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Une histoire de sommeil lourd. [PV Erwin, FB]
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Mer 27 Sep - 22:43




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


La soirée avait été calme. Suite à un repas copieux, le capitaine de ce petit rafiot sans prétentions et pourtant si prometteur était allé s'adonner à l'une de ses activités favorites : dormir comme une souche. La petite troupe s'était quittée l'estomac plein, après un moment chaleureux : cela faisait quelques jours qu'aux côtés de nos Dokugan naissant naviguait un invité surprise. Erwin Dog, qui avait fait la connaissance du Valentine D. sur une île particulière aux lois... un peu exagérées. Rapidement, le rouquin s'était naturellement intégré au groupe de moussaillons étranges, malgré leur caractère quelque peu déstabilisant. De son côté, Heziel n'en était que plus ravi : une nouvelle personne à nourrir, et un nouvel ami. Qui savait combien d'autres il aurait l'occasion de rencontrer durant cette aventure palpitante qui s'annonçait ?

Nescafé avait naturellement suivi Kain dans sa piaule afin d'y trouver la chaleur caractéristique que dégageait le Borgne lorsqu'il avait l'estomac plein. Une fois habitué aux ronflements, ça devait sans doute faire un lit parfait pour le rongeur... même si le Coffe avait du mal à imaginer qu'une adaptation à un niveau sonore aussi haut fut possible. Après, il fallait bien avouer que leur petit navire ne payait pour l'instant pas de mine : une seule pièce qui servait de cuisine et salle à manger (la plupart du temps), ainsi qu'une cale dans laquelle des hamacs avaient été dressés. Ils avaient néanmoins eu le plaisir de manger à la belle étoile, ce soir là : l'air était vivifiant, frais, mais la température moyenne plus qu'acceptable.

Finissant de ranger la vaisselle qu'il venait presque amoureusement de nettoyer, le pugiliste soupira son contentement, un air satisfait sur le visage. Il ne se sentait pas d'aller dormir tout de suite : tandis que Loyal s'était retiré dans la cale en parlant de "plans machiavéliques" et de "domination totale", lui pensait plutôt à retourner au dehors. Et puis, il fallait bien que quelqu'un surveille un minimum l'embarcation. Même si le manque d'assiduité de Kain en la matière avait indéniablement provoqué quelques catastrophes, lorsque c'était son tour d'être de garde. Tours de garde qui lui avaient donc été retirés sans préavis, au plus grand bonheur de l'idiot d'intéressé. Le Coffe plaça une ultime tasse dans l'armoire, au millimètre prés, avant de prendre un air guilleret.

- Bonne nuit, Géraldine !

Mains dans les poches, le brun entreprit donc de se retourner, puis ouvrit la seule et unique porte reliant le pont au reste de la structure navale. Mettant un pied léger dehors, il huma avec délice l'air salin. Le climat était si agréable ! Un petit craquement d'épaules plus loin, il s'approcha du bastingage et observa pensivement l'horizon qui s'offrait à eux, tandis que les étoiles se faisaient plus visibles dans la voûte céleste obscurcie. Le navire entier tanguait doucement, porté par des vagues câlines et tendres, poussé vers une destinée qui était encore inconnue à nos forbans. Appuyant son menton sur sa main droite, il laissa son coude reposer sur la rambarde et s'affaissa un peu vers l'avant, détendu. C'était définitivement une bonne soirée.

Un bruit provoqua néanmoins son intérêt : des pas sur le parquet entamé de leur barque de luxe, qui lui annonçaient la venue d'un de ses camarades. Considérant que Kain dormait comme un dragon sur son trésor et que Loyal n'était pas du genre à se balader sur le pont pour faire le monde, cela ne lui laissait qu'une seule option amicale. Sa voix s'éleva, amicale, alors qu'un sourire marquait ses traits.

- Erwin ? Je ne t'avais pas remarqué !



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Dim 5 Nov - 21:21
Une histoire de sommeil lourd [1]

Les ronflements insupportables du titan de l'équipage des Dokugans empêchait le rouquin de trouver sommeil à sa guise dans le navire. Le bruit avait une puissance si importante qu'il transperçait les parois du navire, ne laissant place qu'à une ultime remontrance de la part d'un endormi. Il n'avait pas dormi pendant bien longtemps : six jours qu'il ne faisait que des micro-siestes qui l'aidaient à rester en vie. Pourtant, cette période de grand maux était aussi corrélée avec d'autres types d'événements : il n'avait sûrement jamais eu autant de fous rires dans la même journée. La dernière fois qu'il s'était autant amusé, il devait avoir moins de dix ans, et il ne se souvenait même pas avec qui il avait ri ! Lorsqu'il quitta la pièce où il aurait du trouver le sommeil, la porte se referma toute seule, à la force des ronflements de son compère. Frissonnant, le rouquin se dit qu'il devait avoir quelques problèmes d'ordre nasaux.

Fort heureusement, il y avait aussi Loyal... Enfin, peut-être pas « fort heureusement ». Ce petit homme avait le don de lui filer des frissons dans le dos. Après une petite marche, le rouquin finit par hausser les épaules. Il allait de toutes les manières devoir s'en accommoder, il allait suivre les Dokugans encore quelques temps. Leur compagnie était bien trop plaisante, à son grand damne ! Avec un peu de recul, il pourrait accepter un peu mieux le masochisme dans cette situation.

- Oh, Heziel...

Il bailla en faisant signe à son camarade, sortant tout juste par la porte qui menait aux dortoirs. Le cuistot devait être de tour de garde. Il ne l'avait pas remarqué, car il s'était endormi brusquement « après » le repas. Sa tête aurait pu casser l'assiette qu'il tenait, si celle-ci n'avait pas disparu subitement pendant qu'il penchait en avant. Le sommeil s'était ainsi installé tandis que son cul formait un superbe arc de cercle en appuyant son visage sur le sol. Après quelques minutes, il s'était réveillé de lui-même pour se traîner au lit. Puis, quand Kain avait trouvé le confort de Morphée, son cauchemar avait recommencé. Fort heureusement, il était sauf à présent, et l'heure de sommeil qu'il avait obtenu suite au sacrifice de sa fierté l'avait requinqué.

- Les étoiles sont magnifiques ce soir... J'ai quelques connaissances en navigation, mais se repérer par rapport à elles reste un grand mystère pour moi.

S'avançant auprès de son camarade de fortune, le jeune homme sortit de l'ombre et dévoila à la lumière de l'apaisante lune ses pieds nus, sur le sol du navire. Il était habillé d'un simple t-shirt, et d'un pantalon en toile de faible facture. Autrefois, il rêvait de devenir un grand voyageur. Il avait appris à lire une carte et à en décoder les principales subtilités. Aujourd'hui, il ne lui restait plus que quelques notions un peu anciennes. Il sourit bêtement en s'imaginant les livres qu'il avait lu dans le passé...

- J'ai tout appris à Lunas, sur Grand Line. On y trouve une bibliothèque énorme ! Elle renferme de nombreux secrets du monde...

Des secrets bien gardés. L'existence de certains lieux magiques y était renfermée. « All Blue » était citée dedans. De nombreux calculs très complexes avaient permis de déterminer un périmètre de recherche dans lequel des escadrons avaient été envoyés des années durant, avant qu'on ne remarque qu'une simple erreur algébrique avait causé l'une des plus grosses perte d'argent de la décennie. Le Dragon Céleste qui avait financé le projet était furieux, et il fit exécuter le mathématicien en charge de ces recherches. Le rouquin racontait l'histoire avec un certain dégoût, mêlé à une forme de curiosité : était-il vraiment possible que les mathématiques puissent déterminer ce genre de choses ? Rigolant, il finit par avouer qu'il n'était pas intéressé par la découverte de ces lieux secrets. Ils arriviaient à émerveiller le plus quand on tombait dessus par hasard, mais lorsqu'ils étaient le fruit d'une recherche mathématique, ils perdaient pour lui de leur superbe. Et pourtant... Pourtant il comprenait la passion des pirates pour Rough Tell. Au final, c'était un lieu extraordinaire.

- Et toi, sinon, Heziel, comment es-tu devenu cuisinier ? Qu'est-ce qui t'as entraîné dans ce domaine ?

Il n'avait pas encore eu l'occasion de lui parler à cœur ouvert. Agrippant la rambarde, Erwin respira l'air frais de la mer. Il faisait si bon en cette nuit-là !
Erwin
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Mar 7 Nov - 22:38




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


- Une bibliothèque, hein ? Je me demande si ils ont des livres de cuisine intéressants...

Il s'était tourné vers les étoiles suite à la remarque de son compère. Effectivement, le ciel dégageait donnait une magnifique vue sur la voûte céleste, souveraine et intemporelle. Il resta quelques instants plongé dans ses pensées. Au final, ils étaient deux jeunes hommes poussés par le désir de connaitre le monde : un monde dans lequel ils paraissaient alors bien insignifiants. Il suffisait de regarder les constellations qui les toisaient depuis leur perchoir spatial pour se faire cette réflexion. Heziel se demanda si il était réellement possible de ne pas ressentir d'humilité devant un tel tableau : peut-être que les plus grands conquérants avaient perdu cette notion. Peut-être que c'était ce qui nourrissait leurs folies des grandeurs... les amenant tantôt aux victoires les plus triomphales, tantôt aux chutes les plus cuisantes.

Il bu chaque parole de son compagnon alors que ce dernier lui citait la légendaire All Blue et les travaux mathématiques à la limite de l'insensé menés pour la trouver. La citation sur les dragons célestes le laissa songeur : ces gens là semblaient être un parfait exemple de ceux qui étaient incapable de ressentir de l'humilité devant leur propre petitesse à l'échelle des cieux... en tout cas, les actes énoncés par son camarade le rebutèrent totalement. Prendre une vie était quelque chose qui lui semblait bien difficile à faire, alors sur un caprice... quel genre d'individu était capable d'une telle bassesse ? Il marqua son propre dégoût par une grimace et un hochement las de la tête. Décidément, ce monde était plein de merveilles, mais la cruauté prenait racine à chaque occasion. Puis vint la question sur son propre parcours. Il sourit de nouveau et tapota ses doigts sur le bastingage, laissant son regard flirter avec les étoiles qui brûlaient à des années lumières de là.

- Je tiens ça de ma mère. Elle a toujours été le cordon bleu de notre village, à Mormoilnoeud. Elle cuisinait avec une telle passion... et je l'observais, curieux. Puis elle a commencé à m'apprendre.

