Nadir, primé à 19.000.000 berrys

- C'est étrange...

Le révolutionnaire était arrivé là quelques jours auparavant, et il n'avait pas été interpellé par les marines. Étrange, car du haut de ses 19.000.000 berrys de prime, on aurait du lui courir après. Et pourtant, on le laissait tranquille... Sa prime était peut-être trop récente. Il l'avait reçu après avoir affronté une douzaine de marines dont un commandant, et après les avoir battu à plat de couture. Il s'était ainsi illustré en libérant au passage quelques pirates qui lui vouaient à présent un culte. Fort heureusement, il ne s'en était pas encombré, et les avait laissé sur le navire qu'ils utilisaient à présent pour naviguer et qui était arrimé au port.

Après quelques jours sur l'île, il avait pu observer quelques événements étranges... Très étranges. Une très grande partie de ses contacts aurait pu le traiter de fou, mais il était persuadé, sans savoir comment le prouver, qu'un étrange sortilège avait pris place en ces lieux. Argh, il lui fallait une autre tête pensante pour l'aider, et ce n'était pas les six imbéciles qui le suivaient qui allaient lui être d'une quelconque utilité. Ainsi, il dut se résoudre à appeler un révolutionnaire qui avait laissé son numéro ici.

Il lui demanda de le rejoindre dans une taverne où il s'assit. Avec sa race d'homme-bête, il était très facile de le discerner dans la foule. Il portait une cape marron qui lui entourait le corps, et ses mains recouvertes de plumes dépassaient à peine. Il craqua son corps, demanda un peu d'alcool et patienta... Les choses étaient vraiment bizarres ici. Les personnes parlaient normalement mais... Arf, il lui fallait parler à ces personnes, leur demander pourquoi elles étaient venues à l'origine, et comprendre. Oui, il voulait comprendre.

Nadir, primé à 19.000.000 berrys

- C'est étrange...

Enfin, l'homme-oiseau se tourna vers Shiki. Il l'observa un court instant avant de reconnaître en lui ce don caractéristiques des révolutionnaires : l'ouverture. Il s'agissait sûrement de son contact, mais il devait s'en assurer. Il se leva, et se dirigea vers lui avec un soupçon d'interrogation. Il n'allait certainement pas lui parler ouvertement de ses plans, et pourtant soudain une femme entra dans le bar et se mit à gueuler sur son mari qui se confondit en excuse. Tout le monde sembla concerné et prendre un parti ou un autre. Nadir, lui, était surpris de cette situation. Il marmonna de sorte à ce que le roux puisse l'entendre :

- Exactement comme la semaine dernière...

Il y avait un cycle. Il était là depuis huit jours et au premier jour, il avait assisté exactement à cette même scène. Il répéta ainsi les paroles dont il se souvenait comme une pièce que l'on récite ouvertement. C'était les mêmes mots, la même cadence, il s'en souvenait. Il se tourna avec un regard interrogatif vers Shiki qui, quand il était venu, avait peut-être assisté à des événements qui se reproduiraient ici.

- Tu es révolutionnaire, c'est ça ? Je suis Nadir, free-lance... J'avais besoin de quelqu'un pour parler. Quelque chose m'a semblé bizarre récemment.

Il se dirigea vers le fond du bar et laissa la scène se poursuivre. La semaine précédente, il n'était pas intervenu, et étrangement il n'avait aucune envie d'intervenir. Les choses se déroulaient comme elles devaient se dérouler. Cet homme implorerait le pardon de sa femme qui le lui donnerait. Une sombre histoire d'adultère, mais qui était encore fidèle de nos jours ? Lui-même n'avait jamais offert son cœur à une seule personne, il ne voit pas pourquoi d'autres le feraient.

Quand il s'assit, il demanda un autre verre au barman qui vint lui accorder l'alcool qu'il désirait. La boucle, la boucle, tout était si bien calibré pour certains, et pourtant d'autres choses ne se passaient pas comme sept jours plus tôt. Des marines entrèrent dans la taverne, rendant stoïque le primé qui se détendit aussitôt. Il plaça son avis de recherche sur la table et le montra à Shiki dès qu'il eut la confirmation qu'il s'agissait d'un révolutionnaire.

- Des choses étranges se passent ici. Pourquoi es-tu venu en ces lieux, à l'origine ? Demanda l'homme-corbeau.

