Dario Josta

- Vous ne vous en tirerez pas comme ça !
- Ce que tu es bruyant.

S'asseyant sur le siège rembourré dont il avait délogé plus tôt un homme désormais hagard, l'ancien empereur du monde de l'underground croisa les jambes et joignit les mains tout en adressant un sourire mesquin à l'auteur de la menace. Il s'agissait d'un jeune garde du corps qui avait eu le malheur de tenter de l'arrêter, et était désormais maîtrisé par ses collègues. Plongé dans l'incompréhension, il affichait un air revêche dans l'adversité... admirable, mais totalement inconscient. Se retournant, le vampire étira un sourire sur ses traits. Il se tourna ensuite vers la lueur lunaire qui traversait les vitres dans son dos.

- Tu sais ce qui est le mieux dans ce bureau ? Les grandes fenêtres. Très bon choix.

Soudain, le Den Den Mushi sonna, un air curieux venant remplacer les taquineries malsaines auxquelles s'adonnait Dario un peu plus tôt. Claquant des doigts alors que l'homme encore libre de volonté vociférait à son encontre, le sanglant nouveau propriétaire officieux de ce petit réseau de vente d'esclave se saisit de l'appareil de ses doigts délicats et gracieux, alors qu'il s'adressait à son prédécesseur dans lequel il avait préalablement imprimé son regard rouge sang.

- Tue le, il devient ennuyeux. Puis débarrasse le plancher de son corps et lustre le sol.

Le bruit d'une gorge qu'on tranche ne tarda pas à suivre cette directive, tandis que le roi des ombres affichait un air serein. Portant le combiné à ses lèvres alors qu'un corps s'écroulait en arrière plan, bien vite tiré et soulevé pour quitter le champ de vision des yeux perçants du suceur de sang, ce dernier prit l'appel. S'emparer de ce Q.G avait presque été trop facile : depuis sa libération, Dario n'avait pas chômé. Ses propres capacités lui avaient permis d'aisément gagner de l'argent en tant que mercenaire au travers d'une mission éclair, lui permettant d'engager à son tour des hommes, avant de finalement reprendre ses marques. Désormais, il préparait discrètement son retour sur scène. Certains parvenus risquaient de rapidement s'en mordre les doigts, tandis qu'il reviendrait à sa place légitime. De plus, le Gouvernement Mondial avait fait un bon travail : personne ne le connaissait, dans la masse crasse du commun. Finalement, une voix qu'il avait fort bien retenue s'exprima au travers de l'escargophone adoptant des traits impérieux.

- Oh, Nakata ! Quelques minutes, et quelques collaborateurs récalcitrants. Que puis-je faire pour mon sauveur ?

Joueur, le mafieux n'en oubliait pas moins comment les choses fonctionnaient dans ce bas-monde : œil pour œil, dent pour dent, jusqu'à ce qu'on se plante un couteau dans le dos. Les gens se rendaient des services, jusqu'à ce qu'ils se sautent à la gorge. En l'occurrence, le Phoenix lui avait rendu l'énorme service de le sortir d'Impel Down et de lui rendre la liberté sans autre condition qu'une aide le moment venu. Aide qu'il semblait prêt à récolter dès à présent.

Dario Josta

- Tu m'en vois navré. J'étais justement en train de me lisser les cheveux.

Rebondissant sur la provocation comme un tir de fusil sur l'armure d'un Pacifista, le criminel continua de s'enthousiasmer de cette discussion alors que le Phoenix lui dévoilait la raison de cet appel, allant toujours droit au but, comme à son habitude. Bien vite, les propos lui semblèrent tout à fait éclatants d'intérêt, tandis que l'ancien Shichibukai faisait miroiter sous son nez le déblocage d'un nerf qui l'embêtait actuellement : celui de la guerre. L'argent. Quelques milliards ? Si Dario ne croyait pas en une quelconque divinité, il devait admettre que le hasard faisait excellemment bien les choses. Il avait déjà remarqué une paire de compagnies de mercenaires avec lesquelles il pourrait rapidement s'établir à nouveau dans Grand Line et sur certaines Seas Blue. Si l'heure n'était pas à la conquête brutale, il n'en restait pas moins que certains jeunots se pensant menaçants risquaient vite de déchanter suite à son retour.

