J'écoutais nonchalamment les claquements de mes talons sur les pavés de la rue. Comme toujours ici, le temps était très couvert, le soleil ne perçait même pas la couche épaisse de nuages noirs. Il faisait assez froid, et je resserrais vivement le col en fourrure de ma capeline autours de mon cou. Etant donné les circonstances, une tenue sobre était de mise. Je n'était malheureusement pas venue en touriste, mais pour le travail, et c'était bien dommage d'ailleurs. En attendant le patron, je n'avais rien trouvé de mieux à faire que d'écumer les rares pâtisseries de la ville, en quête d'une gourmandise de qualité supérieure. Je suis rentrée bredouille, aucune n'a retenu mon attention. Après tout ce temps toutes ces îles visitées et toutes ces gourmandises dégustées, je devenais vraiment difficile, et ne manquais pas de le faire remarquer. Car mon entrée dans le groupe avait fait ressurgir un défaut très insidieux : l'impertinence.

Pour une raison que j'ignore, la présence du chef réveillait un moi un puissant esprit de contradiction et de malice. C'était un miracle que je m'en soit ressortie indemne jusqu'à maintenant. Je pouvais encore sentir son regard brûlant sur ma nuque, comme ce fameux jour. Il avait l'air et la manière de devenir horriblement intimidant en une fraction de seconde. En une phrase : il arrivait à me flanquer la trouille. Tellement que je me sentais obliger de discuter pour pouvoir garder une certaine contenance. Car dans notre milieu, l'assurance est une qualité primordiale à avoir si on ne veut pas finir en sushis.

Je me mis à tripoter le collier d'or et de saphir suspendu à mon cou. Un petit plaisir que je m'étais offert grâce à l'argent acquis lors des missions. Une belle pièce, tout à fait revendable en cas de panne. Mieux valait placer son fric, je risquer moins de me le faire voler qu'une bourse. Il faut dire que je n'avais pas beaucoup changé. Un peu, certes. Un visage peut être un poil plus mûre, et un tatouage tout beau, tout nouveau sur le dos. Un léopard mordant un serpent, à vous de devinez pourquoi. Sinon, je n'étais pas plus avancée avec mon fruit du démon. Trouver quelqu'un de suffisamment expérimenté pour m'entrainer était compliqué, et le chef était très souvent sollicité ailleurs. J'avais juste aiguisé mes capacités "de base", méditant les quelques conseils qu'on m'avait donné jusqu'à maintenant. Plus rapide, plus précise, un meilleur équilibre et un peu plus adroite avec les lames. Celles-ci commençaient d'ailleurs à sérieusement s'abimer, j'allais rapidement devoir trouver un armurier digne de ce nom.

Consultant ma montre à gousset accrochée à mon sac, je me mis à fixer les aiguilles en fronçant les sourcils d'un air blasé. J'étais en retard, et j'allais me faire méchamment taper sur les doigts. La rue étant en vue, je n'avais qu'à me dépêcher. je débarquais sur les lieux, ma large cape ne laissant passer que mes épais cheveux, le seul élément physique que je ne parvenais jamais à dissimuler. Il était tout simplement hors de question que je les coupe, ils étaient bien trop beaux et longs pour ça. ici, il n'y avait que peu de personnes. Une ou deux ménagères, quelques enfants blancs comme neige, et toujours des ouvriers braillards. Je repérais une silhouette encapuchonnée dans un coin, celle-ci ayant l'air très détendue. L'enfoiré. Je n'étais même pas encore là qu'il me repérait déjà. C'était à la fois impressionnant et crispant, j'avais l'impression d'être faible et ridicule à côté de lui, de sa puissance. Mais comme disait un certain "ami", ce n'était que partie remise.

Je me dirigeais vers lui en sifflotant, toute légère, aiguisant un peu plus ma vision pour entrapercevoir son visage. Mes pupilles se fendant, un sourire blasé naquit sur mes lèvres, et je m'assis sur un tonneau à côté de lui en m'exclamant d'une voix guillerette :

" Bonjour boss. Alors, vous avez fait bon voyage ? Qu'est ce qui vous amène ici ? Vous avez été bien secret jusqu'à maintenant. Puis je avoir des précisions ?"

