Damarck.

Et de deux. La pauvrette avait une bonne détente et, il fallait l'admettre, une bonne dose d'intrépidité... De surcroît, elle semblait nerveuse, réactive, et dotée d'une force colossale. Sur un champ de bataille, c'était typiquement ce genre de personnes qui faisaient la différence : pas les soldats plébéiens, pas les gradés gentiment calés dans leurs fauteuils, non, mais bien les guerriers les plus téméraires, les plus insouciants, ceux qui pouvaient affronter des ennemis dix fois plus forts qu'eux sans cligner des yeux ou trembler des genoux. Damarck éprouvait un certain respect pour les ahuris dans son genre, même si elle ne faisait à l'évidence pas le poids face à un mercenaire de cette amplitude... En même temps, force était d'admettre qu'il était indéniablement le haut du panier au sein de son corps de métier. Stuart Mary avait besoin du meilleur d'entre les meilleurs pour garantir sa sécurité en tout temps, et en toute heure. Ses larbins habituels étaient déjà redoutables mais avec le mercenaire, elle s'offrait une garde rapprochée d'une qualité rare, que bien des monarques pouvaient envier jalousement. L'argent, c'est le pouvoir... Personne ne refusait un travail ingrat, si le prix y était mis. Personne à part les vaniteux et les idéalistes, bien sûr : ce genre de raclures qui crevaient généralement la bouche ouverte, d'avoir trop vieilli, à l'ombre des ennuis, ou d'avoir été trop bête. L'armoire à glace, une fois la lionne terrassée, songea qu'il était grand temps de fournir une petite leçon à la peste qui, non contente de se glisser dans son dos, avait tenté de lui porter un coup des plus vicieux et des plus sournois. Néanmoins, il eut tout juste le temps de tourner les talons qu'il remarqua qu'elle s'était tout bonnement volatilisée.

-Qu'est-ce que... Oh, gamine ! T'es passée où ?

Il avait baissé sa garde en percutant la lionne : il s'était focalisé sur elle et maintenant, sa collègue semblait avoir pris la poudre d'escampette. Tant pis... Il restait manifestement encore tout un tas d'échauffourées à terminer dans les délais les plus prompts. Et, s'il ne s'en chargeait pas lui-même, d'autres allaient le faire... Avec dépit, au travers des ruelles et des immeubles fébriles et fragilisés par les affrontements et les secousses qui avaient animé Water Seven durant plusieurs paires généreuses de minutes, Damarck posa son regard sur la voile qui, croissante, était brandie de plus en plus nettement par un navire titanesque qui se rapprochait vaillamment des côtes. Le Gouvernement Mondial... manquait plus que ça. Ces chiens arrivaient après la guerre. Mais quels chiens ! Les Thalassa... Pour le coup, c'étaient là des types qu'il n'était guère disposé à affronter insouciamment : il était heureux, donc, de savoir qu'il se trouvait du bon côté de la justice... Par opposition aux ahuris qui avaient semé la destruction et la désolation ici bas, et qui risquaient fort de s'en mordre les doigts s'ils ne fuyaient pas vivement. Toutefois, le mercenaire n'eut pas le temps de revenir tranquillement à l'instant présent qu'une voix, dans son dos, le héla tandis que des bruits de pas commençaient tout juste à l'encercler. Bon sang, si les pirates se suicidaient d'eux-mêmes, il n'avait même pas de travail à remplir...

Martins Craig, bras-droit de Johnny primé à 93.000.000 berrys, et Bryan Rockwood, frère de Johnny primé à 67.000.000 berrys.

-Hey, toi ! T'as un lien avec tout ce bordel, hein ? Tu vas nous aider à retrouver notre capitaine, et avec le sourire...
-Sinon quoi, les punks ?

Thalassa Aang et Sutcliffe Destiny.

-Tu vois quelque chose, cousine ?
-Il y a un peu de mouvements sur les docks, mais d'ici, impossible d'en savoir plus...
-Tss... J'aurais dû apprendre le geppou, j'y serais allé à la place de Cang.

Julian l'Anarchiste n'était franchement pas ce qu'on pouvait qualifier de gros poissons et la plupart de ses sbires devaient posséder des compétences tout bonnement risibles, mais cela restait un moyen d'évacuer la frustration accumulée depuis des plombes. Entre le Coffe qui se fait la malle par la voie des airs et qui permet à ses collègues pirates de prendre de l'avance pour s'enfuir, et leur long périple organisé dans le seul but de récupérer Destiny, Aang n'avait pas eu beaucoup de place pour défouler ses muscles, ces derniers temps. Et cela commençait à lui manquer cruellement... Ainsi, lorsqu'ils avaient appris que Water Seven était en proie à une espèce d'attentat supposé, il avait été ravi : c'était non seulement l'occasion de sortir de cette fameuse routine, mais aussi et surtout l'opportunité de fracasser quelques crânes joyeusement, au nom du Gouvernement Mondial. Tout ce dont il avait besoin pour vivre, et pour vivre bien... Malheureusement, pour l'heure, ils n'avaient pas pu croiser grand monde : à part l'Anarchiste, justement, les seuls navires proches possédaient une affiliation civile ou marine. Les autres criminels, et les véritables commanditaires, d'ailleurs, devaient donc encore se trouver sur la ville mercantile... Qui avait pu organiser un coup pareil ? En tout cas pas l'Anarchiste, assurément : ce type n'était qu'un crétin et qu'un faiblard, il n'aurait jamais été en mesure de semer un désordre tel en si peu de temps. Non, Aang était convaincu, tout comme son père d'ailleurs, qu'ils avaient affaire à des gros poissons. Des personnes susceptibles de foutre un tel bordel n'étaient pas légions, surtout sur une île aussi redoutable que Water Seven... Julian donnait l'impression d'avoir fui, plus que d'avoir participé au spectacle macabre qui se déroulait encore. Était-il une victime, lui aussi ?

-Oh ! Regarde ! Le train arrive !

Interloqué, Aang fit volte face et se tourna vers l'horizon. Ils avaient fini les réparations ? Changer les tronçons de rails n'était pas chose complexe mais il avait vainement espéré que les renforts mettraient plus de temps à intervenir. Si ces gars débarquaient sur Water Seven, les Thalassa allaient finir avec les miettes... Il se mit à ruminer et à serrer les dents tandis que son frère, à grands renforts de geppou, s'en revenait parmi eux et jetait nonchalamment un Julian saucissonné avec des cheveux sur le pont de leur navire.

Thalassa Cang.

-Voilà qui est fait...
-Putain, Cang ! Utilise ton geppou pour aller jusqu'à Water Seven et emmène-moi avec toi !
-Hein ? Mais t'es complètement c...
-M'en branle ! Qui est dans le train, à ton avis ? L'AOI ? La Marine ? Ils vont tout raser, c'est la merde !
-Vous avez pas le droit de partir sans moi ! Je viens avec vous !

Cang était sidéré. Entre son frère, qui insistait manifestement pour arriver aussi promptement que possible, dans le but de livrer bataille, et Destiny qui n'avait pas l'air de vouloir demeurer immobile sur le navire, il avait l'impression de tenir tête à deux gamins capricieux et trop hyperactifs pour leur propre bien. Avec dépit, il ne tarda guère à jeter un coup d’œil à son paternel, lequel était jusqu'à présent demeuré en retrait.

Thalassa Rang.

-Allez-y tous les deux... Destiny, toi, tu restes ici.
-Quoi ? Mais c'est injuste ! Tonton ! T'as dit que je devais choisir ma propre voie ! T'as dit que t'allais me le permettre ! T'as pas le droit de changer d'avis maintenant !
-Destiny, c'est...
-T'as aucune excuse ! Si Aang et Cang y vont, j'y vais aussi ! A la nage s'il le faut !
-...

Rang s'affaissa, comme lassé d'entretenir cette conversation. Destiny avait définitivement le sale caractère de sa mère... un léger sourire, teinté d'une nostalgie palpable, vint se greffer sur le visage du Thalassa. Soit. Elle ne risquait rien... D'un simple hochement de la tête, il donna son accord, ensoleillant immédiatement le visage de la gamine qui, sans plus attendre, imita Aang et attrapa fermement l'une des mèches de cheveux que Cang s'échinait à faire grandir. Une fois qu'ils furent tous les deux maintenus sérieusement, il prit son envol sans plus tarder, le tout sous le regard bienveillant du paternel qui, sans plus attendre, se rapprocha quelque peu du bastingage pour les voir s'en aller. Il allait observer la situation d'ici, le temps que le navire ne parvienne à quais... Et il espérait puissamment que personne ne tenterait de leur causer du tort.
Il l'espérait pour l'intégrité de Water Seven.

Akasashi Kitakaze, Contre-Maître du Dock 1, et Miyon-Ji, charpentier du Dock 1.

-Ah la grognasse ! Courrez !

