent et que je ne puisse jamais en ressortir. C’était une peur que je partageais certainement avec beaucoup d’autres enfants, bien qu’à l’époque, les adultes prétendaient qu’elle était irrationnelle. Si ceux qui me parlaient ainsi me rencontraient à nouveau, je leur ferais bien comprendre à quel point ils peuvent avoir peur du noir. Et comme je n’entendais rien autour de moi, apeurée, je tentai de briser le silence d’une voix tremblante :

- Au fait, pour le colis, ça fera 300 berries.

*

Qu’est-ce qu’elle fait ? Elle est bien longue. J’aurai bientôt fini toutes mes livraisons, et elle n’en avait qu’une à faire ! Cette gamine est insupportable.

George, épuisé par toutes les commandes qu’il avait satisfait ce jour-là, n’avait ni l’envie ni la force de partir à la recherche de sa fille. Ses ouvriers le sentaient tendu, comme lorsqu’il s’apprêtait à donner des coups sur son bureau, contre le mur, ou toute surface apte à être frappée. Ses yeux tiquaient, sa mâchoire se serrait et se desserrait régulièrement, comme indice de son irritation. Il était naturellement froid, ce qui rendait ses colères bien plus impressionnantes. George était une mauvaise saison, celles que l’on craint le plus. Et comme si le non-retour de Maud ne suffisait pas, un vieil homme vint à lui, au moins aussi contrarié, en hurlant son mécontentement.

- Oh, du calme vieillard ! Qui est-ce que vous êtes ? De quelle livraison vous parlez ?

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Mer 22 Fév - 21:37



Chant et marchand


La voix retentissante sur le prix du colis eut tôt fait de disparaître car au même instant s’élevait la douce mélodie du joyeux anniversaire. Un chant presque cérémoniel où l’ensemble de la famille, sauf le grand-père pour le coup, entonnait avec plaisir cette poésie pour les oreilles. Dans l’ombre, on percevait un gigantesque gâteau avec cinq bougies qui étaient ridicules en comparaison. Au sommet, une corne de chocolat faisait vaguement penser à une corne de licorne et alors que le gâteau s’installait confortablement devant la petite Ginny, la lumière se ralluma sans crier gare avec plein de confettis et des sons stridents venant de toutes parts : c’était comme si tout le monde soufflait dans un sifflet déroulant en riant. Ginny en profita même pour le faire en direction de Maud tout en lui tendant le second tandis que la grand-mère offrait un chapeau pointu. Chloé et Ginny s’étaient déjà vues affublées du couvre-chef et semblaient limite se tordre de rire l’une et l’autre sans raison apparente.

Sous l’œil aguerri de la grand-mère, c’est Ginny qui commença à découper le gâteau… en parts plus qu’inégales. Ainsi, elle posa dans son assiette une part gigantesque tout en donnant la même à Maud, sa nouvelle amie. De toute évidence, Linedea leva les yeux au ciel : elle savait pertinemment qu’il serait impossible pour Ginny de manger tout ça… pour Maud, aucune idée, mais au moins, elle ne mourrait pas de faim avec cet « échantillon ».

La petite Ginny semblait totalement ravie de la situation et à peine eut-elle mangé la moitié du quart de sa part qu’elle n’en put plus du tout. Histoire de ne pas faire retomber le soufflé de l’ambiance et surtout d’esquiver une quelconque réprimande quant à ses yeux plus gros que son ventre, la petite poussa un long soupir et tentait discrètement de refiler sa part à sa nouvelle amie. Bien qu’absorbée par une discussion avec son fils, le regard de la grand-mère ne se fit pas prier et Linedea fixa intensément sa petite-fille dans son entreprise inespérée et pour le moins aussi discrète qu’une cocotte-minute en ébullition. L’instant aurait aisément pu être repéré par Maud et, le regard dur, s’éternisant quelques secondes, laisserait la place à un sourire sincère à l’attention des deux enfants.

Il n’en faudrait ainsi pas plus pour que le fils et la mère ne s’exclament de concert qu’il était temps d’ouvrir les cadeaux. Tous avaient déjà oublié l’intervention de la petite Maud qui cherchait sans doute à être payée : comment réagirait-elle alors qu’elle ouvrait le premier cadeau de sa sœur cadette ?

Déballant le précieux présent, elle observa un magnifique collier de pates fait à la hâte. Le prenant dans ses mains, les yeux brillants, la petite Ginny ne put retenir son excitation et sa joie. Visiblement, la petite était aussi bien trop émotive et bien trop impliquée dans toutes les relations qu’elle avait depuis toujours. Incapable de penser au mal de façon générale, tout cadeau était une bénédiction du ciel qu’elle pensait ne jamais mériter.


______________

De son côté, le vieillard fut bien vite interpellé par ce qui semblait être le gérant. Non content de sa livraison qui n’était pas arrivée, on aurait pu imaginer qu’il portait une sorte de pancarte imaginaire entre les mains tout en beuglant à qui veut l’entendre : « Remboursez ! ».


Je parle de la grenouillère que vous m’avez pas livré bande de malotrus… Ah ça pour dire oui z’êtes rapides mais quand il s’agit d’agir… Ah les jeunes de nos jours… Bon ! Maintenant que je suis là : Ma grenouillère !
Faisant teinter les quelques berrys de sa poche, il en sortit plus de cinq cents avant de reprendre une partie à chaque fois pour expliquer ce qui jouait comme geste commercial.


Bon ça c’est en moins pour la relation client… visiblement c’est pas vot’ fort ! Ça c’est pour le déplacement, faut croire que z’êtes à la masse. Ça c’est pour la lenteur du service… Ça pour le fait de m’avoir agressé et ça pour ne pas m’avoir offert de café ! Je suis client quand même !
Entre ses mains, seuls une petite vingtaine de berrys semblaient être là. Le marchandage était toujours d’actualité pour le grand-père qui comptait bien ne pas en rester là. Terminant ses comptes, il tendit la monnaie depuis le ponton pour bien la montrer tout en terminant sur sa requête ultime.


Bon ! Ça arrive ma grenouillère ?!