Nadir, primé à 19.000.000 berrys
Levant les yeux vers le révolutionnaire une fois qu'il avait lu le nom sur le bout de papier, il sembla légèrement intrigué. Il n'était pas très au courant de ce qu'il se passait sur l'île, ni même sur les intrigues autour des différents commandants de la Révolution, mais il avait dans l'idée que cette personne devait avoir un intérêt particulier pour qu'on vienne la chercher jusqu'ici. Y avait-il une réponse qu'il pouvait apporter à son interlocuteur ? Certainement pas. Il venait d'arriver, comme il le précisa. Il n'était pas au courant de ce qu'il se passait, et encore moins de la présence de cette femme sur l'île. Il pensait cependant qu'il faudrait peut-être aller interroger d'autres personnes.

- Quelques personnes devraient l'avoir vu si elle a été aperçu sur l'île. Mais avec ce qu'il se passe...

Nadir réfléchit un instant. Comment formuler les choses ? Comment ne pas être confus ? Il prit une gorgée d'alcool et sentit sa gorge se chauffer. Il serra le verre au liquide jaunâtre. Finalement, il fallait qu'il parle de cet événement s'il voulait en comprendre les tenants et aboutissants.

- Tout n'est pas exactement identique, cependant les gens se comportent étrangement. Il y a des choses qui se passent exactement de la même manière avec sept jours d'intervalle... Comme si on se trouvait dans une boucle. Mais d'autres choses sont différentes.

Il n'épilogua pas. Il ne comprenait pas réellement d'où venait le problème, et ce n'était pas son rôle de sortir de cette boucle, cependant il comprenait aussi que cette île était en danger s'ils ne faisaient rien, et que c'était leur rôle de révolutionnaire de comprendre les événements qui se produisaient en ces lieux. Ils étaient là pour ce peuple qui subissait sans le savoir les affres de cette boucle.

Nadir, primé à 19.000.000 berrys
Nadir observerait les dires de son interlocuteur avec la plus grande attention. Il n'était pas révolutionnaire à se jeter dans la gueule du loup. Son caractère calme, attentif, lui laissait une grande marge de manœuvre quand il s'agissait d'étudier un terrain inconnu et de prendre des décisions. Il était cependant assez renfermé et solitaire, et faire appel à quelqu'un lui demandait de prendre sur lui. Travailler en groupe, partager des idéaux, ce n'était pas exactement sa tasse de thé. C'est pour cela que venir dans le vif du sujet sans s'attarder sur une appartenance à une Révolution quelconque lui convenait. Il acquiesça à plusieurs reprises aux paroles de Shiki, examinant d'abord ses propositions. Il avait déjà été sur cette île, c'était assez évident, et ses connaissances pourraient l'aider à trouver une solution. Plusieurs civils pouvaient détenir les informations qu'ils recherchaient, cependant le « nom » de Minako Taguel leur était peut-être inconnu. Il leur faudrait un de ses Wanteds, pour pouvoir leur montrer de qui il s'agissait. Même les primés avaient la vie dure sur Paradise, et on ne les connaissait pas partout.

- Interroger le vieil homme me semble pertinent, nous n'avons pas plusieurs jours à attendre devant nous... S'il sait quelque chose, il nous le dira.

Il s'arrêta et réfléchit à la seconde question de manière très succincte. D'un air sérieux et motivé, il répondit qu'il pourrait bénéficier de son aide dans la gestion de la situation, et que peut-être trouver cette ancienne commandante de la Révolution les aiderait à faire avancer les choses. C'était aussi une potentielle alliée dans leurs recherches, et dans la réponse qu'ils pourraient trouver à leurs questions.

- Allons voir ce vieil homme pour voir ce qu'il a à nous dire. Il crachera peut-être le morceau. Je vais juste passer à mon auberge avant pour prendre une affiche de Taguel. Si ça se trouve, son visage sera plus parlant.

Et sur ce, il vida le reste de son verre avant de le reposer sur la table et de s'en aller. Il le rejoindrait à l'endroit que Shiki lui aurait indiqué pour pouvoir parler à ce vieil homme.