Des souvenirs chaleureux lui revinrent en tête alors que ses pensées se tournaient vers sa famille. Emilia devait avoir bien grandi, depuis la dernière fois... en espérant qu'elle ne se soit pas fait importuner par n'importe quel gars. Il se demanda si son père travaillait toujours avec autant de vigueur aux champs, et ce que sa mère avait pu préparer au dîner ce soir. Une lueur de nostalgie traversa son regard, puis il reprit.

- C'est devenu un vrai art pour moi, mais aussi une façon de vivre. Tout le monde mérite de manger à sa faim. D'ailleurs, si tout le monde pouvait le faire, je pense que la plupart de nos problèmes disparaîtraient. C'est peut-être un peu naïf, mais j'en suis convaincu !

Il afficha son air niais et adorable dont il avait le secret, celui qui lui faisait plisser les yeux avec une tête si innocente qu'on lui aurait donné le bon dieu sans confession. Avec des propos pareils, il passerait sans doute pour un imbécile heureux. Il était néanmoins fortement attaché à ses convictions.

- Je ne sais pas si Kain t'en a déjà parlé, mais lorsque nous avions dix ans, notre village a été attaqué par des pirates. Suite à ça, j'ai du cuisiner en masse pour aider les gens à reprendre leurs forces. J'aimais ça. C'est aussi à partir de ce jour là qu'on a commencé à s'entraîner sérieusement pour devenir pirates plus tard.

Il se retourna vers l'intérieur du pont et s'adossa à la rambarde, poussant un petit soupir de satisfaction. Ces soirées là étaient les meilleures : un nakama, une discussion et les étoiles comme seules témoins.

- À quinze ans, je suis parti sur l'île de Notebouque. J'y ai travaillé comme cuisinier pour le chef Pandzani et l'enseigne du Crabe-Repu pendant plusieurs années, jusqu'à ce que Kain vienne me chercher, il y a déjà plusieurs mois de cela. Ces expériences m'ont été fortes utiles en tant que cuisinier. De quoi remplir la panse des gens que j'apprécie. Voir ma cuisine donner un peu de bonheur est l'une de mes raisons de vivre, on pourrait dire !

Il pivota jusqu'à Erwin. Ils n'avaient pas réellement eu le temps de parler, depuis qu'il était arrivé. Il fallait dire que la vie des Dokugan se résumait à beaucoup de navigation, ce qu'il fallait de remue ménage, et peu de repos. En d'autres termes, pas forcément beaucoup d'occasions de discuter posément comme ils pouvaient le faire.

- Et toi ? Qu'est-ce qui te pousse à prendre la mer ? Une raison particulière ?

Les flux et reflux des vagues ponctuaient leurs phrases avec une certaine douceur, détendant l'atmosphère au même titre que le vent agréable et la lueur bienfaisante des étoiles. Néanmoins, à leur insu, la nuit cachait une autre forme dans les remous de l'océan : au loin, difficile à percevoir, l'ombre d'un autre navire se dessinait dans les flots. Un navire passablement plus gros que le leur... pas difficile, avec une pareille barque.


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Sam 11 Nov - 19:14
Une histoire de sommeil lourd [2]

Le rouquin écouta le conte que lui énonçait le cuistot. Un conte, car vécu tel un roman fantastique, un de ces grands chefs d’œuvres qu'il avait l'habitude de lire étant plus jeune. S'il trouva merveilleux le rêve que disait Heziel, il fut triste de constater que certaines de ses racines tenait dans de tragiques événements. C'était presque toujours le cas. Lui-même avait son lot de traumatisme, et son lot de soucis. Étrange était cependant l'origine de son actuel statut de pirate : il avait été attaqué et il voulait rejoindre le monde de ceux qui avaient blessé son village. Après tout, peut-être était-ce quelque chose de plus complexe, et il ne chercha pas à creuser. D'autres occasions se présenteraient. Il continua simplement d'écouter avec la plus grande passion que l'on pouvait retrouver chez un aventurier.

- J'essaierai d'aller sur cette île, lança le rouquin avec un sourire niais. Notebouque... On dirait un nom tout droit sorti d'un univers parallèle !

Et en disant cela, il ne remarqua pas qu'il ne connaissait que très peu cette notion « d'univers parallèle ». Il se dit qu'il devrait y remédier un jour, et apprendre à parler moins vite pour pouvoir trier ce qu'il savait expliquer. Après un moment d'absence, il vit le garçon aux cheveux châtains pivoter sur lui-même, dans sa direction. À la question qu'il avait lui-même poser, revint une autre question qui faisait passer cette paisible nuit de manière plutôt rapide.

- Moi, c'est... plus compliqué, commença-t-il.

Dans l'ombre, au loin, il distinguait une forme. Il fronça les sourcils quelques instants : de quoi pouvait-il bien s'agir ? Un navire, aussi gros ? Dans la nuit noire ? Cela devait être son imagination. Les ballottements de l'eau sur la coque étaient doux, comme des caresses maternelles sur la joue d'un enfant. La mer était protectrice, apaisante. Le rouquin chassa ces idées d'abordage et décida de revenir à la question qui lui était posée. Même s'il s'agissait de quelque chose de différent, il ne couperait pas court à cette interrogation.

Alors il expliqua sa situation. Il raconta paisiblement qu'il s'était retrouvé du jour au lendemain sans son père, que celui-ci l'avait abandonné après avoir perdu sa toute-puissance sur son culte, le culte de Skarn. Il s'était réfugié sur une autre île de Grand Line, mais pour l'instant rien ne pouvait être avancé concernant son état. Vivant, mort, quelle importance, lâcha le rouquin avec un ton d'amertume si prononcé qu'on en voyait transparaître une profonde blessure, une tristesse sincère. Il était parti en mer parce qu'il ne se sentait plus à sa place sur son île natale, puis il avait retrouvé une amie d'enfance dont il s'était entiché et son meilleur ami, Léo, qui formaient un couple fantastique.

Il n'avait rien à leur pardonner. Il était passé à autre chose : autrefois, lorsqu’il n'avait que treize ans, cela avait cependant été une épreuve à surmonter. Elle était si belle, Louise... Il avait l'impression de sentir son odeur, sa fragrance transportée par le vent en poupe. Aujourd'hui, elle aussi, ainsi que Léo, étaient pirates.

- Depuis, je cherche à trouver un endroit où je me sentirai bien... Où je pourrai construire une famille.

Cette révélation, ce but, était tout ce qu'on avait besoin de savoir sur Erwin Dog. Qu'importe ce qu'il faisait, c'était pour sa famille. Qu'importe ses sacrifices, il les ferait pour ceux qu'il aimait. Quand il eut terminé, il s'était adossé à la rambarde du navire, les bras posés dessus et son regard rivé sur les étoiles. Le ciel était magnifique. Son sourire s'illumina lorsqu'il commença à reconnaître, malgré ses très faibles connaissances, des formes qu'on aurait pu assimiler à des constellations. Manque de chance, il devait s'agir de tout sauf de l'imaginaire céleste collectif.

Des bruits de fers résonnèrent, étouffés, comme si deux sabres se frottaient les uns contre les autres dans le lointain. Candide et fatigué, Erwin les ignora si bien qu'on aurait pu croire qu'il ne les avait pas entendu, qu'ils étaient arrivés de l'imaginaire individuel. Une bien triste nouvelle pour les Dokugans et leur invité...

- Ces nuits étoilées me rappellent mes dernières soirées avec ma mère. Elle avait l'habitude de me montrer le ciel, de m'expliquer que les étoiles ne sont pas des petits bons hommes qui portent des lanternes. Elle ne savait pas de quoi il s'agissait, mais c'était toujours plus cohérent que mon histoire.

Il rit. Des bruits de carillons se firent entendre, fouettés par le vent. Les Dokugans avaient un carillon ? Kain avait du le sortir aujourd'hui.

- J'ai compris pourquoi tu étais devenu cuisinier... Mais pourquoi pirate ?
Erwin
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Lun 13 Nov - 12:54




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


- Oh... je suis désolé de l'apprendre.

Il se frotta la tête bêtement suite aux explications de son compère. Il avait eu un passé difficile... plus difficile que le sien, en tout cas. Certes, l'attaque sur Mormoilnoeud n'avait pas été un évènement facile mais ça aurait pu être bien pire : sa famille avait survécu, son meilleur ami également, malgré la perte de son oeil droit. Erwin, lui, avait perdu son père et pas de la meilleure façon. Y'avait-il seulement une bonne façon de traverser une telle épreuve ? En tout cas, l'amertume qui résonnait dans le timbre de sa voix, devenue plus incisive, laissait présager d'une blessure qui n'était pas encore refermée. Sans doute ne le serait-elle jamais réellement. Heziel, de son côté, remercia silencieusement le ciel que son paternel ait rendu les armes pour s'adonner à l'agriculture, lui ayant ainsi offert l'éducation qui avait fait de lui ce qu'il était.

- Une famille hein... c'est tout ce que je te souhaite.

Il lui offrit un sourire sincère en déclarant ces mots. Lui même rêvait de fonder sa propre famille à lui. Néanmoins, il savait que l'accomplissement de cette aspiration serait conditionnée par sa réussite en tant que pirate. Si l'océan venait à bout de lui, alors il aurait perdu son pari. Dans le cas contraire, il comptait bien s'installer un jour avec la femme de sa vie pour fonder un foyer. Le Coffe n'avait jamais été très coureur de jupon dans l'âme : la plupart du temps, il se tenait à une distance raisonnable de la gent féminine, à part quelques aventures de jeunesse inhérentes à sa propre curiosité. Il lui manquait souvent cette étincelle pour embraser son intérêt pour une demoiselle. Plus simplement dit, il avait du mal à dissocier attirance et sentiments : du moins, l'attirance seule ne lui permettait pas d'abattre assez de barrières pour s'engager dans une relation, même uniquement charnelle.

Le navire tanguait doucement sous la brise, les vagues refluant avec une certaine délicatesse sur la coque. Adossé au bastingage, le pugiliste ressentait chaque caresse d'East Blue, comme si le navire était une prolongation de son propre corps. Bizarre, ces bruits dans le lointain... sans doute des murmures de la nature portés par le vent. Trop détendu pour y prêter attention, le Coffe ignora savamment le bruit de carillon que son oreille ne décrypta qu'à moitié. De plus, son camarade attendait une réponse et il ne comptait pas sacrifier leur discussion au profit de quelques hallucinations auditives, sans doute causées par la fatigue croissante. La journée n'avait pas été de tout repos. S'occuper de Kain n'était jamais de tout repos, pour commencer...