Sayouri ! C'était cette pute ! Sans plus attendre, Kitakaze fit volte face, s'éloignant précipitamment d'Alastor avant de calquer son rythme de progression sur celui de ses collègues et subordonnés. Ils devaient s'éloigner du Dock 1, qu'il risquait d'être plutôt difficile de conserver en bon état, en l'occurrence. Water Seven allait avoir grand besoin de réparations dantesques dans les semaines à venir, avant de pouvoir enfin assumer des commandes dignes de ce nom... Galley-La allait avoir un sacré fossé à combler au sein de ses finances, si leurs principaux clients ne se décidaient pas à faire un petit geste en leur faveur. Fort heureusement, leur réputation allait permettre à l'entreprise de subsister, même si les rentrées d'argent étaient puissamment amoindries, et leurs antennes plus modestes, dispatchées à travers le monde, allaient pouvoir leur permettre de continuer à travailler pour le compte de leurs clients les plus fortunés... Mais quant au reste, il allait sans dire que les principaux chantiers de cette île flottante allaient pâtir de cet événement durant quelques semaines, a minima. L'important, c'était de garantir la sécurité des charpentiers pour éviter qu'un savoir-faire aussi colossal ne parte soudainement en fumée... Malheureusement, c'était apparemment chose impossible. Lorsque ses premiers collègues, ceux qui avaient de l'avance, semblèrent se cogner à un mur invisible, Kitakaze eut un bien mauvais pressentiment qu'il ne put que confirmer lorsqu'il y parvint à son tour, tentant vainement de forcer le passage d'un coup de poing virulent. Cette peste avait tout bloqué. Elle voulait leur mort. Les dents serrées, le contre-maître ne tarda guère à faire volte face une fois de plus, découvrant le nuage meurtrier qui commençait à se répandre dans leur direction. D'une seconde à l'autre, ils allaient en être victime... Une idée, il lui fallait une idée, et ce au plus vite...

Alessandra Giliani, Contre-Maître du Dock 7.

-Enfoi...

Elle eut quasiment le temps de formuler une insulte, mais pas les capacités nécessaires pour se prémunir du coup que Ren Tao lui envoya : elle fut fauchée de plein fouet et s'effondra lourdement à même le sol, lequel se lézarda puissamment. Ainsi projetée dans l’inconscience, elle fut incapable d'entendre les hurlements tétanisés et horrifiés de ses subalternes qui ne s'attendaient absolument pas à la voir tomber de la sorte. La situation était tout bonnement hors de contrôle, et Water Seven était en proie à un chaos qui les dépassait tous très largement... Aucune milice ni aucune armée locale ne pouvait rivaliser avec une force susceptible de mettre à mal les contre-maîtres eux-mêmes : c'était là la grosse faiblesse de l'île, à la vérité. Sa sécurité était majoritairement assumée par les employés de Galley-la qui, s'ils étaient de puissants combattants, n'en étaient pas moins, à l'origine, de vulgaires charpentiers. Exceptions faites d'un petit nombre de pointures, qui formulaient une espèce d'élite, aucun d'entre eux ne pouvait triompher face à un capitaine pirate relativement réputé... Ils avaient grand besoin d'un soutien indéfectible du Gouvernement Mondial, et ce au plus vite. Avant que la désolation ne se propage davantage encore...

Damarck.

-Ah, la plaie... Je sauve lesquels, moi ?

Il avait bien compris qu'il se déroulait, sur Water Seven, quelque chose de louche. Quelques pirates s'étaient soudainement effondrés en crachant du sang et lui-même sentait comme un fourmillement, comme un picotement qui se répandait le long de son corps. Sa constitution hors norme, formée sur les champs de bataille les plus sanguinaires et les plus épiques que le monde ait jamais généré, lui permettait d'y être indemnisé... Mais pendant combien de temps ? Quelques secondes ? Quelques minutes, tout au plus ? Survivre à un tel empoisonnement était chose aisée, pour peu que des soins conséquents soient apportés en temps et en heure. C'était ce qui poussait Damarck à ne pas s'inquiéter ni pour Mary, ni pour Finch : l'un comme l'autre disposaient d'une renommée telle qu'ils seraient les cibles prioritaires pour des soins lorsque le Gouvernement Mondial se rendrait compte de ce qui avait cours ici. De surcroît, les gardes-du-corps aux côtés de la Stuart étaient suffisamment compétents et talentueux pour les tirer d'affaire, à tout le moins momentanément. Water Seven allait sans nul doute prendre du plomb dans l'aile, mais toute cette affaire ne l'intéressait pas vraiment tant qu'il était dûment payé... Après un instant de réflexion, le mercenaire aux cicatrices s'empara des deux primés qu'il venait de tabasser joyeusement et du type aux bonnets, ne se souvenant que trop bien de son aisance au combat dont il avait usé face à la lionne et à son alliée. Il s'agissait sans conteste des trois personnes les plus intéressantes et, potentiellement, les plus dangereuses de toutes ces bandes... Autrement dit, les trois personnes qui, d'entre toutes, pouvaient lui rapporter le plus de bénéfices. Et tant pis pour les vies civiles : de toute manière, ça n'était pas son rôle que celui de s'occuper d'eux. Coupant sourdement sa respiration, il prit sans plus attendre une impulsion qui, d'un coup d'un seul, éclata la majeure partie des pavés qui se trouvaient derrière lui. Il se rua ainsi jusqu'à la périphérie de la ville fontaine, s'évitant l'agonie lente et exécrable qui semblait devenir le destin des petites gens.

Thalassa Cang et Prat Tisa.

-Attendez ! N'allez pas plus loin !
-Quoi ? Tu joues à quoi, la gourdasse ? Laisse-nous passer !

Tisa avait remarqué sans peine les silhouettes des Thalassa s'inviter sur Water Seven depuis la voie des airs. Mais elle avait également eu l'occasion de constater l'ampleur des dégâts et du danger qui pesait sur eux tous... Plusieurs civils s'étaient effondrés devant ses yeux et elle se sentait elle-même plus faible. L'intoxication n'était que modérée, et un simple traitement la tirerait potentiellement d'affaire, mais elle ne pouvait néanmoins pas permettre à de si prestigieuses figures de se mettre en danger de la sorte. Cang, plus raisonnable que son petit frère, cessa immédiatement sa progression, le tout sous le regard anxieux et interrogatif de Destiny qui n'y comprenait décidément pas grand chose. La Prat, de son côté, parvint enfin à la hauteur du trio, portant elle-même son bien aimé dans ses bras : Atis ne disposait pas du geppou et elle n'avait évidemment pas pu se contenter de le laisser en arrière. Fort heureusement, le navire des Thalassa allait se montrer d'un secours colossal : il était suffisamment large pour que tous les rescapés aillent s'y réfugier en attendant que l'île retrouve sa pureté originelle... Tisa reprit donc la parole tandis que, de son côté, Aang n'en finissait plus de gesticuler, comme pour convier son aîné à ignorer la voix de la raison qu'elle représentait pour s'engouffrer sans plus attendre au sein des dernières batailles que connaissait la ville marchande et qui semblaient mourir progressivement, car livrées par des profils aux compétences largement trop différentes.

-Il y a quelque chose ! Du gaz, une malédiction... Des civils meurent partout, là-bas ! Appelez du renfort et du soutien médical !
-Mais t'es qui pour nous parler comme ça, espèce de sale...
-Je suis Tisa Prat, du Cipher Pol 7 ! Atis est de la Section Scientifique, il est un garde des laboratoires ! Je vous en conjure, croyez-moi !

Contre-amiral Horace.

-C'est bon, Sheb ? T'as pu leur expliquer tout ce qu'on sait ?
-Ouep, patron !
-Parfait ! Dans ce cas, on fait demi-tour. Hors de question de fuir la queue entre les jambes alors que les renforts arrivent tout juste... Il n'y a plus aucun danger. On va s'occuper de fouiller l'endroit et d'apporter des soins aux civils !

S'il ignorait encore qu'un gaz toxique s'y répandait insidieusement, Horace imaginait sans peine que des citoyens avaient dû être embrigadé dans les conflits. Ceux qui n'avaient pas pu fuir en amont des péripéties, en tout cas... Il était du devoir d'un marine haut-gradé de leur apporter assistance et de déployer toutes les ressources qu'il avait en son pouvoir pour leur fournir de l'aide et des soins, furent-ils préliminaires et d'une efficacité relative. Sans compter sur le fait que c'étaient les Thalassa eux-mêmes qui avaient décidé de se joindre à la petite fête... Il allait sans dire que de pareils représentants du Gouvernement Mondial n'allaient pas tolérer la fuite apparente d'un contre-amiral, quel qu'il soit. Et Horace n'avait pas vraiment l'ambition de flinguer sa carrière, en l'état des choses...