Bartholomeüs, Vieil homme fou
Il était une, deux, trois heures. Il comptait les minutes, les secondes, mais quand il était trois heures pétantes de l'après-midi, le vieillard était prêt à se diriger vers l'endroit où il vendait autrefois ses précieuses informations. Il avait été un informateur de choix dans le temps, le seul de l'île ! En fait, si les gens voulaient savoir quelque chose, ils n'avaient pas vraiment le choix. Il fallait passer par lui. Adultère, corruption, caches, tout était bon à prendre, à savoir, à connaître. Ah ! Ah ! Ah ! Le vieillard se posa. Il était assis sur une caisse en bois, un peu à l'écart de l'endroit où l'avait trouvé Shiki pour la première fois.

Il tapota sur la caisse trois fois, quand il vit débarquer les révolutionnaires. Il dévisagea le corbeau et fit un sourire amical au roux. Puis il dévisagea le roux et fit un sourire amical au corbeau. Puis il dévisagea le corbeau et fit un sourire amical au roux. Enfin, il esquissa une parole bienveillante à leur égard :

- Tout ce que vous voulez savoir, je le sais. Ou je ne le sais pas... Mais apprenez la politesse ! La jeunesse de nos jours... De mon temps, tu serais en train de laver la maison entière pour te faire entrer du plomb dans la cervelle... Oh, je radote, que veux-tu, Shiki M. Eiki ?

Le vieillard sourit. Il tapota sur la caisse trois fois.

Bartholomeüs, Vieil homme fou
Le vieillard écoutait Shiki parler. Il l'écouta tellement bien qu'il en oublia ses tocs. Il aurait pourtant aimé lui demander de répéter ce qu'il disait, mais une image que Nadir sortit de sa poche l'interpella.


Minako Taguel
Il ouvrit les yeux si grands qu'on aurait dit qu'ils allaient sortir de ses orbites. Les poils sur son menton dépassaient assez pour montrer la négligence avec laquelle il se portait sur lui-même. Il lui s'approchait de l'avis de recherche et fit un signe inintéressé au Eiki lorsque les paroles de ce dernier résonnèrent dans le vide. Il baissa la main trois fois, cassant le poignant simplement. Puis il rendit le Wanted à l'homme qui le lui avait donné et fronça les sourcils malicieusement.

- Oh... Oh... Oh ! C'est elle. Je la connais. Enfin, je ne la connais pas, mais je la connais. La montagne, la montagne, la montagne !

Il pointa d'un doigt crochu la montagne. Il était obsédé par celle-ci depuis quelques jours, maintenant il savait pourquoi. Avec un regard pétillant, il finit par sauter sur place pour montrer qu'il était enjoué. Il mit une main dans sa poche et en sortit un petit médaillon, un collier qui devait renfermer une photo. Immédiatement, Nadir s'en saisit et l'ouvrit. Il y avait une photo de Fafarona Taguel avec une inscription « Mère aimante » dedans. Le révolutionnaire fronça les sourcils et tendit l'objet à son compère. C'était anormal. Il demanda comment le vieillard avait obtenu ça, et celui-ci haussa les épaules.

- C'était dans ma poche. Oh, vous savez, les vieux hommes ne sont plus écoutés de nos jours. La jeunesse, la jeunesse !

Il ne l'avait répété que deux fois. Il sembla alors retenir sa respiration, puis cracha une dernière fois :

- La jeunesse !

Enfin, il s'arrêta de parler. Puis il regarda la montagne, et descendit de sa boite. Il regarda Shiki et Nadir et leur fit signe de venir. Alors il les amena à un petit chemin qui se dirigeait vers un sentier assez inexploré, et totalement abandonné des mains de l'homme. Il n'avait pas été entretenu depuis des années ! C'était sûrement du aux révolutionnaires qui habitaient là-bas, dans les montagnes, selon les rumeurs. La marine de l'île n'aimait pas ça, mais affronter l'homme qui y était ne réservait pas que de bonnes nouvelles.

- Elle est partie par là. PAR LA ! PAR LA ! Eh, dîtes-moi, je peux vous accompagner ? Ahahah.

Le vieillard semblait enjoué, plein d'énergie et quelque peu criard. Il regardait la montagne avec intérêt.