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Jeu 2 Mar - 17:46
Arnaque-ception
PV Nils Gratz


Raaaah ! J’étais d’un ridicule Ma voix couverte par leurs chants de joyeux anniversaire, le cône en papier qui trônait sur mon crâne comme un bonnet d’âne, ma surprise quand Ginny me siffla dans les oreilles, avant de m’offrir un bidule comme celui qu’elle tenait, le léger rire qui ne s’était pas échappé d’entre mes lèvres depuis bien longtemps, et toutes les autres niaiseries de ce genre faisaient de moi une enfant bien triste à voir. Après tout, j’étais comme toutes les autres petites filles, derrière ma violence flagrante. Je rêvais d’une famille heureuse, peut-être même d’avoir des amis et plus tard un mari. Merde. Quelle conne j’étais. I j’avais su plus tôt où mon bonheur se trouvait réellement, j’aurais perdu bien moins de temps à jouer les nunuches, et je me serais vraiment éclatée. Mais quand on n’est qu’une petite fille, on pense que les adultes sont la voix de la raison, et que notre tendance à la destruction n’est pas naturelle. Mais les adultes sont des cons. Il n’y a rien de plus normal et naturel que le désordre. Et je me fiche bien de savoir s’il est ou non juste, bien ou bon. Tout ce qui m’importe, c’est qu’il me plaise.

Mais à dix ou onze ans, j’essayais tant bien que mal de cacher ce qu’on appelait mon hyperactivité, parce que George m’aurait certainement corrigée comme il savait si bien le faire, s’il avait appris que j’avais gâché l’anniversaire d’une gamine inconnue par d’obscurs moyens. Alors je me contentais de rire et sourire timidement avec la famille de Ginny, en me sentant, plus que jamais, chez moi.

Ma joie ne fut que plus grande lorsque je vis le gâteau, dont la décoration, bien qu’elle fît pauvre à mes yeux, avait certainement été faite de bon cœur et avec amour. Ginny servit tout le monde après avoir eu la permission de découper le gâteau. J’eus le droit à une part gigantesque, peut-être plus grosse que ma propre tête. Mes yeux et mon sourire s’illuminèrent soudainement, comme si on venait de me réveiller de chez les morts. Ça, en plus des bonbons promis par l’ogre : que demander de mieux ? J’étais au paradis. Avec ça, c’était certain que je ne ferais pas de bêtises. C’était le meilleur moyen de m’appâter – de m’empâter aussi – et surtout de m’occuper. Avec toute cette nourriture, j’allais en avoir pour si longtemps que Ginny fêterait trois anniversaires le temps que je finisse. Façon de parler : j’en étais déjà à la moitié de ma part, et mon ventre était déjà plein, mais pas ma gourmandise, que Ginny, n’ayant croqué qu’une minuscule bouchée de sa part, me proposa de la finir. Avant d’accepter, je regardai e direction de la grand-mère qu’elle ne nous épie pas. Raté : elle nous lançait un œil bien sombre, sévère et froid. De mon côté, il me semble que l’acte ne me fit pas réagir : j’étais habituée à ce genre de choses, dans les moments où George me haïssait. Ses yeux, déjà d’un bleu glacial, devenaient électriques de rage. Sans compter que la vieille nous sourit avec tant de bienveillance, ensuite, que je me jetais sur la part de Ginny sans demander mon reste.

A peine eussè-je finis ma part pour entamer celle de Ginny que les deux adultes s’exclamèrent qu’il était l’heure d’ouvrir les cadeaux. Je me levais tranquillement pour aller voir ça, plutôt bien intégrée à la petite fête. Je n’oubliai évidemment pas de m’accompagner de mon assiette, dans laquelle gisaient les restes de Ginny, ainsi que d’une petite cuillère pour creuser dedans. Je regardai Ginny s’extasier d’un horrible et banal collier de pâtes. Moi, mon cadeau, il était tellement mieux. J’avais hâte qu’elle l’ouvre ! Sans cesser de m’empiffrer, la bouche pleine et le visage tâché de miettes et de chocolat jusque dans les cheveux, je tentai à nouveau de me faire payer :

-Pfnour les grechnouilles… enfin lech gadeau, ch’est… miom.. Ch’est trois chent berrijes, che crois.

*

Le vieux beuglait son mécontentement, se faisant entendre des lieux à la ronde, en menaçant George de ne pas le payer comme il se devait, pour de multiples raisons, dont certaines un peu saugrenues. Il s’agitait et s’énervait en montrant les berries qui passaient sous le nez du marchand, à cause de son incompétence. George ne tarda pas à se défendre :

- Grenouillère ?! Vous avez demandé des grenouilles équapibavères ! Il n’a jamais été question de grenouillère… !

S’il aurait dû réagir bien plus tôt à ce qu’il s’entendait dire, George ne réalisa que sur l’instant qu’il y avait une fausse note. « Grenouile équapibavère » ? Après tout, la conversation avec le vieux, à l’escargophone, avait été difficile. Il n’était pas impossible qu’il ait mal traduit ses paroles. Ajoutant à cela qu’il n’était pas expert en grenouille, le livreur se demanda d’où venait l’erreur. Il demanda à l’un de ses mousses d’aller chercher le livre de Maud dans la cabine, pour vérifier les informations lues sur la grenouille en question. En attendant, il continua, moins sûr de lui, son discours pour le vieux :

- Et puis, j’ai envoyé Maud vous livrer ! Elle devrait être arrivée depuis longtemps… A moins que…

Il enrageait déjà à l’idée qu’elle se soit arrêtée pour jouer, ou perdue ou quoi que ce fût. Cette gosse bonne à rien ne lui attirait qu’ennuis et mauvaise réputation.

Le marin revint aussitôt, le livre en main, qu’il tendit à George. Ce dernier ne prit même pas la peine d’ouvrir le livre. Il ne lut que le titre : « Bestiaire de contes et histoires fantastiques ». Sa face se crispa, ses dents grincèrent et ses poings se serrèrent. A cause de Maud, non seulement il s’était fait arnaquer, mais il était aussi en train d’arnaquer. Que devait-il faire, à présent ? Continuer à prétexter qu’il avait réussi à livrer au vieillard un animal mythique, ou lui dire la vérité ? Et que faisait Maud ?