- Ainsi, tu te jettes finalement dans la gueule du loup. De belles choses en perspective.

Il observa la lune souveraine au travers des vitres, tandis que la ville endormie ne se doutait pas une seule seconde de ce qu'il venait de faire. Dans la pièce, un silence de mort régnait : entre ses subordonnés et les gardes adverses qui étaient actuellement astreints à l'immobilité et au calme par ses dons vampiriques extrêmement poussés, autant dire que le buveur d'hémoglobine profitait d'un petit moment de calme. Lorgnant le Den Den Mushi blanc qui lui permettait de protéger ses communications, il reprit.

- Tu as prononcé le mot magique... laisse moi réfléchir.

Du bois d'Adam... ce n'était pas une requête facile, mais le forban s'adressait à un expert en la matière de magouilles et de plans alambiqués. Depuis qu'il avait repris du poil de la bête, Dario s'était successivement infiltré dans la mafia de Konan, sapant peu à peu le contrôle du destructeur sur les fourmis de son empire du crime. Empire qui lui revenait de droit... aussi s'était-il échiné à reconstruire une vision globale du monde de la pègre, afin d'y retrouver d'éventuels contacts. Ce travail commençait à peine, mais la proposition du blondinet était du véritable pain béni pour le Josta : en récupérant une somme pareille, il allait pouvoir faire fructifier les bases silencieuses d'un empire destiné à les renverser tous. De plus, il avait une idée très claire de la manière dont il pourrait se procurer ce bois d'Adam, ainsi que de la façon dont cela servirait ses plans. Certaines tensions risquaient de s'aggraver, mais cela ne faisait qu'aller en son sens. La Triade, cette force de l'ombre qui risquait fortement de devenir un obstacle à son nouveau règne, risquait d'avoir du pain sur la planche également.

- Je sais où en trouver et comment me le procurer. Cela étant, une quantité pareille impliquera des vérifications et des cautions... que je vais devoir simuler. En d'autres termes, cela risque de me prendre un peu de temps, des ressources et de la prudence.

Les propos étaient clairs et annonciateurs de la suite : obtenir ce bois d'Adam était possible... cependant, cela demanderait au Vampire de faire un étalage plus poussé de ses capacités de manipulation, ainsi que de ses connaissances des ficelles du métier de gangster. De ce fait, le corsaire risquait de devoir à son tour le motiver comme il se devait.

- Quatre milliards à la livraison. Tu ne seras pas déçu.

Dario Josta

Devant la répartie incontestable de son partenaire d'affaires, le mafieux ne pu qu'exhiber un sourire amusé. Il était peut-être jeune, mais il n'était pas naïf... non pas qu'il en douta réellement, dans les faits : le Fenice avait déjà montré un caractère bien trempé dans une tête bien vissée lors de sa libération. À dire vrai, le Josta n'avait fait qu'appliquer une règle basique dans toute négociation : partir d'un postulat plus ou moins exagéré, pousser son interlocuteur à faire descendre la somme, puis aller dans son sens pour le rassurer. En tout cas, le corsaire n'avait pas tort : il pourrait sans doute passer par un circuit n'incluant pas le vampire, lui faisant perdre le pactole... même si cela aurait fort certainement impliqué des difficultés supplémentaires.

- Trois milliards à la livraison, cent millions sous trois jours. Considère cela comme une caution pour main d'oeuvre à obsolescence programmée.

Les yeux du puissant criminel se plissèrent alors qu'il observait le précédent possesseur des lieux commencer à nettoyer le sol comme un servant de seconde zone, complètement dépossédé de volonté. Si son plan fonctionnait, alors il ferait d'une pierre deux coups : deux des plus grandes institutions de l'ombre commenceraient à s'entre-déchirer avec bien plus de vigueur tandis qu'il pourrait livrer son client, récupérer la monnaie et préparer un coup de grande ampleur. Il avait d'ores et déjà mis la main sur plusieurs receleurs d'importance qui lui serviraient à passer la commande. Deux semaines... c'était un peu serré, mais il s'arrangerait. Il n'avait pas besoin de faire part de cette marge d'erreur à son interlocuteur.