Nadir, primé à 19.000.000 berrys, Bartholomeüs, Vieil homme fou
Le parcours dans la montagne fut un peu tumultueux, et à de nombreuses reprises il fallut aider le vieillard à passer quelques obstacles. Il était plus un poids mort qu'autre chose, et il ralentissait sans cesse les deux révolutionnaires. Certains de ses tocs revenaient lorsqu'il soulevait un caillou trois fois, pour le reposer ensuite. Au milieu du chemin, Nadir se demanda s'il ne valait pas mieux l'abandonner ici en désespoir de cause mais c'était le condamner à mort. Il devrait donc amener jusqu'en haut la bêtise de Shiki.

Alors que les deux premières heures passèrent, la voix du vieillard occupant l'espace sur des faits assez peu intéressants de tromperie, et quelques histoires sur sa jeunesse parce que « les jeunes c'est plus ce que c'était de nos jours. », une petite voix disait dans la tête de l'homme-corbeau qu'ils approchaient du but. Le soleil avait alors déjà quitté l'île, ne brillant que deux heures par jour. Et quelle ne fut pas la surprise du groupe de randonneurs en voyant débarquer, des fourrés secs, un petit escadron composé d'une douzaine de révolutionnaires, armés, qui menaçaient de leurs fusils et d'un bazooka dépassant des pierres les trois voyageurs. La lumière des torches permettait de distinguer les silhouettes qui dansaient sur les rochers.

- Identifiez-vous ! Ordonna la voix rude d'un homme.
- IDENTIFIEZ-VOUS, VOUS, MALPOLI ! Hurla le vieillard, sur un ton sénile.
- Oh... Euh... Kosck Emingue, monsieur, désolé, monsieur...
- Je préfère. Où est le thé ? J'ai envie de thé ! Préparez-moi un thé.

Et il continua d'avancer tandis que les révolutionnaires soupirèrent en baissant leurs armes, et que la plupart rentra dans une grotte cachée sur le bas côté. Sortant de l'ombre, un homme dévoila sa carrure au reste du groupe composé des deux révolutionnaires. Il était grand, et portait sur son épaule un bazooka. Vu la finesse avec lequel il le posa, l'arme n'était pas chargée.


Kosck Emigue

- Yo. Z'êtes qui vous ? Demanda-t-il en allumant une cigarette. Et vous v'nez faire quoi ici ?

Il attendit une réponse et les inviterait à entrer par la suite. À l'intérieur de la grotte se trouvait un petit camp de révolutionnaire, avec un atelier pour forger et réparer les armes, ainsi que des sources d'eaux chaudes qui étaient issues des montagnes. Ils n'avaient pas choisi cet endroit par hasard. Dans le lot, on pourrait reconnaître le mari dans le bar et sa femme qu'il avait trompé – et qui s'esquivaient comme la peste -, et Nadir tiquerait sur deux visages qu'il avait déjà vus.

Kosck Emigue
Le regard de Kosck semblait assez absent. Par moment il raccrochait sur quelques mots, mais dans l'ensemble il n'était pas passionné par ce que son interlocuteur lui disait. Avec un soupir glacial, il fit comprendre qu'il n'avait rien à faire de ce qu'on lui disait. Ce n'était pas le plus aimable des révolutionnaires, loin de là. Il avait appris durant son existence que les combattants devaient parfois faire des concession et écouter quelques discours. Ensuite, ils pourraient se battre. Quand il vit le Wanted de Minako, il fronça les sourcils mais haussa les épaules.

- Je l'ai vue, effectivement. Il y a un mois et demi, elle était sur cette île. Je ne me souviens plus exactement quand mais elle a quitté la montagne. Les marines auront peut-être plus d'infos. Quant à ce qu'il se passerait sur l'île je n'ai rien remarqué.

Il haussa encore les épaules. Les informations qu'on lui avait données n'étaient pas détaillées sur des manifestations étranges sur l'île. Bien au contraire, tout semblait se passer pour le mieux. Ils ne soulevèrent pas d'autres points et entrèrent dans l'enceinte de la grotte. La nuit allait tomber alors on leur proposa de s'endormir dans des lits de camps aménagés. Le lendemain, une échauffourée aurait lieu en ville contre des marines. Ils étaient les bienvenus à y participer.

Au coin du feu, le vieillard lança quelques blagues et quelques paroles bienveillantes. Il parla à nouveau de quelques histoires de tromperie, et faillit revenir sur l'épisode de l'auberge quand il fut interrompu par Nadir. Les deux amoureux se tenaient à présent la main. Ils s'étaient pardonnés les erreurs passées : l'homme se rendait compte qu'il aimait sa femme plus que tout, et la femme qu'elle ne pourrait tomber sur un homme qui avait autant de qualités par rapport à ses défauts. Un amour fou, un amour fort.