- Je sais, c'est bizarre pas vrai ? En fait, on a toujours rêvé de prendre la mer... Kain veut devenir Seigneur des Pirates, et je compte bien l'aider dans son entreprise. Mais ça a aussi toujours eu un autre sens, pour nous. Nos pirates à nous sont des gens bien : des aventuriers qui n'hésitent pas à aider, même si ils vivent par leurs propres règles. Quelque part, je pense qu'on cherche aussi à montrer que tous les forbans ne sont pas comme ces raclures qui nous ont attaqués. Qu'on veut prouver que notre rêve à survécu à leur malveillance.

Porter haut et fort la bannière de ses croyances : une des choses qu'il faisait le mieux. Malgré l'assaut sur leur île natale, les deux jeunes garçons qu'étaient alors le Valentine D. et le Coffe ne se s'étaient jamais découragés. Pirate se serait, dans tous les cas ! Car leurs aspirations profondes étaient bien plus solides que la lame qui avait prélevé l'oeil de Kain, bien plus ardentes que le feu qui avait rongé la maisonnée de Heziel. Mais cette pensée, aussi belle, poétique et pleine de sens fut-elle, ne résista pas au deuxième coup de carillon, plus proche que son prédécesseur.




- Tu as entendu ça ?

Se tournant alors, le cuistancier marin ne pu que constater l'arrivée imminente d'une énorme masse sombre, dont les contours se dessinaient désormais avec une terrible clarté : une caravelle bien plus grosse que leur pauvre barque de luxe progressait droit vers eux. La figure de proue, une sorte de bouc aux traits agressifs, dominait de toute sa taille et sa position les deux marins. Les moulures abîmées et grossières du navire, témoignant de plusieurs combats, accentuaient les ombres sur l'imposant bâtiment naval. Le bruit de l'acier que l'on sort de son fourreau, caractéristique, se mit à emplir l'air alors que des exclamations brutales s'élevaient dans les airs. Les silhouettes encore difficiles à cerner s'illuminèrent lorsque des torches prirent soudainement feu dans la masse. Des combattants, à n'en pas douter, arborant en guise de couvre-chef le même symbole que leur transport. Faisant un pas en arrière, le Coffe ne laissa qu'une seule chose s'échapper de ses lèvres.

- Uh-oh. C'est moi, où on dirait qu'ils partent à l'abordage ?


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Jeu 16 Nov - 20:19
Une histoire de sommeil lourd [3]

Les révélations de Heziel érigèrent un sourire discret sur le visage du rouquin. La lune l'illuminait de quelques uns de ses reflets, et tandis qu'il s'était mis à la scruter, il imaginait le visage des pirates des contes du Coffe. Ce Gol D. Roger en faisait-il parti ? Avec une sensation de bien-être qui l'envahissait, le jeune homme imagina une vie d'aventures et de liberté, à naviguer sur les flots, « Eh, oh, matelot ! ». Les forbans de ce type, les « gentils » étaient les plus mystérieux à ses yeux. Ils naviguaient contre vents et marées, contre les attaques de leurs grands ennemis qu'étaient le Gouvernement Mondial. Ils prenaient les armes pour défendre leurs idéaux, et leurs bâtiments servaient à fendre la mer quand celle-ci se montrait réticente. Avec le temps, les coques cédaient et les anciens navires étaient remplacés par de nouveaux. Les compagnons de route les plus fidèles restaient. Alors qu'il rêvassait, le maudit se tourna à nouveau vers son camarade pour reprendre la parole et faire part de son émerveillement... Un carillon vint cependant perturber ses intentions.

Aux paroles de Heziel, il se retourna. Quelque chose dans l'obscurité de la nuit, pourtant clairsemée par les étoiles, avait résonné. Alors une caravelle dessina ses contours, déjà trop proche du piteux navire des Dokugans. Le premier réflexe du rouquin aurait pu être de fuir et de laisser ses nouveaux camarades se débrouiller avec ce potentiel problème de taille. Il n'était cependant pas une poule mouillée, et bien que l'idée puisse tout de même être alléchante de ne pas perdre la vie, il était trop fatigué pour le percevoir.

- C'est... étrange, fit le jeune homme avant de déglutir.

C'était plus qu'étrange : c'était dangereux. Son cerveau en état d'alerte minimal lui indiquait tout de même que les choses allaient chauffer pour leurs matricules. À peine Heziel eut-il fini sa dernière remarque sur la situation qu'un cri d'union, « A l'abordage ! » se fit entendre dans la nuit et déchira le paisible silence de la mer obscure. Les bruits de pas qui crièrent la démarche bedonnante des pirates fut suivi par un son caractéristique de sauts et de flammes qui crépitaient toujours plus proches. Par un réflexe qu'il ne comprit pas, Erwin mit sa main à sa ceinture comme si des dagues s'y trouvaient. Malheur à lui, il n'avait que la gueule pour se défendre. Un instant, il réfléchit à la posture dans laquelle il se trouvait, et sa réflexion fut interrompue lorsque le premier homme toucha le pont des Dokugans. S'en suivit une douzaine de gros balourds, la bave en poupe, des sabres en guise d'arme et des torches qui menaçaient de brûler le navire à la moindre chute.

- On dirait que tu avais raison... Et tu disais « de gentils pirates » ? J'aimerais bien les voir, qu'ils ne restent pas que dans les contes.

Raillant, le rouquin bailla. Il n'avait pas particulièrement envie de se battre. Pis encore, il n'était pas en état : sa fatigue le rendait quasiment inopérant, et il ne pourrait réagir qu'à l'instinct. Alors qu'une dernière ombre fendait l'air, celle-ci se dévoila comme un preux chevalier, la silhouette svelte, le visage noble, les cheveux longs et blonds qui lui donnaient l'air d'être tiré d'un récit pour jeune fille en fleur. Un primé, qui se présenta comme étant « Rouge, le Malotru », surnommé ainsi parce que son équipage le faisait toujours passer pour quelqu'un de malpoli. 22.000.000 avaient été lancés comme mise à prix sur sa tête, et il arbora fièrement son avis de recherche... Où il avait l'air d'avoir une cinquantaine de kilos de plus.

- C'est pas lui, fit Erwin en plissant les yeux. Définitivement. T'as vu, il a pas ce bourrelet ?
- Comment oses-tu... Je suis le Capitaine des Bonding Stomaches

Il ne put s'empêcher de pouffer. Et pourtant, selon les légendes, il était dit que ces hommes vouaient un culte à la bonne bouffe. Ils étaient cependant d'une maladresse extrême, et une rumeur les mettait dans la liste des plus grands casseurs de vaisselles connus à ce jour.
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Lun 20 Nov - 11:09




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


- T'as pas tort. Peut-être qu'ils cherchent ce fameux Rouge ?

- JE VOUS DIS QUE C'EST MOI !

Furibond, le pirate aux allures d'aristocrate guerrier serra les poings en se tendant de toute sa taille sur ses pieds bottés, adoptant une rigidité qui n'était malmenée que par quelques soubresauts colériques. Son visage aux traits fins et gracieux s'était momentanément changé en une grimace extrêmement excessive alors que le Coffe et le Dog continuaient de le toiser, cherchant une concordance entre l'affiche et son détenteur. Dans le dos de ce dernier, cependant, quelques grassouillets s'avancèrent avec l'écume aux lèvres, prêts à passer à l'action à la moindre demande de leur capitaine.

- Hé, capitaine, on a faim... on peut les frapper, puis on mange ce qu'ils ont, pas vrai ?
- J'ai l'estomac qui gargouille !
- De l'agneau... ou du porc... hé, vous pensez qu'ils ont du porc ?


Devant l'amoncellement de demandes de la part de ses hommes, Rouge le Malotru fit un signe de la main tout en soupirant, avant d'adopter un petit sourire malicieux à l'encontre des deux jeunes adultes lui faisant face. Ces gamins n'avaient aucune idée du pétrin dans lequel ils s'étaient fourrés... les gars avaient envie d'un peu de baston, en plus d'avoir un appétit d'Ogre. Lui même ne devait cette perte de poids fabuleuse qu'à un véritable mental d'acier ! Mais il ne pouvait décemment pas priver son équipage de leur petit pêché mignon...

- Je vous explique votre situation, puisque vous avez l'air d'être passablement trop bêtes pour-

- On l'a pas vu, votre Malotru le Rouge !

- C'EST ROUGE LE MALOTRU, ET C'EST MOI !

Heziel l'observa avec un oeil circonspect avant de croiser les bras. De son côté, le forban commençait à faire de sérieux efforts sur son tempérament pour éviter de tout simplement les condamner à mort aux mains de ses hommes. Après tout, de la chair fraiche était toujours utile pour renflouer ses rangs : tandis qu'en arrière plan, certains boucaniers avaient pris la liberté de mâchonner du saucisson sec qui leur pendait autour du cou, le beau blond fit un pas en avant sur la proue de son navire et décida d'abandonner les explications pour en venir aux faits.

- Donnez nous vos provisions, et je saurai me montrer clément ! Notre beau navire gagnerait à obtenir quelques paires de bras supplémentaires pour l'entretenir et le manœuvrer !

- Ah, vous avez faim ? Mais fallait le dire tout de suite !

Se retournant sous le regard interloqué du capitaine pirate, Heziel entreprit de parcourir le petit pont de leur barque modeste afin de récupérer un tonneau visiblement assez lourd qui avoisinait la porte menant à la cabine dans laquelle le Borgne ronflait encore de façon assez ostensible. Il le renversa sur le côté précautionneusement puis le fit rouler avec une visible difficulté jusqu'au rouquin maudit du fruit de la téléportation. Il lâcha un petit "fiou" tout en souriant à Erwin avant de se frotter le front avec son avant-bras. C'est que c'était sans doute très lourd... pour un homme normal.

- Un bon cuisinier ne laisse personne avoir faim bien longtemps !

Rouge, de son côté, sembla d'abord suspicieux avant de reprendre ses aises devant la fragilité apparente du brun. Sans doute ces jeunes âmes avaient-elles réalisé qu'il valait mieux se rendre face à la puissante brute qui risquait de les écraser à tout moment... ce n'était pas plus mal : il n'avait pour sa part pas vraiment envie de combattre actuellement, préférant largement donner à ses hommes leur placebo culinaire avant de lui même se coucher après avoir savouré son plat favoris depuis son régime : une salade avec un verre d'eau, sans accompagnement. En ce qui concernait les deux amateurs lui faisant face, il pourrait sans doute leur trouver une utilité... surtout si le brun était bel et bien cuisinier, comme il l'avait prétendu.

- Je vois que vous avez entendu la voix de la raison ! Parfait ! Vos provisions se trouvent là dedans ?

- Oui !

- C'est vrai ?

En seule réponse, un tonneau lui arriva à toute vitesse en pleine poire. Un grand "CRACK" retentit alors que le bois se fissurait sur le beau visage du forban aux allures de prince charmant, dans une pluie de débris et d'échardes qui retomba aux alentours sous les protestations des autres pirates. La contenant, lui, était finalement vide.