Après quelques secondes à regarder le vide, le visage virant carmin de haine, il râla :

- Raaaaah ! Gardez votre argent, faut que je retrouve cette gamine.

Et sans plus de mots, il bouscula le vieillard en partant vers la ville, à la recherche de Maud.

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Dim 5 Mar - 11:51



De mon temps...


La réaction du commerçant fut des plus exécrables : ignorant totalement le vioque qui était pourtant encore en train de marchander, ce dernier ne demandait qu’un petit cadeau de compensation, à savoir la grenouillère qu’il avait effectivement commandée. Au moins, Nils put ranger son argent tout en haussant les épaules. Réfléchissant à toute vitesse, il se rendit compte qu’avec un peu de chance, l’homme avait pris avec lui le fameux cadeau, il l’espérait tout du moins.

Rattrapant le comparse du jour, et incapable commerçant soit dit en passant, il le héla avec tout le savoir être dont il était capable. Histoire d’en remettre une petite couche, le vioque se lancerait alors dans un monologue sur le savoir-faire des commerçants de son époque tout en indiquant le chemin jusque chez lui. Désespéré de rentrer les mains vide, il tenta tout de même de trouver un petit quelque chose sur la route.


Parce que de mon temps : quand on avait un souci, le client était roi ! Ah c’est sûr que depuis qu’on prend le client pour un pigeon, on perd en qualité… en 1478, j’avais commandé un kit de couture sur East Blue et il n’était pas arrivé dans la foulée…

Pauvre père de Maud, comment ferait-il pour garder son calme ? Risquait-il d’être énervé au plus haut point en arrivant à la ferme ? Il ne restait plus qu’à espérer que ça ne retombe pas sur la pauvre petite…

___________________



Troichant et Berichecroix ?

Ginny était totalement heureuse et amusée de la situation alors qu’elle venait d’ouvrir le cadeau de sa nouvelle amie. Deux magnifiques grenouilles se tenaient là devant elle. Sans même être rebutée une seule seconde de la vue de ces deux animaux pourtant peu banals, la jeune enfant laissa tomber la boite en plongeant ses mains à l’intérieur. Silencieuses depuis le départ, elle en vint même à faire des câlins aux bêbêtes sous l’œil inquiet de la grand-mère qui ne savait pas vraiment si les bestioles étaient venimeuses ou non. Pire encore, Nils n’était pas encore revenu et si jamais ça tournait au vinaigre, Linedea n’aurait pas été apte à délivrer un quelconque diagnostic. Les regards s’échangèrent d’ailleurs entre le fils et la mamie qui ne savaient pas trop comment réagir. Il ne reste plus qu’à espérer que le vieillard serait bientôt de retour et assez vite de préférence...

Ginny quant à elle en vint même à embrasser l’un des animaux. Attendant quelques secondes, elle se tourna finalement vers Maud avec un petit air déçu, comme si elle s’était attendue à ce qu’il se passe quelque chose. Retentant l’expérience avec le second animal, elle eut presque envie de pleurer alors que mamie éclata soudainement de rire avant d’aller réconforter la petite. Adressant à nouveau un sourire à Maud, c’était presque plus qu’un signe d’affection désormais. Il s’agissait d’une protection, en vérité, c’était un témoignage d’amour : comme si la petite Maud commençait peu à peu à faire partie de la famille.

Alors que Chloé prenait la tangente pour aller jouer avec ses propres jouets, la porte s’ouvrit finalement à la volée devant Nils, un bouquet de fleur à la main.


Joyeux anniversaire ma chérie !! Tu es une grande fille aujourd’hui !

La soudaineté de la scène aurait pu risquer une crise cardiaque si d’autres vioques avaient été présents dans la pièce. Heureusement que l’ensemble de la famille était habitué à ce genre de drama de la part du Gratz mais était-il seul devant la famille ou bien le commerçant en avait-il profiter pour le suivre lui aussi ?








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Jeu 9 Mar - 17:13
Un conte de fée
PV Nils Gratz


J’explosai de rire en entendant Ginny répéter ma bêtise mot à mot, sans même essayer de traduire. Cette petite fille, elle me plaisait. Elle était vraiment rigolote, gentille, et tout le bazar qui allait avec. J’aurais adoré avoir une sœur comme elle ; j’aurais certainement passé des heures à jouer, à rire avec elle. Si naïve et mignonne, je me sentais déjà comme une grande sœur pour elle. Je n’avais rien fait pour mériter un tel titre dans son cœur, mais je le sentais comme tel. A cet instant, mon plus grand désir était de faire les quatre cents coups avec elle, et de la protéger des mauvaises personnes, comme on le fait entre frangins j’imagine.

Puis vint le moment où elle ouvrit mon cadeau. Les grenouilles s’échappèrent de la boîte en sautillant dans les bras de Ginny, et en coassant. Quelle fierté me prit, lorsque je vis Ginny leur faire des câlins. Pour moi, c’était peut-être même mieux qu’un sourire ou qu’un merci : elle les avait déjà adoptées. En fait, j’oubliais même que le cadeau n’était pas de moi, mais du vieil homme. Quoi qu’il en fût, à cet instant, c’était un peu comme si c’était le mien. Le vieux ne s’était apparemment pas présenté, alors il n’y aurait pas de problème.

- Ce sont des grenouilles équapibavères, expliquai-je fièrement à la petite assemblée. Elles sont très rares !

Et comme j’avais tout oublié de ces grenouilles, mon discours s’arrêta là. Ginny en avait profité pour les embrasser, comme si les bestioles sortaient d’un univers féérique, et semblait en espérer un peu trop de ces deux-là. Non, les grenouilles ne se transformèrent pas en princes, ni en rien, d’ailleurs. Elles restèrent des grenouilles. Ginny me regarda, les larmes aux yeux, comme si je venais de lui faire une mauvaise farce. Prise de panique, et ne désirant pas que la petite se mette à pleurer, je me m’avançai pour la prendre dans mes bras. Mais la grand-mère me prit de vitesse, et réconforta la petite. Ce qui m’évita, par chance, de devoir lui faire un câlin.