Le lendemain matin, Kosck lança ses troupes vers la ville. La moitié des révolutionnaires allait charger sur les lieux. Le vieillard déciderait de descendre en ville et rallongerait l'opération de quelques heures. Il était impatient de pouvoir regagner les lieux en bas. « Impatient, impatient, impatient. » comme il le disait.

- Est-ce que tu as remarqué ? Ils ont des balles à blanc, lança Nadir sur un air assez méfiant. Ils y vont pour jouer à la dînette ou quoi ?

C'était une vraie question. Si l'homme-corbeau n'était pas un expert en balistique, il était capable de distinguer des balles à blanc de véritables balles. Elles avaient des caractéristiques permettant de ne pas blesser profondément les gens. À la limite, un bleu sur le corps et c'était tout. Quand ils arrivèrent à l'orée de la ville, l'Emingue lança :

- Attaquez les marines à vue ! Faîtes attention aux civils.

Et l'échauffourée put commencer.

Nadir, primé à 19.000.000 berrys, Bartholomeüs, Vieil homme fou
Les escarmouches dans la ville se firent rapidement nombreuses. Le Colonel en charge des lieux était de toute évidence resté dans sa base, et il n'y avait que quelques marines pour entrer dans la danse ce jour-là. Les quelques heures de soleil que proposait l'île revinrent illuminer la scène d'une effroyable banalité. Si les tirs ne manquaient pas, ils allaient se ficher au niveau d'organes non vitaux et avec des balles à blanc... Des deux côtés. Ce n'était pas tant ce spectacle qui était dérangeait, mais l'esprit mécanique et presque trop parfait avec lequel il se déroulait. C'était une danse dans laquelle ni les uns, ni les autres ne cherchaient la victoire. Et pourtant, à chaque personne qui s'étalait, les esprits se galvanisaient un peu plus. Une chose était sûre : à la fin de l'opération, il n'y aurait pas de mort.

- Étrange, étrange, étrange ! Hurla le vieillard en regardant la scène et en riant à plein poumons. Ça me rappelle CETTE scène, et CELLE-ci. Oh, et une autre. Pas de morts par balles depuis... Un mois et demi. Des attaques, comme si c'était des scènes de théâtre !

Il tapota contre sa cuisse trois fois, observa les alentours et haussa les épaules. Tous les révolutionnaires à l'exception de Nadir et de Shiki avaient quitté ses côtés. Il ne s'en porterait que mieux car l'Emingue commençait à lui faire froid dans le dos avec son côté linéaire.

En réalité, plus personne n'était mort sauf de mort naturelle depuis le départ de la Taguel. Ils avaient tous été entretenus dans une sorte de cycle de bienveillance qui rendait leurs réflexes presque robotiques. Ils ne semblaient ni heureux, ni malheureux. Les quelques échauffourées étaient là, comme un épouvantail qui protège les champs. Alors que l'affrontement perdait en intensité, Kosck ordonna à ses hommes de se retirer et de rentrer dans les montagnes.

Ils abandonnèrent Shiki et Nadir sans arrière-pensée, et soudain les choses devinrent à nouveau sombre. Le vieil homme fronça les sourcils, et lança :

- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Il semblait avoir un instant de lucidité. « Que faire à présent que leur seule piste s'était avérée peu concluante sur la recherche de Minako Taguel ? », et « Où pourraient-ils trouvés de nouveaux indices ? ». L'homme-corbeau resta silencieux tandis qu'il observait les alentours. Il sentait que les deux questions étaient à présent liées, et qu'il avait tout intérêt à continuer à faire équipe s'il voulait des réponses.

Bartholomeüs, Vieil homme fou
Le risque quand on donnait un plan à un vieillard qu'on ne connaissait pas, c'était de le voir se transformer en furie si intenable qu'il ne pouvait pas se contenir. Avec un air un peu fou, un peu cinglé, il décida cependant de suivre le plan de Shiki. Quand il entra dans la base, celle-ci grouillait de marines qui enclenchaient des paperasses, qui prenaient en charge les besoins du quotidien. En réalité, plus qu'une base, c'était un lieu de proximité. Le Colonel ne possédait pas de réels locaux armés, mais des bureaux qui ressemblaient un peu à ce qu'on pouvait trouver dans les administrations, à l'exception que tous étaient armés ici.

