Je crois que je ne m’étais jamais autant ennuyée. Pourquoi la routine de la vie était-elle aussi assommante ? Est-ce que je devrais subir ça durant des années si je continuais ?
Déjà trois semaines que j’étais enfermée dans ma salle d’opération réfrigérée, le seul endroit où je me sentais vraiment à l’aise. Ca faisait quelques temps que je n’avais plus d’assistant pour me trouver des clients, le dernier s’étant fait tuer dans une stupide bagarre de taverne. Ce n’est pas tellement pour les berrys que je m’inquiétais, mais plutôt pour moi. Ca faisait des semaines que je n’osais pas sortir par peur de ce que j’allais devoir affronter. C’était un peu ridicule car je savais être plus forte que la majeure partie des brigands, mais c’était plus fort que moi, mon instinct me répétait en permanence que le pire pouvait arriver, que n’importe lequel pourrait m’avoir par surprise.
Malgré tout, mon ennui, ma solitude et le manque de lumière naturelle m’avait fait franchir le pas : celui d’aller à l’extérieur.

En sortant de ma maison, le soleil m’éblouit, me forçant à cacher mes yeux de l’astre du ciel. Ce n’est pas tellement sortir qui était inhabituel pour moi, mais plutôt le fait de le faire seule. Lorsque je me baladai, j’aimais toujours être accompagnée d’une personne de confiance, mais ces dernières n’étaient que trop dures à trouver sur cette île où seuls les rapports de force comptent. Cependant, rester enfermée était impossible et cette sortie pourrait être bénéfique après tout.

Ma première destination était évidente à mes yeux ; lorsque je sortais, j’avais toujours pour habitude de me rendre dans la petite boutique ambulante de Geruld qui se baladait à travers bon nombre de rues. Même si cet homme est des plus répugnants et est aussi digne de confiance qu’un loup sauvage, il fait de la très bonne nourriture, notamment de très bonnes glaces !

Arpentant la ville durant plusieurs dizaines de minutes, je fini enfin par trouver la roulette de Geruld, sobrement nommée “La bonne bouffe de Geruld”. Je m’approchai des plus innocemment de lui, m'exclamant des étoiles pleins les yeux :

“ - Une glace avec deux boules de chocolat !”

L’homme avait l’habitude de me voir et ne posa ainsi donc pas de question, s’exécutant immédiatement, préparant ma commande. Je sautillais sur place, bavant d’avance à l’idée de pouvoir déguster ce magnifique produit glacé. S’il y a bien une chose que je raffole par-dessus tout, c’est bien la glace ! Alors que j’étais prête à lui subtiliser la glace de ses mains, il l’amena en l’air, hors de ma portée :

“ - C’est pas car tu commandes beaucoup ici que tu ne dois pas suivre les règles, on paye avant”

J’affichais une petite moue déçue tandis que je plongeais mes mains au fond de mes poches. Soudain, ma moue se transforma en inquiétude. Je n’avais plus un berry en poche ? Comment était-ce possible ? J’avais déjà tout dépensé ? Mon visage se décomposait tandis que Geruld me dévisageait de plus en plus, visiblement très impatient.

“- Je… je crois que je n’ai plus -”

Alors que j’étais en train d’essayer de m’expliquer, un homme vint me renverser. Tout comme lui était dans ses pensées et ne m’avait pas vu, j’étais tellement obnubilé par ma glace que je ne l’avais pas vu arriver. L’homme vint me saisir par l’épaule, ce qui me fit immédiatement me raidir. Le…le contact de quelqu’un d’autre, je ne supportais pas le contact de quiconque. Alors que mon visage et mes émotions n’affichaient que de la peur, les émotions que je ressentais était bien plus profonde. Le contact venait inévitablement me rappeler ce que j’avais vécu par le passé, me paralysant l’espace de quelques instants.
Tandis que l’homme vêtu de vert tentait de s’excuser dans ma tétanie, le vendeur tapa du poing, s’exclamant d’un ton énervé :

“- Ecoute moi gamine, c’est pas parce que t’es une gosse que tu vas me faire un coup comme ça. Ici, on commande que si on a de quoi payer. Si tu peux pas payer, alors tu m’as fait perdre mon temps et mes profits, donc je peux mettre fin à tes jours.”