J'esquissais un sourire amusé en découvrant sa belle estafilade. Pour sûr, il ne s'était pas raté. Mais il faut dire que chez les assassins comme chez les mercenaires, elles étaient sources de fierté. Un peu comme une médaille ou un diplôme qu'on portait à même la peau, et qui paraissait plus gratifiant qu'un simple tatouage. A l'écouter, cette bataille ressemblait à une promenade de santé pour lui. En tout cas, Ren respirait comme toujours l'assurance. A croire qu'il faudrait une tempête pour l'ébranler. Il me fixait avec amusement, avant de continuer son récit. Et d'aborder le cas de cette fameuse traitresse.

Oui, nous sommes des assassins. Oui, nous sommes dans l'illégalité la plus totale. Mais avant tout, nous sommes un groupe, et nous jurons fidélité à notre meneur. Personnellement, un vieux précepte paternel m'avait été ancré dans mon esprit. "Ton avenir réside dans le groupe, dans la communication. Ton chef est ton phare, tu dois le suivre jusqu'au bout ;" disait-il. A Trade, les mercenaires opéraient en équipes, s'organisant en guildes. J'avais longuement hésité moi-même à en rejoindre une, avant de commencer une carrière solo, pouvant viser plus haut. Et je ne m'étais pas trompée. J'avais encore du mal à croire qu'on puisse trahir le chef. Ren était pour tout le monde une sorte de point d'ancrage, un homme qu'on respecte. Ses ordres et ses règles formaient un credo immuable. Et le trahir revenait à signer son arrêt de mort.

Honnêtement, des descriptions qu'il me faisait, je n'appréciais pas cette Rei. Peut être une rivalité animale, le canidé contre le félidé. Mais surtout, a l'entendre, elle passait pour une imbécile ayant raté sa chance. Et même si, extérieurement, il était calme, je pouvais le sentir furieux. Ses yeux trahissaient sa colère et son mépris pour cette femme. Qui était-elle pour lui? Je ne pouvais m'empêcher de sentir une certaine jalousie s'insinuer en moi. Ou plutôt, un sentiment de possessivité envers tous mes camarades. Et en même temps, j'étais fière. Il me voyait déjà la vaincre, me trouvait mieux, et cela me faisait rougir de plaisir.

Attrapant le log-pose, je caressais un instant le verre, avant de le ranger dans le fond de mon sac. Puis, venant le sujet des rapports, j'ouvris la bouche, esquissant un mince sourire sous mon voile :

" Oui, la récupération d'armes à Trade et " l'autre affaire " se sont agréablement bien passées. Je croyais que cela serait pire, mais je m'étais trompée."

Exprès, je taisais l'aide que le révolutionnaire m'avait apporté à Trade. Pour une raison que j'ignorais moi-même, je ne tenais absolument pas à ce que Ren apprenne la responsabilité de Shiki dans cette escarmouche. Cela viendrait en temps venu. Tripotant mon collier, j'écoutais sa question, me tendant de plus en plus.

" Et bien... Je ne sais pas si ça compte comme accompagnée, mais... Bon, j'ai amené Zai. Tu sais, mon adorable petit matou dont je t'ai parlé ? Cela ne pose pas de problème j'espère ? Il est à l'auberge."

A ça, pour lui en avoir parlé, je lui en ai parlé. Ou plutôt gavé. Il ne l'avait jamais vu, mais il savait déjà que c'était un fier persan mâle, castré, qu'il était plus gros que la moyenne, qu'il était blanc, que son collier était mauve avec une clochette, qu'il ne se levait pas avant treize heure et qu'il regardait les gens avec mépris, sauf moi qu'il câlinait comme si ma mort était imminente. Hum... Remarque à méditer d'ailleurs. C'est à ce moment là que j'entendis des bruits. Un peu bourdonnant, très étrange. Je me retournais face à lui, le fixant d'un air interrogateur. Que se passait-il ?