Quand le vieil homme fut interpellé par un des responsables des lieux, celui-ci ne s'attendait pas à ce qui allait suivre.

- Oh ! Ah ! Ih ! Je suis si... Ma femme est si... Enfin, ma femme est morte, non. Euh... Mon fils, cet homme si impressionnant qui s'appelle Shiki M. Eiki est allé à la rencontre des révolutionnaires et... Il a des informations à vous donner ! Hurla le vieillard.

Bon, il avait paniqué. Il tapa du pied trois fois. Quel dommage qu'il n'ait pas compris que la situation devait jouer en leur faveur. Quand le marine entendit ça, il fronça les sourcils. Ce n'était pas très drôle mais il se devait au moins de prendre les choses en mains s'il devait différencier le vrai du faux. Après un soupir qui montrait clairement qu'il ne croyait pas en toute cette histoire, il fit venir le vieillard et son « fils » dans une salle d'interrogatoire. Il allait falloir leur demander ce qu'ils avaient appris. En fonction de Shiki, la position de Kosck sur l'île pourrait être vendue...


Nadir, primé à 19.000.000 berrys
De son côté côté, Nadir avait obéi à l'homme avec une certaine spontanéité : s'il pouvait ne pas œuvrer devant les marines, il ne s'en priverait pas. Une mission d'infiltration, c'était tout ce qu'il désirait. Quand après quelques minutes il finit par passer par une fenêtre laissée ouverte à l'arrière de la « base », il atterrit dans les toilettes où un marine lisait un journal. Il l'assomma d'un simple coup de la main et se dirigea vers la salle des archives où, selon son compère, il pourrait peut-être trouver quelque chose.

Bartholomeüs, Vieil homme fou
Alors que les coups de pieds se faisaient de plus en plus incessants, le vieillard comprit qu'il s'agissait d'un appel pour qu'il prenne la parole. Il n'avait cependant rien à dire, il ne savait pas comment il pourrait mettre les choses en avant pour qu'elles corroborent aux propos de son camarade, et c'est ainsi que de temps à autres il sortait une partie de sa liste de course. « Est-il fou ? » se demanda le marine. Il n'eut cependant pas la réponse car une bombe fut lancée : il s'agissait de la première raison pour laquelle il était sur cette île, empêcher les révolutionnaires d'agir. Ainsi le responsable remercia Shiki avant d'alerter la base sur une éventuelle alerte à la bombe. Il décrit la situation à son supérieur qui indiqua qu'il prendrait les choses en main, et que les fouilles commenceraient rapidement.

- Et pour cette histoire de boucle temporelle... Et Targoule, je ne sais pas. Jamais entendu parlé. Enfin, si, il y a une révolutionnaire nommée Taguel qui est venue sur l'île, mais je ne sais pas ce qu'elle est devenue.

Il regarda le révolutionnaire et continua à l'interroger sur les détails. Quand il reçut un nouvel appel, il laissa partir le vieillard et le jeune homme non sans noter leur déposition et les noms qu'il avait eu. Quand il se présenta sous le nom de Bartholomeüs, le vieil homme sembla surprendre le marine qui, insidieusement, commençait à faire travailler ses méninges en partant. Il n'arrivait cependant pas pour le moment à se rappeler de qui il s'agissait.


Nadir, primé à 19.000.000 berrys
Plus loin dans la base, la discrétion de l'homme-corbeau était parfaite et il parvint sans problèmes aux salles d'archives. Regardant la configuration, il vit que chaque événement était daté, et que les pièces conservées continuait jusqu'à aujourd'hui. Pas de « boucle temporelle » ici. Se saisissant de plusieurs objets qui dataient de la semaine précédente, il nota que les rapports étaient succincts. « Pas de victimes. »... Et la semaine d'avant ? « Pas de victimes. ». Celle encore d'avant... « Pas de victimes. ». Et cela continuait jusqu'au moment où le nombre de victimes commençait à se faire voir. Était-ce l'indice qu'il recherchait ?