Seulement, en m’approchant de trop près, je vis une tâche bleue sur le sol, et une goutte orange s’écraser par terre. Je ne fis pas tout de suite le rapprochement avec une possible peinture, et pensai qu’il s’agissait de l’une des particularités de la grenouille équapibavère. Après tout, d’après mes souvenirs, elles étaient quand même impressionnantes, ces grenouilles ! J’espérais seulement que la grand-mère ne remarquât pas les traces que les bêtes laissaient. D’ailleurs, lorsqu’elle me sourit, je ne pus m’empêcher d’être gênée. A chaque fois qu’elle me démontrait sa joie, aussi silencieusement qu’elle le fît, j’avais un peu plus l’impression d’être chez moi, avec elle. Là, pour le coup, j’avais un peu peur de la décevoir, et de me faire gronder.

Mais ma crainte fut bien vite décuplée, lorsqu’une ombre épaisse me recouvra soudainement, en ouvrant en grand la porte et en hurlant « Joyeux anniversaire ! ». Il ne me fallut même pas une seconde pour reconnaître l’ogre. Ni une, ni deux, je bondis de deux mètres en arrière, en criant ma peur :

- AAAAAAAAAAAAAAAH ! L’OGRE !

*

Merde, cette gamine, s’il la retrouvait, il ne retiendrait pas les coups. Putain, cette bâtarde, il ne savait même plus pourquoi il la gardait. Pour sa femme ? Cette pute, qui avait écarté les jambes pour un autre homme, sans scrupule ? Putain. Dans quel merdier il s’était foutu. Il aurait dû la renvoyer depuis longtemps, cette bonne femme. Quand elle était encore enceinte, il aurait dû le dire à tous, d’où il venait, son gros ventre. En fait, même lui ne le savait pas. Un putain d’inconnu s’était fait son épouse, et il l’avait foutue en cloque ! Merde, merde. Dans le voisinage, ils auraient tous su pour cette catin et sa mioche, et à présent il n’aurait plus à se casser le cul à les nourrir, à s’occuper de ces deux êtres encombrants et inutiles. Bordel, les femmes, ça craignait.

Voilà le genre de pensées qui habitaient George alors qu’il écrasait lourdement le pavé sous ses pieds, sur les nerfs plus que jamais. Sans compter ce vieux con, qui râlait pour une putain de commande dont tout le monde se foutait. « Et blablabla, et avant c’était mieux, et là-bas c’est chez moi. »

- MERDE, TA GUEULE !

Le marchand se retourna soudainement vers le vieillard, prêt à lui sauter dessus et à raccourcir ses jours à coup de poings. Au lieu de quoi, il n’eut que le vide face à lui. Les quelques passants lui lancèrent des regards inquiets et ne tardèrent pas autour de lui. A vrai dire, George lui-même se demanda si le vieux, en déblatérant encore un flot encore plus dense de paroles que Maud, ne l’avait pas rendu fou. Il continuait de l’entendre, comme des acouphènes qui n’en finissent jamais.

Au beau milieu de la ville, il avait tout simplement dû perdre de vue le gars, sans s’en apercevoir étant donné qu’il l’entendait encore bien après leur séparation. Il soupira pour tenter de reprendre son calme quand l’absence du vieux se fit remarquer, et continua ses recherches dans la ville, demandant à bien des passants s’ils n’avaient pas vu une petite fille d’une dizaine d’année, avec les yeux et les cheveux couleur bonbon – ce qui n’avait pas vraiment de sens. Maud ayant contourné la ville pour rejoindre la ferme, beaucoup de réponses furent négatives. Jusqu’à ce qu’il tombe sur un jeunot, d’une vingtaine d’année, qui lui donna de quoi satisfaire George :

- Ah oui, j’ai bien vu une p’tiote comme ça, en allant au boulot tout à l’heure. Bah là, voyez, j’suis censé travailler alors j’vais faire vite. Z’êtes son papa ? C’est dingue ses cheveux, sont vraiment bizarres. Et ils ressemblent pas du tout aux vôtres, ahah ! Ça vient d’la mère, p’têt’ ben. ‘fin vous m’direz, de nos jours y’a plein d’trucs bizarres. M’bon, j’disais donc que j’allais au travail, pa’ce que m’sieur Léon avait b’soin d’moi pour réparer que’ques trucs sur son toit.

George, reprit par l’impatience, explosa :

- PUTAIN ! Dis-moi juste où elle est.

Le jeune roula des yeux, agacé par la nervosité du gars qui lui faisait face :

- Baah, elle est là-haut à la ferme. En tout cas elle m’a d’mandé comment y aller. Faut pas s’énerver comme ça, mon gars.

George ne répondit que par un regard noir avant d’entamer une marche vers la ferme : décidemment, ce jour-là, tout le monde s’était décidé à le mettre sur les nerfs. Et ce, encore une fois, à cause de Maud.


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Ven 17 Mar - 12:38



La guerre des boutons


Cette fois-ci, c’en était trop. Alors certes, la grand-mère était habituée aux frasques du vieillard et elle arrivait très facilement à le recadrer la plupart du temps mais aujourd’hui, il était nécessaire de faire plus que d’habitude et le vieillard déglutit dès lors que Linedea entama son appel tonitruant.


Docteur Nils Robert Gratz !
Cette fois, il n’allait pas pouvoir s’en tirer avec de simples pirouettes ou esquives du même genre. Alors que l’ancêtre tendait le bouquet comme s’il avait oublié qu’il s’agissait du cadeau pour sa petite fille, il ne savait tout bonnement pas où se mettre. Commençant à bafouiller quelques paroles comme pour se tirer de ce mauvais pas, le vieillard remarqua finalement la petite Maud qui semblait paniquer dans son coin. La pointant sauvagement du doigt, mémé ne le laissa pas faire une seconde de plus. Saisissant le premier objet qui lui passait sous la main, visiblement un rouleau à pâtisserie qui n’avait rien à faire ici, elle martela d’abord le doigt tendu puis le crane du vieillard qui finit par demander grâce en prenant la fuite dans des cris assez peu virils. Poursuivi de très près par sa femme, chacun des mots qu’elle employait était martelé d’un coup de gourdin improvisé.