Ça, ce n'était pas prévu au programme. Ren était très sérieux, et me murmura les dernières directives. J'observais les alentours avec professionnalisme. Il allait falloir faire vite. La puissance de son coup de poing me coupa le souffle. Il avait gagné en force et en puissance, c'était indéniable. Le coup souleva un nuage de poussière. Une diversion, je devais faire vite. Je courus vers une bâtisse, et l'escaladais en deux temps trois mouvements. La brume commençait déjà à s'estomper, que je sentis une balle fendre l'air, effleurant mon bras avant de se loger dans une cheminée. Je grognais, la balle ayant laissé une balafre rouge sur ma peau laiteuse. On me prenait chasse. sans même regarder derrière moi, je me précipitais sur les tuiles, sautant de toits en toits. Je me retournais derrière une cheminée, cherchant des yeux mon adversaire. Je vis du coin de l'oeil une ombre rouge, dotée d'une silhouette toute féminine. Parfait. Il allait falloir ruser.

Une snipeuse, sans doute très habile avec son arme. Passer au sol était trop dangereux, tout comme continuer sur les toits. Restait soit l'affrontement directe, soit la fuite par les habitations. Autant mélanger les deux. Tout le pouvoir de la snipeuse résidait en son arme, et j'avais clairement l'avantage sur ce terrain là. Elle devait à la fois se tenir en équilibre et viser, je n'avais qu'à la lui arracher au bon moment. Me précipitant vers elle, je me propulsais avec aisance, me rapprochant de plus en plus. Une nouvelle balle, vint à nouveau à moi, effleurant mes cheveux cette fois ci. sortant une lame, je portais un cou à sa gorge, qu'elle para à l'aide de son avant-bras. Elle me fixa avec amusement et mépris, pointant d'une main son fusil sur mon ventre. J'esquivais en vitesse le projectile, m'emparant de mes chaines. L'une d'elles s'enroula autours du canon de l'arme, que la jeune fille ne paraissait pas prête à lâcher. Poussant un grognement, je tirais fort, ma blessure lançant. Le fusil lui échappa des mains, et je le lui renvoyais dans la tête, lui portant un gros coup. Elle poussa un cri, s'effondrant sur le toit en gémissant. Je n'y avais pas été allé de main morte. Mais elle bientôt se remettre sur pied. Je détournais les talons, et me mis à courir en direction des quais.

Les habitations étant très rapprochées, je pouvais passer d'une fenêtre à une autre. Cela allait coûter aux propriétaires, mais tant pis. Je donnais un violent coup de pied dans une vitre, la faisant voler en éclats. A l'intérieur, un cri strident retentit. Sans même observer les lieux, je passais dans l'appartement, bousculant un fauteuil et renversant un guéridon. Je recommençais l'opération à chaque fois, me prenais objets et insultes au passage. Après de nombreux efforts, j'arrivais enfin sur les quais. J'entendis des fracas et du combat. Rapidement, je vis mon chef, assez détendu. Mais je ne sentis pas l'ombre derrière moi. Sans un moment, le canon froid d'un fusil vint se coller à ma tempe, sa propriétaire m'adressant un sourire moqueur. Pas assez vigilante, je sais. Mais la situation n'était pas désespérée. Je me contentais de lâcher un gracieux :

" Et merdddddeee..."

Je poussais un grognement agacé en entendant la remarque mauvaise du capitaine. Il me provoquait délibérément, impunément. Je n'étais pas décevante, je n'étais pas ratée. Qu'il ne s'étonne pas de recevoir un de ces jours un coup de genou sauvage. L'imprévisibilité des évènements d'une vie de hors-la-loi pouvait nous être profitable. Un petit rire s'échappa de ma gorge en voyant la rouge se faire dégager en vitesse. Je regardais mon chef avec amusement. Entre aller chercher un rafiot ou montrer à ces adolescentes l'énormité de leurs actions, mon choix était vite fait. Le chef n'avait jamais vu de quoi j'étais vraiment capable, il ne connaissait pas l'étendue de mes capacités. Et l'attaque de ces chasseuses me permettait de lui prouver qu'il avait bien fait de m'enrôler. J'allais faire ça vite, bien, et le rendre fier, lui en mettre plein la vue pour lui clouer le bec.