J’étais figée, complètement bloquée à la fois par cet inconnu qui me saisissait à l’épaule et le vendeur, je ne savais absolument pas comment me sortir de ce pétrin. Je n’avais pas l’argent, je savais très bien qu’il allait s’énerver et que les choses pourraient s’empirer si elles allaient dans cette direction.

Un flot d’horreurs, un flot de cauchemars, du malheur et du désespoir à perte de vue, c’était ce que je ressentais à ce moment précis. Pourtant, lorsque mes peurs m’atteignaient, elles semblaient se volatiliser, comme si ces dernières étaient devenues trop faibles. Plus les secondes passaient, mieux je me sentais. J’étais confiante, j’avais l’impression de pouvoir tout surpasser, de pouvoir vaincre ce qui m’avait toujours bloquée jusque-là. Finalement, je repris mes esprits et je me souvins d’où j’étais : devant le marchand. De mes yeux ébahis, je pouvais voir l’homme qui m’avait bousculé me payer ma glace afin de calmer les ardeurs du vendeur. Finalement, il rompit le contact entre nous deux, me faisant davantage profiter de cette grande confiance qui me prenait.

L’homme en vert me questionna, me proposant de l’accompagner quelques instants. En temps normal, j’aurais probablement refusé, mais contrairement à tous les habitants de cette île, lui ne semblait pas mauvais, il semblait même foncièrement bon. Mon visage jusque-là choqué se mit à sourire, lui répondant avec une grande naïveté :

“- Je veux bien rester avec vous oui, vous êtes qui ? Vous avez l’air gentil !”

Ma méfiance s’était entièrement transformée en confiance, rien à cet instant n’aurait pu me faire penser qu’il serait capable d’un mauvais acte. Je saisis la glace qui m’étais dû avant de m’éloigner en sa compagnie s’il me suivait.

Alors que je m’éloignais, Geruld me fixait d’un air mauvais. Pour une raison que j’ignorais, l’apport de berry pour la glace ne semblait pas l’avoir contenté, mais il resta pour le moment sur place, préférant observer mes mouvements. Lorsqu’il nous aurait perdus de vu, il rangerait son stand avant de rejoindre une autre destination.

De mon côté, si j’étais en compagnie du mystérieux sauveur, je lui poserais de nombreuses questions, cherchant à en apprendre le plus possible sur une personne aussi gentille :

“- Vous n’êtes pas d’ici ? Pourquoi avez-vous débarqué sur cette île de gens méchants ? Est-ce que vous comptez rester longtemps ? Pourquoi vous êtes habillé tout en vert ? Vous aimez la glace au chocolat vous aussi ou vous préférez les fruits ? Vous voulez que je rembourse l’argent de la glace ?”

Bien que probablement fatiguantes, mes nombreuses questions étaient pleines de bienveillances. Pour une fois, je n’avais aucune mauvaise arrière pensée.

Comme je l’aurais espérée, l’homme en vert avança avec moi et une discussion s’était entamée entre nous. Il me donna son nom : Auster Litz, et m’expliqua d’où il venait avant de me demander à mon tour de me présenter.

“- Je suis Kira ! C’est bien de trouver des gens gentils, ça change !”

Malgré l’avalanche de questions qui tombaient sur l’homme, ce dernier ne semblait pas particulièrement gêné et prit même le temps d’y répondre à toutes, une à une, tandis que nous avancions en direction de la mer. Visiblement, il était très impliqué dans quelque chose mais je n’ai pas vraiment compris quoi, ses paroles étaient trop chaotiques, bien trop difficile à comprendre. Aussi, il s’y connaissait apparemment en médecine, ça nous faisait quelques points communs, c’est toujours une bonne chose.
Comme je l’avais fait pour lui, Auster me posa plusieurs questions auxquelles je répondis également.