T’es. Pas. Foutu. D’en. Faire. Une. De. Bien !
Une succession de bosses apparaissaient au fur et à mesure sur le crane de Nils et alors qu’il allait tenter de trouver une excuse toute prête, il se mit à beugler en direction de sa femme.


Mais c’est sa faute à elle ! C’est elle !
La pauvre Maud n’avait rien demandé qu’elle était prise à parti. Contre toute attente, alors qu’un regard particulièrement rancunier anima les yeux de mamie envers le vieillard, Ginny explosa de rire avant de foncer sur le grand père pour tomber dans ses bras avec lui à la renverse. Le rire de la petite eut tôt fait de radoucir la vieille qui céda finalement. Ainsi protégé, Nils en profita également pour faire un énorme câlin avec sa petite-fille, c’était comme s’il était parti bien trop longtemps et même lui le concevait.

Finalement, Nils laissa le côté jouasse de la scène pour se rapprocher de la petite Maud… le plus discrètement possible, bien que cela aurait pu l’effrayer, le vieillard glissa un petit merci assez doux à la nouvelle. Elle avait parfaitement rempli son rôle et, chose promise, chose due, il glissa la main dans sa poche pour en ressortir une sucette qu’il tendit comme récompense. Malheureusement, la discrétion n’étant pas le fort de l’ancêtre, Ginny et Chloé revinrent à la charge et foncèrent sur le grand-père pour le renverser une nouvelle fois. Médecin, il se baladait en permanence avec des sucettes dans les poches dans l’optique de récompenser le courage de ses jeunes patients. La lutte ne dura quelques secondes mais le vieillard fut dépossédé de tous ses biens et c’est finalement cinq nouvelles sucettes que Ginny tendit à Maud dans un regard de bienveillance.

Soupirant, Nils rigola un bon coup avant d’avoir un instant de répit… visiblement, une poche était encore pleine et avait échappé aux deux furies. Cette dernière, dans le champ de vision de Maud, elle risquait de percevoir que le vieux cachait quelque chose encore une fois… réagirait-elle à cette vision ou bien ne le percevra-t-elle pas ?

Mamie quant-à-elle se fit un magnifique facepalm avant de se mettre un peu en retrait et de commencer à faire la vaisselle.







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Dim 2 Avr - 8:29
Avant la mort, le réconfort !
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Recroquevillée dans mon coin, je tremblais de frayeur en observant la silhouette de l’ogre m’écraser de toute son immensité. J’étais persuadée que, ça y était, c’était la fin, il allait tous nous manger ! Sans compter qu’il tendit son index osseux vers moi, comme si la Mort désignait sa prochaine victime. Oh, non ! Ce n’était pas après nous tous qu’il en avait, mais seulement après moi ! J’allais mourir, et seule en plus ! Je sentis à nouveau les larmes me monter aux yeux, tandis que je morfondais sur mon futur sort. Mais, à mon plus grand bonheur, la vieillarde montra tout son courage en prenant ma défense. Elle attrapa une arme de fortune, son rouleau à pâtisserie qui trainait dans le coin, et se jeta sur le monstre pour le marteler de coups. Elle frappait, frappait, encore et encore, prête à en venir à bout ! A cet instant, je crois qu’elle devint mon idole ; je rêvais de devenir aussi brave qu’elle.

Alors qu’elle lui faisait je ne sais quels reproches, le monstre me pointa à nouveau du doigt en hurlant que c’était de ma faute. Sans même savoir de quoi il parlait, je me redressai tout à coup, le torse bombé, vexée qu’on m’accuse d’un je-ne-sais-quoi, alors que pour une fois, j’étais plutôt sage. A mon tour, la voix pleine d’outrage, je m’exclamai :

- HE HO, CA VA PAS D’ACCUSER LES BRAVES GENS COMME CA !

Et si personne ne sembla en prendre compte, Ginny explosa de rire, et toujours surchargée en énergie, elle bondit vers le vieux pour l’agresser… ou… le câliner ? La famille était de mèche avec l’ogre ? Ou peut-être que c’était leur ogre de garde. Je penchais pour la seconde option, mais restai méfiante. Surtout lorsqu’il s’approcha de moi, avec ses bosses, son regard vitreux et sa bave qui pendait au coin de ses lèvres. Du moins, c’est le souvenir que je me suis fait de lui. Quoi qu’il en fût réellement, il s’approcha de moi d’un pas vicieux, loin du regard de ses maîtres… Agacée par ses précédentes paroles, et trouvant mon courage dans les actes précédents de la grand-mère, je m’apprêtais à lui bondir dessus, à lui mordre le visage et à lui griffer le cou lorsqu’il me tendit une sucette… Mmmmhhh… une sucette. La promise, la tant désirée sucrerie. Je l’attrapai discrètement et, regardant à droite, puis à gauche, me fondait presque au mur derrière moi avant de glisser la sucette dans ma poche. Puis, le regard sombre et suspicieux, j’acquiesçai d’un signe de tête pour lui dire que j’avais bien eu le paquet. S’ensuivit un nouveau mouvement du crâne, vers le côté cette fois, pour lui dire qu’il pouvait dégager.

Mais Ginny et Chloé avait vu l’échange, et elles se jetèrent sur leur ogre pour lui voler toutes ses sucettes. Sans qu’il ne puisse se défendre, elles lui arrachèrent presque tous ses biens, et Ginny me tendit cinq sucettes. Largement satisfaite, j’attrapai les bonbons en criant un grand « Merci ! » accompagné d’un sourire. Puis, trop pressée de les manger, je jetais dans ma bouche les six friandises, tout le pactole, pour faire de mes joues des abajoues. Mais, comme le disent parfois les vieux, on n’est jamais trop gros ! Et l’une des poches de l’ogre était pleine. C’était risqué, mais je ne pouvais pas laisser passer l’occasion. Oubliant les ordres de mes parents – « ne cours pas avec une sucette dans la bouche ! » - je bondis sans crier gare sur le monstre. Non, ce n’est pas « Gare ! » que je criai, mais j’avais plutôt laissé s’échapper d’entre mes lèvres une sorte de hurlement sauvageon, à mi-chemin entre l’animal et l’homme, en guise de cri de guerre :

- AAAAAH YAYAYAYAYAYAAAAAAAAAA !!!!