Ouvrant la boite, il entendit les marines se précipiter dans les couloirs de la base improvisée. Il saisit le carton et alla se terrer dans un coin où il ne serait pas visible depuis l'entrée. Il l'ouvrit. Il y avait dedans un audio-dial, ainsi qu'un escaméra endommagé qu'ils pouvaient peut-être faire réparer. Le plus intriguant de tout était une lettre laissée dans un sachet. Dessus, il y avait marqué quelques informations qui pourraient intriguer Shiki, mais soudain l'homme-corbeau se rigidifia. Ce qu'il lut lui donna les sueurs froides, et il eut du mal à se relever. C'était donc cela, cette « boucle temporelle »...

Se hissant, il se dirigea vers la porte qu'il ouvrit à moitié. Plus personne, la base semblait être vide. Il allait pouvoir en profiter. Prenant la caisse avec lui, il sortit des archives et se dirigea vers l'extérieur, derrière la « base ». Il allait pouvoir retrouver Shiki, et les explications commenceraient peut-être à poindre.

Nadir, primé à 19.000.000 berrys

- Malheureusement, ce n'est pas de notre ressort. Si Taguel était derrière nos geôles, tout le monde le saurait, s'enquit de dire le responsable avant de partir.

La primée aurait été un enjeu pour les marines de Berk Town qui se seraient immédiatement affichés comme le fer de lance de la justice locale. Capturer des primés avait le don d'effrayer ou de rassurer la population, en fonction de la manières dont les choses se déroulaient. Cependant, les primes récentes ne figuraient pas sur les murs qui, au fur et à mesure du temps, semblaient avoir perdu quelques affiches. On n'observait ainsi que les anciennes primes du phœnix et de ses camarades, alors que de plus récentes avaient émergé. On aurait dit qu'une sorte de pacifisme fou avait pris ces hommes et femmes de Berk Town. C'était assez étrange, car plus rien n'évoluait depuis un mois et demi sur cette île, c'était là une constatation que glissa le vieux fou tandis qu'il suivait Shiki.

Lorsqu'ils arrivèrent au niveau de l'endroit où ils devaient se réunir, les deux révolutionnaires purent échanger leurs informations, à commencer par la question que le Eiki avait posée. Un regard franc sur le visage, l'homme-corbeau hésita cependant. Il finit par céder, car il n'avait pas d'autre option que de donner les objets à cet homme. Peut-être qu'il en ferait quelque chose. En tout cas, lui avait terminé sa mission ici.

- Je te conseille d'être très attentif à ce qui est là-dessus.

Il y avait une lettre, écrite sur un bout de feuille sali par des tâches de café. C'était un précieux parchemin, à n'en pas douter, d'autant plus précieux qu'il contenait des informations sur la situation de l'île... Très certainement. Shiki allait pouvoir le lire. Ainsi étaient les mots qui figuraient sur le papier :

« La bataille a été rude, et je l'ai perdue.
Oh, je l'ai vraiment perdue celle-ci.
Maman aurait honte de moi, si elle était encore de ce monde.
Ils sont arrivés de nuit, et sa voix a résonné dans toute la ville.
J'étais trop loin dans les montagnes, mais il est monté ici.
Le vieux Fou qui les accompagnait était de mèche depuis le début.
Bientôt, je serai sous son contrôle.
Si quelqu'un trouve cette lettre, prévenez les autres : Berk Town est perdue.

Minako. »

Bartholomeüs, Vieil homme Fou
Un PS semblait avoir été écrit, mais le reste de la lettre avait été déchiré. Tout à coup, le son d'une arme qui s'enclenche retentit aux côtés de Shiki et vint se coller contre sa tempe. Le vieillard avait arrêté de courber le dos, et il s'était fait froid. Avec un air fermé, il appuya la pointe de l'arme contre le gamin qui se prétendait révolutionnaire. Il avait assez joué, assez joué les vieux fous, assez joué à celui qui sait tout. Cette preuve, elle n'aurait pas du se trouver là. Un marine avait du la ramasser par un concours de circonstances et la stocker. Rien, rien n'était censé leur dire ce qui se déroulait sur cette île, et plus ils s'approchaient d'une vérité, plus il leur vendait une autre.

- Nous avons un problème, Shiki M. Eiki. Nous allons devoir rejoindre notre Seigneur pour que vous compreniez, fit-il en prenant un autre pistolet et en tirant directement sur Nadir qui reçut la balle au niveau du ventre. Je n'avais plus besoin de lui. Allez, suis-moi. Ou meurs.