- ET PUIS QUOI ENCORE, VOUS VOULEZ UNE MANUCURE AUSSI ?!

De son côté, le Coffe était remonté à bloc. Ces types débarquaient de nulle part, les menaçaient et espéraient s'en tirer avec leurs provisions ? Ces provisions qu'il préparait avec amour chaque jour, et qu'il devait rationner strictement pour éviter que Kain ne les dévore toutes ? Il avait déjà un Ogre à nourrir et ça lui suffisait ! Alors ces Bonding Stomaches pouvaient bien aller voir ailleurs !


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Mar 21 Nov - 20:43
Une histoire de sommeil lourd [4]

- JE NE SUIS PAS UN HERO ! MES FAUX PAS ME COLLENT A LA PEAU ! JE NE SUIS PAS UN HERO, UN HEROOOO, OHOHOH !

C'était un Erwin hilare qui s'était échappé fugacement de la scène en sentant que Heziel allait pouvoir faire un tour de force face aux pirates. Il n'avait pas besoin de l'accompagner dans cette opération, et tandis que le tonneau roulait sur le pont, attirant toutes les attentions, le rouquin était monté à bord du navire des pirates. C'était de grands dodus, robustes, un peu étrange et cependant plein de bonne volonté. Ils devaient avoir quelques denrées sur leur navire qui méritaient qu'on s'y attarde. Passant devant la salle aux trésors, remplie de pièces d'or, de coffrets incrustés de pierres précieuses et d'autres bizarreries dans ce genre, le rouquin fut attiré par une porte d'où parvenait une odeur de ragoût froid. Il y pénétra avec la moindre précaution, claquant la porte contre le mur, et observa l'objet de ce qu'il pensait être le crime de la soirée : une marmite pleine déversée sur le sol. Il blêmit. Qui avait donc osé faire ça ? Gâcher au moins un kilo d'agneau, en lui assortissant une sauce d'une couleur violacée... C'était inadmissible ! Enfin, pas pour lui, lui il s'en fichait.

Remontant la lourde marmite sur son fond, il put conserver quelques louchées de ce terrible breuvage. On aurait dit que les carottes avaient littéralement fondues dans cette soude bon marché. Et qui aurait cru qu'on pouvait mettre des noix dans ce type de préparation ? Alors là... Touchant finalement le contenant, il disparut pour revenir sur le pont, au moment où Heziel avait lancé le tonneau dans la figure du capitaine de l'équipage ennemi, apparemment bien en rogne à présent.

- Arrêtez ! Hurla le rouquin. Arrêtez de vous...

Il bailla. Ses excès d'énergie étaient assez courts, ce qui ne rendait pas la situation très facile à suivre et à comprendre. Avec un air un peu ensommeillé, il entendit un ronflement si puissant qu'il crut que le bateau tremblait. En réalité, celui-ci s'apaisa immédiatement après. Ouf, les lattes en bois tiendraient une nuit de plus.

- Arrêtez. J'ai trouvé ça dans vos cuisines, tenta d'articuler la bouche ouverte le jeune voyageur itinérant.

La vérité n'était pas difficile à saisir. Un crime avait été commis. L'odeur de ragoût se dégagea aisément de la casserole et si le rouquin n'était pas un connaisseur, les gros tas qui lui faisaient face semblaient craindre à présent la réaction d'un chef cuistot qui pourrait, très certainement, reconnaître avec dégoût les ingrédients utilisés dans cette préparation toxique. Pourquoi faire cela ? Pourquoi attiser une colère qui n'avait pas besoin de l'être ? Le jeune homme n'en savait rien : tout ce qu'il voyait c'était la possibilité de se débarrasser ces personnes en ayant juste à sortir les couverts et les assiettes pour préparer le combat qui s'annonçait. Une telle dénonciation, c'était de la délation ! Comme disait papy : « J'aurais pas aimé être ton ami sous l'occupation. ». Oh que non.

- On peut tout expliquer...
- Oui... C'est le patron qui...

Il se turent et déglutirent. Ils pouvaient tout expliquer ? Avec leurs airs inquiets et leurs petites mines déconfites ? La douleur de manger un tel repas devait leur provoquer constamment des problèmes gastriques. Peut-être avait-il mis de la betterave pour donner cette couleur au ragoût. Ah, c'était ça !

- La betterave ! Finit par dire Erwin avec un air de dégoût.

Il n'aimait vraiment pas ce truc. Et la nuit s’obscurcit tandis qu'un nuage passait fugacement au-dessus de la tête de Heziel.
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Jeu 23 Nov - 10:56




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


Malgré l'appétit des forbans qui lui faisaient face, son petit tour de force avait marché : et tandis que le rouquin s'était éclipsé de son côté pour visiter le navire des pirates, le Coffe se tenait désormais poing droit vers l'avant, un air relativement furibond sur le visage. Il y avait un minimum de manières à avoir quand on voyageait en mer, et menacer des gens pour récupérer leur nourriture ne faisait définitivement pas partie des bonnes pratiques ! La bouffe, c'était sacré ! Et ils auraient bien fait de s'en rappeler alors, ce qui leur aurait évité un capitaine étalé sur le pont avec la face rouge comme une tomate ! Et tandis que le Dog réapparaissait comme il avait le don de le faire, son camarade de l'équipage du Borgne finissait de passer un savon rapide à ces énergumènes.

- Non mais, vous descendez de vos grands chevaux tout de suite !

- Mais... mais... c'est vous qui...

- Huuuuuu ?!

Son visage avait mécaniquement pivoté vers l'origine du début maigrelet de protestation, origine se situant en la personne d'un des bandits marins. Ce dernier s'était réfugié derrière la masse de ses camarades, laquelle formait un bloc opaque en raison de leur corpulence. Les yeux du mormoilnien jetaient des éclairs en direction des malpolis à l'appétit mal placé. Puis, son nez tiqua sur quelque chose de contre-nature. Un mélange d'odeurs qui n'aurait jamais du voir le jour. Sa tête effectua une rotation lente, suivie de la partie haute de son corps, tandis que Erwin prononçait le mot "betterave" avec dégoût. Un silence pensant s'ensuivit. Un ronflement de Kain. Le navire grinça. Puis les dents du Coffe grincèrent à leur tour.

- De l'agneau... du moins, C'ETAIT de l'agneau... des épinards, des carottes, bouillies et mélangées au reste... de la crème fraiche, de la betterave... des noix. Le tout massacré dans cette soupe infecte, avant d'être aromatisé avec du poivre et du sel... ainsi que du gingembre et de la ciboulette.

Il s'était agenouillé à côté de la pauvre marmite, forcée par ces chimpanzés sans foi ni loi de contenir une tambouille aussi dégoûtante. Il avait placé sa main gauche sur le rebord usé et crasseux de l'ustensile. Ils ne prenaient aucun soin de leur matériel de cuisine... le Coffe ne pouvait pas laisser passer ça. Tournant un regard sévère vers les forbans, il se redressa et fit blanchir les jointures de ses mains.

- Seul un fou préparerait ce genre de chose. Une personne capable de faire ceci est forcément une personne dangereuse.

Il les pointa d'une doigt une unique fois, annonçant la couleur sans plus de cérémonie.

- Désignez un coupable, ou prenez tous le blâme. Mais quelqu'un doit payer et je vais m'en charger immédiatement !

De son côté, Rouge le Malotru se remettait du jet de tonneau administré un peu plus tôt. Pour peu, Heziel lui aurait renvoyé sa soupe odieuse en pleine figure : mais ça impliquait de lui jeter la marmite. Aussi crasseuse et souillée fut-elle, elle avait le droit au respect. Comme tout ustensile de cuisine...


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Jeu 23 Nov - 19:11
Une histoire de sommeil lourd [5]

La colère du Coffe déformait les traits de ce dernier comme jamais. À défaut d'être un homme de doigté, Kain avait au moins le mérite de ne pas toucher aux ustensiles de son chef cuistot. Quant au rouquin, il ne s'en était pas approché depuis que, en entrant dans la pièce, il avait failli casser une tasse en porcelaine du précédent centenaire. Oh oui, l'idée de se frotter à cet homme dans son état de colère le plus profond n'était guère une chose. Admettons qu'il soit gentillet sur les bords, il n'en restait pas moins l'un des forbans les plus entichés de cuisine qui existe au monde. Après avoir dégluti à grandes gorgées, le gringalet se tourna vers les pirates de l'équipage ennemi et vit qu'eux-mêmes en un instant avaient commencé à partager la même crainte. Ils étaient certainement à présent conscients qu'ils ne pouvaient pas s'en sortir sans y laisser des plumes.

Avec un air fatigué, Erwin acquiesça. Alors qu'une idée des plus saugrenues semblait entrer dans la tête d'un des ennemis, la sienne se vidait progressivement pour ne laisser place qu'à une envie de dormir qui le transforma en un petit zombie, à peine bon à articuler deux mots les uns après les autres.

- T... t... t... Toi ! Hurla-t-il en pointant d'un doigt accusateur le forban.

Un gros tas était sorti de sa cachette et avait fixé Heziel avec un air extrêmement prudent. Il tenait dans sa main une assiette, qu'il avait certainement apporté avec lui à la place d'un flambeau. Cette arme de destruction massive était une denrée rare : porcelaine de Micqueot, créée en 1480 par un des plus grands céramistes de son époque, Jock Porcelaine. Il avait donné son nom à cette céramique fine et translucide lorsqu'il avait découvert qu'elle n'avait jusqu'alors le simple nom de « céramique ». Cette manière de travailler le matériau primaire qu'il utilisait n'était pas très originale, mais elle lui permit de monter l'un des commerces les plus brillants de la Terre. Sur les mers, les nobles s'arrachaient ses créations, et la forme de cet ustensile était si parfaite, courbée mais avec des bords larges, permettant d'y couper la viande et d'y mettre de la sauce sans qu'elle ne déborde, qu'on lui attribuait le caractère d'oeuvre d'art. Les motifs peints dessus étaient d'une finesse rare, et on pouvait y apercevoir une redite de l'estampe de Mawashigeri, « Le coup de la vague ».

- C'est beau, commenta le rouquin somnambule à grands bâillements.
- Cela... Cela appartiendra bientôt à la mer !