A peine arrivée sur lui, je tentais de plonger ma main dans le dernier butin lorsque, sans même toquer, un homme ouvrit en grand la porte d’entrée. De voir uniquement le bout de son museau me suffit à le reconnaître. George, plein de haine, la face et le regard vides, celui de ceux qui vous tuent de l’intérieur. Déconcentrée dans mon attaque par son arrivée, je me prenais l’ogre en pleine face et manquait de m’étouffer avec mes sucettes. Aplatie au sol, sur le ventre, les joues déformées par les sucreries, ce n’était plus la même peur qu’avec l’ogre, qui me prenait. Cette fois, c’était sérieux.

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On ne frappe pas les enfants


La situation avait dégénéré en très peu de temps. Alors qu’il pensait être remis de cette situation, le vieillard explosa une nouvelle fois de rire en entendant le cri de sa nouvelle comparse de jeu. Il semblait tout aussi heureux que s’il s’était agi de ses petites filles, il aurait même fallu se demander s’il avait pu y faire la différence. La petite Maud n’avait pas une bien plus forte corpulence que Chloé ou Ginny mais cela avait suffi pour que ce dernier réprime un soupir. Peut-être le prendrait-elle mal mais à cet âge-là, le poids importe peu de façon générale.

Nils ne chercha pas à retenir son butin bien longtemps et alors qu’il tentait de se débattre avec ferveur en chatouillant la petite pour l’embêter comme un grand-père pourrait le faire pour son petit-fils, un homme entra sans même s’annoncer dans la maison. Les yeux rouges de colère, le visage livide devant la scène très certainement. Le médecin ne reconnut pas immédiatement le commerçant rencontré un peu plus tôt et s’étonna même de voir qu’on pouvait entrer ici comme dans un moulin et il se redressa alors tout en laissant la petite Maud se saisir d’une bonne partie du butin.

Debout, Nils s’apprêtait à saluer le nouvel arrivant pour tenter de comprendre ce que ce dernier désirait. Tous les visages tournés vers lui, c’est un silence d’une poignée de seconde qui prit place. Seuls les pas lourds de l’homme qui se déplace vers sa fille rompirent alors cet état de suspension temporelle. Une certaine rage émanait de lui et alors qu’il leva le bras pour frapper la petite encore présente, la famille Gratz réagit au quart de tour. Des « Ah » et des « Oh » s’élevèrent de l’assistance alors prise au dépourvue, comme un souffle qu’on retient. Ginny tendit une main impuissante vers Maud tandis que la grand-mère retenait les deux enfants et qu’Eric détournait le regard pour ne rien voir de la scène. Nils quant à lui, avec d’étonnants réflexes qui ne permettaient pas de comprendre comment il avait pu perdre au jeu avec ses petites filles et Maud, saisit alors l’avant-bras du commerçant.

Le visage fermé, pas une once de sourire sur le visage, les yeux graves et furibonds, il venait d’empêcher le pire de se produire sur le moment. Peu de personne avaient pu voir le grand-père en colère et encore moins le voir aussi sérieux. Une volonté propre semblait faire de lui un tout autre homme. L’image qu’il donnait n’était ainsi plus celle d’un vieillard fragile mais d’un homme mûr dans la fleur de l’âge. Serrant la main pour assurer sa prise, il en viendrait presque à faire mal à celui qui s’était ainsi immiscé dans sa demeure si celui-ci n’était pas taillé comme un homme fort.


C’est sur les portes qu’on frappe. On ne frappe pas sur les enfants.

Les mots étaient cinglants. L’ancêtre détacha chacune de ses paroles pour bien insister sur chacun des points et sans lâcher prise, il continua sur une phrase simple.


Je vais vous demander de partir.

L’ancêtre n’était pas né de la dernière pluie. Il avait bien compris qu’un lien existait entre lui et Maud sans pour autant savoir lequel. Quoiqu’il puisse en être, il se doutait également qu’il ne pourrait pas la protéger éternellement et cela lui brisait le cœur. Linedea fit alors signe à Eric de l’accompagner dans les chambres avec Ginny et Chloé pour permettre à son homme de gérer la situation comme il pouvait l’entendre. Ne lâchant pas des yeux l’homme, il attendrait la réponse de ce dernier et patienterait jusqu’à ce que ce dernier quitte la maison, si jamais il souhaitait partir avec Maud, Nils ne chercherait pas à comprendre plus et accepterait mais expliquerait qu’il a pour devoir de la remercier pour son travail accompli et que Maud lui serait rendue dans une minute. En réalité, il avait bien une idée derrière la tête mais une chose était sûre : il ne laisserait pas cet individu repartir comme si de rien était de la maison avec Maud. Il lui fallait au moins faire quelque chose… il ne pouvait pas la sauver, mais il pouvait au moins lui rendre la vie plus facile…

De son côté, Linedea avait mis les enfants en sécurité avec leur père avant de descendre au laboratoire du docteur Gratz. Depuis le temps, les deux amants n’avaient plus besoin de mots pour se comprendre et c’est tout naturellement qu’elle prépara quelque chose… quelque chose que viendrait sans doute récupérer son grincheux de mari dans quelques secondes.







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Mer 19 Avr - 15:48
Retour à la réalité
PV Nils Gratz

C’était la même scène, tristement ennuyante, qui se déroulait sous mes yeux et sur mon corps. Je ne voyais même plus un homme, mais mon bourreau, qui s’apprêtait à abattre sa sentence sur moi, sans jugement ; et à côté de tout ça, les spectateurs qui s’horrifiaient, avec leurs cris fluets et leurs visages virant blême. C’était un peu un comique de répétition, sans le comique. Après, vous me direz, plus vieille ça me faisait bien marrer de faire pareil à de petits êtres sans défense. Mais c’était pas pareil : à l’époque, j’étais jeune et pleine de bonnes intentions… et naïve. Les choses avaient changé, et moi avec. Quoi qu’il en fut, George n’avait même pas levé la main que je me roulais déjà en boule, recrachant les sucettes par terre, et rampant aussi loin de lui que possible en poussant sur mes jambes. Je protégeais mon visage de mes bras, pourtant parfaitement consciente qu’il lui suffisait de tirer à peine pour que ma face soit atteignable. Entre mes doigts, je le vis lever la main haut dans le ciel, comme s’il prenait le plus d’élan possible, pour frapper toujours plus fort. Là, je fermais les yeux, comme si de ne rien voir allait diluer la douleur. Je désirais tant que tout fonctionne ainsi. Il suffisait de me plonger dans le noir, et plus de soucis, plus rien que les ténèbres et moi.