Bartholomeüs, Vieil homme Fou
Le vieillard était un fou qui comprenait de toute évidence à peine ce qu'il engendrait. Il avait pourtant pris un œil vif à présent, et les masques étaient tombés. Le rôle qu'il s'était attribué n'avait plus de raison d'être, et il semblait s'amuser à en garder pourtant certains traits. Il dut s'y reprendre à trois fois pour tapoter sa ceinture. Sans même adresser un regard à Nadir, il poussa Shiki sur la tempe lorsque celui-ci recommanda des soins d'urgence. Peu importe s'il mourrait, on ne lui donnerait pas de blâme : les révolutionnaires n'étaient pas d'une importance capitale pour les plans sur cette île. Ceux qui comptaient avaient déjà changé de camps.

- Qui est derrière tout ça ? Qui est derrière tout ça ?! QUI EST DERRIERE TOUT CA ?!

La phrase s'amplifiait mais il gardait son arme braquée. La question était stupide. Il n'y avait qu'un seul Seigneur, qu'un seul homme derrière tout ça. Fronçant le regard, il finit par laisser tomber. Autant expliquer la conception du monde à un enfant, il n'y comprendrait rien. Il valait mieux garder le silence, relancé par une nouvelle question à laquelle il céda, et répondit :

- Stopper le temps, quelle drôle d'idée ! Où t'es-tu cru ?! Ah la la...

Il soupira et son soupir fit baisser légèrement son arme. Il y avait une ouverture, une brève ouverture que le Eiki pourrait s'empresser de saisir. Si tel était le cas, alors le vieillard reculerait d'un bond habile et tirerait sur le sabreur pour créer une distance entre lui et sa cible. Les balles étaient simples, et semblaient avoir pour unique but de blesser. Sévèrement.

S'il continuait de marcher, alors ils se dirigeraient vers les montagnes, à nouveau...

Bartholomeüs, Vieil homme Fou
Ils étaient arrivés au milieu de nul part. C'était là, se souvenait le fou, qu'ils avaient pénétré sur l'île. Tirant son escargophone, il activa l'appel. Quelques instants insoutenables passèrent avant de trancher sur le sort du Eiki. Une voix résonna à l'autre bout du fil, féminine mais ferme, pas troublée, un peu enfantine.

- Qu'y a-t-il, Bartholomeüs ?
- Je... J'ai quelqu'un pour le seigneur. Un petit sabreur qui a découvert la vérité sur l'île... Je...
- Tu m'appelles pour ça ? Tiqua la personne au bout du fil. Ne crois-tu pas que Centes a mieux à faire ? Fais ce qui est nécessaire. Tue-le s'il le faut, mais ne lui en parle pas.

La voix raccrocha tandis qu'il observait le blessé léger. Il lui jeta un air de dédain, mais n'appuya pas encore sur la gâchette. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il n'aille colporter la rumeur de ce qu'il se passait en ces lieux, avant que la marine ne débarque en grandes pompes et lui prenne ce lieu. Il ne le supporterait pas, il ne l'accepterait pas. Braquant son arme en direction du jeune homme, fermement, il hésita à tirer. Bah, il avait signé pour l'obéissance, il pouvait aussi signer pour le meurtre. Il avait déjà abattu un homme, pourquoi pas un deuxième ?

Avec un tir précis, il pourrait arriver à ses fins. Il ne devait pas se louper. Il n'était plus tout jeune, mais son niveau d'expertise en balistique restait excellent. Il allait le tuer... Il ne se louperait pas.

Un tir partit. Le Eiki pouvait aisément l'esquiver, sentir le besoin de s'échapper. Il n'était plus contraint à présent que les paris étaient terminés sur la situation de l'île. Qu'importe ce que c'était, s'il voulait la vérité, il devrait l'arracher à la folie de cet homme. Lorsque la première balle fut tirée, une salve suivit, comme pour faire danser l'épéiste. La douzaine de projectiles vint se ficher dans le sol, jusqu'au moment où il dut recharger. Il était rapide pour cela mais il se mit en mouvement pour éviter de devenir une proie trop facile.

Son côté prédateur... Il n'avait jamais réussi à réellement s'en départir.