Et il la lança vers l'eau avec un geste d'une puissance phénoménale, comme on lance un frisbee. Chacun blêmit tandis que, satisfait de son geste, l'homme se mit à ricaner. Il avait toucher une corde sensible sans le savoir, et son acte serait lourd de conséquences. Surtout quand on remarquerait que, de son côté, il n'y avait pas que la mer mais la coque du navire aussi. Lorsque la porcelaine percuterait le bâtiment, elle se briserait en centaine de petits morceaux qui iraient rejoindre les fonds marins. Avec une telle puissance, elle n'infligerait pourtant pas de dégâts au bois, trop fragile pour l'ébrécher.

- Qu'est-ce que..., commença le Malotru, un bras tendu vers la porcelaine déchue. Qu'est-ce que tu as fait ?! Et s'il...

Ils se tournèrent vers Heziel. La cuisine, c'était sacré. Casser des ustensiles devait relever du sacrilège s'ils en croyaient les premiers contacts qu'ils avaient eu avec le Dokugan. Et ils ne souhaitaient pas subir les frasques de leur camarade. Certains mirent la main à l'arme, tandis que d'autres craignaient trop une réaction éclair, si bien que personne ne fit attention au rouquin lorsqu'il apparut derrière le capitaine et qu'il le toucha à l'épaule pour le ramener sur son navire, pour une raison alors inconnue...
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Mar 28 Nov - 12:22




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


Campé sur ses appuis, le cuisinier des mers attendait patiemment qu'un des hommes lui faisant face se rappelle de ses attributs masculins et prenne ses responsabilités. Hélas, cela ne semblait pas être leur fort : si leur surnombre les avait enhardis de prime abord, la démonstration de puissance du brun et les pouvoirs surprenants du rouquin semblaient les avoir refroidis. Ils étaient désormais dans l'expectative, attendant que l'un d'eux mange pour les autres. Du moins, c'était le cas de la majorité : cependant, l'un d'eux décida de reprendre les choses en mains et s'arma de la seule chose que le pugiliste de l'équipage naissant des Dokugan ne pouvait pas affronter : de la vaisselle de qualité.

Il était surprenant de trouver une telle pièce artistique dans les mains de ces cancrelats. Comment avaient-ils seulement pu mettre la main sur un trésor pareil ? Certes, la controverse battait son plein quant aux méthodes "banales" de fabrication, mais le résultat restait le plus important : et il était tout à fait exquis. Même si le procédé de création de cette porcelaine déliait les langues des détracteurs les plus voraces, on ne pouvait retirer à la porcelaine de Micqueot son utilité agréable et son aspect alléchant. Les yeux de Heziel restèrent fixés sur l'assiette, alors que le forban répétait sa sentence. Il n'allait quand même pas...

- Hmpf !

Alors que les yeux s'étaient tournés vers lui, le cuistancier s'était déjà jeté au secours de la vaisselle en détresse. Il ne pouvait décemment pas laisser une telle beauté finir dans les fonds marins ! C'était hors de question ! Il s'occuperait du cas de cet abruti plus tard... il devait fonctionner par ordre de priorité. D'un pas leste, il avait franchi la distance le séparant du bastingage de leur petite embarcation, avant de sauter comme un félin au dessus de l'océan. Ses muscles se tendirent, ses pupilles se rétrécirent, alors que ses doigts franchissaient l'espace les séparant de la vaisselle resplendissante. Heziel serra les dents. Il devait à tout prix la rattraper. Dans un ultime effort, alors que son corps planait au dessus de l'eau salée, il parvint à toucher l'infortunée victime de la barbarie humaine du bout de l'ongle. Une dernière impulsion lui permit d'attraper cette dernière, enfin. Il la ramena contre lui, lui susurrant une parole rassurante... avant qu'une violente douleur ne le cueille dans le flanc gauche.

- Ghhhh... !

Suite à l'impact, le forban s'enfonça dans l'océan avec sa dulcinée du moment.

Sur le navire des Bonding Stomaches, un rugissement de triomphe suivit d'un rire brutal accompagnèrent la descente dans les fonds marins du brun. L'homme à l'origine de ce jet infâme de porcelaine s'était saisi de l'occasion : profitant du sauvetage ridicule, il s'était emparé de son arme fétiche, une large masse d'arme reliée à une lourde et longue chaîne en fer. L'engin rouillé lui permettait de frapper dans un ample périmètre autour de lui et il avait mis cela à profit. L'arme s'était enfoncée dans les côtes du cuistot marin, l'envoyant nager avec les poissons. Tapotant son ventre, ce dernier se fendant en vaguelettes de peau sous le contact de ses doigts graisseux, le pirate dévoila une dent d'or alors qu'il se pavanait fièrement.

- Voilà qui est réglé ! Allez les gars ! On va pouvoir piller leur rafiot !

Un bref silence fut remplacé rapidement par un chœur de contentement général. L'effrayant artiste culinaire mis hors course, plus rien ne semblait pouvoir empêcher les boucaniers obèses de s'adonner à leurs vices. Ils descendirent maladroitement de leur propre navire, faisant grincer douloureusement les lattes malmenées et les planches usées, avant de faire subir le même sort au bois de la barque de l'équipage du Borgne. Armes dehors, langues pendues et dégoulinantes de salive, ils étaient prêts à passer à l'acte... malgré la disparition de Rouge, qui ne semblait même pas leur avoir traversé l'esprit.

- Viande !
- Sauce !
- Fromage !
- Tout sera à nous ! Et avec un cuisinier aussi passionné à bord, ils doivent avoir des trucs vachement bons à l'intérieur !

Quelques ricanements s'ensuivirent... tandis que le Coffe, de son côté, n'avait toujours pas refait surface. De son côté, le capitaine de l'équipage ronflait toujours dans sa cale, attirant peu à peu l'attention des différents forbans.


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Mer 6 Déc - 12:56
Une histoire de sommeil lourd [6]

C'était un Erwin somnolent qui assista au spectacle terrifiant qui prit place sous ses yeux. Alors que Heziel sauvait un morceau de porcelaine d'une fin certaine, un des pirates profita de son innatention pour l'envoyer nourrir les poissons. Les yeux écarquillés, le rouquin sentit son cœur battre la chamade. Il s'élança jusqu'à la rembarde qui le séparait de la mer et hurla le prénom du cuisinier à tous poumons. Ce n'était pas assez fort pour réveiller Kain ou pour faire sortir Loyal de sa cachette, mais c'était suffisamment puissant pour que les pirates se mettent à rire à plein poumon. Des larmes se mirent à couler des yeux du jeune homme fatigué qui, dans cet état, n'était plus capable de réfléchir correctement. Il pensa aux quelques jours qu'il avait passé avec cet homme, à son amabilité, à la façon qu'il avait de le fusiller du regard lorsqu'il se tenait mal à table, à ses remarques piquantes concernant sa manie de trier sa nourriture, et à la façon dont il aurait pu finir s'il avait détruit une assiette. Une tristesse infini lui emplit le cœur, et amena quelques nuages au-dessus de sa tête. Les étoiles scintillaient toujours dans le ciel, mais un nuage vint masquer temporairement la lune et diminua drastiquement la luminosité de la nuit.

- Bande d'enfoirés ! Vociféra Erwin. C'était un bon camarade, C'était un bon camarade... Et nul ne peut le nier ! Chanta-t-il à sa mémoire.

Les hommes le dévisagèrent avec une telle force qu'ils semblaient déjà avoir compris qu'ils avaient affaire soit à un fou, soit à une personne qui n'en pouvait plus de la vie. Dans les deux cas, ils allaient abréger ses souffrances et lui faire manger les poissons. Tandis qu'une partie des pirates se dirigea vers la cuisine, une demi-douzaine d'entre eux se décida à se débarrasser du bruyant gêneur qui avait déjà entamé un second chant funèbre. Quand ils arrivèrent à sa hauteur, l'un d'entre eux posa sa main sur son épaule pour le pousser. Reniflant fort, Erwin, par simple réflexe, lui attrapa le bras et le fit passer par dessus son épaule, utilisant son corps comme levier. De l'eau remonta jusqu'au niveau du pont, et les cinq autres pirates reculèrent d'un pas.

- Vous n'aviez pas le droit ! Heziel avait encore toute la vie devant lui ! Il chérissait la nourriture et les confitures plus que vous ne l'auriez jamais fait ! Hurla le rouquin si fort qu'il attira le regard de ceux qui se dirigeaient vers la cuisine.

L'un d'entre eux prit son fusil. Il n'allait pas le laisser parler plus longtemps, au risque de foirer leur opération restauration. Avec une balle bien placée, tout serait terminé en un rien de temps... Ce qui manqua de se produire quand il tira une première fois et que la balle ne souffla que le vide. Erwin grogna derrière le fusilier. Il s'était téléporté, et apparemment il comptait bien faire...

Ah, il sentait ses forces le quitter. Tandis qu'il s'apprêtait à donner un coup de poing à l'homme en face de lui, son corps tout entier se porta vers l'avant et il tomba sur le pont du navire. Déglutissant, les pirates se demandèrent s'ils pouvaient vraiment l'approcher. C'était une sorte de petit démon, rien comparé au cuistot, mais un esprit malicieux qui voulait leur mal. Pourtant, le tuer n'était pas une option. Ils le ligotèrent alors juste et l'attachèrent au mât du navire. Quelques minutes suffirent pour l'opération, et alors le jeune squatteur de bateau se réveilla. Il avait été secoué par une vague plus forte que les autres qui s'écrasait contre la coque en bois sous leurs pieds.

- Il se passe qu... Oh, Heziel est... Heziel, tu vas tellement nous manquer...

Et il commença à chanter à nouveau de sa voix d'ensommeillé.


If i die young, bury me in kitchen,
Lay me down on a bed of jelly,
Take me in the sink... At dawn
Send me away with the word of a food song
Erwin
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Mar 12 Déc - 10:30




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


Lâchant quelques bulles d'air timorées alors qu'il s'enfonçait dans les tréfonds, Heziel n'avait pas pour autant amenuisé sa prise sur l'assiette, qui était effectivement saine et sauve. Sa vision s'était troublée l'espace d'un instant, il avait manqué de tourner de l'oeil, mais il était encore conscient : pour combien de temps, cependant ? Se secouant dans l'eau froide, il releva la tête, tentant de discerner quelque chose dans la nuit noire et au travers du voile marin. Il était désorienté, son flanc le faisait souffrir et ses poumons commençaient à manquer d'air. Le choc initial l'avait amené à en expirer la grande majorité. Il entama donc une nage hative vers ce qu'il pensait être la surface, sans même savoir où il allait s'extirper de son linceul glacé et humide.