D’ailleurs, après un temps d’attente raisonnable, je ne sentis aucun coup. Mes espoirs se réalisaient-ils enfin ? J’ouvris mes paupières pour le découvrir, dévoilant mes yeux si plein d’humidité qu’une petite goutte coula sur ma joue. Je ne savais pas vraiment si j’étais déçue ou non : mon rêve d’immunité ne s’était pas réalisé, mais un miracle venait de me tomber dessus. Entre George et moi, je vis le vieil homme lever la main, retenant le bras de mon père avec force, accompagnant le geste par quelques paroles mortifiantes.

George resta immobile un instant, déplaçant ses iris tremblantes, son regard de fou, du vieillard à moi. Comme s’il ne l’avait pas entendu, comme s’il s’en foutait. Tout ce qu’il voulait, c’était me faire mal. Mais dans le fond, je savais qu’il n’avait pas été totalement insensible aux dires du vieux. Je pouvais presque entendre ce qu’il se disait, dans sa propre tête. Cette gamine, elle l’emmerderait jusqu’au bout. Il était humilié devant une famille entière, par ses propres clients, tout ça à cause de cette fille de pute. C’était ce qu’était sa propre femme, une trainée, une putain qui s’était ramenée engrossée de ce monstre. Et lui, par amour ou par bêtise, il avait accepté de garder cette gosse qui ne lui apportait que honte et emmerdes. Il ne l’avait jamais aimée. Et ça n’arriverait jamais.

Il comptait bien me faire payer cet affront, sur le chemin du retour. Alors, d’un mouvement brusque du bras, il se détacha de l’emprise du vieux. Sans lui adresser ni aucune parole, ni aucun regard, il se retourna et m’ordonna de le suivre à l’extérieur, sans plus de cérémonies. Je n’avais aucune envie d’obéir. J’avais envie de rester là, avec cette famille. Je voulais qu’ils m’adoptent, je voulais grandir avec eux, heureuse. Mais tout était beaucoup trop compliqué dans le monde des adultes. Sans compter que je n’étais pas faite pour mener une petite vie tranquille, entourée de gens aimants. J’étais pire que la peste, une sorte de tare, de malédiction que l’on supportait avec ce qu’on pouvait. Le moindre objet que je touchais, je le cassais ; et je blessais mes camarades de jeu en moins de temps qu’il ne fallait pour commencer à jouer. Quel genre de famille aurait pu vouloir de moi ? Même la mienne ne pouvait pas.

Alors, sans que le cœur ne suive, je m’étais levée en silence en séchant mes joues, et j’avais commencé à le suivre. Je me disais qu’une fois là-bas, sur le bateau, ce serait bien pire que là. Tout ce qu’avait fait le vieux, aussi bienveillant qu’il eut voulu l’être, n’avait fait qu’empirer la situation. Déjà tremblante, je suivais George vers l’extérieur. Je ralentis en passant à côté du vieillard, levant le regard vers lui, et voulus tout de même le remercier d’un petit sourire, parce que je savais qu’il avait voulu bien faire. Pourtant, je pensais déjà à ce qui m’attendait sur le navire de George. Alors je crois qu’au final, j’avais juste regardé le vieux, sans sourire et sans larmes.

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Au moins ça !


Les yeux du vieillard semblaient perdus dans le vide. Comme si le fait que l’homme se détacha de son emprise lui avait ôté une âme quelconque. Pire encore, en voyant la pauvre petite enfant passer devant lui, Nils ne comprenait simplement pas ce qui se jouait et avait bien plus qu’un simple pincement au cœur. Voir cette pauvre petite se faire traiter de la sorte, comme une vulgaire marchandise devant ce qui semblait être une personne de sa famille à la vue des ressemblances et devant du public… il ne fallait pas être humain pour voir ça. Dénaturer un enfant d’une telle façon était tout bonnement inconcevable pour l’ancêtre.

Réagissant assez vite, il expliqua en changeant de ton qu’il avait oublié quelque chose à donner à l’homme. Sans lui donner l’occasion de répondre, Nils partit en trombe dans son laboratoire ou il y vit sa femme en pleine préparation : une seringue à la main, Linedea ne réagit pas à l’arrivée du médecin et finit simplement son opération en accordant qu’un simple signe de tête au vieillard pour rester discret. Plantant l’aiguille dans une petite boule de couleur assez sombre, elle injecta un produit à l’intérieur avant de nettoyer la boule et de mettre la seringue vide de côté. Très vite, elle tendit la boule qu’elle accompagna d’un baiser pour son mari tout en lui intimant d’y aller d’un signe de tête.

Tout cela s’était déroulé très vite et c’est en l’espace de quelques secondes que Nils était revenu. Il expliqua alors qu’il n’avait pas retrouvé ce qu’il cherchait mais une lueur nouvelle ornait son visage. Approchant de la porte en dépassant Maud, il lui intima de partir comme pour l’accompagner. Une main sur la porte, une main comme pour saluer un adulte, le vieil homme ne laisserait ainsi pas partir la petite fille sans une salutation « comme les grands » ou tout du moins sans qu’elle ne se saisisse de la main du vieillard.

Un regard envers Georges de Nils lui permit de faire comprendre qu’il valait mieux le laisser faire cet au revoir. En réalité, bien caché au creux de la main de l’ancêtre, la petite bille trônerait fièrement. Il s’agissait d’un anesthésiant suffisamment puissant pour assommer un animal alors une petite fille ! La particularité de ce dernier était simplement que la jeune fille ne sentirait plus la douleur l’espace d’un instant mais elle ne tomberait pas dans les vapes pour autant. Elle serait ainsi plongée dans un état second qui la tiendrait éveillée tout en évitant de subir une quelconque douleur.