Ça commence toujours par un goût métallique dans la gorge. La vision qui se brouille, les genoux qui flanchent. Un soudain coup de chaud, le besoin impérieux d'enlever ma cape et mon voile pour laisser échapper mon pelage. Un pelage clair parsemé de tâches noires comme la nuit. Et des yeux non pas bleus, mais d'un jaune menaçant. Un rugissement bestial coincé dans la gorgé, la sensation de la bave commençant à couler entre mes crocs ivoires. Je sentais mes griffes s'allonger, mes pattes inférieurs gratter le sol, comme un taureau prêt à s'élancer en direction du toréador. Un monstre bipède pressé d'en découdre, voilà ce que j'étais. Le problème était toujours le même. Ne pas se laisser submerger par son instinct, garder le contrôle. Je ne devais pas les tuer, il y avait peut être quelque chose à tirer de ces demoiselles. J'allais juste... leur faire très très mal.

La violette ne me vit pas arriver, son attention accaparé par le combat entre Ren et la fille en rose. J'attrapais vivement son bras, profitant de ma grande taille, et l'envoyais en un éclair au sol. Écoutant avec délectation le bruit de ses os sur les pavés, mes bijoux teintant au contact de la pierre froide. Je poussais un grognement en sentant la grise sauter sur mon dos pour me faire lâcher, tandis que ma proie se débattait en me donnant des coups de pieds. Mes dents trouvèrent d'elles-mêmes le bras de la demoiselle se croyant au rodéo. Elle poussa un cri, tandis que je l'envoyais voler contre un mur. Elle le heurta brutalement, et retomba en gémissant, visiblement assommée. J'attrapais alors la tête de la violette, et l'envoyais en direction de la bleue et de la noire. La deuxième réussit à esquiver, mais la première prit la jeune fille de plein fouet, tombant sur le sol en criant des insultes.

La noire se précipita vers moi à une vitesse fulgurante, envoyant son poing dans mon torse. Je l'arrêtais de justesse, ma main tremblante sous l'impacte. Elle était forte, très forte. Je ne vis pas venir sa jambe, qui vint frapper mes côtes avec brutalité. Poussant un simple grognement, sans broncher, je mordis brutalement son épaule, lui arrachant un gémissement de douleur. La soulevant, j'ouvris soudainement ma mâchoire, la laissant tomber, haletante.

Mon regard se porta sur Ren, toujours au prise avec la rousse. Je m'approchais, et posais ma patte griffue sur la tête de celle-ci, resserrant mes coussinets sans délicatesse. Je faisais abstraction de sa présence, me contentant de fixer le chef avec sérieux.

" Décevante, hein ?" commençais-je, la voix grave et glaçante." Dois-je les laisser en vie, ou les égorger sur place ?"

En temps normal, je n'aimais pas fuir. C'était souvent synonyme de lâcheté, et je possédais un certaine fierté. Mais là, la situation tournais en rond. Le chef se mesurait de nouveau à la karatéka à la crinière de feu, et sa supérieure semblait introuvable. Je la cherchais du regard, quand je reçue une pierre dans l'épaule. Poussant un sifflement de douleur, je me retrouvais de nouveau face à la noire, lui décochant un regard haineux en posant une patte sur mon épaule. Elle se précipita vers moi, tentant une feinte près de mon flanc. Je la parais facilement, mais deux poids s'abattirent sur moi, des bras s'enroulant autours de mon cou. Je m'agitais, tentant de me débarrasser des deux filles sur mon dos, celles-ci hurlant des injonctions à l'intention de leurs camarades. Je n'avais pas le temps, nous devions partir, et seul la manière forte pouvait marcher.