Ses jambes redoublèrent d'activité lorsque ses yeux crurent apercevoir la carrure d'un des gros balourds de l'équipage adverse s'enfoncer dans l'océan. L’œuvre de Erwin, peut-être ? Ou de Kain qui s'était réveillé pour foutre une raclée aux méchants ? La première solution était la plus probable, car le sommeil du titan était difficile à troubler, même en temps de crise. Heziel n'avait pas le temps de rester là à tergiverser. Il devait soutenir son camarade dans cet affrontement. Et alors même qu'il se heurtait à la coque dure d'un navire, l'empêchant de remonter à la surface, une terrible déduction apparut à son esprit : sa cuisine était sur le chemin de ces porcs. Sa cuisine, donc le frigo. Donc la vaisselle. Et vu comment l'autre abruti avait osé jeter cette assiette par dessus bord, vu comment ils avaient cuisiné le veau d'un peu plus tôt... inacceptable. Impardonnable. Il protégerait ses amours !

De l'extérieur, alors que les Bonding Stomaches s'affairaient à pénétrer dans le navire du Borgne -où une bête plus terrible encore que les deux jeunes hommes roupillait-, une secousse violente provoqua une première vague qui s'éclata contre les flancs du rafiot. Une seconde secousse vit le navire des forbans gourmands trembler sur place dans un craquement sinistre. Puis une autre, et encore une autre. Un bruit grave s'étirait des profondeurs, comme si un animal de grande taille tentait de percer la caravelle par le dessous. Un nouveau craquement, une nouvelle secousse. Puis les bruits se firent de plus en plus répétés, insistants, proches. On entendait désormais clairement du bois se briser et se tordre à l'intérieur du navire des pirates rondelets. Ce dernier, d'ailleurs, semblait subrepticement s'affaisser dans East Blue... comme si il coulait.

- Heu... les gars... ?

L'un des boucaniers en fin de file avait eu l'occasion de remarquer le phénomène alors que le rouquin ensommeillé continuait de chantonner ses airs exotiques. Puis, la rage du juste refit surface lorsque Heziel s'extirpa des entrailles du grand bateau dans un cri de guerre effroyable, le poing vers le ciel et l'air passablement peu jouasse. Ses yeux se rivèrent immédiatement sur les adversaires dans son champ de vision alors qu'il était en train d'atterrir sur le pont de leur caravelle condamnée, avant qu'il ne vocifère ces quelques mots.

- SORTEZ DE MA CUISINE !

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Mer 13 Déc - 18:30
Une histoire de sommeil lourd [7]

Le cri de Heziel fut une libération pour le rouquin ligoté, dont le regard se porta vers l'ombre qui émergeait des profondeurs. Il n'aurait jamais cru apprécier autant la présence d'un monstre marin à bord d'un navire. Le cuistot était la plus effrayante créature à bord, médusé par l'idée qu'on puisse s'en prendre à sa précieuse cuisine. Et Erwin le comprenait : qu'y avait-il de mal à vouloir défendre un territoire aussi sacré que celui où on préparait la nourriture des braves ? Avec un air satisfait, il bailla à grande bouche ouverte et s'impatienta devant la suite des événements... Qui fut annoncer par le son d'une grosse cloche, sonnant sur le navire. Le Dong... Dong... sembla prêt à réveiller le géant, il était en réalité le signal du dîner. On venait d'annoncer l'heure du repas alors que rien n'était prêt dans les cuisines : pas un plat sous les cloches, par une assiette sur la table, rien. Et pourtant, la cloche sonnait un abominable « A table ! ».

Quand il entendit ça, Erwin sentit un frisson le parcourir. Il haïssait cette réalité, il haïssait l'idée qu'on puisse annoncer quelque chose qui n'était pas correct, comme s'il s'agissait d'une vérité déjà implantée. S'échappant des cordes grâce à son précieux pouvoir, il échappa sans mal à la surveillance de ceux qu'on appelait des pirates. Leurs gras bidons dansaient vers la cuisine, tandis que la cloche laissait retentir son dernier gong. Alors la tempête menaça de s'abattre.

- Arrêtez ! Arrêtez tout !

Les hommes se figèrent. Un regard commun se dirigea vers le garçon qui avait pris une posture des plus dramatiques. Il se pinçait les lèvres, les larmes aux yeux à cause de la fatigue et du stress, le cœur lourd à cause de ces tristes événements. Plus il était fatigué, plus ses sentiments devenaient confus, ses pensées incohérentes. On lui avait vendu du rêve, un repas bien mérité, et les dindes farcies et compagnie tanguaient dans sa tête comme tant de promesses non tenues. Serrant un poing, il le brandit en l'air et hurla :

- Avez-vous faim ?! Êtes-vous tiraillés par cette sensation de mal-être qui ronge vos entrailles ?!

Un subit « Oui ! », majestueux et unis retentit sur le navire. On reconnaissait leur souffrance. Tous s'étaient arrêtés, même ceux à la lisière de la cuisine. On n'avait d'yeux que pour Erwin. On n'avait d'yeux que pour le discours de celui qui partageait leur affreuse condition. Avec un air ému et investi, le rouquin continua la tirade qu'il se beuglait à lui-même, prisonnier de son rêve :

- Il est humiliant de se retrouver à devoir voler, à piller des navires pour une simple ration de pain ! Quand aurons-nous enfin la liberté de nos estomacs en guise de pavillon ?! Quand pourrons-nous donner les miettes de notre pain, au lieu de les gober comme des affamés ?!

Certains étaient si investis dans le discours qu'ils se mirent à pleurer à chaude larmes. La vérité sortait de la bouche des enfants, et celui-ci avait bien raison. On le contemplait, on l'admirait pour le porte-parole qu'il était. On lui donnait grâce aux yeux de tous. Alors qu'il continuait son discours, certains s'agenouillèrent non pas pour le prier mais pour cacher leurs larmes.

- Nous sommes des hommes, pas des bêtes ! Nous aimons un repas chaud et une bonne dose de jus de goyave ! Alors, levez-vous ! Soyez l'homme qui offre et non celui qui prend ! Vouez à votre seigneur gastronome, Heziel Coffe, un culte sans limite, et priez pour une boustifaille !

Un nouveau « Oui ! » suivi par le nom du cuistot scandé en hymne continua bien après la perte du regard du rouquin dans la grandeur de la nuit. Il avait accompli son office, et certains s'étaient mis à prier le Coffe pour qu'il leur prépare quelque chose. « N'importe quoi ! », « Nous ferons n'importe quoi pour vous, Maître ! » lançaient-ils. Ils étaient convaincu. Erwin avait accompli sa mission, et tourna un pouce victorieux vers son ami à qui il avait refilé un bien gros bataillon de bébés endurcis. Mais n'était-ce pas le rôle d'un cuisinier que de nourrir des bouches affamées ? Enfin, à compter qu'ils aient oublié ce que cet homme avait fait un peu plus tôt, ils étaient bien idiots d'espérer... Et non de piller.

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Mer 13 Déc - 21:39




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


Impardonnable. Inacceptable. Tels étaient les mots qui, à l'instant de sa descente du navire des Bonding Stomaches en train de couler, polluaient l'esprit et la raison du cuisinier. La vaisselle appelait à être vengée, son domaine à être protégé. Il pouvait entendre ces voix que lui seul savait apprécier : celles de Béatrice, Ondine ou encore Belle, de magnifiques dessous de plat remportés à l'issue d'un concours de cuisine quelques semaines plus tôt, qui appelaient à l'aide. Il pouvait ressentir la terreur de Cunégonde, une tasse finement ciselée aux allures de verre pilé soigneusement, alors qu'elle tremblotait dans son armoire. Il était le seul rempart entre la vilenie d'un monde cruel et sans répit et la gracieuse douceur de ces merveilles de faïence. Et il comptait bien agir comme tel.

Alors que ses pieds se déposaient lourdement sur le bois humide de leur piètre embarcation, il arborait l'air de furie froide qui pouvait parfois le rendre si inquiétant. Il avait déjà repéré les différents boucaniers et était prêt à en découdre. Retroussant l'une de ses manches, de l'eau perlant encore de ses cheveux désormais foncés par l'étreinte de la mer, il rivait désormais ses prunelles bleutées sur le plus proche. Un direct dans la mâchoire suffirait. Et alors que Erwin exposait son plan, le cuistancier s'approchait lentement, mais fermement. Encore un peu... encore un peu. Il leva le poing, prêt à l'abattre comme le marteau de la justice tombe sur les malfrats. Lorsque le brigand se tourna vers lui, une expression de pitié sur le visage, il n'éprouva dans un premier temps aucune gêne à lui enfoncer une tarte puissante dans les narines. Cependant, avant que l’événement malheureux ne se produise, il entendit quelque chose qui le fit hésiter.

- On a faim !


Il s'arrêta. Cette supplique, il l'avait déjà entendue de nombreuses fois. Les plus démunis l'arboraient souvent, dans toute leur peine et toute leur infortune, comme un étendard. Il se revit alors au Crabe-Repu, préparer des portions supplémentaires qu'il retirait de son salaire pour le sans-abri qui passait parfois le vendredi soir, après plusieurs jours de jeûne. Il se revit, enfant, préparer en express des petits plats à Kain lorsque son appétit prenait le dessus et que son métabolisme exigeait son dû. Il se revit servir la soupe préparée de sa main aux habitants de Mormoilnoeud alors qu'ils reconstruisaient leur foyer. Oui... c'était vrai. C'était son objectif.

Il était cuisinier avant tout.

Il observa avec intensité les différents pirates présents. Bien que sa légitime colère ne fut pas encore totalement passée, il reprit une posture moins menaçante avant de croiser les bras. Il se concentra... et il les entendit clairement. Les estomacs qui gargouillaient, que ce fut de faim ou d'une mauvaise digestion. Il entendit ce choeur de souffrance qui sonnait à ses oreilles comme plus insupportable encore que l'idée de ne pas obtenir sa revanche sur ces malotrus. Ils étaient des hommes... Erwin avait raison, après tout. Et alors qu'ils le suppliaient, il leva sèchement la main avant de prendre la parole.

- Je veux votre absolue coopération. Pas de vague. Vous ne cassez rien. Si la moindre chose qui est sur ce navire se rompt, se plie ou montre un signe d'usure qui n'était pas là avant, je le saurai. Et si c'est dans la cuisine...

Son silence eut le mérite d'être plus éloquent que le reste de son discours. Puis il réfléchit. Son devoir était de les nourrir, certes... mais il devait voir plus loin que cela. Que feraient-ils, une fois qu'ils se seraient quittés ? Recommenceraient-ils à manger leur infecte potage de mort ? Pilleraient-ils à nouveau d'honnêtes cuisiniers ? Hors de question. Il avait le pouvoir de changer cela, et il comptait l'utiliser à bon escient. Forge une épée, tu auras un soldat. Forme un forgeron... et tu auras une armée.