Il ne restait plus qu’à espérer que la petite comprendrait ce qu’avait voulu faire « l’ogre ». Si elle refusait de le prendre, le vieillard n’aurait d’autre choix que de le plonger dans sa poche de façon plus ou moins discrète mais nul doute qu’il ne laisserait pas partir la jeune fille sans la possibilité de s’en sortir… au moins pour cette fois.

Comme il avait pu le dire : « on ne frappe pas les enfants ».








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Dim 23 Avr - 17:49
Même pas mal !
PV Nils Gratz

Alors que mes pas, plus lourds et douloureux les uns que les autres, me traînaient lentement à l’arrière de George, le vieux m’accompagna jusqu’à la porte. Là, il me tendit la main. Pour la serrer, comme il l’aurait certainement fait avec n’importe qui. Dans ma tête d’enfant, ça me paraissait bizarre. Je n’avais jamais serré la main à personne, c’était un truc de grands. Et surtout, je n’avais aucune envie de lui serrer la main. Ni même de lui dire au revoir. J’avais envie de bondir dans ses bras, qu’il me protège dans son étreinte, et qu’il m’enlève à George. Je ne pensais même pas au désespoir que j’aurais transmis à ma mère, si mes volontés avaient été exaucées. Je voulais être heureuse, une fois pour toutes. Au lieu de quoi j’avais accepté cet adieu de mauvais goût, en lui présentant ma main fébrile. Et je sentis un truc, une boule ou je ne savais quoi, entre nos paumes. Surprise, je relevais le regard vers lui, les yeux ronds, sans vraiment comprendre. Je ne savais pas si c’était son regard naturel, ou s’il m’intimait un secret, mais l’éclat plein d’espoir dans ses yeux me convint de prendre la bille, qui, au toucher, se rapprochait plutôt de la friandise. Et, après tout, les bonbons, ça ne se refusait jamais. J’acceptais le présent sans un mot, en le serrant dans ma petite main, poing fermé.

Je me retournai sans même murmurer un « merci », encore moins un « au revoir », et ne tarda pas à suivre George qui s’impatientait.

- Dépêche-toi, je suis déjà assez en retard, ordonna-t-il d’une voix sèche.

- Oui, papa, avais-je murmuré.

« Papa », c’était dur à dire. Je savais parfaitement qu’il ne l’était pas, ni dans mes gènes, ni dans mon cœur. Mais je ne sais par quel mauvaise blague, on m’avait placée sous son aile. Je suivais un homme que je n’avais jamais aimé, et qui n’avait pas mieux fait, les poings serrés, comme si je m’étais préparée des années à l’avance à lui rendre ce qu’il m’avait donné. Les doigts fermés les uns sur les autres, je n’imaginais pas encore qu’ils serviraient un jour à faire vivre à George, l’espace d’un instant, ce qu’il m’avait fait vivre des années durant. Tel père, telle fille.

J’avais suivi George jusqu’à son navire. Pendant le trajet, je m’étais empressée d’avaler le bonbon, à un moment où il ne me surveillait pas. J’avais trop peur qu’il ne le trouve avant que je n’ai pu y goûter, et dans un sens, ça me consolait un peu, une sucrerie. Je l’avais cachée sous ma langue, le visage baissé, pour cacher la rondeur que le bonbon aurait pu dessiner sur mes joues.

Puis vint le moment où il se décida à me frapper. Aussi fort qu’il pouvait, avec autant de haine qu’il pouvait. Et pourtant, je ne sentis rien. Je le vis s’agiter, remuer dans tous les sens, comme une bête qui se serait excitée dans sa cage. Pour une fois, je ne pleurais pas. Moi, j'étais heureuse : mes rêves se réalisaient enfin. Pourtant, ça ne l’avait pas perturbé. Ce n’était pas un sadique, mais il avait besoin de taper sur la fautive, sur celle qui était coupable de l’avoir mis dans cet état. Alors il frappa encore et encore, sans même se demander pourquoi, ce jour-là, je n’avais pas hurlé et sangloté. Non, ce n’était pas tant me faire mal que se défouler, qu’il aimait. C’était à ça qu’on devinait que George n’était pas mon père.

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Lun 24 Avr - 16:40



Tristesse




C’était qui du coup ?

Son père.

Le regard dur, les yeux plissés, le vieillard avait été rejoint par sa femme alors que la petite Maud s’éloignait de la ferme familiale. Nils eut finalement un regard tendre envers la jeune enfant même si cette dernière ne lui avait même pas dit au revoir. La chance qu’il avait eue de pouvoir lui donner sa dernière friandises avait été inespéré et au fond de lui, il était particulièrement content d’avoir au moins pu la voir avaler la pilule. Soupirant un instant et arrêtant de plisser les yeux, le vieillard se retourna simplement vers sa femme qui s’étonna tout de même un peu de le voir faire ainsi.


Tu ne vas pas l’aider du coup ?

Il n’est pas possible de faire quoi que ce soit… pour le moment tout du moins.

Ça va aller ?
La question resta en suspend quelques instants et seulement un grognement fut émis par l’ancêtre tandis qu’il refermait la porte comme il aurait refermé un livre dont l’histoire l’aurait laissé sur sa faim. Se déplaçant de nouveau pour ranger un peu la ferme, les petits-enfants vinrent rejoindre le couple avec Eric. Bientôt, la scénette serait oubliée mais Ginny retrouva l’une des grenouilles qu’on lui avait données. L’attrapant vaillamment, elle se déplaça comme elle put en direction de la fenêtre la plus proche. Regardant au travers, elle chercha ou avait bien pu se cacher la petite qui était avec elle et pourtant si gentille au départ.

La journée se termina sans encombre et de façon bien plus joyeuse. Ce ne fut que lorsque le grand-père alla se coucher le soir qu’il pensa de nouveau à la petite fille. Il l’oublierait sans doute d’ici là, même si la violence de son père était comme un traumatisme pour lui. Sans doute aurait-il quelques réminiscences à terme mais au moins il pouvait dormir tranquillement ce soir : elle ne souffrirait pas, au moins une fois.






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Nils Gratz
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