-Les responsables n'ont pas encore dû partir, si ? Surveillez tous les départs de navires à partir de maintenant ! Le premier qui tente de forcer le passage, on le dérouille !

Autant tenter de jouer sur plusieurs tableaux, en fin de compte : d'autant plus que les renforts en provenance de l'Umi Ressha allaient, de leurs côtés, également pouvoir occuper l'île et surveiller l'évolution de la situation sur place. S'il n'était pas particulièrement vaniteux, Horace n'oubliait pas le fait que capturer les responsables de ce désastre, qu'il s'agisse de Ren Tao ou d'une autre pourriture quelconque, pouvait lui rapporter bien des récompenses. Le Gouvernement Mondial, en tout cas, n'allait pas aimer l'idée qu'un criminel, quelle que soit son envergure, soit capable de s'infiltrer et de semer le chaos et le désordre au sein d'une île qui lui était relativement affiliée. La presse populaire allait s'emparer de cette affaire et pointer du doigt l'irresponsable Huckable Finch, lequel avait toujours tenu à maintenir l'indépendance des forces de l'ordre locales. En agissant de la sorte, dans le but d'obtenir des profits prompts et de toute part, de toutes sortes de clients, il avait lui-même causé la ruine de l'île qu'il était censé protéger, de part son titre de maire... Allait-il finir sa vie derrière les barreaux afin de réparer cette grossière erreur ?En tout cas, il allait sans dire que si Water Seven s'en sortait, ce serait sous la pavillon de la justice jusqu'à nouvel ordre : l'amirauté risquait fort de mettre la main basse sur ce point de passage, si l'opportunité leur en était donnée. Assistait-on à un revirement historique quant à l'existence de l'île elle-même ?

Akasashi Kitakaze, Contre-Maître du Dock 1, et Miyon-Ji, charpentier du Dock 1.

-Oï ! Les gars ! Tenez bon !

Miyon-Ji lui-même avait fini par tomber à genoux tandis que la majorité des charpentiers s'évanouissaient et s'effondraient de concert, incapables de résister à cette offensive impalpable et invisible qui les saisissait de toute part. Ils étaient coincés... Un mur, tout aussi insaisissable que les particules qui emplissaient l'air, avait manifestement été dressé tout autour du dock 1 pour les empêcher de prendre la poudre d'escampette. Le sale coup dont ils étaient victimes avait été prémédité... Combien d'autres docks étaient concernés ?Tous ? Ou Alastor avait-il été le seul à générer les particules mortelles dont leurs poumons ne savaient se défaire ? Mâchoires serrées, le contre-maître se mit à maudire cette situation dans laquelle il se trouvait tristement impuissant. Il disposait d'un corps suffisamment efficace et aguerri pour tenir bon encore quelques secondes, voire quelques minutes... Mais cela lui permettrait-il de survivre pour autant ? Et puis, s'il parvenait à survivre mais que l'immense majorité de ses collègues et subordonnés y restaient, méritait-il vraiment de survivre ? D'une impulsion franche, tout en retenant évidemment son souffle, il se mit à bondir jusqu'au toit d'un bâtiment proche, une espèce de hangar. Il lorgna alors la ville à la recherche d'une échappatoire et comprit avec horreur qu'il s'était grossièrement trompé : le carnage ne s'arrêtait pas qu'aux docks, mais s'était également propagé le long des rues. Des familles entières déambulaient à bout de souffle et des cadavres jonchaient déjà les pavés. C'était la mort qui venait de les frapper... Mais même la mort possédait ses démons. Son regard vagabonda bientôt jusqu'à la silhouette du navire des Thalassa et jusqu'au train des mers qui fendait les flots à une allure désarçonnante. Le salut pouvait-il venir du Gouvernement Mondial ?

Le Train des Mers.

-Le Train des Mers entre en gare. Éloignez-vous de la bordure du quais s'il vous plaît.

Des nuées de civils désespérés et déboussolés avaient voulu quitter Water Seven tandis que les conflits prenaient de l'ampleur. Malheureusement, tous n'avaient pas eu la chance de posséder une embarcation susceptible de se frayer un chemin en haute mer... Leur choix s'était donc tout naturellement orienté vers le train des mers, soit le seul moyen de rallier une autre île promptement et en toute sécurité. En se rendant compte que l'une de ces machines leur parvenait tout juste, bien des habitants locaux avaient donc songé qu'il s'agissait là d'une porte de sortie unique, débordant momentanément les agents de surveillance de la gare qui ne savaient plus vraiment où donner de la tête pour maintenir l'ordre défaillant. Pourtant, le chaos sembla prendre fin dès lors que les portes s'ouvrirent, dévoilant une myriade d'uniformes bleus, de manteaux et de chemises annonciatrices de l'arrivée du Gouvernement Mondial. Leurs sauveurs venaient peut-être tout juste de leur parvenir, en fin de compte...

Thalassa Rang.

-... C'est impardonnable.

Puisqu'il était le seul Thalassa à être resté en retrait, il était pour l'heure le plus à même de disposer d'une vision globale. S'il imaginait sans peine qu'une chose lui échappait, il n'en était pas moins confronté à la dureté de la réalité : il voyait des silhouettes, encore lointaines, tâcher sans succès d'échapper à ce qu'il imaginait être des volutes insaisissables d'un gaz mortel. Il les voyait trop distinctement tenter de déchirer leurs cous pour en extraire les exhalaisons funestes qui les emportaient, toutes et tous, à petit feu... Les dents du colosse crissèrent davantage encore lorsqu'une puissante explosion eut lieu, générée par l'attaque d'un homme aux cheveux carmins qu'il n'eut pas besoin de décrire longtemps afin de le reconnaître : Ren Tao. Ce n'était pas la première fois qu'il se rendait coupable d'exactions aussi odieuses : Nighty Town avait bien failli en faire les frais une première fois. Sauf que Water Seven ne disposait pas des ressources militaires suffisantes pour repousser sa charge... Avait-il mené cette offensive seul, ou disposait-il d'alliés d'infortune ? Considérant le fait que plusieurs criminels avaient semblé vouloir prendre la poudre d'escampette, en tout cas, il allait sans dire que l'assaut n'était pas vraiment généralisé et que les brigands de tout bord en avaient subi les conséquences plus qu'ils n'y avaient réellement pris part en tant qu'acteurs sanguinaires... Jetant un bref regard à Cang qui, dans les cieux, semblait également avoir pris connaissance de l'offensive de Ren et commençait à distribuer des directives, agissant probablement aussi pragmatiquement et intelligemment que possible, Rang décida de calquer ses décisions sur celles de son fils aîné sans même prendre la peine de se renseigner davantage à ce sujet : il savait bien de quelle pertinence était capable de son descendant et il ne pouvait en l'occurrence que l'encourage. Au diable Mariejoa, au diable les Étoiles et son vieux père sur le déclin : la justice avait besoin de poigne, en l'occurrence. Ce genre d'attentats ne pouvaient être tolérés... Ni maintenant, ni jamais.

-Localisez et suivez le navire des Shadow Ghosts. A défaut, suivez Ren Tao.
-Bien !

Il était grand temps d'annihiler ces cancrelats qui n'en finissaient plus de semer le désordre, le chaos et la misère là où ils passaient. Ces monstres d'arrogance et d'égoïsme n'avaient déjà causé que trop de tort : il était grand temps de les pousser à la rédemption s'ils ne se repentaient pas eux-mêmes. Et, au vu des circonstances, ils ne pouvaient racheter leurs fautes que par deux moyens : Impel Down ou la mort... Il était grand temps de rappeler aux hors-la-loi du Monde entier que s'ils étaient avant toute autre chose la première force militaire au service du Gouvernement Mondial, les Marines n'étaient pas les seuls serviteurs de la justice. Une annonce publique de la mort de Ren Tao de la main vengeresse des Thalassa serait une piqûre de rappel des plus efficaces...

Tisa et Atis Prat.

-Vous êtes Thalassa Rang ? Je suis Tisa Prat, du Cipher Pol 7. Et voici mon fiancé, Atis Prat, de la Section Scientifique.
-Enchanté. Quelle est la situation, sur place ?
-Je ne sais pas, précisément... Nous sommes partis précipitamment, en vous voyant arriver. Votre fils nous a dit que vous souhaiteriez sûrement suivre Ren Tao... Est-ce vrai ?
-C'est exact.
-Nous aimerions pouvoir vous y aider.

