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Edward Lawrence
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Ven 29 Déc - 23:48





Une île de West Blue ~ Milieu 1504





Ainsi, ils continuèrent leur labeur inlassablement : ces deux semelles qui venaient aplanir l’étendue granuleuse de chacuns de leurs pas. Ces pieds qui foulaient cette surface immaculée, vide de fraicheur et même de vie, finalement. Le vagabond continuait d’errer sous le soleil cuisant qui venait s’échoir de part et d’autre. Et toujours rien à l’horizon, absolument rien : le néant. Pas même, ne serait-ce qu’une lueur d’espoir qui viendrait rafraichir le champ de vision de l’homme désœuvré. Rien n’y faisait : le bout du tunnel qu’il arpentait depuis de nombreux jours semblait inatteignable. Peut-être même n’existait-il pas. Quelle horrible éventualité.

Dépité par l’espoir qui s’évaporait en même temps que mes forces, je me forçai à poursuivre mon épopée. C’était un mal nécessaire pour atteindre mon but ultime. Bientôt, une oasis viendrait abreuver mon corps qui baignerait dans ce nectar si doucereux que l’on nommait « rêves ». Et cela ne pouvait être une chimère ! J’étais persuadé qu’elle me tendait les bras, là, quelque part… La fameuse, ma précieuse, destinée qui se faisait désirer depuis maintenant si longtemps... Mon visage se crispa douloureusement. Il n’y avait que du sable autour de moi et ma gorge demeurait si sèche… Mes tourments se faisaient de plus en plus insistants, de même que cette chaleur suffocante. Était-ce donc là mon jugement ? Était-ce là ma punition pour la vie de pécheur que j’avais mené jusque-là ? Impossible… je ne pouvais me permettre d’abandonner maintenant, pas après tant d’efforts, pas après avoir traversé tant d’épreuves.

Mais les dunes semblaient se multiplier à l’infini, comme si elles émettaient secrètement le désir d’envahir les océans de leur sécheresse. Mes jambes titubèrent. Bientôt je n’aurais plus la force de continuer. Bientôt mon voyage toucherait sans doute à son terme. Bientôt, je me laisserais moi aussi choisir dans ce désert. Et enfin, je trouverais le repos parmi mes futurs semblables : ces petits grains de sable. Un rictus de désespoir tordit mon expression faciale. Il me semblait entendre des voix. Sans doute, ces milliers de granulés qui m’appelaient et me quémandaient de les rejoindre pour une ultime sieste en leur compagnie. La fin n’avait jamais été aussi proche.


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Sam 30 Déc - 11:03


De la poudre aux yeux
En cette belle fin de matinée, le soleil tapait particulièrement fort. Massy, qui faisait une sieste, avait mis son habituel chapeau de paille pour s'en protéger. Bell et Erik, eux, scrutaient vainement l’horizon à la recherche d’une île précise. Cela faisait environ un mois que les pirates n’avaient pas touché terre. Ils commençaient sérieusement à manquer de provisions puisqu’il leur restait à peine de quoi subsister deux ou trois jours. Heureusement, leur navigateur finit par repérer à l’aide de sa longue-vue l’endroit tant convoité. Il s’agissait d’une petite île marchande du nom de Greenfield. D’après le vieillard, cette dernière vivait de ses échanges de fruits et légumes bien frais qu’ils cultivaient sur leurs terres fertiles. Elle était aussi connue pour son eau de source d’une pureté rarement égalée. En bref, c’était l’endroit parfait pour se ravitailler.

-« Bravo vieux débris, t’as réussi à nous y conduire ! » Le félicita la femme médecin. « Moi qui croyais que tu nous menais en bateau ! »
-« Il y a une seule chose pire que ce jeu de mots. » Lui répondit-il. « C’est le fait que tu oses douter de mes capacités ! »
-« Oh, vous n’allez pas commencer vos chamailleries maintenant… » Leur dit le musicien, lassé, en se relevant.

Comme prévue, ils accostèrent sans encombre sur la terre promise. Plus précisément sur une énorme plage de sable fin, elle s’étendait si loin qu’on aurait presque pu croire qu’il s’agissait d’un désert. Enfin, ça aurait pu être le cas si on ne voyait pas les vergers verdoyants au loin. En tout cas, les forbans quittèrent le navire et se mirent en route vers les arbres fruitiers. Le village où ils pourraient faire leurs courses devait probablement se trouver à côté. Toutefois, ils s’arrêtèrent après cinq minutes de marche environ. En effet, Bell avait repéré quelque chose du coin de l’œil.

-« Attendez, c’est moi ou il y a un type étendu sur le sable là-bas ? » Fit-elle remarquer.
-« Maintenant que tu le dis… » Marmonna son ami bretteur. « Oui, il y a bien un vagabond au sol, et il semble mal en point. »
-« Allons l’aider ! » S’exclama la tireuse en se précipitant à sa rencontre.

Massy l’accompagna plus pour assurer sa sécurité que pour aider la personne à terre. Erik, qui n’en avait franchement rien à faire, resta planté là en attendant leur retour. Une fois au niveau de l’homme, le médecin de bord constata avec surprise qu’il mesurait bien dans les trois mètres de haut. N’y prêtant pas trop attention, elle le mit sur le dos avec l’aide du sabreur, puis plaça sa tête sur ses genoux. Le diagnostic fut sans appel, il était hautement déshydraté. La tireuse saisit alors sa bouteille d’eau et la plaça sur les lèvres du malheureux avant d’en verser délicatement dans sa bouche.



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Sam 30 Déc - 11:44





Une île de West Blue ~ Milieu 1504





Mes genoux vinrent embrasser les granulés embrasés de la chaleur ambiante. Je n’avais plus la force de continuer. Ma vision était devenue floue et autour de moi l’air semblait danser près du sol. Et puis, le monde se mit à tournoyer, me faisant perdre mon équilibre. Mon ventre heurta le sable et mes orbites oculaires roulèrent. J’eus une ultime pensée pour ces nombreuses promesses que je n’avais pu tenir et ma conscience se déroba pour de bon.

Et puis, sans doute bien plus tard, je pus sentir l’œuvre des envoyés du ciel lorsque mon enveloppe charnelle fut secouée. Les anges tentaient sans doute d’arracher mon âme à sa coquille terrestre. Finalement, c’était donc le paradis qui me tendait les bras ? C’était surement une bonne chose, pourtant, je ne parvenais pas à m’en réjouir. Où était donc le fameux chant angélique qui devait accompagner mon avènement aux cieux ? Étrange.

Et puis, je crus l’apercevoir, cette vive lumière qui m’éblouissait de tout son éclat. J’étais donc bel et bien mort ! Bizarrement, je n’avais senti aucune douleur, aucune souffrance, juste un état de paix incroyable. Pourtant, j’étais quelque peu déçu par la sensation que je recherchais. Je me sentais lourd, pataud. Où était ce sentiment de liberté ? N’était-ce donc pas l’émotion qui devait me dominer une fois débarrassée de ce qui m’enchainait à la terre des mortels ? Finalement, j’avais cette impression de m’être fait avoir. L’amertume se mettait à envahir mon cœur.

Et puis, ma tête fut soulevée afin d’être apposée un peu plus en hauteur, sur quelque chose que je ne parvenais pas à identifier. Peu importe, finalement, cela ne changerait rien à la vie que je m’apprêtais à mener après ma mort. Pourtant, un liquide frais vint agresser ma peau asséchée et tenta d’envahir ma bouche de sa robe désaltérante. Mes yeux s’ouvrirent d’un coup, fusillant tout ce qui pourrait entrer dans leur ligne de mire. Ma poitrine se cambra et mon cou roula sur lui-même. Un spasme rauque me tordit, expulsant quelque peu cette infâme gorgée que l’on m’avait forcé à boire.

« Bwwarg ! ça brule ! Bwaaaaaarg ! Du poison ! Arrière, suppôt démoniaque ! Laisse-moi vivre en paix ! »

Et puis je tentai de me redresser brusquement. L’on m’avait attaqué, quelqu’un me voulait du mal. Un poison m’avait été administré, j’allais mourir. Un désespoir sans nom déforma les traits de mon visage. Pourquoi tant de haine ? Qu’avais-je donc fait pour mériter pareil châtiment, au juste ? Mais il était trop tard. Le poison s’était répandu. Croyant émettre mes derniers souffles de vie, je sombrai une nouvelle fois dans l’inconscience.


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Sam 30 Déc - 15:12


De la poudre aux yeux
Massy était partagé entre ressentir de la pitié envers cet homme ou se frapper le front en soupirant bien fort. Finalement, il opta pour la deuxième solution. C’était dire à quel point cette scène était surréaliste. Le vagabond, qui paraissait à l'article de la mort à peine cinq secondes avant, venait de se relever d’un bond en repoussant Bell et sa bouteille. Tout ça en la traitant de « suppôt de Satan » et en paniquant comme si elle l’avait empoisonné ou quelque chose du genre. Le pire, c’est qu’il croyait vraiment à cette histoire d'empoisonnement si on en jugeait par le fait qu’il faisait désormais le mort. Ou bien était-ce là une façon de les éloigner, comme le faisaient certains marsupiaux avec leurs prédateurs ? Enfin, quoi qu’il en soit, cette personne n’était pas très douée pour jouer la comédie. Cela se voyait à des kilomètres qu’elle n’était pas tombé dans les vapes.

-« Oh, le pauvre ! » Le plaignit le médecin. « J’ai dû verser l’eau trop brusquement… »
-« Ou bien, ce type va très bien et il se fout tout simplement de nous ? » Proposa le musicien, lassé.
-« Massy ! Il est évident que ce pauvre homme est en train de délirer, voyons ! » Le disputa la jeune fille. « Allez, aide-moi à le porter à l’ombre ! »
-« J’ai la flemme de t’aider » Soupira le maudit.
-« Quoi ? » S’étonna la tireuse. « Tu sais très bien que je ne peux pas le soulever seule ! »
-« Ce n’est pas mon problème. » Répondit-il en faisant un grand sourire.

L’homme kangourou prit alors sa forme hybride avant de saisir le délirant. Il le jeta ensuite sur son épaule tel un sac à patates avant de se diriger vers le verger. Les longues jambes du malheureux traînaient continuellement au sol, laissant des traces ininterrompues de leur passage sur le sable. Bell les suivit de près et lança un long regard interrogatif à son ami bretteur qui lui répondit, l’air de rien : « Bah quoi ? Je n’ai jamais mentionné quoi que ce soit à propos de ne pas le porter tout seul. »
-« Je déteste quand tu me taquines comme ça… » Soupira la concernée, habituée.
-« Vous vous décidez enfin à bouger ? » S’enquit Erik, impatient. « Ce n’est pas trop tôt ! »



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Sam 30 Déc - 17:17





Une île de West Blue ~ Milieu 1504





Et puis les paroles des deux acteurs concernés par mon sort se heurtèrent sur deux avis différents : l’un semblait me considérer comme un vulgaire imposteur et l’autre était une femme aux pensées plus douces et plus pures. Mon corps finit par être trimballé afin d’être hissé sur le dos de celui qui semblait me manifester une certaine animosité.