Je me mis à courir à toute vitesse, portant toujours les deux chasseuses. La bleue tentait de m'étrangler, quand je me précipitais vers un mur. Me tournant au dernier moment, mon dos frappa de pleins fouet la pierre, faisant lâcher prise les deux femmes. La bleue et la grise tombèrent à terre,, inconscientes. Je me mis à escalader rapidement la façade de l'immeuble, humant l'air. L'odeur de leur capitaine était à la fois omniprésente, et pourtant absente. Soit elle était partie, soit elle s'était habilement dissimulée. De plus, le vent ne jouait pas en ma faveur. Je m'assis sur le bord, observant le spectacle en contrebas. La rousse s’entêtait à attaquer Ren, alors qu'elle était toute pâle et couverte de sueur. Ses coups devenaient de plus en plus maladroits, et elle paraissait à bout de force. Je ne comprenais pas pourquoi le combat s'éternisait. Le chef aurait déjà dû lui régler son compte.

" Dépêche toi ! On n'a pas que ça à faire !"

Je vérifiais que les deux filles de tout à l'heure étaient toujours dans les vapes, et m’empressais de redescendre. A ce train là, autant finir la noire. Elle était aussi fatiguée que la rousse, mais semblait assez teigneuse. En tout cas, assez pour me fixer avec rage et se jeter sur moi. La colère lui faisait commettre des erreurs que je m'empressais d'exploiter. Saisissant ses deux avant-bras, je l'immobilisais, la regardant s'agiter. Comme un jouet, une proie. L'eau me monta à la bouche. Je poussais un cri lorsqu'elle m'envoya un coup de tête dans le museau. Immédiatement, mon instinct reprit le dessus.

Ma tête plongea en sa direction, et ma mâchoire s'ouvrit en grand, comme un trou béant. Je lui mordis le haut du crâne de toutes mes forces, l'écoutant hurler. Pas moyen d'arrêter, de se stopper. Je sentais le liquide métallique, et entendis un cri d'effroi venant de l'extérieur. C'était toujours comme ça, comme une menace silencieuse mais bel et bien présente.

Je ne répondais plus de rien.

Nous nous étions mîmes à courir vers le bateau, quand un gigantesque trou d'eau se forma autours de celui-ci. Je m'écartais du bord du quai, bien consciente de ma vulnérabilité à cet instant. J'étais fatiguée et haletante, et je sentais mes muscles frémissant sous mon pelage sale de gros matou. C'est à ce moment là qu'un requin sortit de l'eau. Ou plutôt, une femme-requin. Elle ne perdit pas son temps, et attaqua en vitesse. La bulle d'eau qu'elle avait formé se dirigeait vers moi. J'allais l'esquiver, quand le chef la fit éclater. Des gouttes m'éclaboussèrent, comme mille et une petites aiguilles minant mes forces petit à petit.

Ça n'était vraiment pas bon. En effet, comme tout utilisateur de fruit du démon, je craignais l'eau. Mais ma nature féline amplifiait encore plus cette crainte, et je n'avais aucunement envie de mourir noyée. Il faut dire que j'avais toujours conservé une grande animosité envers les bêtes marines, et ce requin ne faisait pas exception. Une bête au sourire carnassier et moqueur, qui n'aura sûrement aucun scrupule à nous déchiqueter quand l'occasion se présentera.Je devais neutraliser cette poiscaille en vitesse.

Ren la renvoya dans la mer, éclaboussant le quai. Je voyais la femme-poisson nager en cercle, indemne. Je devais faire vite. J'attrapais mes chaînes d'une main, et de l'autre, je fis tourner un embout, me préparant à frapper. La femme poisson sauta hors de l'eau, sa gueule béante prête à me mordre et me mutiler. D'un geste vif, je lançais mon arme, l'enroulant autours de son corps musclé. Je l'envoyais dès lors valser dans les air en direction du capitaine, priant pour qu'il soit prêt.

" Ren, maintenant !" criais-je, épuisée.

Dès que l'ordre avait fusé, j'ai sauté en souplesse sur le bateau, atterrissant sur le pont en grognant. Reprenant forme humaine, je remettais doucement mes voiles avant de me poster au côté de Ren, bien pressé de partir. Cette île de malheur était désormais derrière nous, et nous voguions rapidement vers une nouvelle destination. Le capitaine pris calmement la parole, m'exposant la prochaine étape. Etape ne dépendant que de moi. Je soupirais, pensive. Il savait. Il savait quelle solution j'allais choisir, quelle conduite j'allais adopté. J'étais plus récente que les autres, mais j'avais l'impression qu'il me connaissait, lisait en moi comme dans un livre ouvert. J'esquissais un petit sourire, et ma réponse sortit d'elle-même.