- Que celui qui s'en sort le mieux en cuisine m'accompagne. Et je ne parle pas de celui qui vous empoisonne au quotidien.

Sur ces mots, il progressa jusqu'à l'intérieur du navire, tandis que les ronflements du colosse reprenaient leur cours. Ils semblaient avoir évité la catastrophe... pour cette fois. La suite était entre ses mains. Restait à voir ce que Erwin ferait pour canaliser le groupe affamé pendant ce temps... et qu'en était-il de Rouge le Malotru ?


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Mer 13 Déc - 22:34
Une histoire de sommeil lourd [8]

La sentence était tombée, douce et salvatrice pour l'équipage. Tout de suite après l'ordre donné par Heziel, trois hommes se mirent à bouger, mais ce fut finalement le plus proche des cuisines qui entra et suivit les pas du Coffe. Le reste des membres de l'équipage des pirates commença à baver. L'attente pouvait être longue : nourrir une vingtaine de personne, ce n'était pas à la portée de tous. Erwin n'était cependant pas apte à comprendre tout ça. Il somnolait, il ne savait pas réellement ce qui se déroulait, et plus personne n'écoutait la suite de son discours à base de cactus qui ne piquaient pas. Bizarrement, dans sa tête, tout cela semblait logique. Avec un regard amusé, il se dirigea vers un des hommes dont le slip remontait dans sa raie des fesses. Il trouvait ça « drôle », mais il trouverait ça encore plus drôle de s'en servir en guise d'élastique. Fatigué, Erwin pouvait aussi se transformer en une sorte de harceleur mécontent d'avoir des contraintes, et donc heureux de pouvoir s'en libérer d'une quelconque manière.

- Et tac ! Fit-il tandis que les hommes riaient entre eux bêtement à l'idée d'un bon dîner.

Le premier claquement rebondit un peu, et l'essai ne fut pas concluant. Le rouquin ensommeillé dut s'y reprendre à trois fois avant d'obtenir un « Aïe » correct. Quand l'homme imposant se retourna, il le fusilla du regard. Le discours, la fraternité, le partage, tout ça semblait avoir disparu. Il tenta de se saisir du jeune garçon, mais celui-ci s'était doté d'une remarquable habileté. Il s'appuya sur l'avant-bras pour faire le poirier, et tandis que ce fameux avant-bras redescendait, il se projeta dans les airs pour atterrir plus loin au sol.

Un grognement sourd retentit. La malheureuse victime souhaitait se défendre, ce qui contraria un peu le rouquin : Pourquoi n'avait-il pas le droit de faire comme il le désirait ? Après un temps de réflexion aussi bref que le nombre de neurones qu'il possédait à cet instant, le garnement entra dans un affrontement qui sembla réunir les foules. Personne ne parla, tout le monde observa ce savant échange de coups avec un air captivé. Il canalisait malgré tout les ardeurs en jouant à ce petit exercice d'esquives avec son camarade un peu lourd.

- Att-...

Le pirate finit par se prendre un coup dans le menton. Il baissa la tête après quelques instants à se plaindre d'avoir eu mal, et quand Erwin s'inquiète pour lui, d'une inquiétude toute mesurée, le pirate lui saisit le poignet. Ah, il l'avait attrapé ! C'était une petite victoire, victoire encore plus maigre quand il se retrouva à dix-huit mètres du plancher du navire et commença sa chute. Personne ne le vit au départ, mais finalement tout le monde l'entendit crier. Ses cris réussirent à couvrir le rire moqueur et exagéré du maudit, jusqu'au moment où quelqu'un fit remarquer qu'il risquait d'y passer. Là, les instincts salvateurs du jeune homme lui permirent d'utiliser son pouvoir pour sauver la mise au pirate. « Ouf », se dit-il.

Quand chacun se fut remit de ses émotions, les estomacs commencèrent à grogner. Cela faisait plusieurs dizaine de minutes que la porte de la cuisine s'était fermée, et que personne ne savait ce qui se déroulait à l'intérieur, ou du moins ce qu'imaginait Erwin, encore trop transit de sommeil pour penser clairement.

- On a faim.

La plainte générale revint, tristement accompagné par des gargouillis. Erwin se moqua un peu avant de remarquer que ce n'était pas gentil. Il se fustigea intérieurement, puis oublia. Quand son esprit revint enfin à la bonne place, le rouquin se posa contre le mat et continua sa nuit.

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Mar 19 Déc - 12:43
[quote="Heziel Coffe"]




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


Un air sérieux sur le visage, le Coffe avait préparé son champ de bataille en cuisine sous le regard circonspect du forban l'ayant accompagné. Ce dernier se trouva bien intrigué de voir la collection de vaisselle massive du maitre-coq, surtout dans un état pareil : on aurait pu croire qu'elle n'avait jamais été utilisée. Pas d'usure, pas de tâches, rien... cela laissa le membre des Bonding Stomaches dans une prudence toute nouvelle. Il était hors de question de briser quoi que ce fut ici... il ne voulait pas réveiller à nouveau la bête qui sommeillait chez le second de l'équipage des Dokugan.

Ce dernier se tenait devant la table, qui servirait pour une fois d'extension de son plan de travail habituel. Leurs provisions allaient en prendre un sacré coup... autant dire qu'ils navigueraient le ventre vide dès le lendemain. Heziel pouvait d'ailleurs, pour une fois, remercier le ciel de lui avoir flanqué un capitaine capable d'ingurgiter une masse de nourriture aussi importante dans un intervalle de temps si restreint : si l'on sacrifiait la gourmandise de Kain pour la bonne cause, alors tous les pirates pourraient manger ce soir... et ils s'en tireraient même avec un nouveau cuisinier en prime. Avec un peu de chance, un cuistancier qui ne les empoisonnerait pas, cette fois !


Très bientôt, le boucanier qui était un peu plus tôt l'un de ses adversaires fut changé en un auxiliaire de cuisine de première qualité. Habillé d'un tablier trop petit sur lui, quelque peu circonspect, un économe dans la main gauche, il sentit bientôt le poids d'une pomme de terre dans sa main droite.

- Quel est ton nom ?

- Flobber, m'sieur !

- Toi et tes copains, vous aimez les pommes de terre, pas vrai Flobber ?

- Oui m'sieur !

- C'est bon les patates, pas vrai Flobber ?

- Oui m'sieur !

- On va en faire, des patates ! De toutes les sortes, et de façon à ce que vous n'ayez plus ces affreux maux de ventre ! Les patates, c'est riche en fibres ! Et les fibres, ça améliore le transit, Flobber ! Vu ?

- S'il vous plait, enseignez-moi, Chef !

D'un air vindicatif, Heziel commença à éplucher une pomme de terre en intimant à son apprenti du jour d'en faire de même. Il lui montra les mouvements, la pression à appliquer, comment placer ses doigts pour enchaîner le plus rapidement et avec des risques minimes, même si le début semblait plus difficile qu'avec d'autres techniques moins avisées. Puis vinrent les temps de la mise en forme : frites, rondelles, cubes, formes géométriques surprenantes... le Coffe donna au forban rondelet toutes les ficelles de la cuisine des patates, alors que sa cuisine entière était mise à contribution. En salade, sautées à la poêle, en ragout, à l'eau pour celles qui n'avaient pas été épluchées... une odeur délicieuse viendrait bientôt frapper les narines des forbans à l'extérieur, alors que le mormoilnien passait à la cuisson de plusieurs morceaux de viande jusque à contenus dans du gros sel. Il donna également quelques astuces à son acolyte concernant la préparation de salades équilibrées, fraiches et appétissantes. Le temps lui manquait hélas gravement pour effectuer un véritable apprentissage de son art, mais il était serein quand au fait d'avoir inculqué de bonnes bases à Flobber pour qu'il puisse lui même développer ses compétences et assurer la survie de son équipage. À cette pensée, il se mordilla une lèvre en repensant au fait qu'il avait légèrement amoché leur navire durant sa remontée fulgurante... les emmener sur une île ne le gênait pas si ils étaient calmes. Par contre, il était tout simplement surpris de n'avoir eu aucune réaction hostile. Peut-être s'étaient-ils abandonnés à cette fatalité ?

- La viande, c'est simple, Flobber ! Si c'est du gibier, tu dois faire attention à l'âge de la bête et à son envergure ! Si c'est un adulte, comme un gros sanglier par exemple, la viande sera coriace, avec un goût très fort ! Dans ce cas, tu devras l'attendrir avant de la déguster ! L'idéal, c'est de la faire mariner d'une à plusieurs journées avec de l'alcool et la garniture de ton choix. Comme ça, elle sera plus facile à mâcher une fois que tu la cuisineras, et son goût sera également plus équilibré ! Si c'est de la viande déjà conditionnée, tu peux te passer de cette étape, sauf si tu veux tenter quelque chose d'exotique !

- Mais chef, si on met de l'alcool et de la garniture sur de la viande, ça va gâcher son goût, non ? Quelque chose de très goûtu ne peux pas être mauvais !

À ces mots, Heziel souleva un morceau de viande devant lui avant de le lâcher au dessus de la table de la cuisine. Dans un mouvement effarant, il trancha tel un sabreur la viande fraiche en plusieurs cubes de tailles égales, qui retombèrent dans un bol qu'il venait de placer en dessous de l'autre main. Il se tourna vers Flobber, le pointant de son couteau de cuisine.

- Erreur, padawan ! Le goût, ce n'est pas qu'une histoire de puissance, ou d'intensité. Le goût, c'est comme la vie : parfois, tu préfères rester dans ton lit, dans la douceur et la chaleur de tes draps... et parfois, c'est le champ de bataille qui t'appelle, l'explosion des sens, la vigueur et la puissance de ton coeur qui bat ! La cuisine, c'est pareil ! Un bon palais ne se développe que lorsqu'il s'ouvre à toutes ses possibilités... retiens cela !

Subjugué par ces enseignements fantastiques, le gros marin mit tout son coeur à l'ouvrage pour aider Heziel à terminer la préparation : un repas pour plus d'une vingtaine de personnes, constitué de patates sous toutes leurs formes, ainsi que de viande rouge elle aussi présentée sous toutes ses coutures. Ragouts, fondues, au grill... le tout avec de grands saladiers remplis de salade ! Les deux compères prirent donc leur courage à deux mains et commencèrent à acheminer le tout sur le pont, tandis que le Coffe s'était assuré de garder une partie des provisions intactes pour le Borgne qui semblait toujours plongé dans un sommeil sans limites. Puis, vint le moment le plus inquiétant pour lui, mais qu'il ne pouvait fuir : le moment de mettre sa vaisselle dans les mains d'autrui. Et alors qu'à l'extérieur, les appétits s'aiguisaient et les éloges pleuvaient en direction de Flobber et du cuistancier du navire, ce dernier montait les marches avec ses petits trésors qu'il allait accepter de prêter... le temps d'un repas. Il ne manquerait bien entendu pas de répéter à quel point il était impératif que ses amours survivent au repas...