Chaque pas esquissé par mon porteur désigné semblait faire vibrer tout mon monde, me contraignant à reprendre peu à peu conscience. Mes pensées étaient encore confuses, pas aidées par la chaleur qui continuait à me taper sur le système. Alors, mes yeux qui peinaient à s’entre-ouvrir me détaillèrent les contours inhabituels de la « chose » qui me portait sur son dos. C’était un monstre. Les gouttes de transpiration continuaient à perler sur mon front tout comme le monde continuait à chanceler. Un nouvel air de désespoir se dessina ensuite sur mon visage. J’avais compris. Et surtout j’avais échoué.

Les portes du paradis s’étaient refermées dès mon approche, flairant sans doute le poids incommensurable de mes péchés. Les gardiens de ces lieux enchantés m’avaient tout simplement refoulé. Et ainsi avait débuté mon inlassable chute vers les enfers. Cette terre brulée et dénuée de vie en était le symbole. Et que dire cette créature difforme qui me portait vers des contrées plus obscures ? Évidemment, c’était un démon. Un des envoyés du prince de l’enfer qui voulait me voir damné pour l’éternité. Ces gens étaient en train de m’ôter ma liberté. Un crime impardonnable.

« Qu’est-ce que… ? Là-bas… C’est… la ville… »

Ma voix désœuvrée, asséchée tenta tant bien que mal de se frayer un chemin parmi l’aride corridor qu’était ma gorge. Et pour cause : des prémices de verdure commençaient à apparaitre non loin de notre position, bercée le brouhaha des conversations, prouvant la présence de l’humanité en ses lieux. Et mieux encore, la présence de la vie. Mes yeux s’ouvrirent et mon cœur s’emballa : je touchais finalement au but. Alors, d’un geste soudain, je me désarçonnai de ma monture et m’écrasa lourdement au sol. Puis je tentai de me redresser sur mes membres postérieurs avant d’entamer une course folle vers la source de ma convoitise. Ce ne fut qu’à cet instant que je me rendis compte de ma situation précaire, physiquement parlant. Je ne tenais plus debout. Mes dents supérieures vinrent pourfendre mes lèvres et mon poing vint s’abattre rageusement sur le sable qui me brulait déjà de sa peau morcelée. Il était hors de question d’échouer si près du but. Alors, puisant dans mes dernières forces, je tentai de ramper vers la verdure qui m’appelait, me tortillant tel un serpent. Enfin, un cri désespéré vint accompagner ma folle initiative.

« Elle est enfin là ! Celle que j’ai cherchée pendant si longtemps… tant de souffrances endurées… POWDER ISLAND !! »


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Sam 30 Déc - 19:27


De la poudre aux yeux
Alors que Massy portait tranquillement le délirant, ce dernier se mit à se débattre comme un fou, tombant par terre. Une fois au sol, il hurla quelque chose à propos d’une île avant de se mettre à ramper en direction de la ville. Là encore, le sabreur fut devant un choix cornélien : laisser cet homme traîner sa pauvre carcasse jusqu’en ville, ou le remettre sur son dos et continuer son avancée. Bien sûr, le choix était vite fait. Il le laissa ramper jusqu’à la terre promise. Enfin, il aurait bien aimé, ça lui aurait évité des efforts inutiles. Toutefois, le musicien n’était pas vache à ce point-là. Il entreprit donc de remettre le vagabond sur son épaule. Ce dernier se débattit alors comme un damné, semblant effrayé par quelque chose. De ce fait, il retomba lourdement au sol une fois de plus, mais même après ça, il ne s’arrêta pas de bouger. Le malheureux semblait bien décidé à se rendre au village pour une raison ou pour une autre, mais le maudit n’y faisait pas trop attention. Il était trop occupé à se demander pourquoi cet homme pourrait avoir peur de lui.

-« Arrêtez monsieur ! » Lui demanda Bell d’une voix suppliante. « Il est évident que vous ne pouvez pas vous rendre en ville tout seul... Nous ne vous voulons aucun mal, je vous le promets ! Alors, laissez mon ami vous porter, s’il vous plaît. »
-« Ah, je sais pourquoi il m’évite ! » Comprit l’épéiste. « C’est parce que je ne me suis pas douché depuis un mois ! »
-« Tu le fais exprès ma parole… » Soupira le vieillard. « C’est parce que t’es un monstre mi-humain mi-kangourou de deux mètres de haut… »
-« Ah… » Réalisa-t-il, soulagé. « C’est vrai que j’ai tendance à oublier ça lorsque je me transforme… Principalement parce que je ne me sens pas si différent que ça en fait. »
-« Mais vous allez vous taire à la fin ?! » S’énerva le médecin de bord. « Vous ne voyez pas que j’essaye de convaincre ce pauvre homme que nous ne représentons pas une menace pour lui ?! »

Penauds, ses compagnons se turent et reculèrent de quelques pas pour lui laisser de la place. Soupirant pour la énième fois de la journée, la jeune fille se baissa au niveau du malheureux et posa la main sur sa joue avant de lui demander : « Comment vous sentez-vous ? Vous voulez quelque chose ? J’ai de l’eau, si vous avez encore soif. Et quelques biscuits secs, si vous avez faim. »



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Sam 30 Déc - 20:11





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J’avais du mal à le croire tant mon odyssée s’était prolongée, tant mon périple avait été tumultueux avant mon arrivée en ces lieux sacrés. Powder Island, l’île de mes rêves enfouis. Un sentiment d’extase faisait frémir mon corps tout entier tandis que mon cœur palpitait d’excitation. Tant de possibilités s’offraient à moi en un tel endroit. Et ce fut ainsi que je m’agitai encore plus, me hâtant de humer l’odeur de l’herbe fraiche qui tapissait le sol à quelques mètres devant moi. Pourtant, je fus stoppé net dans mon élan par une voix féminine qui me demandait de m’arrêter. Pourquoi voulait-elle m’empêcher de faire de mes rêves une réalité ? Ridicule. Pourtant, elle poursuivit son discours, tentant de me convaincre de ses bonnes intentions à mon égard. Puis, sa voix fut couverte par celles de ses comparses. Non, je ne devais pas m’attarder ici plus longtemps… encore quelques efforts ! J’avais l’impression de voir le bout du tunnel, il ne fallait pas baisser les bras maintenant.

Pourtant, la jeune femme s’énerva. Pas contre moi, mais contre ses compagnons de route. Et après tout, si elle disait la vérité lorsqu’elle évoquait ne pas me vouloir de mal ? C’était une possibilité. D’ailleurs, je ne comprenais pas pourquoi je me méfiais de ces individus : ils ne représentaient pas le moindre danger pour moi, bien au contraire… L’autre point à considérer était l’état de mon corps : je semblais trop affaibli pour pouvoir entreprendre quoi que ce soit avec succès. À bien y réfléchir, mon paradis se trouvait juste là, devant moi. Il n’allait pas se sauver. Je ne perdrais qu’un peu de temps à me reposer quelque peu en leur compagnie finalement.

Un sourire satisfait se dessina discrètement sur mon visage : j’avais visiblement retrouvé un peu de mon aptitude à mener un raisonnement censé et pragmatique. Le glas de ce voyage infernal avait donc sonné. J’avais finalement réussi. Je me tournai donc vers la jeune femme qui s’était abaissée à mon niveau. Sa main vint s’apposer sur ma joue droite, l’une des rares parties de mon corps épargnées par mes nombreuses balafres. L’espace d’un instant, mon cerveau sembla flotter. J’étais touché par la gentillesse de cette inconnue, aussi entrepris-je d’accepter son offre.

Quelques instants plus tard, nous nous fûmes postés à l’ombre du premier arbre venu dont l’épais feuillage offrait un abri des plus plaisants contre les puissants rayons de l’astre solaire. Je fus quelque peu étonné par le contraste entre la verdure qui tapissait ses branches et la canicule qui sévissait sur l’étendue de sable située quelques mètres plus loin. Bien évidemment, j’avais catégoriquement refusé de monter une nouvelle fois sur le dos de la créature étrange par pure fierté d’homme et m’étais donc hissé de moi-même vers cette ombre salvatrice. Dès lors j’avais entrepris de verser la bouteille d’eau sur mon visage, m’humidifiant ainsi. Après avoir grignoté les quelques biscuits qui m’avaient été tendus, je voulus remercier la personne qui avait tenu à me porter assistance :

« Mademoiselle ? Je souhaitais vous remercier pour ce que vous avez fait pour moi, vraiment. Je me sens déjà mieux grâce à vous. C’est une chance que vous passiez par là… d’ailleurs, que faites-vous tous ici ? »


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Sam 30 Déc - 21:21


De la poudre aux yeux
Contre toutes attentes, le malheureux accepta finalement l’aide des forbans. Enfin, ce sont surtout les vivres qu’il accepta. Comme l’avait soupçonné Massy, le délirant réussit tout seul à marcher les quelques mètres qui les séparaient de la végétation luxuriante des vergers. Pas que le musicien s’en plaigne, moins il avait à jouer les mules, mieux il se portait. Quoi qu'il en soit, Bell était aux anges puisque le grand homme semblait aller mieux. Cela suffisait amplement à faire le bonheur du descendant du clan de l'ombre. Erik, par contre, n’apprécia pas vraiment qu’ils donnent de la nourriture au premier venu. Toutefois, il ne dit rien car ils allaient bientôt en refaire le plein et, surtout, il savait que personne n’allait le prendre au sérieux.