“- Je suis ici parce que je suis née là, je n’ai nulle part d’autre où aller, cette île est ma maison. J’adore le chocolat oui, mais ce que je préfère c’est pas le goût mais la glace en elle-même, c’est une des rares choses que je connaisse qui ne soit pas trop chaude. J’aime beaucoup le noir oui, le rouge aussi.”

Malheureusement, sa dernière phrase fit basculer ma joie. Il fit une allusion à un passé sombre, il avait sûrement compris cela avec ma pétrification face au vendeur. Une moue se dessina sur mon visage tandis que ma bonne humeur se transformait en tristesse. Arrivée proche de la mer, je décidais de m'asseoir pour être plus à l’aise, ça ne fait jamais du bien de se remémorer ce genre de souvenirs. Aussi, je décidais de lui en dire un peu plus sur moi, après tout, il m’avait sauvé en m’offrant cette glace, une personne aussi gentille méritait d’en savoir un peu plus.

“- En fait… j’ai plus de papa ni de maman, ils se sont fait tuer quand j’étais toute jeune. Non...en fait, mon papa s’est fait tuer puis avec maman on s’est fait capturer, on est devenu des esclaves pendants des années et des années. Ca fait que cinq ans que je suis libre, mais du coup je suis toute seule. Un jour, j’aimerais pouvoir me venger de tous le monde, me venger du fait que personne ne nous a aidé, du fait qu’il n’y ait que des méchants ici. Un jour, tout le monde entendra parler de moi et je ferais peur à tout le monde, comme ça si je fais peur à tout le monde je pourrais décider qu’il n’y ait plus que des personnes gentilles !”

Je commençais à entrer dans mes explications, passant par de nombreuses émotions. Tout d’abord, ce fut la tristesse, celle de me souvenir de la mort de mes parents ainsi que des souffrances que nous avions pu tous vivre. Ensuite vint la colère, celle de repenser aux criminels en question, ceux qui ont détruit ma vie, ma famille et tout ce que je possédais. Enfin, il me restait la joie, celle de penser à mon monde idyllique, celui où je représenterais une telle menace que les criminels eux-mêmes décideraient de devenir des gens bons.
Comment mon sauveur allait-il interpréter mes phrases ? Je n’en avais aucune idée à ce moment et ce n’était pas mon problème. S’il était quelqu’un de bon, il comprendrait ce que je ressens.

Il était vraiment quelqu’un de très impressionnant. Alors que je lui faisais part de mon ressenti, de ma façon de voir les choses dans ce monde, sur cette île, il s’indigna et se lança dans une longue tirade. Ce n’était pas très clair, je ne savais par exemple pas vraiment ce que signifiait être un révolutionnaire, mais il en semblait particulièrement fier. Quoi qu’il en était, je comprenais sa proposition finale qui était on ne peut plus simple : le rejoindre sur son bateau et quitter cette île. Je me sentais particulièrement confiante en entendant discours, il avait parfaitement réussit à me donner l’espoir d’un jour quitter cet enfer, de trouver un endroit meilleur autre part. Pourtant…

“- Je n’ai pas tout compris, notamment les passages sur les révolutionnaires, mais j’ai compris l’essentiel : partir avec toi d’ici. C’est tentant, j’aurais envie d’accepter, mais c’est impossible. J’ai des obligations sur cette île, comme tous ici je collabore avec des brigands et je ne peux pas les lâcher comme ça, du jour au lendemain, je dois faire les choses par étape. Il y a quelqu’un à qui je tiens en dehors de cette île, je me suis promis de la rejoindre un jour, qu’on puisse voyager ensemble, elle est mon modèle. Cependant, je n’étais pas prête à y aller, pas prête à lâcher ma vie ici, l’endroit qui m’a donné vie. Malgré tout, je suis contente de ce que tu m’as dit, c’est vrai que je devrais partir. Je le ferais peut-être bientôt d’ailleurs, mais pas dans l’immédiat, c’est impossible. D’ailleurs, on se reverra peut-être à un autre endroit à l’avenir !”