Rang posa son regard sur les deux silhouettes qui, comparativement à sa carrure titanesque, semblaient bien frêles. Ces deux jeunes agents du Gouvernement Mondial semblaient posséder une certaine conviction et une franchise sans détour : c'étaient des qualités qu'il estimait sérieusement. De surcroît, comme ils avaient tous les deux une affiliation et une habilitation officielle, il allait sans dire qu'ils devaient disposer d'un certain savoir faire : le fait que la jeune femme soit capable de maîtriser le geppou avec une telle aisance et en portant son fiancé, de surcroît, en était une preuve tangible. Même si les trois Thalassa n'étaient pas les seuls combattants sur le navire, il allait sans dire qu'ils étaient de très loin les plus compétents : ainsi, se pourvoir d'une expertise supplémentaire, c'était s'octroyer une marge de liberté équivalente... En bref, tout semblait pousser le colossal artiste martial à approuver cette demande et à accepter l'aide que ces deux jeunes gens décidaient de leur offrir gracieusement. Il n'hésita pas donc pas l'ombre d'un instant et, avec gravité et austérité, hocha la tête pesamment, attirant sans plus tarder davantage de résolution au sein des regards de ces deux gouvernementaux déjà bien déterminés.

-Vous ne le regretterez pas.

Contre-Amiral Horace.

-Alors ça... Qui est le connard qui a fait ça ?

L'explosion, aussi inattendue et subite que meurtrière, avait sidérée le contre-amiral Horace au plus haut point. La majeure partie des civils devaient d'ores et déjà avoir trouvé refuge auprès des renforts de la Marine qui parvenaient par le biais des rails, certes, mais combien de dizaines ou de centaines, piégés par les décombres ou effarouchés par les conflits, étaient restés et avaient ainsi du succomber à ce déferlement de rage et de puissance ? Des vies civiles évaporées d'un simple claquement de doigt, sur un simple coup de tête... Les mâchoires du contre-amiral se contractèrent brutalement. Qui que soit ce type, il allait le payer cher : la Marine ne pouvait pas demeurer les bras croisés, observatrice placide d'un massacre unilatéral. Ces hommes et ces femmes ne dépendaient certes pas directement du Gouvernement Mondial mais ils se trouvaient néanmoins sur un territoire allié. Si leurs lois n'avaient pas cours ici bas, et si l'île échappait à leur juridiction, ces vies perdues n'étaient pas pour autant assimilables à celles de criminels, y compris avec le décret Decima. Il allait donc sans dire qu'il fallait de toute urgence rattraper cet affront... Et il allait sans dire, également, que seul le sang pouvait payer le tribut du sang. Mais alors qu'Horace s'apprêtait à donner des ordres, trois silhouettes lui parvinrent depuis la voie des airs. Il reconnut sans peine la chevelure particulière et distinctive de deux d'entre eux : blanche comme la neige... Il se mit nerveusement au garde-à-vous, songeant qu'il n'avait jamais eu l'occasion de croiser si prestigieuses et majestueuses personnes de toute son existence. Fort heureusement, Cang l'enjoignit bien rapidement à se détendre, ce qu'il fit.

Thalassa Cang.

-Contre-amiral ! Détendez-vous. Nous risquons d'avoir besoin de votre aide... Tout coup de main est le bienvenu. Pouvez-vous rallier le navire Thalassa de toute urgence ? Les renforts sauront tirer la situation au clair, sur Water Seven. Le plus important reste encore de faire payer à Ren Tao et à ses sous-fifres.
-J'y pensais, monsieur... Mes canons sont vôtres. Vous pouvez retourner auprès de votre père sans crainte. Nous vous accompagnons.

Un sourire enjoué, au dépit des circonstances plutôt ternes, vint garnir les traits de Cang. Savoir qu'ils allaient être épaulés d'une poignée de gradés compétents, en prenant également en compte Atis et Tisa Prat, était assurément rassérénant. Les Thalassa étaient surpuissants et disposaient d'une force de frappe inimaginable, certes, mais il était toujours bon de recourir aux services d'autres gouvernementaux, qu'ils soient aussi ou moins efficaces qu'eux. Le nombre était la principale force du Gouvernement Mondial : y renoncer, c'était jouer à la régulière contre des brigands qui, en toute franchise, ne le méritaient guère... Fort heureusement, les Thalassa avaient autre chose pour eux : leur extrême complicité. Puisqu'ils étaient tous issus d'une même famille et qu'ils avaient l'habitude de se dresser sur des champs de bataille conjointement, ils savaient instinctivement quelles seraient les postures et les décisions du moindre d'entre eux. Aussi Rang et Cang savaient-ils se faire instinctivement confiance pour instaurer des ébauches de stratégies et de tactiques sans avoir à converser directement : elle s'affinait par la suite, par la parole, certes, mais leurs esprits convergeaient bien souvent dans une même direction. L'arbre ne tombait jamais bien loin de la pomme, après tout, et en tant que fils aîné du plus gargantuesque Thalassa, il allait sans dire que Cang conservait avec lui une affinité encore plus grande... Comme l'affaire était entendue ici bas et comme Horace ordonnait d'ores et déjà à ses subalternes de faire volte face pour suivre l'autre navire gouvernemental, autant que possible, malgré le mât dont ils avaient été privés, les trois intrus ne tardèrent guère à reprendre la voie des cieux. Aang, agacé, n'en finissait plus de gesticuler : si cela ne dépendant que de lui, ils seraient tombés sur Ren Tao depuis belle lurette... Destiny, quant à elle, demeurait interdite. La situation était catastrophique et les pertes humaines lui semblaient innombrables... Elle espérait simplement que les renforts sauraient effectivement prendre les choses en main. Mais elle n'en avait, contrairement à son cousin, pas la moindre des certitudes...

Vice-Amiral Turoi Nagate.

-Calmez-vous ! Restez tranquilles ! Nos unités de soins mobiles vont s'occuper des blessés et des malades ! Libérez-nous un passage, écartez-vous ! Attendez dans le calme !

Ils étaient complètement dépassés par l'urgence de la situation. Les réparations des rails avaient quelque peu retardé leur arrivée, malgré le professionnalisme des agents d'entretien qui en avaient la charge... Et il semblait que ce retard-ci avait été suffisant pour plonger tout Water Seven dans une effervescence incompréhensible. Tous les civils semblaient vouloir s'exprimer en même temps, narrer l'horreur de la situation aux figures qui leur apparaissaient comme autant de sauveurs, quitte à empêcher ceux-ci de mener l'enquête décemment et de livrer les responsables de leurs malheurs au couperet de la justice. Le jeune officier serra les mâchoires en se retenant de ne pas hurler davantage. Cette agitation ne menait à rien et il ne comprenait que des bribes de la situation, petit-à-petit. Un gaz toxique semblait sévir, pour l'heure, et faucher les civils les uns après les autres... Disposaient-ils du matériel adéquat pour s'aventurer sur les lieux dans ces conditions, ou allaient-ils devoir attendre l'arrivée d'un autre convoi en provenance d'Enies Lobby ou d'une autre île reliée au train des mers ? Il allait sans dire, en tout cas, qu'ils étaient les seuls renforts de Marineford dont Water Seven pouvait rêver : parcourir le courant Tarai était certes assez rapide mais d'ici-là, tout serait achevé... Pour le meilleur comme pour le pire. Mais avant que le vice-amiral n'ait l'occasion de s'époumoner davantage, un spectacle effrayant et glauque à souhait eut lieu. Des entrailles du train des mers, une nuée de flammes sombres se mit à fondre, menaçant de pourlécher les mollets des civils qui s'écartèrent précipitamment avant de se rendre compte que ces ténèbres grouillantes ne leur faisaient rien. La vague continua à se répandre, s'en allant sur l'île toute entière, avant de prendre de l'ampleur sèchement et sourdement. Elle s'immisça jusque dans les docks, n'étant pas concernée par la règle qui n'empêchait que les mouvements de personnes, et grandit davantage encore, montant à plusieurs mètres de hauteur, grimpant sur les gens et les décombres, sans distinction aucune. Finalement, les ténèbres semblèrent commencer à avaler quelque chose : l'air, plus précisément, vicié et chargé de toxines. Si nulle personne ne fut avalée à son tour, les décombres furent pour la plupart aspirés également et les ténèbres, finalement, se dispersèrent comme ils étaient apparus : en ne laissant pas la moindre trace. D'un coup d'un seul, l'air de Water Seven avait retrouvé de sa pureté... Turoi Nagate, sidéré, tourna la tête dans la direction de son supérieur qui, stoïquement, s'en retournait déjà à l'intérieur des wagons. Il avait compris que les menaces s'étaient échappées, désormais : il ne restait plus rien qui retienne la Marine ici, plus rien sinon l'assistance aux blessés.

Thalassa Rang et Prat Tisa.

-Il va trop vite... Il risque de nous distancer, à cette allure.
-C'est vrai. Des traces de ses collègues ?
-Non, monsieur !