Après une petite pause bien méritée sous l’ombre d’un palmier, le maudit décida qu’il était temps de reprendre forme humaine. C’est alors que le l'inconnu l’interrompit en remerciant la jeune fille avant de lui demander ce qu’ils faisaient en ce lieu. L’ancien esclave en fut grandement étonné, il ne s’attendait franchement pas à ce que leur interlocuteur soit capable de construire une phrase sensée. De plus, la façon dont il s’exprimait encouragea le zoan à penser qu’il était plus qu’un simple vagabond. Le scrutant du regard, il se rendit compte que ses vêtements, bien que très poussiéreux, étaient assez chics. La curiosité du sabreur désormais piquée à vif, il entreprit de répondre à la question posée :

-« Ce que la plupart des gens font à Greenfield. Autrement dit, les courses. »
-« Oui, exactement. » Acquiesça le médecin. « Cela fait environ un mois que nous n’avons pas touché terre, nos provisions commencent sérieusement à manquer. C’est alors que le vieux débris qui nous sert de navigateur a remarqué que nous étions proches de… »
-« Un peu de respect, je te prie ! » Rouspéta le vieillard.
-« Pardon, je voulais dire le beau et fringuant jeune homme de soixante ans que voici. » Sourit la tireuse tandis que le concerné plissait dangereusement les yeux. « Donc, je disais que nous manquions de vivres quand nous nous sommes aperçus que nous étions proches de cette île. Comme elle est réputée pour son marcher garni et ses fruits et légumes frais, nous avons sauté sur l’occasion. »
-« Maintenant, à notre tour de poser les questions. » Fit l’homme kangourou tout en reprenant forme humaine. « Qu’est-ce qui VOUS a amené sur cette île ? Et plus important encore, pourquoi étiez-vous en train de griller sur la plage ? »



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Alors que nous goutions à un repos plus ou moins mérité, un fait attira quelque peu mon attention : la créature étrange, celle qui m’avait servie de monture un peu plus tôt venait de se métamorphoser en être humain. Bien que je fusse quelque peu surpris aux premiers abords, en somme, cela demeurait parfaitement logique. J’avais sans doute sous les yeux un spécimen de type Zoan qui pouvait alterner des transformations entre l’animal et l’être humain. J’étais donc en présence d’un autre maudit : voilà qui était intéressant. Mes yeux s’attardèrent également sur les deux épées qui trônaient dans son dos, m’informant de fait sur sa nature de combattant. Un épéiste. Puis, je déportai mon attention sur les deux autres individus en tentant très brièvement de les analyser. Jouissaient-ils eux aussi d’un pouvoir particulier ? C’était très peu probable à en juger par la rareté de ces fameux fruits du démon.

« Greenfield ? C’est un village de Powder Island ? »

Finalement, j’étais tombé sur un trio de voyageurs qui venaient simplement sur l’île pour faire des emplettes. Je pus observer une certaine complicité dans leurs interactions entre eux : ils devaient sans doute bien s’entendre et voyager ensemble depuis quelque temps.

« J’ai erré désespérément pendant près d’un an dans West Blue à la recherche de ces terres, endurant toutes les peines du monde. Pourtant aujourd’hui tout est fini : je suis enfin arrivé sur l’île de mes rêves, la célébrissime Powder Island ! »

Je marquai une courte pause, quelque peu perturbé par cette émotion grandissante que je ne parvenais pas à étouffer. J’exultais presque à l’idée de pouvoir humer les parfums endémiques de l’une des merveilles de ce monde.

« Je suis un voyageur solitaire… ce qui n’est pas très pratique pour naviguer, d’ailleurs… C’est pourquoi j’ai pour habitude de m’incruster sur différents navires afin de me rapprocher de mon but. Parfois je tombe sur des personnes sympathiques, d’autres fois, je suis contraint de monnayer ma traversée. Et dans certains cas, j’embarque sur des bateaux peuplés de gens pas très recommandables… J’ai dû me faire capturer lorsque je dormais par mes précédents transporteurs et ils m’ont sans doute abandonné ici… »

Expliquai-je tout en massant une portion de mon crâne légèrement rebondie et encore endolorie. Ils ne m’avaient pas raté, les bougres. Et puis, les rouages qui constituaient mes pensées s’assemblèrent soudainement, faisant apparaitre des choses qui m’avaient échappées. Des mots et autres éléments qui ne concordaient pas avec ma vision de la situation actuelle : « Réputée pour son marché garni et ses fruits et légumes frais », avait dit la jeune demoiselle. Mais c’était faux. Ses élucubrations n’avaient absolument aucun sens puisque Powder Island était connue pour sa POUDRE A CANON !! N’importe quoi ces jeunes voyageurs mal informés, vraiment… Mon regard se posa alors sur les massifs montagneux riches en minerais qui composaient cette île. Oui, j’étais sur Powder Island, c’était une certitude : une île totalement plate et dénuée de montagne. Une île avec une partie composée d’une très grande étendue de sable fin et d’une seconde partie recouverte de verdure, une terre férue d’agriculture. C’était bien là la description de Powder Island.

« Attendez… nous ne sommes pas sur Powder Island… n’est-ce pas… ? »

Ma voix tremblait, trahissant un désespoir grandissant exponentiellement. Ma tête semblait tournoyer, me donnant une angoissante sensation de vertige. L’évidence était à présent claire dans mon esprit : je n’étais pas sur Powder Island. Mon visage s’était figé dans une expression de profond désarroi. Mes membres tremblaient. Et puis, comme pour mettre à un terme à ce voyage futile, à cette démence qui hurlait dans ma poitrine, qui tentait de déchirer mon être, je glissai ma main sous mon manteau et en tirai mon fidèle pistolet. J’élevai le canon sur ma tempe et me préparai à tirer. Il était temps d’en finir avec ces conneries.


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Dim 31 Déc - 12:58


De la poudre aux yeux
Massy avait d’abord été très sceptique quant à la véracité du récit de l’inconnu. Cela lui paraissait un peu trop gros qu’il galère tant de temps à trouver une seule île, célèbre qui plus est. De plus, lui et ses amis avaient déjà visité Powder Island une ou deux fois dans le passé, et elle n’avait rien de si spécial. Selon lui, cette terre ne justifiait absolument pas la ferveur et la détermination que lui décrivait l’inconnu. Toutefois, lorsqu’il fit un peu plus attention aux mots employés, aux expressions faciales, et à son ton, il ne put que constater l’évidence même. La souffrance, la lassitude, ainsi que le désespoir très vite suivis par le soulagement et l’euphorie, à cet instant, l’épéiste lisait tout cela en cet homme. Soit il jouait affreusement bien la comédie, soit il était totalement honnête. Au vu de l’horrible jeu d'acteur dont il les avait gratifiés un peu plus tôt, il ne faisait aucun doute que la seconde option était la bonne.

Malheureusement, cela amenait le musicien au troisième choix cornélien de la journée : devait-il être honnête et lui révéler qu’ils n’étaient pas sur l’île de ses rêves ? Ou bien, devait-il le laisser se faire de faux espoirs ? Il hésitait franchement. La première option pourrait être prise comme la tentative d’un sans-cœur de piétiner la joie de son interlocuteur. La seconde par contre, aurait été encore plus cruelle, faire miroiter aux gens des chimères était, au sens du sabreur, bien pire que de les priver de l’objet de leurs désirs. Dans les faits, le premier choix s’imposait d’ores et déjà comme la meilleure solution. Cependant, quel effet cela aurait-il sur le vagabond ? Il ne semblait pas spécialement sain d’esprit aux yeux de l’ancien esclave qui craignait une réaction brutale. Pour ne rien arranger, son instinct animal lui criait pour une raison ou pour une autre de se méfier de lui.

Le dilemme du bretteur tourna court lorsque le malheureux se rendit compte tout seul de son erreur. Le descendant du clan disparu aurait pu se sentir soulagé de ne plus avoir à y réfléchir plus que ça, mais cela fut l’exact opposé. Il se tint prêt à agir au quart de tour, s’attendant à des gestes inconsidérés de la part de l’inconnu. Ce dernier, semblant dévasté, affichait une mine grave. Aussi, lorsqu’il saisit un pistolet pour le mettre sur sa tempe, le jeune homme n’hésita pas deux fois avant de bondir pour l’en empêcher. À sa grande surprise, le tireur était bien plus fort qu’il n’y paraissait. Même en usant de ses deux bras, le maudit avait du mal à contrecarrer sa tentative de suicide. Erik, quelque peu surpris, recula de quelques mètres tandis que Bell semblait dépassée par les évènements. Pas très chaud à l’idée d’être au premier rang pour voir le triste spectacle qui s’annonçait, Massy passa en forme hybride. Cela rendit la lutte assez équilibrée pour qu’il se permette quelques mots.

-« Mais ça ne va pas la tête ?! » Lui dit-il. « Vous n’allez tout de même pas vous suicider ! Pas après qu’on vous ait donné à boire et à manger ! »
-« QUOI ? » Ne put s’empêcher de hurler la femme médecin, indignée. « C’est ÇA tes priorités ?! »
-« Bah attends, ouais. » Acquiesça le concerné. « C’est hyper important de ne pas gaspiller de la nourriture ! Y a des gens qui meurent de faim dans le monde après tout. »
-« Qu’est-ce qui t’arrives au juste ? » S’enquit la tireuse. « Depuis notre arrivée sur cette île, tu te comportes comme le dernier des abrutis… »
-« AHA ! Tu le reconnais enfin ! » S’exclama le musicien.
-« Comment ça ? » Souffla la concernée, larguée.
-« Je voulais te montrer à quel point c’est horripilant quand quelqu’un fait des blagues à longueur de journée ! » Sourit le sabreur. « Et je viens d’y arriver ! »
-« Tout ça pour ça ?! » S’énerva à juste titre la jeune fille.
-« Ce n’est pas que j’en ai quelque chose à cirer les jeunes, mais… » Commença le navigateur, hésitant. « Vous ne croyez pas que ce n’est pas le moment ? »

Comme pour étayer les propos du vieillard, le vagabond usa de son second bras pour repousser le maudit. Ce dernier trébucha alors sur les longues jambes de l’inconnu qui s’apprêtait de nouveau à en finir. S’étant cogné la tête au sol, l’homme kangourou était trop sonné pour réagir à temps. Alors que tout espoir semblait perdu, Bell décida de tenter le tout pour le tout :

-« Arrêtez monsieur ! Je sais qu’on ne se connaît pas très bien… Qu’on ne se connaît pas du tout, même. Je ne peux donc pas prétendre le calvaire que vous avez dû endurer. Je ne sais rien de la difficulté de votre périple, de vos souffrances, de votre déception, ou encore de ce que vous avez bien pu perdre pour en arriver à de telles extrémités… Mais s’il y a bien une chose dont je suis sûre, c’est que mettre un terme à vos jours n’est pas la solution. Si vous mourrez ici et maintenant, vous n’aurez jamais la possibilité de voir l’île de vos rêves ! Alors que si vous continuez les recherches, aussi dures soient-elles, vous finirez bien par la trouver ! Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, et votre rêve est loin d’être impossible, croyez-moi ! »

Massy, toujours un peu sonné, n’avait pas saisit les trois-quarts du discours de son amie. Aussi vu l’angle spécifique dans lequel il était, il ne voyait rien de l’homme en face de lui. De ce fait, il pensait toujours que ce dernier était sur le point de commettre l’irréparable. N’ayant pas trop le choix, il lança un coup de pied à l’aveuglette en direction du tireur, espérant que cela suffirait à l’arrêter.



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Une île de West Blue ~ Milieu 1504





On m’avait menti. Inlassablement, la vérité avait été voilée, et ce, depuis le début de mon expédition. Et si mon destin n’avait jamais été de rejoindre ces terres promises ? Cela ne faisait plus aucun doute, désormais. Finalement, je m’en voulais terriblement : j’avais été naïf de croire que ce doux rêve ait pu un jour se réaliser. Ainsi, réfutant ce destin pourtant déjà tout tracé droit devant moi, j’avais préféré m’en détourner. Comme si j’étais maître de mes choix. Foutaises ! Je n’avais fait rien de plus que de me voiler la face afin d’avancer à tâtons dans le noir. Échec insoutenable. Un dernier sourire fendit mon expression désespérée. Le monde lui-même semblait s’être moqué de moi. Ces grains de sable sur lesquels je m’étais écroulé un peu plus tôt… Ne s’étaient-ils pas immiscés dans mes yeux, troublant ma vision de la réalité ? Oui, tout n’avait été que mensonge, depuis le début. Jamais je ne trouverais l’île réputée pour sa fameuse poudre. Rien n’avait été vrai. Depuis le début de mon voyage, en définitive, je n’avais eu rien de plus que... de la poudre aux yeux.