" Ren, tu connais mon objectif, le chemin que je souhaite prendre. Après tout, c'est toi qui est sensé m'aider à suivre la route que je me suis tracée. Et tu seras d'accord si je te dis que me limiter aux Blues n'est bénéfique ni pour moi, ni pour mon évolution. Je veux aller plus haut, plus loin."

Je levais les yeux vers lui, plongeant mon regard dans le sien, avait de lui adresser un sourire lumineux.

" Mais si tu es prêt à me donner de telles responsabilités, alors je serai prête à te suivre jusqu'à Rough Tell s'il le faut. Je veux te prouver que tu n'as pas à rougir de moi, que tu peux me déclarer sous ta bannière avec fierté. Je te serai toujours fidèle... capitaine."

Folle ? Suicidaire ? Aucunement, ou peut être un peu des deux à la fois. Je m'étais fait embarquée une histoire palpitante, sans même savoir que cela serait la mienne.

Je resplendissais de fierté, rougissant légèrement en sentant sa main effleurer mes mèches azurées. Je le sentais, il était fier et satisfait, et c'est tout ce qui comptait. Je n'avais pas d'autres ambitions pour le moment. J'allais lui obéir, et un jour, je lui ramènerai la tête de cette traîtresse sur un plateau d'argent. Nul doute qu'il sera très content. Fixant l'horizon, je sentis le vent frais du nord s'insinuer dans mes vêtements, gonfler mes jupons et faire voler mes cheveux. J'admirais cette étendue d'un bleu abyssale, un véritable terrain de jeu s'offrant à moi, petit chaton ne pouvant même pas nager. Dire que les plus grands pirates ne peuvent même pas piquer une petite tête, ironique, n'est-ce pas ? Fermant les yeux et savourant la brise sur ma peau, je pensais à mon futur.

Grand Line, la route de tous les périls, le lieu où tous les plus grands flibustiers croisent le fer avant de continuer leur route vers le nouveau monde. Un endroit où les personnalités les plus impressionnantes, les plus effrayantes et les plus excentriques se côtoient sans soucis. A ce demander si j'avais vraiment ma place parmi eux. Une pensée me traversa par surprise. Je poussais un petit soupir, avant d'esquisser un sourire nostalgique. Lui, dirait que oui. Il dirait que rien ne m'arrêterais, que je pourrais aller jusqu'au bout. Seul compte la volonté. Et de la volonté, j'en avais à revendre. C'est simple, j'étais prête à tout pour atteindre mon but.

Soudain, j'eus une drôle d'impression, comme si j'avais oublié quelque chose. Puis, cela me revint. Mes yeux s'écarquillèrent, et je plaquais une main sur mon voile, à l'emplacement de ma bouche. Merde. Merde. J'étais une imbécile, le boss allait me tuer. Mais je devais faire quelque chose. Je me tournais vers lui, sentant déjà un filet de sueur couler le long de ma colonne vertébrale.

" Hum... Boss ?"

Il me fixa en haussant un sourcil, visiblement à l'écoute. Mon dieu, il n'allait être pas content, mais alors pas du tout. Adieu ma vie, adieu ma dignité...

" On peut faire demi-tour ? J'ai oublié mon chat à l'auberge..."

Je le regardais, complètement immobile. Puis je frissonnais en sentant l'aura d'agressivité émaner de lui, son regard brûlant se posant sur moi. Là, il faisait vraiment flipper. Puis, il se calme petit à petit, reposant son regard sur l'horizon. Sa voix sèche s'éleva, aussi cinglante qu'un fois.

" Certainement pas. J'enverrai quelqu'un pour chercher ton matou. Hors de question que l'on fasse demi-tour. Tu es priée de faire plus attention à tes affaires la prochaine fois."

Je soupirais, soulagée. J'avais échappé de peu à une exécution en bonne et due forme. Note à moi-même : Eviter de fâcher le boss.