Le Thalassa se renfrogna quelque peu à la suite de la réponse de son subalterne, qui n'en finissait plus de dévorer les horizons du regard à la recherche d'une embarcation potentiellement suspecte. Les Shadow Ghosts étaient-ils suffisamment organisés pour les faire tourner en bourrique, ou disposaient-ils simplement d'un tour de passe-passe pour se faire la malle en toute hâte lorsque la situation commençait à s'obscurcir ? Dans un cas comme dans l'autre, Tisa était agacée : elle n'était pas venue jusqu'ici pour voir ce criminel s'enfuir sans risquer quoi que ce fut. Pourtant, pouvait-elle réellement faire quoi que ce soit ? Elle disposait du geppou et aurait donc pu tenter de rattraper l'oiseau sur lequel il était perché pour s'enfuir mais elle avait peur de n'être d'une utilité que très relative : la prime rondelette qui figurait sur la tête du Tao en faisait un adversaire solide et redoutable pour le commun des mortels et quand bien même elle maîtrisait admirablement le rokushiki, elle n'était pas spécialement formée pour combattre ce genre de crapules. Elle avait également été aux premières loges pour assister à son attaque sanguine qui avait réduit en cendres une partie des habitations de Water Seven... S'il réitérait cette attaque sur elle, directement, allait-elle avoir une chance de s'en sortir indemne ? Difficile à dire. Tout cela était donc trop préoccupant et trop dangereux pour qu'elle ne s'y engage sans réflexion préalable... De surcroît, elle connaissait Atis, son fiancé : il n'accepterait pas de la voir partir seule sans piper mot et, d'un autre côté, il était incapable de voler pour lui prêter main forte. Si elle était condamnée à le porter et à le transporter, ils risquaient de prendre du retard et de s'épuiser... Et donc, finalement, de n'être absolument d'aucune utilité. Elle serra les dents en jetant un regard aux troupes de la marine qui, à la gare, organisaient le sauvetage des âmes errantes après que les ténèbres aient englouti le gaz meurtrier qui fauchait vie après vie. Les locaux ne craignaient plus rien, certes, mais l'attaque n'en avait pas été moins brutale : beaucoup avaient déjà péri, de d'autres conserveraient des séquelles jusqu'à leur mort, aussi bien physiques que psychiques...

-On doit faire quelque chose...
-Exact. Conserver le cap, et tâcher de le ralentir.
-De le ralentir ? Mais... Comment comptez-vous vous y prendre ?

Énigmatique, Rang se contenta de grogner. Il n'était pas très bavard et n'aimait pas l'idée d'être constamment explicite pour contrebalancer la curiosité d'une agente du Gouvernement Mondial qui avait voulu leur fournir un coup de main de son propre chef. Elle était sur son navire, elle se pliait à ses règles et à ses méthodes, que cela lui convienne ou non... Mais la jeune femme ne se montra guère plus insistante, comprenant instinctivement qu'elle n'avait aucun intérêt à persister de la sorte : s'il avait une chose à lui annoncer ou à lui dévoiler, il le ferait lorsque l'envie le piquerait, après tout... Elle eut toutefois l'occasion de sursauter puissamment lorsqu'une silhouette chuta du ciel pour retomber lourdement dans les bras que le colossal Thalassa venait de tendre devant lui. Elle pivota tout juste dans cette direction que la jeune femme tombée du ciel, qu'elle avait déjà aperçue aux côtés de Cang et d'Aang, bondissait au sol en insultant copieusement les deux jeunes Thalassa qui l'avaient lâché sans crier gare.

Destiny Sutcliffe.

-Mais vous êtes complètement fous ! Et j'avais dit que je voulais venir !
-Reste ici, Destiny.
-Mais tonton...
-Tu serais un poids mort, là-bas. Observe et apprend. Si tu veux être une guerrière, un jour, tu dois être capable d'auto-critique. Ren Tao n'est pas à ta portée. Aang et Cang sont plus compétents que toi, pour l'heure.

Si elle sembla fulminer dans un premier temps, elle capitula finalement, réceptionnant ces paroles d'un air maussade et lassé. Son oncle n'avait pas tort et elle en avait pleinement conscience : c'était injuste, car elle n'avait jamais eu la chance de jouir de la même éducation que ses cousins, bien mieux lotis qu'elle, mais c'était factuel et elle ne pouvait pas le nier. Peut-être un jour parviendrait-elle à inverser la tendance et à se hisser parmi les meilleurs combattants dont disposait la famille Thalassa... Toutefois, en attendant, elle allait simplement devoir prendre son mal en patience et se perfectionner sagement. Rester en retrait lui filait un sentiment de dégoût et d'envie qu'elle avait bien du mal à tolérer mais elle avait déjà vécu avec pendant des années... Une fois de plus ou de moins ne lui changerait pas grand chose. Aussi se contenta-t-elle, muette, d'observer la ruée héroïque de ses deux cousins qui semblaient plus sérieux que jamais. Si Ren Tao n'anticipait pas leur arrivée, il allait à coup sûr s'en mordre les doigts...

Thalassa Cang et Thalassa Aang.

-Kamisori.

D'un coup d'un seul, la course folle de Cang dans les cieux s'accéléra : il se projeta en trombe et à toute allure dans la direction de l'oiseau de Ren Tao, avalant la distance qui les séparait de cette créature ailée à une vitesse extraordinaire. Grâce à ses cheveux, il maintenait Aang et l'entraînait dans son sillon : si le poids de son frère le ralentissait indéniablement comparativement à la vitesse qu'il aurait pu déployer en temps normal, cela restait largement suffisant pour rattraper le volatile qu'utilisait Tao pour s'enfuir précipitamment. Une fois à quelques mètres seulement, le Thalassa reprit un rythme de croisière plus raisonnable et procéda en deux temps. D'abord, ses mèches de cheveux qui retenaient son frère jusque-là s'agitèrent de plus belle, catapultant Aang dans la direction de Ren Tao, directement dans son dos. Ensuite, il déforma une fois de plus ses cheveux pour former comme une espèce de mur, devant lui, qui se couvrit de piques. Les mèches, semblables à des lances, se couvrirent alors du haki de l'armement et, sans crier gare, il usa d'un nouveau geppou pour se projeter. Sa cible ? L'oiseau. Il entendait bien l'embrocher purement et simplement tandis que son frère cadet, projeté sur le criminel aux cheveux rouges à vive allure, tentaient de décocher un coup de pied dans le dos de ce dernier, également recouvert du haki de l'armement. Une attaque simultanée et synchronisée, en somme, qui visait aussi bien le volatile que son cavalier... De quoi empêcher leur adversaire de jouer sur tous les tableaux, et de quoi, éventuellement, le prendre au dépourvu. Avec un peu de chance, il n'en faudrait pas plus pour mettre un terme à sa fuite...

Thalassa Cang et Thalassa Aang.

Cette bataille allait-elle s'éterniser ? Allait-elle se montrer aussi virulente que brève ? Les deux Thalassa n'en avaient pas la moindre idée mais ne se formalisaient pas de ce genre de considérations : ils avaient l'habitude d’œuvrer simultanément, en symbiose, et cette lutte n'allait assurément pas y faire exception. Ce n'était pas la première fois qu'ils affrontaient un criminel redouté, pas la première fois qu'ils luttaient directement dans les cieux, et pas non plus la première fois qu'ils avaient affaire à un expert du haki de l'observation : leur famille, après tout, y excellait traditionnellement et le moindre de ses membres devait tâcher de développer ce fluide aussi puissamment que possible. Combien d'entre eux avaient réussi à l'éveiller à un stade extraordinaire, outre leur grand-père ? Aussi, lorsque la voix de Ren disparue, ils furent capables de conserver leur sang froid et leur professionnalisme et de réagir avec un certain pragmatisme. Comprenant qu'agir à l'aveugle n'allait pas lui sourire et que l'oiseau, formant un écran opaque devant lui, l'empêchait de surveiller les mouvements et les hypothétiques ripostes de son opposant, Cang cessa momentanément sa progression en usant du geppou... Avec ses mains. Il se stabilisa ainsi dans les airs, à distance raisonnable du volatile et donc de l'assaillant pour empêcher ce dernier de l'attaquer trop efficacement : la prudence était mère de sûreté et ils étaient, actuellement, en supériorité numérique notoire en plus d'avoir l'avantage de se connaître, et donc de se compléter instinctivement. S'ils se précipitaient, les deux jeunes gouvernementaux risquaient d'ouvrir une faille à exploiter, bien malgré eux... Ils devaient donc faire en sorte d'aborder une posture raisonnable. Et celle-ci était toute trouvée : tandis qu'Aang s'occupait de mener l'assaut, son frère aîné, quant à lui, demeurait naturellement en retrait, étant plus fin observateur et plus intelligent tacticien. L'une de ses mèches de cheveux s'agrandit soudain à l'instant où l'explosion retentissait, transformant le pauvre oiseau en un nuage de sang et de fumée pour couvrir la fuite du rouquin. Si ni l'un ni l'autre des Thalassa n'étaient susceptibles de détailler précisément sa course, ils imaginaient qu'il était soit encore positionné dans le nuage à attendre son heure, pareil à un carnassier, soit d'ores et déjà en chute libre en direction de l'océan... Où une autre voix l'attendait patiemment. Une porte de sortie ? Plausible.