Et pourtant, le maudit sembla vouloir m’empêcher de passer à l’acte, comme s’il pouvait changer quelque chose. Voulait-il que je l’emporte avec moi dans l’autre monde ? Était-il jaloux de mon envol à venir ? Effort futile. L’attention du jeune homme se déporta sur son amie au détour d’une conversation sans aucune importance. Ainsi, je pus reprendre la pleine mesure de ce que j’avais entrepris. Il ne pourrait pas m’empêcher d’incorporer cette balle à mon cerveau malade.

Et puis, mon doigt se crispa dangereusement sur la détente. Une voix féminine s’éleva alors dans un élan désespéré, comme si le pouvoir des mots lui permettrait de vaincre ma propre volonté d’en finir. Et pourtant, peu à peu, mon corps se relâcha, comme bercé par ses paroles pleines de bon sens. Ses mots aussi légers que des plumes venaient flotter jusqu’à mon cerveau et baignaient mon cœur d’une idéologie nouvelle. Cette vision des choses totalement opposée à la mienne me transcenda de toute part : la demoiselle venait de capter tout mon intérêt. Les éventualités qu’elle avait esquissées donnaient un tout autre sens à la vie et semblaient éclairer une autre voie. Alors, mon arme s’abaissa, donnant la victoire à la brune.

« Wrahahahahahahahahaha ! Intéressant ! »

Un éclat de rire dément détonna subitement. Alors, d’un geste aussi vif que soudain, je m’approchai de la nouvelle lueur qui m’avait captivé, esquivant par ailleurs sans le vouloir la semelle que le maudit me destinait. Dominant la demoiselle de mon envergure, je me penchai dans sa direction et approchai mon visage du sien, plongeant mes pupilles brulantes d’intensité dans les éclats noisettes de la jeune femme. Fascinant.

« Les gens ne cesseront jamais d’avoir des rêves, n’est-ce pas ? Quel est ton nom, fascinante demoiselle ? »

Lui adressant un sourire, je me redressai, illuminé par de nouvelles perspectives. Mes yeux brulaient d’intensité : il y avait encore de nombreuses choses que je me devais d’accomplir : elle avait raison sur ce point. Et Powder Island, aussi grandiose fût-elle, n’était rien en comparaison avec ma personne. Après tout, n’étais-je pas promis à la plus majestueuse de destinées ? Anticipant les éventuelles présentations qui suivraient, j’annonçai alors mon nom :

« Je m’appelle Edward Lawrence. Si vous le permettez, je souhaiterais vous accompagner lorsque vous irez faire vos emplettes. »


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De la poudre aux yeux
Bell était aux anges d’avoir convaincu le vagabond de ne pas en finir. Erik, lui, semblait légèrement soulagé. Pas que le sort de l’inconnu l’intéressait, c’était juste que tant qu’à faire, il préférait ne pas être aux premières loges d’une explosion de cervelle. Le maudit, lui, était assez confus car à défaut de toucher sa cible, il frappa violemment le cocotier derrière qui lui rendit la politesse à l'aide d'une pluie de fruits. De quoi le sonner encore un petit moment. De ce fait, lorsque l’inconnu se présenta et qu’il proposa de les accompagner, pas un mot ne sortit de la bouche de l’épéiste. Le médecin, par contre, lui répondit avec le sourire :

-« Enchantée de vous connaître monsieur Lawrence. Je m’appelle Bell. Le sexagénaire que vous voyez là, c’est Erik. Quant au petit plaisantin au sol, c’est Massy. Au fait, c’est d’accord, vous pouvez venir ! »
-« Quèsaco ? » Demanda le navigateur. « Mes oreilles me jouent-elles des tours ? Ou bien, viens-tu d’accepter que le premier venu nous accompagne ? »
-« Pourquoi pas ? » Sourit la tireuse. « On t’emmène bien, toi ! »
-« C’était sensé être une plaisanterie ? » S’enquit le concerné. « Si c’est le cas, laisse-moi te dire que tu as encore un long chemin avant de te reconvertir en humoriste. »
-« Haha. Très drôle. » Ricana faussement la jeune fille. « De toute façon, depuis quand c’est toi qui décide ? Edward va nous accompagner que tu le veuilles ou non ! Pas vrai Massy ? »

Le marsupial, qui avait reprit forme humaine entre temps, se releva avec une grosse migraine. Il secoua vivement la tête et tâcha d’enlever le sable qu'il avait dans les oreilles. En effet, il croyait avoir entendu son amie lui demander s'ils pouvaient emmener avec eux le suicidaire. En somme, quelque chose de hautement improbable. Toutefois, le regard interrogatif de la tireuse suffit à lui faire comprendre qu’elle était on ne peut plus sérieuse. Soupirant profondément, le musicien s’apprêtait à refuser sèchement lorsqu’elle commença à lui faire les yeux doux. La fille en débardeur avait toujours été très douée pour faire des mines de chiens battus, et malheureusement, il ne savait pas y résister. C’est ainsi que la minute d’après, ils s’en allèrent tous les quatre vers le marcher.

-« Non mais quelle guigne !!! » Hurla-t-il intérieurement.

Coupant directement par le verger, les forbans et leur nouvel « ami» purent contempler les diverses variétés d'arbres fruitiers qui le composaient. Les pirates avaient rarement vu une végétation aussi luxuriante. Le chemin vers la ville était assez simple d'accès malgré les quelques racines sortant du sol ci et là. Pendant que ses camarades, Bell en particulier, contemplaient le paysage, Massy surveillait le vagabond du coin de l'œil tout en réfléchissant à son sujet. Maintenant qu'il y pensait, sa grande taille ne devait pas être très commode pour la vie de tous les jours, ou pour le combat. À ce stade, le bretteur avait déjà compris qu'ils avaient à faire à quelqu'un sachant se battre. Vu la force dont il avait fait preuve lors de leur petite entrevue de tout à l'heure, le tireur devait principalement se spécialiser au corps-à-corps. Cependant, il devait se servir de ses armes à feu à l'occasion, même si le kangourou doutait que cela soit son point fort. Soupirant, le descendant du clan de l'ombre pria de toutes ses forces que cette histoire allait bien se finir.



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Lun 1 Jan - 21:34





Une île de West Blue ~ Milieu 1504





Je ne pus m’empêcher de tiquer lorsque ces âpres sonorités vinrent agresser mes tympans, comme on venait de m’insulter. Quelque part en moi, une pulsion de meurtre sembla émerger du néant, et aurait pu me contraindre à l’assouvir si ma volonté ne s’était pas montrée supérieure. Après tout, la charmante Bell ne pouvait pas le savoir, et son sourire ne trahissait aucune mauvaise intention à mon égard. Bien au contraire.

« Appelez-moi Edward plutôt. C’est le seul nom que j’utilise, en réalité. »

Oui, à n’en point douter, les intentions de Bell étaient des plus positives à mon égard : elle n’avait pas hésité une seconde à défendre ma présence parmi eux, affirmant par ailleurs son autorité. Ma curiosité continuait de brûler : je voulais observer de plus près ses réactions face aux embuches qui lui feraient obstacle. Je voulais comprendre comment elle fonctionnait, finalement.

Ainsi, nous quittâmes définitivement les abords de cette zone aride afin de progresser parmi cette luxuriante végétation qui s’était emparée de cette partie d’île. D’immenses champs regorgeant d’une multitude de plantations de fruits et légumes divers et variés tapissaient les horizons de cette partie verte de l’île. Comme l’avait évoqué l’un de mes actuels compagnons, Greenfield semblait jouir de la fertilité de ses terres et baser son modèle économique sur cette facette. Et puis, je fus tiré de mes pensées par le tumulte grandissant des voix qui résonnaient.

Nos pas nous avaient menés à un déluge de stands qui offraient nombre de denrées sur leurs étals. Chaque marchand donnait de la voix, vantant les mérites de ses produits et leurs prix attractifs. Rapidement, nous dûmes nous rendre à l’évidence : nous faisions face à un véritable dédale de stands éparpillés sur toute l’avenue. Ne sachant où me diriger, je me contentai de guetter les agissements du groupe que j’avais intégré. À notre droite, un marchand d’oignons nous hélait, vantant également les mérites de ses tomates rouges comme jamais ! Plus loin devant nous, un marchand de pommes de terre donnait de la voix, insistant sur la longévité de sa récolte. Enfin, à notre gauche, une femme bradait ses noix de coco, ses bananes et ses papayes. Et une multitude de choix supplémentaires s’offraient à nous, bien plus loin dans la masse grouillante qui s’empressait de faire ses emplettes dans cet imposant marché.


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Mar 2 Jan - 0:02


De la poudre aux yeux
Massy fut énormément surpris par la diversité des boutiques rencontrées au marché. C’était bien une vingtaine de variétés différentes de fruits et légumes en tous genres qui étaient disposés sous ses yeux. En somme, bien plus que ce à quoi il avait généralement affaire lors des courses. D’ailleurs, la cacophonie qui régnait dans les environs était assez gênante, selon lui. Il n’osait même pas imaginer ce que cela pouvait bien être au centre-ville. Bell était ébahie devant cette vision totalement nouvelle pour elle. Contrairement au musicien, elle n’était pas habituée à se rendre dans ce genre d’endroits. Erik, lui, n’en avait pour ainsi dire rien à faire de tout cela. On pouvait facilement lire sur son visage son envie de quitter au plus vite les lieux. Enfin, ce cher monsieur Edward semblait attendre une initiative de leur part. Un choix assez compréhensible, quand on y réfléchissait un peu.

En tant que cuisinier, un poste qu’il aurait apprécié ne pas remplir, le zoan était obligé de mener ses compagnons à travers ce dédale de stands. De ce fait, il ne pouvait plus surveiller leur invité, au risque de se faire remarquer. Poussant ce qui devait bien être le dixième soupire de la journée, il se résolut à ouvrir la marche. Le sabreur avait sous les yeux une multitude d’articles très intéressants, certain à des prix défiant toute concurrence. Toutefois, s’ils étaient venus, c’était pour refaire leur stock de vivre et ils ne pouvaient malheureusement pas tout prendre. Il y avait forcément une limite de denrées facilement périssables qu’ils pouvaient se permettre sur un navire. Certes, le maudit comptait toujours acheter quelques fruits et légumes comme des pêches, de la tomate et de la salade. Cependant, ce serait en petites quantités puisque son premier choix se porterait sur ceux pouvant facilement être conservés sur un bateau.