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Ven 22 Déc - 11:27
Une histoire de sommeil lourd [9]

Un « bloup » vint réveiller Erwin. Il regarda à sa gauche le mat du navire des Bounding Stomaches s'éteindre sous les flots nocturnes. Si certains des membres de cet équipage n'avaient pas encore remarqué leur malheureuse aventure, ils étaient au moins heureux de sentir l'odeur de la nourriture sortir des cuisines. Déglutissant, le rouquin imaginait bien que la suite des événements remuerait la nuit autour d'eux dans une étrange danse des corps. Mais ils n'en étaient pas encore là. Se dirigeant vers la cabine d'équipage, il y observa la carte d'East Blue qu'il avait ramené à bord : elle était assez complète, avec les îles les plus proches. Il se souvenait que la dernière position qu'ils avaient prises était... Hum, celle-ci. Ils devaient donc se trouver ici. Bien, au moins, il ne se sentirait pas coupable.

Revenant sur le pont, il vit l'air précautionneux de chacun des membres de l'équipage qui installa la vaisselle pour que tout le monde ait une place où manger. L'équipage entier était prêt à dévorer un char s'il le fallait ! C'était avec un air festif que chacun commençait à précautionneusement soin de chaque affaire. Un sourire naquit sur le visage du rouquin, observant jusqu'à la pire brute s'adoucir devant les mets qu'on leur offrait. Il profita lui aussi du repas, sachant que ce serait sûrement le dernier avant leur arrivée sur la prochaine île.

- C'est... Toujours aussi délicieux, Heziel, lança-t-il à son camarade cuistot.

Il avait mangé assez peu de temps auparavant, ainsi il limita sa portion à des échantillons sélectionnés sur le vif, assez pour lui remplir le peu de place qu'il lui restait dans l'estomac. Il se mêla alors aux pirates costauds et commença à rigoler avec eux. Ils étaient de bonne compagnie quand leurs estomacs se remplissaient. Ce n'était pas des « goinfres », à vrai dire. Ils mangeaient des quantités raisonnables, mais ces quantités étaient si mal cuisinées sur leur navire qu'ils prenaient du poids à n'en plus pouvoir. Sûrement des calories mal dosées. Ils étaient par ailleurs si précautionneux et si gentils qu'Erwin s'en voulait d'avance.

Bah, il le fallait bien. C'était logique. Ils auraient l'estomac plein, bientôt. S'amusant encore, il rigola, dansa, jusqu'à une heure tardive. Les rires et les cris laissèrent bientôt place à des histoires de pirates. Ils racontèrent comment leur leader les avait réunis, aux quatre coins d'East Blue. Quand ils énoncèrent son nom, celui-ci sortit de sa cachette, un tonneau vide sur le pont, et vint s'incliner devant Heziel pour lui demander son pardon, et promettre de faire de son mieux pour la suite. Qu'il ne serait plus jamais le cuisinier de son équipage, et qu'il ne ferait jamais plus l'erreur d'utiliser son autorité dans ce sens.

Quoique soit sa punition, ou quel que soit le pardon, son ventre criant littéralement dans la nuit, Erwin le regarderait avec un petit air de compassion. Il avait le mérite d'avouer ses actes manqués, et s'il semblait concentré sur l'idée de recevoir un peu de nourriture dans cette démarche, il n'en restait pas moins qu'il s'agissait d'un exemple pour les membres de son équipage. Et une fois le choix fait, une fois que les hommes recommenceraient à faire la fête, le rouquin passerait furtivement bousculer un des pirates. Oh, bien sûr, il tenterait d'être très subtile : ses sens s'étaient à nouveau éveillés grâce à son estomac bien rempli.

Ce serait l'effroi qui s'emparerait de tous quand une tasse viendrait se fracasser sur le sol. Un air livide s'empara de l'ensemble des pirates, tandis que le fameux « Destructeur », ainsi serait son nouveau surnom, regarderait le résultat de sa maladresse. Il déglutirait, avant de se tourner vers le Coffe. Ses yeux seraient embués d'une telle peine qu'il aurait été difficile pour un humain de ne pas lui pardonner. Pour Erwin, son travail était terminé et il irait se hisser en haut du mat pour observer le soleil se lever à l'horizon. Une île se situait à un kilomètre au loin environ. C'était suffisant. Un peu amusant aussi. Il baillerait et s'adosserait au mat : Heziel s'en sortirait très bien tout seul, en son « âme » et conscience.

Erwin
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Mar 2 Jan - 17:35




Dormir du sommeil du juste ! Ou peut-être juste du sommeil du Kain...


- Attention avec ce plat !

Pointant du doigt un forban peu prudent qui s'était saisi d'un plateau avec très peu de délicatesse, le Coffe s'imposait à chaque détours comme le gardien de chaque particule de porcelaine manipulée par ses hôtes incongrus. Ils étaient tellement heureux que même l'idée de voir leur navire sombrer dans les flots ne semblait pas les perturber... ils avaient visiblement fait la paix avec eux même concernant ce point, et s'attendaient tout simplement sans doute à être déposés ailleurs. Bah, ça ne poserait pas de problème. En espérant que Kain ne parvienne pas à recruter la totalité des Bonding Stomaches une fois qu'il serait levé : ils allaient avoir besoin d'un nouveau navire, sinon... et Heziel, d'un acolyte pour surveiller les provisions. En tout cas, il était satisfait d'avoir un retour aussi positif, y compris de la part du rouquin qui semblait avoir récupéré pas mal d'énergie grâce à la franche boustifaille dont il avait pu bénéficier.

La fête battait son plein, mais pour sa part, le Coffe s'était graduellement détendu jusqu'à un état de sérénité retrouvée. Comme si l'attaque des forbans ne s'était jamais produite. Il observait ses convives se remplir la panse avec allégresse, heureux d'avoir pu participer à un résultat aussi bienfaiteur. Après tout, voir le sourire des gens était la première raison pour laquelle il repoussait toujours les limites de son imagination. L'idée d'offrir de nouvelles saveurs capable de faire voyager les esprits hors de leurs monotonie était un leitmotiv très puissant : chacun avait le droit à un peu de magie dans son propre univers. Son rôle dans tout ça, c'était de s'assurer d'en dispenser le plus possible. Tel un magicien culinaire, on lui avait appris à mettre des étoiles dans les yeux des gens, et du bonheur dans leurs estomacs. Il espérait juste que ce qu'il avait appris à Flobber suffirait à les remettre sur les bons rails.

Alors que tous ripaillaient et que le capitaine dormait encore profondément, sa part étant restée bien au chaud de côté, la tranquillité du pugiliste fut secouée par une sensation étrange. Un frisson froid lui parcourut l'échine alors qu'un bruit timoré mais bien réel parvenait à ses oreilles. Comme un appel au secours... comme un cri de détresse. Ses yeux, hâtivement, se mirent à virevolter de pirate en pirate, en passant par Erwin qui semblait se déplacer avec légèreté dans la foule, à la recherche d'un indice. Quelle était cette pointe de désespoir qui s’immisçait dans son coeur, inéluctablement ? Pourquoi le temps lui semblait soudain si long ? Son regard fut attiré par le scintillement d'une matière belle et pure, l'éclat innocent et immaculé de la plus belle des créations de l'homme. Alors même que Géraldine s'enfonçait inévitablement vers le plancher, l'impact imminent sonnant comme le sifflement aigu d'une guillotine qui tombe, son coeur s'arrêta.

Puis, dans une poussière étincelante de fragments insignifiants, la vie de Géraldine rencontra un stop aussi net que la coupe du bois qui composait les planches du navire. Et c'était pas beau à voir.


- Qu'est-ce que... vous avez fait... à...

Ses muscles se tendirent. Ses doigts formèrent des griffes crochues. Son visage se déforma en une parodie de lui même, une parodie douloureusement affligée par la colère. Ses yeux semblèrent presque tourner à un blanc sauvage alors que ses cheveux s’ébouriffaient sur sa tête. Une magie sinistre était à l’œuvre : l'amour que portait Heziel à sa vaisselle avait pour contrepartie une terrible incapacité à supporter qu'on lui fasse le moindre mal. Un fait étrange et terrifiant à observer, que les Bonding Stomaches risquaient de découvrir à leurs dépens.

- ... à... À...

Certains commencèrent à reculer, tandis que Erwin s'était bien fortuitement mis de côté. Sans doute avait-il compris que le jugement ne souffrirait d'aucune entrave et avait-il décidé de laisser le pauvre hère responsable de cet affront payer les conséquences de son acte. Pour sa part, le mormoilnien était entré dans un état néfaste où il voyait littéralement rouge. Enfin, il voyait rouge, et il voyait aussi Rouge, le Malotru, en train de l'observer avec une certaine appréhension. Il serait le premier, car il était le premier sur son chemin. À l'issue de la crise de colère qui s'annonçait, le pont du navire serait totalement vide.

- À GÉRALDINE ?!

Un rugissement bestial s'échappa de la gorge du cuisinier alors qu'il terminait ces mots pleins d'une furie vengeresse. La suite ne fut qu'un vindicatif passage à tabac, qui vit peu à peu les forbans en surpoids s'envoler vers les cieux les uns après les autres, amerrissant difficilement dans les alentours, ne pouvait que se raccrocher aux débris de leur propre bateau pour flotter plus confortablement. Certains tentèrent bien de se défendre, mais c'était vain... l'efficacité du cuistancier, une fois poussé par la légitime colère d'avoir été lésé au plus profond de son cœur par la destruction d'une de ses protégées, était juste trop importante pour leurs compétences martiales. Bientôt, Heziel se retrouva comme un félin en cage, à faire les cent pas sur le pont tout en observant les pauvres boucaniers tenter de retrouver contenance et de fuir sa démence passagère, les couvrant d'insultes et d'invectives plus originales les unes que les autres au passage. L'orage passa, lentement, alors que le fiel du cuisinier de l'équipage du Borgne s'épuisait dans l'eau salée. Il ne resta bientôt plus que lui et les débris de Géraldine, qu'il ramassa avec un respect mortifère et religieux. Une ambiance pesante s'installa vite alors que l'ancêtre du Youthful Demon reprenait sa route... pour Heziel, la nuit serait placée sous le signe du deuil. Quelques jours lui rendraient sans doute son sourire.


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"Are you a man... or a monster ?"

Heziel Coffe
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