La mèche de cheveux, donc, s'était étendue et attrapa finalement l'un des pieds d'Aang. Ce dernier ne savait pas voler : il fallait donc l'assister pour éviter qu'il ne finisse également sa course dans la mer. Cang le suspendit alors au-dessus du nuage de plumes qui commençait tout juste à se disperser sous l'effet du vent. C'était le moment où jamais, du point de vue du cadet : l'axe était parfait, puisqu'il pouvait, en ligne droite, tenter d'abattre le Tao dont il imaginait grossièrement la position compte tenu de l'endroit où il se tenait au moment de la détonation, et le possesseur de la voix qui, en contrebas, semblait l'attendre afin de lui permettre de prendre la poudre d'escampette. Était-ce réellement un allié de Ren Tao ? C'était l'option la plus probable, effectivement : qui diable était susceptible de demeurer dans l'eau, à quelques encablures de Water Seven, considérant le conflit qui s'y était joué récemment ? La coïncidence était trop grosse, et c'était pour cela qu'Aang ne se retint nullement : il allait laisser déferler toute sa puissance et toute son expertise afin de tenter de triompher à la fois du principal coupable et de son hypothétique allié. D'une pierre deux coups, en somme : une stratégie simplissime...

-Atsuryoku !

S'il frappa l'air directement face à lui et si le mouvement semblait être simple, il en résulta finalement une opération qui, dans un premier temps invisible, se matérialisa finalement. Il sembla simplement brasser l'air mais il réalisa, en fin de compte, une toute autre opération : il le contracta. La décharge qui en naquit n'était pas qu'un simple coup de poing prolongé comme tout un tas d'artistes martiaux étaient susceptibles de le faire. Il ne s'agissait pas non plus d'une bête onde de choc, causée par une force brute titanesque et inégalable. C'était beaucoup plus technique : il avait influencé la pression de l'air et avait expédié une espèce de mur droit dans la direction de la voix qui se trouvait dans l'eau, en imaginant que le rouquin serait sur la trajectoire. Ce mur de pression allait dans un premier temps percuter sourdement les corps qu'il toucherait, puis les traverserait de part en part en leur causant quelques lésions internes, remuant leurs organes sèchement et sans ménagement. Lorsqu'il pénétrerait dans l'eau, il déformerait puissamment l'océan et causerait au sein des flots un gigantesque cratère qui ne serait gommé qu'avec le remous des vagues, au fil des secondes. Cette offensive, particulièrement vicieuse, n'était pas supposée faire de cadeaux à ses ennemis : ils risquaient de passer un sale quart d'heure s'ils ne l'anticipaient pas... Cang, de son côté, demeurait simplement aux aguets. Il ne pouvait pas encore savoir si l'offensive de son frère serait suffisante pour terrasser à la fois Ren Tao et son allié situé plus bas : dans le meilleur des cas, la réponse à cette énigme serait positive et il n'aurait qu'à s'en aller les repêcher pour les ramener à bord du navire des Thalassa, où un destin funeste les attendait. En revanche, si la chose ne suffisait pas, ils allaient devoir surenchérir d'une manière ou d'une autre... Lui n'était pas doué pour atteindre des cibles à distance : la majeure partie de ses compétences concernaient le close combat. Aang, néanmoins, était, comme il venait tout juste de le prouver, capable de générer des offensives si brusques qu'elles pouvaient porter sur des dizaines, voire des centaines de mètres sans connaître d'atténuation véritable de leur puissance originelle. De quoi bombarder ces deux criminels présumés sans relâche jusqu'à leur capitulation, s'ils n'avaient pas de quoi riposter de toute urgence...

Thalassa Cang et Thalassa Aang.

Son coup balaya largement l'écran de fumée et à cet instant, Aang commença à retomber, maintenu seulement par la cheville. Il ne s'en inquiéta guère, comptant sur son frère pour le conserver en sûreté, et se contenta plutôt de scruter les conséquences directes de son déferlement de puissance et d'expertise. Le brise-pression était une arcane complexe à maîtriser, et il avait encore beaucoup à apprendre à ce sujet, mais il faisait de lui l'une des meilleures armes des Thalassa, tout particulièrement à distance. Paradoxal, pour un homme qui, comme lui, aimait le frisson du combat et s'élançait au contact de ses adversaires dès qu'il en apercevait l'opportunité... A contrario, Cang était nettement plus calculateur et réfléchi, versé autant dans la stratégie large que dans la tactique fine et précise... Et il n'avait pourtant d'autre moyen de lutter que celui de se rapprocher de ses ennemis, courant ainsi des risques inconsidérés qu'il n'aimait que très modérément. En somme, c'était comme s'ils disposaient d'un style de combat qui était taillé pour l'autre... Et c'était la chose qui, majoritairement, expliquait leur habitude tenace à lutter conjointement. En plus de se connaître depuis leur plus tendre enfance, ils étaient doués, l'un comme l'autre, pour se glisser dans la peau de leur binôme et pour deviner l'utilisation la plus pertinente de ses pouvoirs les plus particuliers... Et cette fois n'y avait pas fait exception, en témoignait le déferlement de puissance dont Aang s'était rendu coupable, chose possible uniquement grâce à l'appui aérien que lui conférait son frère aîné. Cependant, il semblait que cette intervention d'une brutalité sans pareille n'allait pas suffire à éliminer irrémédiablement leurs deux ennemis : Ren Tao s'était précipité à la rencontre de la voix, en contrebas, chose qui prouvait limpidement qu'il s'agissait effectivement d'un allié et que le jeune Thalassa avait pris la bonne décision en tâchant de le prendre pour cible également. Que faire, maintenant ? La poursuite semblait être incontournable s'ils espéraient pouvoir appréhender le rouquin et son comparse dans les plus brefs délais... Mais était-elle véritablement envisageable depuis les cieux ? Les criminels risquaient d'utiliser le couvert de l'eau pour demeurer planqués, loin du champ de perception qu'offrait le haki de l'observation... Suivre la surface des vagues aurait été une option, mais aurait contribué à offrir au Tao un moment de répit potentiel. Or, les gouvernementaux étaient particulièrement friands des techniques de harcèlement : attaquer un ennemi sans relâche jusqu'à ce qu'il montre un signe de faiblesse, jusqu'à ce qu'il se mette à flancher, pour le broyer et le déchiqueter violemment... Leur grande mobilité leur permettait ce genre de facéties, grâce aux arcanes du rokushiki que Cang avait su sublimer.

La solution était donc aussi contre-intuitive qu'évidente : il s'agissait d'un pari. Cang inversa sa posture d'un geppou, se trouvant bientôt la tête en bas, à l'instar de son frère cadet qu'il retenait toujours par une seule cheville. Il usa alors d'un nouveau kamisori, se projetant à vive allure en direction de l'océan qui amorçait tout juste son mouvement de fermeture, suite aux conséquences titanesques du coup d'Aang : il s'engouffra dans les eaux sans plus attendre, entraînant son frère à ses côtés. Les deux Thalassa prirent une large inspiration avant de se retrouver précipités dans les eaux fraîches de Grand Line et purent alors se concentrer sur le pistage de leurs deux opposants et sur leur mise-à-mort ou, a minima, leur arrestation imminente. Ils se basaient tous les deux sur une idée d'une simplicité déconcertante : certes, ils ne pourraient pas demeurer immergés éternellement au sein des flots, compte tenu de leurs capacités pulmonaires, mais c'était également le cas de leur ennemi, le Tao, qui devrait tôt ou tard tenter de remonter à la surface pour retrouver son souffle... Ainsi, s'ils engageaient le conflit sous l'eau, ils ne démarraient pas nécessairement avec un désavantage colossal, puisqu'ils l'imposaient également à leur ennemi... Une fois les deux silhouettes localisées, Cang ne perdit pas l'ombre d'un instant : continuant à entraîner son frère à sa suite par le biais de ses cheveux et de quelques liens improvisés, il usa d'un kamisori aquatique pour tenter de rattraper l'allié du Tao, qu'il assimila bientôt au peuple homme-poisson : il était trop à l'aise dans l'eau pour être un humain, mais trop lent pour être une sirène. Voilà qui rendait la chose palpitante : les connaissances en matière de rokushiki faisaient du jeune Thalassa un adversaire redoutable sous l'eau, mais les représentants de cette peuplade amphibie étaient également bien connus pour leur pugnacité... Tenter d'en affronter un dans son domaine était souvent condamné à l'échec. Souvent... Pas toujours. Et même si Aang n'était pas forcément aussi habile que son frère aîné, sous l'eau, il n'en était pas moins susceptible de lui apporter un soutien indéfectible.