Parmi les plus intéressants, un légume en particulier venait à l’esprit du pirate. Il s’agissait du plus connu au monde : la pomme de terre, plus communément appelée patate. Cette dernière était une championne en termes de longévité, pouvant facilement rester deux mois en mer sans problèmes. Le seul moment où il fallait s’en méfier, c’était lorsqu’elles devenaient vertes, signe qu’elles étaient empoisonnées. Toutefois, cela prenait un très long moment pour que cela arrive, ce qui rendait ce tubercule bien pratique pour des voyageurs tels que lui et ses amis. Or, il se trouvait justement qu’un stand, situé droit devant eux, en vendait. Le bretteur s’avança vers lui d’un pas décidé, vite suivi par les autres, et s’adressa au marchand qui le salua chaleureusement. Examinant de près la marchandise, il proposa vite un premier prix qui ne fut pas trop au goût du vendeur. S'en suivit donc une négociation ô combien épique sur le prix du kilo. Pendant ce temps, la femme médecin, qui avait détourné le regard par ennui, remarqua l’attitude de leur invité et lui dit :

-« Pas trop habitué aux marchés ? Moi non plus. Au fait… Pourquoi vouliez-vous nous accompagner monsieur Law… Edward ? »



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Mar 2 Jan - 1:23





Une île de West Blue ~ Milieu 1504





« En vérité, si, je suis plutôt un habitué de ce type d’endroits. Mes nombreux voyages aux quatre coins de la mer de l’Ouest m’ont souvent amené à me rendre dans divers marchés : c’est un lieu incontournable lorsqu’il s’agit de chercher de la nourriture ou bien éventuellement un transport pour reprendre la mer. Après tout, les marins ont eux aussi besoin de se réapprovisionner en nourriture. »

Déclarais-je à la demoiselle, répondant ainsi à sa première question. Immergeant mes intenses pupilles dans les siennes, je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire malicieux. Bell s’ennuyait-elle de la situation ou bien éprouvait-elle un quelconque intérêt à mon égard ? Sans doute un mélange des deux. Bien entendu, je ne voulais pas gâcher le plaisir en lui révélant trop vite mes viles intentions. Alors, je lui répondis avec une pointe de malice :

« Qui sait ? »

Puis, notre attention se détourna sur le marchand de patates, décidé à accompagner la vente qu’il venait de réaliser d’une autre : il avait finalement abdiqué après les âpres négociations menées par son vis-à-vis, considérant que la proposition les contenterait tous deux, finalement. Après tout, son client avait acquis de la marchandise en quantité, ce n’était donc pas si grave si sa marge était grignotée. Toutefois, le rusé vendeur ne comptait pas s’arrêter en si bon chemin. Profitant de la satisfaction de son client, il tenta de placer son produit phare :

« Au fait, je viens tout juste de récolter une variété très spéciale de patates que vous devez absolument gouter ! Allez approcher avec vos compagnons et goutez-moi ça, tant que c’est encore chaud ! »

Alors, le marchand de patates sortit une assiette qui comportait de petits dés d’une couleur orangée, tout juste cuits dans une marmite disposée derrière son étal. Bien que ses clients semblaient quelque peu méfiants, il insista, louant les qualités indéniables de son produit phare. Et le doux fumet qui s’extirpait des petits dés était plutôt attirant, en vérité…

« Allez, ne faites pas les timides ! Ce sont des patates très spéciales : lorsque vous les mettez en bouche, elles fondent littéralement avec une douceur inégalée ! Goutez donc et appréciez cette onctuosité et cette once sucrée ! Mademoiselle, Messieurs, vous avez devant vous ce que j’ai nommé… la patate très douce ! »

Intrigué par cette saveur que je ne connaissais pas je pris l’un des dés et l’enfourna sous mon palais, sans pour autant me méfier d’un éventuel empoisonnement : il fallait être fou pour essayer et les derniers qui s’étaient employés à un tel coup bas n’étaient plus de ce monde pour en témoigner. Mon visage afficha à mon insu une expression stupéfaite : l’homme n’avait pas exagéré la douceur de son légume miracle. Cependant, la teneur en sucre, bien que très bien dosée, m’écœurait : je n’étais pas du tout fan de ce type de friandises.

« Vous sentez comme c’est dooouuux ? Vous sentez comme c’est boooon ? Allez, prenez-en quelques kilos : c’est un très bon ingrédient à la fois pour les plats chauds et pour les desserts et autres confiseries. En plus, elles sont bien plus nutritives que des patates classiques : une aubaine pour des voyageurs tels que vous, n’est-ce pas ? »

S’enquit le talentueux marchand tout en effectuant un clin d’œil. Il avait rondement mené son affaire et méritait amplement de vendre ses fameuses patates très douces qui possédaient sans doute beaucoup de bienfaits. Il restait à voir ce qu’en penseraient les personnes que j’accompagnais.


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Mar 2 Jan - 13:35


De la poudre aux yeux
Massy jubilait au sujet de l’affaire qu’il avait rondement menée à l’instant. Il avait quand même réussi à avoir une ristourne de dix pourcent sur son achat, ce n’était pas rien. Alors qu’il s’apprêtait à quitter l’échoppe à la recherche d’une autre affaire, le marchand l’arrêta pour lui vanter les mérites de ses patates douces. Selon lui, elles étaient succulentes et hautement nutritive, ce que le musicien ne tarda pas à découvrir de lui-même lorsqu’il en fit la dégustation. Effectivement, il s’agissait d’un ingrédient de choix que des cuisiniers étoilés s’arracheraient. Malheureusement pour le vendeur, ils n’étaient pas venus pour ce genre d’articles. Enfin, il avait accepté de baisser le prix de ses pommes de terre classiques, le bretteur était donc prêt à faire une exception pour cette fois.

-« Je veux bien vous en prendre un ou deux kilos, pour peu que le prix soit raisonnable. » Fit-il.

Faisant un énorme sourire, l’homme lui remplit de ce pas un second sac avant de lui révéler le prix. Il était assez raisonnable aux yeux du maudit qui aurait pu l’accepter tel quel. Cependant, sa fibre commerciale le poussait à vouloir les acheter encore moins cher. Ils étaient repartis pour une seconde négociation, cette fois-ci plus serrée. Le marchand ne voulait pas lâcher d’un iota, ce qui se comprenait vu la qualité du produit. De ce fait, il était temps pour le descendant du clan de l’ombre de jouer sa carte maîtresse. Il mima tout simplement de s’en aller, ça marchait à tous les coups sur ce genre de personnes. Comme prévu, le vendeur l’arrêta peu avant son départ et accepta finalement de baisser son prix, pas autant que le cuisinier de secours l’aurait voulu, certes, mais c’était de bonne guerre. Remerciant le commerçant une dernière fois, le jeune homme s’en alla suivit de près par les autres.

-« Vous voyez les enfants ? » S’enquit l’épéiste, souriant. « C’est comme ça qu’on fait des affaires. »
-« C’est incroyable à quel point tes chevilles enflent pour si peu… » Marmonna Bell avant de mimer une mine inquiétée. « Je devrais franchement t’ausculter, tu es peut-être infecté par cette maladie très répandue qu’on appelle la vanité. »
-« Pour une fois, je suis d’accord avec toi, gamine. » Acquiesça Erik.
-« Haha. C’est très drôle, je suis littéralement mort de rire. » Soupira le concerné.

Ne faisant pas trop attention à là ou il marchait, le zoan glissa malencontreusement sur quelque chose qui venait d’être jeté là. De ce fait, une bonne partie des pommes de terre fut renversée au sol. Massy, se releva d’un bond, saisit l’objet qui l’a fait tombé, et scruta furieusement les environs avant de dire :

-« Quel est l’abruti qui a jeté cette peau de banane au sol ? Qui qu’il soit, il va passer un sale quart d’heure ! »

C’est alors que des pleurs se firent entendre à ses pieds, intrigué, il y jeta un coup d’œil et vit qu’il s’agissait d’un enfant. Au vu des traces au coin de sa bouche, cela devait être lui qui a jeté le déchet organique par terre. Révolté par les dires du sabreur, une petite fille à peine plus grande s’avança pour le disputer :

-« Pourquoi avez-vous fait pleurer mon petit frère, monsieur ? Vous êtes méchant ! Grande sœur ! »
-« Comment osez-vous vous en prendre à plus petit que vous ? » S’énerva une jeune femme dans la fleur de l’âge, attirée par l’appel. « Père, mère ! »
-« Allons bon, qu’est-ce qui se passe ? » S’étonna un homme un peu bourru en sortant de son échoppe.
-« Oui, que se passe-t-il ? » S’enquit une femme.
-« Cette personne a menacé Jeannot ! » Le dénonça la plus petite des sœurs.
-« Quoi ?! » S’offusqua le mari. « De quel droit osez-vous vous en prendre à ma famille ? »
-« Je ne savais pas que… » Tenta le mis en cause.
-« Ça ne va pas se passer comme ça ! » S’indigna son épouse.
-« Mais… » Commença l’ancien esclave.
-« Vous devriez avoir honte de vous en prendre à mon petit-fils, goujat ! » Hurla une vieille qui commença à le frapper avec son sac à main. « Un grand gaillard comme vous contre un petit enfant sans défenses ! »

Un petit attroupement se forma autour de la famille et de l’épéiste en mauvaise posture qui lança un regard suppliant à ses camarades. Le médecin allait tenter de l’aider quand le navigateur l’empêcha, sans doute pour éviter de perdre du temps. C’est donc ainsi que Bell, Edward et Erik laissèrent Massy à son triste sort. Enfin, le vieillard fut mêlé à cette histoire malgré lui quand le kangourou s’empressa de le saisir par le bras pour avoir des renforts.

-« Vous pensez que nous devrions leur venir en aide, monsieur Edward ? » S’enquit la tireuse, hésitante devant la foule qui s’était formée autour. « Nous pourrions aussi continuer les courses, si vous voulez, je crois savoir que mon ami voulait acheter des oranges. »



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Et puis, mon regard se détourna de l’interaction entre le dénommé Massy et le commerçant qui était dénué de tout intérêt. Le jeune homme avait cette agaçante manie de vouloir toujours discuter les prix qui lui étaient proposés, chose que je trouvais irrespectueuse vis-à-vis du marchand et du travail qu’il avait dû fourni pour nous proposer pareilles marchandise. Mais ça, le bretteur semblait s’en moquer.

Quelques instants plus tard, il revint vers nous chargé d’un sac bien rempli, sa mine inondée d’une fierté sans pareil. Lorsque Bell lui répondit ironiquement, je dus user de toutes mes forces pour réprimer un rire qui s’annonçait tonitruant. Cette jeune femme était géniale : malgré sa gentillesse apparente, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds et avait du répondant.

Puis, Massy changea de péché capital pour s’adonner à la colère, lorsque la peau d’une banane l’envoya embrasser le sol. Et, très vite, sa réaction lui attira très logiquement des ennuis. Il n’était pourtant jamais une bonne chose que de se laisser aller à la colère : décidément le jeune semblait surtout briller par son inexpérience de la vie.

« Non, je pense que cette situation lui servira de leçon. Il n’est ni sain, ni prudent de s’énerver sur le premier venu… »

La foule se pressait déjà vers notre chef de groupe, attirée inlassablement par les vivats qui fusaient. À vrai dire, je ne souhaitais pas me mélanger à cette populace qui transpirait sur des velléités de moindre importance, dénuées de tout intérêt à mes yeux. Au contraire, la proposition de la jeune femme arriva comme une aubaine : nous éloigner de ce tumulte grandissant était une très bonne idée.

« Eh bien, allons acheter ces oranges, nous serons plus tranquilles. »

Déclarais-je, dénué de toute incertitude. Le destin semblait m’être favorable, pour une fois. Alors, mes talons pivotèrent et je nous dirigeai vers des stands bien plus reculés. Nos pas nous menèrent alors vers un stand empli de sphères d’un orange éclatant. Un sourire s’esquissa sur mon visage : les meilleurs marchands n’étaient pas forcément aux meilleurs emplacements, il fallait parfois s’écarter du chemin principal. Je me tournai alors vers la silhouette féminine qui m’avait suivi jusqu’ici, et l’interrogeai. Pendant mon discours, mes yeux se plissèrent légèrement sur son visage angélique, comme pour tenter de décrypter les pensées qui l’habitaient alors tandis qu’une esquisse malicieuse se profila sur mon visage.

« Dites-moi, Bell… mis à part ces oranges pour votre ami, y’a-t-il quelque chose que vous voudriez acheter pour vous seule ? Je serais curieux de savoir ce qu’une femme aussi altruiste que vous pourrait bien désirer. »


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De la poudre aux yeux
Tandis que Massy et Erik tentaient en vain de s’expliquer avec cette famille en colère, Bell et Edward avaient continué à faire les courses sous l’impulsion de ce dernier. Le médecin n’étant pas habitué à ce genre de marchés, cela fut tout naturellement au tireur que revenait la tâche de les diriger. Il avait fait un étonnant travail, d’ailleurs, en les emmenant devant un stand vendant des oranges aux couleurs éclatantes. Parmi elles on trouvait des grosses, des petites, des moyennes, des sanguines,… Bref, il y en avait pour tous les goûts.

En arrivant dans cette ville, la tireuse s’était sentie plutôt perdue. Pas que ce soit si décontenançant que ça, c’était juste que la foule, et surtout tout ce qui venait avec, était assez étouffante. Chassant ces pensées de son esprit, elle s’avança vers le marchand et passa commande. C’est alors que son accompagnateur la surprit en lui demandant s’il y avait quoi que ce soit qu’elle voulait acheter. Plus encore, il la regardait de façon assez étrange, comme s’il tâchait de lire dans ses pensées ou quelque chose de ce style. N'y prêtant pas trop attention, elle lui répondit :

-« En voilà une drôle de question, monsieur Edward. Sinon, je suis loin de me considérer comme quelqu’un d’altruiste. Disons juste que je préfère semer le bien autour de moi plutôt que le mal. Vous savez, la vie humaine est si peu de chose quand on y pense. Une simple petite brise peut souffler ce que l'on a passé des décennies à bâtir, et de la même façon, rien peut nous faire vaciller de vie à trépas. Toutefois, là ou certains considèrent cela comme une finalité, je le considère plutôt comme le début de l’immortalité. Lorsque nous mourrons, nous laissons des souvenirs derrière nous, et j’aime à penser qu’eux, ils ne disparaîtront jamais. C’est pourquoi je préfère qu’on se souvienne de moi comme une bonne personne plutôt que l’inverse. C’est aussi pourquoi je ne comprends pas les gens qui veulent marquer l’histoire en tant que fous dangereux sanguinaires. Cependant… Je m’égare. Que vouliez-vous savoir déjà ? Désolé, je parle, je parle, mais je ne prends même pas la peine de vous répondre. »

Soupirant profondément, la jeune fille regarda patiemment son interlocuteur en attendant qu’il répète sa question. Elle ne savait pas trop pourquoi elle avait décidé de lui exposer sa philosophie. Peut-être était-ce parce qu’il lui semblait comme une personne de confiance ? Ou bien était-ce parce qu’ils partageaient un but en commun ? Quoi qu’il en soit, le médecin saisit les sacs d’agrumes tendus par le vendeur et lui donna son dû.



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Prise au piège par le prédateur que j’étais, ma proie aurait beau fuir, elle ne saurait se soustraire de son tragique destin. Mes mots avaient été choisis avec soin, et leur portée finirait par trahir les véritables intentions de ma cible. Et comme prévu, ce fut une réussite. À mesure qu’elle parlait, Bell se découvrait, dévoilant ainsi sa nature véritable à mes yeux. Elle n’avait jamais été altruiste et elle n’était pas l’incarnation même du bien en ce bas monde. Évidemment, car une telle personne ne pouvait tout simplement pas exister. Nous n’étions que de vils êtres humains, après tout. Et le mal était ancré dans notre plus profonde nature. Ainsi donc, la douce et gentille Bell était une égoïste, bien plus préoccupée par son sort que celui des autres. Son objectif était d’embellir un maximum le souvenir de sa vie éphémère. Intéressant.

Pourtant, je dus réprimer cette violente pulsion de haine qui fulminait à l’intérieur de mon corps et tempêtait contre ma poitrine. Qui était-elle pour oser juger de la valeur de la vie humaine ? Pour qui se prenait-elle ? Je n’avais pas apprécié ses allusions à la fragilité de la vie. Ainsi, mon visage se débarrassa de toute trace d’émotion, ne laissant apparaitre que ses âpres contours et ses profondes balafres en guise de maquillage. De mes brulantes pupilles s’extirpèrent quelques gouttes. Je devais tuer cette jeune femme ici et maintenant, lui ôter tout signe de vie avec la plus grande violence imaginable. Elle m’avait blessé avec ses mots, avait touché un point sensible. Cette femme était dangereuse. Cette femme mettait en péril ce que je m’étais efforcé de construire durant cette dernière année ainsi que les résolutions que je m’étais forcé de mettre en pratique. Je n’avais qu’à apposer délicatement toute la fureur à travers mon poing, et tout serait fini.

Pourtant, mon bras gauche demeurait immobile. Ou plutôt, il tremblait, sans toutefois vouloir s’élever. Quelque chose l’en empêchait. J’eus un rire empli d’amertume, intérieurement. Il n’était pas possible de devenir immortel. Tôt ou tard, tout retournerait au néant. Puis, mes yeux se fermèrent et mon corps pivota.

« Peu importe, je suppose que d’une certaine manière, j’ai eu ma réponse. »

Bien que ses idéaux me paraissaient exécrables à souhait, Bell avait eu le mérite d’user de sincérité. Du moins était-ce l’impression que j’avais retirée de son discours. Pourtant, cela ne suffisait pas à effacer cette irrépressible envie de meurtre qui me tiraillait de toute part. Tout le désespoir qu’elle avait fait resurgir à travers quelques vagues sous-entendus. Mon visage se crispa dans une expression de haine. Alors, mon corps me porta sans prévenir gare vers un autre stand qui se tenait un peu plus loin. Plusieurs dunes de fines pellicules brunes semblaient vouloir s’échapper de l’enclos de bois qui les retenaient jusqu’alors. Je déposai brutalement une bourse de Berry à l’attention du marchand et me saisis d’une grosse poignée que j’engouffrai immédiatement dans ma gueule béante afin de soulager tout le mal qui m’avait été fait. La poudre à canon était le seul remède contre cette douleur qui me rongeait jour après jour.


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Mer 3 Jan - 19:07


De la poudre aux yeux
Pour une raison qui échappait totalement à Bell, son interlocuteur était énervé. Pendant un court instant, elle se demanda si elle n’avait pas dit quelque chose de vexant sans faire attention. Quel que soit le fin mot de l’histoire, Edward jeta furieusement une sorte de bourse sur le comptoir d’un stand proche. Tout de suite après, il prit une grosse poignée de poudre brune placée dessus et l’enfourna sec. On aurait dit que le tireur faisait ça comme pour se calmer, était-il habitué à se droguer ? Quoi qu’il en soit, il ne tarda vraisemblablement pas à regretter son geste vu qu’il commençait à s’étouffer avec. D’ailleurs, il toussait assez bruyamment pour attirer une certaine foule autour.

Ni une ni deux, le médecin de bord alla à sa rescousse. Elle savait exactement ce qu’il fallait faire, pour l’avoir lu plusieurs fois dans des livres de médecine. Cependant, cela s’avérait d’être un peu plus compliqué que prévu vu la taille du patient. Elle bondit aussi haut que possible vers lui, s’accrochant à son dos au niveau du thorax, et le frappa vigoureusement cinq fois entre les omoplates. Malheureusement, cela ne fut pas très efficace, probablement parce qu’elle n’avait pas pu appliquer la pression nécessaire de l’autre côté. De ce fait, il ne restait plus qu’une solution : la méthode Heimlich. Lâchant légèrement prise pour glisser au niveau de l’estomac du vagabond, la fille en débardeur entoura la taille de l’homme avec ses bras.

-« Penchez-vous en avant ! » Ordonna-t-elle.