Malheureusement, dans une telle situation, les opportunités offensives des Thalassa étaient restreintes. Cang ne pouvait pas recourir à un rankyaku, à titre d'exemple : cela aurait drastiquement ralenti son rythme de course et une attaque longiligne était trop facile à éviter, à distance, pour un homme poisson qui possédait le luxe de la nage, même s'il était doté d'un poids mort. Il pouvait bien tenter de forcer sur la progression pour tenter sa chance au corps-à-corps directement, mais se précipiter au contact d'un homme-poisson ne le tentait que très modérément : il s'agissait de ne pas se brûler les ailes bêtement. Ils ne pouvaient pas connaître les conséquences exactes du coup d'Aang, après tout... Alors comment ? La réponse lui apparut soudainement lorsque son cadet, justement, se fit remarquer en tirant sur l'une des mèches de cheveux qui le maintenaient fermement attaché. L'aîné avait cette fois-ci le rôle de transport : celui d'arme, donc, incombait à son frangin... Et il ne perdit pas l'ombre d'un instant supplémentaire pour lui offrir l'opportunité de se livrer à ce genre d'hostilités dans de bonnes conditions : d'un kamisori quelque peu ralenti par la résistance aquatique, il remonta jusqu'à la surface et suivit les courbes de cette dernière au plus proche. Ne restait à l'autre gouvernemental plus qu'à bombarder les fonds océaniques sans relâche, puisqu'ils savaient désormais où se trouvaient Ren et son compagnon...

-Atsuryoku !

La même attaque se mit à fondre dans la dite direction, menaçant de percuter les deux criminels une seconde fois. Malheureusement, Aang ne put se permettre de surenchérir exactement dans la foulée : il avait besoin d'un temps entre chaque offensive de cette envergure pour ne pas se froisser un muscle bêtement. Restait à voir si cette attaque-ci allait se montrer encore plus fructueuse que la précédente...

Thalassa Cang et Thalassa Aang.

-Tss... Saloperie. Suis-le !
-Pas la peine. Ils descendent profondément... Trop pour lui. Tu as déjà touché ses organes. S'il n'est pas pris en charge par un médecin rapidement, il risque d'y passer.

Les paliers de pression, les hommes-poissons n'y étaient pas soumis... Les humains, si, et ce quel que soit leur constitution. Si Ren Tao était probablement suffisamment solide pour ne pas défaillir par la faute de cette conséquence seul, le style pur d'Aang était particulièrement utile pour entraîner diverses lésions... Autrement dit, le cumul des deux risquait de causer bien des complications au rouquin. Certes, c'était loin de la mort ou de l'emprisonnement que les Thalassa lui destinaient, mais c'était déjà un moindre mal... Sans compter le fait qu'il risquait fort de se noyer si son collègue amphibien en le ramenait pas à la surface dans les plus brefs délais. Malgré les grognements de son frère cadet, qui n'en finissait plus de pester, frustré d'avoir été privé d'un combat véritable, Cang usa de son geppou pour détacher quelque peu leurs deux silhouettes de la ligne d'horizon qui représentait cet océan. Il n'eut pas besoin de monter bien haut pour distinguer très précisément la silhouette écrasante du navire des Thalassa et celle, plus miteuse et plus fragile, du navire du Contre-Amiral qu'ils avaient interpellé. Chou blanc... Pour le moment. Car a priori, les deux frères avaient réussi à infliger quelques blessures cuisantes à ce criminel qui aurait besoin de quelques jours, sinon de quelques semaines pour s'en remettre. Ils savaient le nom d'au moins l'un des principaux belligérants de cet attentat, et savait par conséquent vers quelle organisation orienter leur puissance de feu mémorable et titanesque pour apporter la vengeance du Gouvernement Mondial. Shadow Ghosts s'était fait ennemi de leur famille, par voie de conséquences... Et c'était là une erreur des plus regrettables qui risquait fort de condamner cette organisation méprisable à la nuit. Tandis que son arcane du rokushiki les ramenait auprès de leur paternel et de Destiny qui, de son côté, n'en finissait plus d'être ébahie, ayant observé de loin les capacités extraordinaires de son cousin, pourtant plus jeune qu'elle, Cang songea aux ténèbres qu'il avait subrepticement pu apercevoir sur Water Seven alors qu'ils engageaient la poursuite du rouquin. Sergueï était de la partie, lui aussi... Un déploiement de forces militaires si écrasantes qu'on ne pouvait pas reprocher à Ren Tao d'avoir choisi la couardise et la lâcheté. S'il s'était attardé, il serait mort, à cette heure-ci...

-Grouille ! Je suis sûr que papa peut les suivre...
-On ne les suivra pas. On était là par hasard. Notre mission, c'est de ramener Destiny à Mariejoa. Tu l'as oublié ?
-Tss...

Malheureusement, c'était un argument indéniable : les Thalassa n'auraient même pas du offrir leur force de frappe et le prestige qui auréolait leur nom aux forces du Gouvernement Mondial en station sur Water Seven. Ils ne pouvaient pas se permettre de pousser leur traque davantage... Ils n'avaient que trop traîné. Par ailleurs, ils n'abandonnaient pas la situation à de réels novices : entre la membre du Cipher Pol 7 et son fiancé et le contre-amiral Horace, sans parler de la multitude de renforts et de soutiens de poids que le train des mers avait dû ramener, l'île était désormais entre de bonnes mains...

Akasashi Kitakaze, Contre-Maître du Dock 1 et Vice-Amiral Turoi Nagate.

-Bordel... C'est évident ! Hé, vous ! Dégagez de là !

Kitakaze avait bien cru que sa dernière heure était arrivée, malgré l'approche des renforts : une poignée de charpentiers pourtant solidement bâtis avaient déjà passé l'arme à gauche lorsqu'une nuée de ténèbres, ou de flammes diverses, étaient venu les engloutir. Il avait senti cette chose étrange pénétrer son corps par le nez et par la bouche et s'emparer de tout ce que ses poumons renfermaient, le laissant suffoquer pendant une dizaine de secondes à la suite de cette opération aussi intrusive que dérangeante... Mais il s'était redressé en parfait état. S'il n'était pas vraiment capable de comprendre ce qui avait eu lieu, la majorité des décombres qui avaient pu résulter de l'explosion des Primaux, par exemple, avaient également été dissipés. La plupart de ses collègues s'étaient donc également redressés, aussi miraculés que lui, ou plus encore. Et le vice-amiral, de l'autre côté de la barrière, avait dès lors cherché un moyen pour les extirper de la prison qui était la leur lorsque Kitakaze avait enfin été ébranlé d'une fulgurance, d'un éclair de génie. Si cette prison était causée par Sayouri, elle devait être régie par des règles strictes... Un changement, même minime, pouvait briser les règles préétablies. Et comme le vice-amiral venait de lui dire que les autres docks avaient subi le même sort et que leurs occupants y étaient également enfermés, la règle exacte était toute trouvée... Fermement et puissamment, il s'élança en direction du hangar qu'il percuta d'un coup si virulent que toute la structure s'effondra. Il réitéra aussi longtemps qu'il le fallut, jusqu'à ce que tout le dock ne soit ni plus ni moins qu'un champ de ruines... Et alors la barrière se dissipa, permettant aux troupes de la Marine de s'inviter auprès des blessés restants pour leur offrir les premiers soins. L'échappatoire avait été là, depuis le début, sous ses yeux...

Huckable Finch, Maire de Water Seven et Directeur de Galley-La Company, et Stuart Mary, Directrice de la Merchandising Float.

-Bon sang... C'est un désastre...

Le maire était estomaqué. Il allait y perdre sa place, c'était certain. Il savait déjà comment tout cela allait se passer : le Gouvernement Mondial allait le couvrir d'opprobre, lui jeter le discrédit en annonçant publiquement que c'était sa politique laxiste qui avait permis à ces criminels de s'inviter sur Water Seven pour y semer le chaos. Ils allaient jouer de leur influence pour le démettre de ses fonctions, autant celles de Maire que celles de Directeur... S'il ne finissait pas à la barre d'un tribunal quelconque, on allait probablement le réduire à l'état de parjure et d'homme stupide. Il était grillé, définitivement. Finch, plus blême que jamais, balaya les environs du regard en remarquant l'arrivée des marines qui tâchaient d'offrir du secours aux petites gens qui erraient encore. De nombreuses personnes avaient trouvé la mort, ce jour-ci... Finalement, avant même qu'il n'eut le temps de prononcer le moindre mot, la jeune femme gracile à ses côtés tourna les talons et commença à s'éloigner, muette, ses chiens de garde demeurant avec elle et délaissant le Maire sans plus attendre. Surpris, il ne tarda guère à la héler mais se heurta à une réponse d'une froideur et d'une cruauté implacables...

-Mademoiselle Stuart ! Vous ne pouvez pas...
-Excusez-moi. J'avais rendez-vous avec le Directeur de Galley-La Compagnie et avec le Maire de Water Seven... Il me semble que vous n'êtes, aujourd'hui, ni l'une ni l'autre de ces personnes. Bonne continuation, Finch.

Elle regrettait, bien sûr, la tournure de la situation : les dommages allaient fortement handicaper la productivité de Water Seven pour les semaines à venir, et sa commande n'allait pas pouvoir être assurée aussi promptement que prévu... Mais elle se devait, dans ce genre de situations, de réagir avec autant d'intelligence et de pragmatisme que possible. Elle avait fait tout son possible pour offrir une main secoureuse à Finch : elle avait été jusqu'à envoyer Damark sur place, après tout... Mais il avait joué de malchance, et il avait tout perdu. Elle n'avait plus la moindre raison de demeurer à ses côtés : pire encore, cela aurait pu lui apporter l'inimitié du Gouvernement Mondial... Et il était hors de question qu'elle s'expose de la sorte.

Vice-Amiral Turoi Nagate.

Deux jours s'étaient écoulés depuis les attentats entrepris par Ren Tao et Sayouri Taka. Cette alliance improbable avait causé bien des dommages de part et d'autres de Water Seven : les Docks avaient dû être détruit momentanément, deux contre-maîtres étaient d'ailleurs portés disparus, et bien des bâtiments avaient subi des dégâts colossaux. Les opérations de reconstruction, majoritairement entamés par les rescapés de Galley-la Compagnie, avançaient néanmoins bon train. Ces experts étaient dotés d'un esprit revanchard indéniable et s'il allait sans dire que leurs chantiers locaux ne pourraient pas prendre en charge d'autre commande avant quelques semaines, ils n'en étaient pas moins dévoués corps et âme à la tâche qui leur incombait. Les habitants, eux aussi, mettaient la main à la pâte... Entre deux manifestations. Les pertes civiles avaient été grandement minimisées par l'intervention de l'amiral Shinseishi, certes, mais rares étaient les familles qui n'avaient pas été privées d'un père, d'une mère, d'un enfant, d'un oncle, d'une cousine ou d'un grand-parent. La brutalité de cet événement, survenu alors que nul ne s'y attendait, avait rapidement trouvé un écho au sein de la politique terriblement laxiste de l'ancien maire, Huckable Finch, d'ores et déjà relevé de ses fonctions pour trahison et association de malfaiteurs. Il avait été emporté au premier train qui avait su l'emmener jusqu'à Enies Lobby, où un jugement factice et monté de tout pièce allait être mené spécialement pour l'incriminer. Le vice-amiral Turoi Nagate avait un peu de peine pour cet entrepreneur qui avait principalement joué d'orgueil et de malchance... Mais il était, bien loin, d'éprouver de la pitié ou du ressentiment vis-à-vis de la conduite des têtes pensantes du Gouvernement Mondial. En acceptant de dangereux criminels en guise de clients et en les traitant sur un pied d'égalité avec les représentants de la justice, le maire s'était précipité à sa propre perte. Il en assumait désormais les conséquences... Kitakaze Akasashi, contre-maître du Dock 1, assumait donc la régence de Galley-la Compagnie. Des élections internes à la structure avaient été organisées à la hâte pour désigner un nouveau directeur, et il avait été nommé à la quasi unanimité, sans grande surprise. Restait que ça n'était pas la seule casquette qu'Huckable Finch assumait avant son arrestation : le rôle de Maire de Water Seven était encore vacant...

-Les manifestations se prolongent encore toute la semaine.
-Les revendications ?
-L'installation d'une base de la Marine, et la régence du Gouvernement Mondial. Ils veulent, si possible, que le Maire soit officiellement rattaché à la Marine.
-Un contre-amiral devrait suffire à les satisfaire...

De l'autre bout du combiné, Chairoka semblait songeuse. Elle ne s'était pas attendue à un tel revirement de situation, et n'avait elle-même pas pris la pleine mesure du chaos qui déferlait sur Water Seven en temps et en heure. Heureusement que Sergueï et Thalassa Rang avaient décidé de prendre les choses en main : sans leur présence, assurément dissuasive, les attaques terroristes auraient pu engendrer bien plus de dommages civils. Water Seven et ses chantiers navals avaient pris du plomb dans l'aile mais finirait tôt ou tard par se relever... Il était urgent de permettre aux locaux de rebondir, et il était nécessaire de mettre cette occasion à profit pour redorer puissamment le blason de la Marine. Faire croire aux citoyens du Monde entier qu'avec une présence militaire digne de ce nom, cela n'aurait jamais eu lieu... Les journaux et la censure allaient pouvoir s'en donner à cœur joie pour ridiculiser Huckable Finch et le couvrir d'opprobre. Le pauvre allait être relégué au rang d'objet, à cette allure... Sacrifié sur l'autel de la presse au nom et à la gloire du Gouvernement Mondial. Enfin, elle n'allait certainement pas le plaindre : il avait eu les yeux plus gros que le ventre. Il pouvait s'estimer heureux que les renforts aient compté un homme de la trempe de Shinseishi... Si les coupables vagabondaient encore, du moins les dommages avaient-ils été contenus.

-Restez sur place jusqu'à la fin de la semaine, dans ce cas, vice-amiral. Rassurez-les. Montrez-vous, et donnez même éventuellement un coup de main dans l'effort de reconstruction. Prouvez-leur que la Marine est une belle institution.
-Bien, amirale !

Il raccrocha, heureux de se voir attribué la confiance de sa supérieure absolue. Elle semblait bien décidée à l'idée de lui offrir cette tâche que d'aucuns auraient qualifié d'infamante mais qu'il trouvait purement et simplement nécessaire. Si certains hauts gradés n'étaient pas plus médiatisés et auréolés d'un certain prestige que les autres, alors ils avaient peu de chance de s'attirer l'amitié des petites gens. En ce moment, Félix Constantin et les siens avaient le vent en poupe : leur popularité n'en finissait plus de croître et risquait de créer un déséquilibre au sein des troupes de la Marine. Lui, Turoi Nagate, avait encore son indépendant d'esprit pour lui : il était vu comme un subordonné direct de Chairoka, à juste titre. Autrement dit, ses faits d'armes et sa bonté auréolaient également la jeune femme, du point de vue du grand public... C'était une bonne raison pour tâcher d'être aussi apprécié que possible!

Akasashi Kitakaze, Directeur de Galley-la Company, et Kibo, contre-maître du Dock 1.

-Prends une vingtaine d'hommes avec toi et fais en sorte de relever le premier dock rapidement. On verra pour remonter les autres en temps et en heure, mais il est urgent de pouvoir assumer quelques chantiers afin de renflouer nos caisses.
-Pas de soucis. On s'en charge.
-Miyon-Ji ? La rénovation du port, ça avance ?
-Ouep patron ! On aura fini après-demain, sûrement !

Le port n'avait pas été touché très sévèrement mais il était urgent de le remettre en l'état : plus, en tout cas, que les simples bâtisses qui avaient eu à souffrir, notamment, de la dernière explosion survenue sur l'île. Avec sérieux, Kitakaze jeta un coup d’œil à Kibo, désormais contre-maître du dock 1, qui s'en retournait à la zone qui lui avait été attribuée pour la rénover sans plus attendre. Ils allaient avoir bien du mal à conserver la tête hors de l'eau pour les semaines à venir mais ils pouvaient néanmoins compter sur les antennes dispatchées à travers le monde, lesquels dégageaient également quelques revenus, et sur la générosité des habitants de Water Seven qui demeuraient très gracieux et reconnaissants à leur encontre. Les Charpentiers avaient été les cibles prioritaires de l'assaut mené par les criminels et les révolutionnaires qui avaient décidé d'agir main dans la main... Deux de leurs cadors étaient même portés disparus, et cela, les citoyens l'avaient bien compris. Ils avaient été forcés de prendre les armes pour assurer la sécurité de l'île, face à des ennemis trop puissants et surtout trop bien organisés... Ils n'étaient que des travailleurs, en fin de compte. Pas des militaires, pas des soldats. Ils avaient courus des risques inconsidérés pour nettoyer l'île des intrus qui avaient tenté d'y semer le chaos... Avec un soupir las, le nouveau directeur de Galley-la se demanda s'il n'aurait pas été plus judicieux pour lui de partir à la recherche de Sayouri et de Ren Tao. Il était probablement capable de les défaire, ou en tout cas de leur donner du fil à retordre, et il aurait pu se renseigner quant au sort qui attendait Saishin et Alessandra... Tant pis. Il allait devoir s'en remettre aux enquêteurs du Gouvernement Mondial et à la force de frappe de la Marine, pour ce travail-ci.

-Directeur ? Mes hommes et moi allons vous aider, aujourd'hui !
-Oh, vice-amiral ? C'est vrai ? Vous m'en voyez honorés... Venez ! Je vais vous montrer les zones à rénover de toute urgence...