Le patient semblait avoir compris puisqu’il s’exécuta. Pendant ce temps, Bell plaçait ses mains comme décrit dans les livres, c’est-à-dire une main tenant fermement un poing dont la paume faisait face au sol. Ayant à peu près pris la position nécessaire, la brune enfonça le poing d’un coup sec dans le ventre du grand gaillard. Cette fois-ci, cela marcha correctement puisque monsieur Lawrence recracha une bonne partie de ce qu’il venait d’avaler. Bell le lâcha, atterrissant sur ses deux jambes, et lui demanda :

-« C’est bon, vous allez mieux ? »

Au même moment, la dispute entre Massy, Erik et la famille du petit à la peau de banane battait son plein. Le père, la mère et la grande sœur enchaînaient les complaintes ainsi que les remarques acerbes tandis que la vieille continuait de le frapper avec son sac. Le navigateur, quant à lui, faisait un effort surhumain pour ne pas donner une bonne claque à la gamine de douze ans qui lui tirait la langue. Cependant, au bout d’un moment, le jeune homme en eut assez. Il attrapa le sac de la grand-mère et le jeta au loin avant de hurler :

-« ÇA SUFFIT ! Je comprends que vous n’appréciez pas que je hurle sur votre petit dernier, mais arrêtez de faire comme si toute cette situation était de ma faute ! C’est à VOUS d’apprendre à votre enfant ou à votre petit frère à ne pas jeter ses détritus n’importe où ! En tant que parents et sœurs, vous êtes entièrement responsables de ce qui arrive à ce petit et de ce qu’il fait. Or, il se trouve qu’il vient tout juste de me faire tomber au sol. Pour moi, le problème ne se pose pas, mais imaginez que c’était une personne de faible constitution qui avait fait cette chute. Qu’auriez-vous fait si elle s’était blessée, hein ? Bref, tout ça pour dire que je m’excuse d’avoir crié sur votre fils, mais d’un point de vue totalement objectif, vous aussi vous devez vous excuser. »

-« Nous excuser ? Quel toupet ! » Souffla méprisamment la jeune femme.
-« Vous osez remettre en cause nos capacités à élever un enfant en plus ? » S’énerva sa mère.
-« GOUJAT ! » Hurla vieillarde, vexée de la perte de son sac.
-« Je vois que vous êtes trop bornés pour comprendre vos torts… » Soupira l’épéiste. « Erik, aide-moi à ramasser les patates, on s’en va. »
-« Ce n’est pas trop tôt ! » Fit le barbu, soulagé. « Je commençais à en avoir marre de ce cirque... »
- « BORNÉS ? » Hurla le père, visiblement fou de rage. « Que vous criez sur mon fiston, c’est une chose, mais insulter ma famille… Vous allez le payer, foi de Podebane ! »



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Mer 3 Jan - 20:16





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Dès que la substance eût fondu sur mon palais, je fus libéré de mes complaintes. Dès lors, le monde retrouva sa teinte d’antan : grise et acariâtre. Alors, l’exquise saveur poursuivit son chemin bien plus loin dans mon être. Pourtant, quelque chose semblait clocher. Pourquoi diable le monde paraissait-il si coloré, si joyeux ? Ce n’était pas normal. Et pour, une douceur infinie sembla m’envahir, contrastant drôlement avec ce que je m’attendais à ressentir. Alors, ma gorge se crispa et mon estomac sembla se retourner tandis que je convulsais. Une quinte de toux vint avertir les personnes environnantes que j’étais sur le point de m’étouffer. J’étais victime d’un empoisonnement et déjà, mes jours semblaient comptés.

Pourtant, une personne semblait vouloir s’opposer à ma funeste destinée : je vis ses petits bras fins venir me secouer de toute part, s’agiter comme pour tenter de me secourir. Une nouvelle fois. J’eus un nouveau rire amer : pourquoi fallait-il que Bell se donne tant de mal pour m’empêcher de m’envoler pour de bon ? Ah oui, elle voulait répandre le bien tant qu’elle était en vie. Ridicule. Mais j’avais l’occasion de l’emporter avec moi dans la tombe.

Après un coup sec empli de désespoir — ou bien d’espoir, selon les points de vue — eût percuté de plein fouet mon estomac, je pus éructer la substance nocive pour mon organisme, toxique, même. Je tentai de reprendre le contrôle de la nouvelle vie qui s’offrait à moi : je n’étais visiblement pas destiné à mourir avant longtemps. Comme prévu, alors, j’adressai un regard réprobateur au criminel qui avait attenté à mon existence : et si ces explications ne me satisfaisaient pas, il finirait sans aucun doute incinéré sur la place publique avec sa marchandise toxique.

« Mais euh… c’est pas ma faute ! Je vous assure que mon sucre de canne est de première qualité ! Il est d’ailleurs réputé pour son extrême douceur… »

C’en était trop. Du sucre. Une violente toux m’assaillit de nouveau tandis que je me tordais de douleur. Mon mal-être était pire que prévu. J’avais confondu du sucre de canne avec de la poudre à canon… terrible erreur… Mais que m’arrivait-il au juste ? Je ne reconnaissais pas l’homme grandiose que je me devais de devenir… Cela devenait problématique.

« DU SUCRE ?! AAAAAAAARRRRGGGHH… CA BRUUUUULLLEEEEE !! »

Alors, après avoir titubé sur quelques pas, je me décidai à reprendre ma vie en main : sans demander mon reste, je pris alors mes jambes à mon coup, tentant de mettre le plus de distance possible entre moi et cet empoisonneur ambulant. Il me fallait un remontant et vite. Et je savais exactement où le trouver…

Et puis, mon salut finit par s’afficher devant moi. Il s’agissait d’un imposant étal qui présentait plusieurs variétés d’étranges petits fruits dont certains brillaient d’un rouge vif. Payant une nouvelle fois d’avance le marchand, je me saisis d’une poignée de ces petites choses et les enfournais immédiatement. J’étais sauvé.

Enfin presque : je ne constatais aucun changement. De part et d’autre, les gens avaient stoppé leurs œuvres respectives et me contemplaient d’un regard étonné. Alors, mes yeux se posèrent sur l’écriteau qui détaillait que je venais d’avaler tout rond : piments forts. Je pestais, contrarié par ce que je venais de lire.

« Encore un mensonge publicitaire ?! Vous n’avez donc rien de plus fort ?! C’est quoi ces trucs ? C’est pour les nourrissons, c’est ça ?! »

Alors le marchand, totalement abasourdi par la scène invraisemblable à laquelle il était témoin tendit sa main tremblante vers une petite caisse sertie d’un écriteau des plus évocateurs : « Piments extrêmes. Brulures au second degré garanties. » Parfait. S’il existait un dieu, il venait d’entendre mes prières.


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Jeu 4 Jan - 0:57


De la poudre aux yeux

Bell était abasourdie devant la réaction d’Edward. À peine avait-il échappé à la mort qu’il s’était lancé dans une course folle à la recherche de quelque chose. Poussant un énorme soupir, elle saisit la bourse sur le comptoir, elle en retira quelques pièces pour dédommager le marchand, et suivit le tireur. Il fallait qu’elle s’occupe de le surveiller pour lui éviter d’autres ennuis de ce genre. Au bout de plusieurs minutes passées à sa recherche, elle le vit du coin de l’œil en train de manger quelque chose. Le médecin de bord s’arrêta quelques secondes, le temps de distinguer clairement la scène. En effet, monsieur Lawrence était en train de manger des piments, sauf qu’il s'en plaignit tout de suite après. Apparemment, ils n’étaient pas assez forts à son goût, ce à quoi le vendeur lui répondit en sortant une boite de piments, probablement les plus forts qu’il avait.

-« Oh non… » Marmonna la brune en se rapprochant aussi vite que possible. « J’ai un mauvais pressentiment… »


Pendant ce temps, la situation entre les deux pirates et la famille était devenue explosive. Le père s’était mis dans la tête d’apprendre la politesse à Massy en lui collant « une bonne branlée », selon ses dires. Aussi, il n’arrêtait pas de donner des coups au sabreur qui esquivait sans mal sous les encouragements ponctuels des Podebane. Même si le fermier devait être plus fort qu’une personne lambda grâce à son travail aux champs, il était à des années-lumières d’égaler un combattant tel que le maudit. Ce dernier aurait pu mettre un terme à tout ça d’un seul coup, mais il ne voulait pas blesser cet inconnu. Cela risquerait tout simplement d’empirer les choses inutilement. C’est alors que le cultivateur, tentant un énième coup de poing infructueux, glissa sur une des pommes de terre au sol. Il tomba en arrière et on put entendre clairement un craquement lors de sa chute.

-« ARGH MON DOS ! » Hurla-t-il.
-« CHÉRI ! » Cria de stupeur sa femme en se mettant à genoux à côté de lui.
-« Vous avez vu ce que vous avez fait à mon gendre, sale monstre ! » L’insulta la grand-mère en tentant un coup de bâton à la tête.
-« Je n’ai rien fait, c’est lui qui voulait se battre. » Répondit le concerné en lui retirant son arme de fortune. « Moi, je voulais régler ça de façon calme et posée, comme n’importe quelle personne sensée l’aurait fait. C’est vous qui ne vouliez pas m’écouter. »
-« CE SONT VOS PATATES QUI ONT TUÉ MON MARI ! » Hurla l’épouse, hystérique.
-« Je ne suis pas mort, Gertrude ! » Lui révéla son époux. « Je me suis juste coincé le dos ! »
-« Vous voyez ce que vos pommes de terre ont fait à notre famille ! » Lui dit la grande sœur, folle de rage.

En effet, cette scène n’était pas très belle à voir. Le père Podebane agonisait à terre sous les pleurs de la mère hystérique. Erik poursuivait la petite sœur qui lui avait donné un coup de pied au genou, et la grande sœur le regardait avec une haine non-dissimulée. Le tout, sous les rires incessants du petit qui semblait prendre ça pour un jeu. Toutefois, le zoan ne comptait pas prendre le blâme d’une situation qu’ils avaient eux-mêmes causé. Aussi, il le leur fit savoir aussitôt :

-« En quoi ce serait la faute de mes patates, hein ? Surtout qu’elles sont au sol uniquement à cause de la peau de banane jetée par votre petit frère. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, tout cela aurait pu être évité si vous aviez été une bonne famille capable d’éduquer correctement un enfant ! Était-ce si compliqué que ça de lui apprendre à jeter ses déchets à la poubelle ? Non, mais vous avez choisi de ne pas le faire. Tout comme vous avez choisi de ne pas saisir l’opportunité que je vous offrais de faire la paix. Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même ! »
-« Vous osez nier les faits ? » S’étonna la concernée. « S’en est trop, j’appelle mon grand frère, il va vous apprendre la politesse, tien ! »

La jeune femme saisit un escargophone miniature et composa le numéro de son frère. C’est alors qu’on entendit la sonnerie caractéristique de ces appareils, elle venait de la foule. Cette dernière fit place, laissant passer une vingtaine de policiers armés qui encerclèrent Massy et Erik. Le plus haut gradé d’entre eux, le seul à posséder une étoile dorée, sortit un gastéropode combiné du même genre que le premier et répondit à l’appel :

-« Allô, sœurette ? S’passe quoi ici ? »



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Jeu 4 Jan - 14:11





Une île de West Blue ~ Milieu 1504





Les trois petits fruits qui brillaient d’un rouge éclatant vinrent s’apposer partiellement dans ma bouche. Puis, mes dents vinrent s’abattre violemment afin de les sectionner en deux parties distinctes. Et ainsi de suite, jusqu’à réduire la mixture en bouillie. Alors, les sulfureux aliments poursuivirent leur course afin d’atteindre mon estomac. J’allais enfin connaître la paix. Un sourire illumina mon faciès de satisfaction. Du coin de l’œil, je pus voir Bell s’approcher de ma position. Mais il était trop tard.

Alors, une étincelle crépita, suivie d’une autre. Puis, peu à peu, de douces lueurs commencèrent à s’élever alors qu’un amas de fumée amassait de plus en plus de volontaires. Les flammes se faisaient de plus en plus grandes, répandant leur intense chaleur dans leur foyer et commencèrent ainsi leur conquête. Jusqu’à devenir un incendie.

Ma bouche fut alors contrainte de s’ouvrir sous la pression exercée par les chaudes vapeurs qui ne demandaient qu’à se propager encore plus loin. Je vis même de petites cheminées de fumée s’extirper de mes cavités nasales : étonnant spectacle. Alors, une puissante déflagration fit sortir une épaisse langue de feu de ma bouche, notifiant à tous les témoins environnants qu’un incendie était bel et bien en train de consumer l’intérieur de mon corps. Une larme perla dans le coin de l’un de mes yeux. Le bonheur et la satiété étaient devenus mes maitres mots.

« Aaaaaaaaah…. Ça soulage… Quelle fraicheur ! Olalala ! Succulent ! Parfait pour me remettre d’aplomb après tant de péripéties ! »

Alors, j’entrepris d’aller remercier cet agriculteur hors pair qui avait su combler ma soif intérieure, me délestant ainsi de ce que j’avais accumulé de mauvais jusqu’alors. C’était une libération, une renaissance ! Cela faisait pas mal de temps que je ne m’étais pas senti aussi bien. Après m’être délesté d’une bonne poignée de Berrys, j’attrapai le sac dans lequel étaient enveloppées mes nouvelles friandises et m’avançai vers Bell, ignorant la stupéfaction de tous les badauds du coin.

« Et maintenant ? Nous avons fini notre petit tour, je suppose ? »

Alors, mes pupilles allèrent agresser une nouvelle fois la jeune adepte des soins médicaux en s’attardant cette fois sur son doux faciès, comme pour lécher les éventuelles expressions qu’elle laisserait perler. Une problématique venait ankyloser mon bien-être éphémère : je n’avais toujours pas fait disparaître cette épine dans le pied. Et je ne pouvais plus me permettre de le faire maintenant alors que de nombreux regards étaient scrutés vers nous. Bell allait pouvoir vivre un peu plus longtemps et j’étais pour ma part condamné à guetter la meilleure fenêtre de tir pour me débarrasser de cette entrave à mes ambitions.


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Edward Lawrence
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Jeu 4 Jan - 16:51


De la poudre aux yeux
Bell avait craint le pire en voyant monsieur Lawrence avaler tout rond trois de ces piments ultras forts, mais à sa grande surprise, le grand gaillard les tenait bien. Il semblait les apprécier à leur juste valeur, même. Pourtant, on voyait clairement de la fumée s’extirper de la totalité de son visage. En tant que médecin, la jeune fille était très curieuse de savoir comment un tel phénomène était possible. Maintenant qu'elle y repensait, ce n'était pas la seule chose sortant de l'ordinaire chez le tireur. C’est pourquoi elle avait décidé de convaincre ses amis de l’emmener avec eux. Pour le bien de la science, elle devait étudier cet homme si fascinant de par ses particularités physiques uniques. Aussi, lorsqu’il revint devant vers elle, la tireuse hocha brièvement la tête en réponse à sa question, puis lui demanda :

-« Dites-moi, monsieur Edward. Que diriez-vous de nous accompagner quelque temps dans notre voyage ? »


Massy et Erik étaient en très mauvaise posture à cause des Podebane. En effet, le frère, qui était visiblement policier, venait de débarquer avec tous ses hommes. Ces derniers les encerclaient et les tenaient en joue. Son arrivée très remarquée avait jeté un silence de mort aussi bien sur la foule que sur la famille. Enfin, ça aurait pu être le cas si la mère ne continuait pas de crier comme une hystérique et si l’enfant ne rigolait pas de la situation. Quoi qu’il en soit, la grande sœur affichait un énorme sourire.

-« De tous les foutus métiers imaginables sur terre… » Pensa le musicien. « Pourquoi fallait-il que leur fils aîné soit agent de police ? Haut-gradé, qui plus est… »
-« Alors, Anne ? » Fit le nouvel arrivant, impatient. « Pourquoi est-ce que p’pa est à terre et pourquoi est-ce que m’man fait une crise ? Qui en est le responsable ? »
-« C’est lui, Jack ! » Répondit la jeune femme. « Tout est de la faute de cet étranger ! »
-« N’importe quoi, vous savez très bien que… » Commença le concerné.
-« IL SUFFIT ! » L’interrompit le dénommé Jack. « En tant que shérif de Greenfield, c’est MOI et personne d’autre qui choisit à qui poser les questions. Vous, vous la fermez tant que je ne vous aurais pas donné la parole. Est-ce bien clair ? Continue du coup, sœurette. »
-« Oui, donc, comme je le disais, cet homme a crié sur Jeannot et a blessé papa ! » Expliqua sa sœur. « Et il ose dire que tout ça est de notre faute ! »
-« Très bien, j’en ai assez entendu. » Acquiesça le shérif. « Messieurs, emparez-vous de lui ! »
-« Vous n’écoutez même pas ma version de l’histoire ? » S’étonna le pirate, outré. « C’est honteux ! Qu’est-ce que vous faites de mes droits, hein ? »
-« JE suis la loi et JE décide des droits que j’accorde aux gens. » Rétorqua le policier en chef, le regardant de haut.
-« Moi qui pensais pouvoir régler ça de façon civilisée... » Soupira profondément le maudit. « Mais à la place, je dois encore supporter un abruti qui ne sait pas parler normalement... Oh et puis merde, je me casse. »

En ayant assez, le zoan teint fermement ses sacs de course et saisit Erik. Au même moment, les représentants de la loi, n’appréciant pas ces gestes brusques, s’apprêtaient à tirer. Le kangourou prit rapidement sa forme hybride et bondit hors du cercle créé par les policiers, atterrissant dans la foule. D’ailleurs, les agents étaient plutôt mal en point vu qu’ils s’étaient pris le gros des balles tandis que le reste avait été pour la foule. Jack semblait enragé, non pas par le fait que ses hommes et les civils avaient été blessés, mais bien parce qu'il venait de se faire insulter On aurait pu croire que ça l’étonnerait un peu que l’une de ses cibles se soit transformée en une sorte de créature mi-homme mi-animal, mais il n’en était rien. Quel que soit les pouvoirs ou la race d’un hors-la-loi, il le capturerait et le ferait passer par la potence, car il était la justice.

-« Attention à toutes les unités ! » Hurla-t-il dans un deuxième escargophone. « Nous avons des fuyards en vadrouille dans la ville ! Parmi eux, une espèce de monstre qui porte une veste noire et un chapeau de paille, il a la capacité de prendre forme humaine et a des yeux bizarres ! Il est accompagné d’un vieillard barbu ! »
-« Grand frère, ils ne sont pas seuls ! » Fit la petite fille en tirant sur le pantalon du shérif. « Avec eux, il y avait une sainte nitouche brune et une grande asperge. »
-« On me signale qu’ils auraient des complices ! » Ajouta donc le concerné. « Une fille brune accompagnée d’une personne de très grande taille ! »

Le fils Podebane raccrocha, bien décidé à se mettre lui aussi à la recherche des personnes qui avaient osé le défier. Cependant, à peine eut-il fait quelques pas que le combiné gastéropode réservé à ses subordonnés sonna. Il le décrocha sans tarder.

-« Allô, chef ? » Dit une voix féminine à l’autre bout du fil.
-« Oui, Julia ? » Demanda-t-il d’un ton doucereux. « Qu’y a-t-il mon cœur ? »
-« Je crois avoir les complices en visuel. » Révéla-t-elle. « Lançons-nous l’assaut ? »
-« Oui, je te laisse carte blanche, comme d’habitude. » Répondit-il en faisant un sourire niais. « Au fait, c’est toujours ok pour le dîner de ce soir ? »
-« GRAND FRÈRE ! » Le houspillèrent à l'unisson ses sœurs. « Ce n’est pas le moment ! »
-« Oh, c’est bon. Rabats-joies, va. » Soupira-t-il en réponse. « Bon, je te laisse chérie, à ce soir. »



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Jeu 4 Jan - 22:29





Une île de West Blue ~ Milieu 1504





Alors, la jolie brune me fit part cette étrange proposition : celle de l’a accompagné quelque temps durant. Évidemment, c’était une possibilité à laquelle je m’attendais : il n’y avait pas de meilleure opportunité si je voulais poursuivre ma quête de l’île au Trésor détonnant. Et puis, cela me permettrait sans doute de remédier au problème que posait l’existence de cette demoiselle. En somme, d’une pierre deux coups. Comment refuser dans ces conditions ?

« Eh bien... J’accepte avec joie l’idée de passer encore un peu plus de temps avec une demoiselle aussi bienveillante que vous, Bell. »

Mes dents vinrent agresser sauvagement l’intérieur de mes lèvres. Ce n’était pas bon du tout : à mesure que le temps s’égrainait, je sentis l’étau se resserrer. Les chaines venaient entraver ma liberté et me laissaient de moins en moins de marge de manœuvre. Et j’avais cette désagréable impression de m’être tiré une balle dans le pied, ce qui ne faisait ainsi qu’empirer ma situation.

Et quelle situation détestable : le son des pas feutrés qui martelaient le sol me parvint, la sonorité qui caractérisait les troupes des forces de l’ordre qui approchaient. Avec mes nombreuses échauffourées sur la voie publique, j’avais appris à reconnaitre ces bruits entre mille. Alors, je les vis : les silhouettes de ces braves gens venus mettre un terme à mon idéal de liberté. Un sourire démoniaque vint tordre mon expression faciale : s’ils s’opposaient à mes objectifs, ces honnêtes soldats de la justice me contraindraient à passer par la violence.

« Hep vous là-bas ! Rend… »
« MESDAMES ET MESSIEURS ! C’EST UNE CHANCE ABSOLUMENT EXCEPTIONNELLE QUI VOUS EST OFFERTE AUJOURD’HUI ! LA MÉTÉO ANNONCE UNE PLUIE DE BERRYS ! DÉPÊCHEZ-VOUS ET VENEZ NOMBREUX !! ET VOUS POURREZ PEUT-ÊTRE METTRE LA MAIN SUR CETTE CAGNOTTE ! »

Un hurlement assourdissant résonna dans la majeure partie du marché, couvrant alors immédiatement les tumultes environnants : mes gargantuesques cordes vocales venaient de déployer toute leur puissance. Alors, mes bras envoyèrent en l’air deux grosses bourses garnies à ras bord. Après avoir dégainé très rapidement mes armes, je tirai sur les deux poches afin de réaliser ma prophétie. Et une pluie de pièces vint déferler dans notre zone.

Ainsi, les gens devinrent aussi hystériques qu'incontrôlables, se ruant littéralement sur les petits morceaux de ferrailles qui tombaient un peu partout. L’agitation naissante nous avait offert une superbe diversion afin de couvrir notre fuite. Alors, ma main vint se saisir de celle de Bell afin de l’inviter à me suivre parmi la foule en délire. Un chemin tout tracé s’était ouvert et nous permit ainsi d’échapper à nos opposants. Enfin, après une intense course qui avait duré de nombreuses minutes, nous fûmes hors d’atteinte de nos poursuivants. Nous avions alors quitté la zone verte et pouvions envisager de regagner le bateau, de l’autre côté de l’étendue sableuse. Encore secoué par les évènements, je n’avais pas remarqué la petite main de Bell était toujours fermement amarrée à la mienne.


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