C’était une des rares fois de ma vie où je me sentais particulièrement heureuse, contente d’avoir moi-même réussit à dire que je voulais m’en aller. Je ne comprenais pas pourquoi, mais cet homme en particulier dégageait un charisme des plus fous.


Alors qu’une discussion endiablé avait lieux proche de la mer, trois brutes se dirigeaient à une dizaine de mètre derrière vers la taverne du port, bousculant violemment les quelques-uns qui se trouvaient sur son passage. Arrivée au niveau de la porte, ils l’enfonçeraient d’un coup de pied, criant sans retenue :

“- On est là pour la paye du mois Gérard !”

Absorbée par mes émotions, j’étais incapable de me rendre compte de ce qu’il pouvait se passer derrière moi, mais peut-être que l’incroyable Auster lui aurait flairé les ennuis.

Je ne l’avais pas remarqué, mais le gentilhomme à mes côtés me fit remarquer la présence non loin de trois hommes venus voir un tavernier. Il me demanda s’ils étaient méchants ou gentils, mais il semblait avoir compris qu’ils n’avaient pas de bonnes intentions. Je décidais donc d’éclairer un peu sa lanterne quant à la situation locale :

“- C’est des méchants en effet. Ce ne sont pas des hommes de Konan, mais un petit groupe de brigands indépendant qui font le tour des commerces. D’ailleurs, Geruld est dans le même groupe qu’eux. Ils font le tour des commerces toutes les semaines afin de réclamer des berrys pour une pseudo-protection. En vérité, je pense plutôt qu’ils menacent de tout détruire si jamais certains ne payent pas, c’est une technique comme une autre ici pour gagner des berrys. On peut aller les voir oui, mais j’ai pas envie de leur parler, ils sont méchants, ça me fait un peu peur. Tu peux passer devant ?”

Si Auster acceptait, j’avancerais avec lui en prenant garde à bien rester derrière, je n’avais pas envie de risquer qu’un de ces criminels me touche. En temps normal, je ne me serais pas vraiment mêlé de ce genre d’histoire, mais le révolutionnaire semblait réellement vouloir rétablir une forme de justice en ces lieux et s’occuper d’eux lui aurait certainement fait plaisir.
Alors qu’on avançait vers la taverne, les trois sortirent de la taverne, jonglant avec une bourse visiblement bien pleine. En nous voyant arriver, ils nous dévisagèrent tous les trois, prenant un ton plus agressif.

Watane, Matsuo et Naru, racketteur

“- Vous nous voulez quoi la grande asperge et la gamine, vous voyez pas qu’on a du travail ? Dégagez le chemin !”

Les trois hommes étaient de grandes tailles et certains étaient même armés. C’était celui en violet qui nous adressait la parole, il était visiblement le leader de ce petit groupe de trois. Si nous ne bougions pas de leur chemin, ils commenceraient à sortir des armes et à vouloir entrer en conflit devant la porte. Ils n’étaient tous les trois pas très fort, mais les combattre attirerait inévitablement leurs supérieurs qui pourrait amener davantage de problèmes.

Alors que j’aurais cru qu’il laisserait simplement passer les criminels pour ne pas s’attirer de conflits, il n’était rien. Avec une grande agilité, il vint se saisir l’homme à la massue pour l’envoyer au loin, en direction de l’eau. Il avait certainement eu envie de l’envoyer à la mer, mais manquait clairement de force, se contentant de l’envoyer valdinguer au plus loin. Suite à cela, il réussit à réagir avec une grande dextérité à l’attaque de l’homme au masque, venant frapper au niveau de sa gorge, lui coupant totalement la respiration. Suite à cette démonstration de force, il lança une menace envers le chef, lui ordonnant de rendre la bourse.

~~


Alors qu’il ne s’y attendait pas, Watame venait de voir deux de ses gars se faire mettre à terre et un inconnu essayer de le menacer de cesser son activité. Pour une raison qui lui échappait, il ressentait de la peur, une peur pour cette adversaire qui semblait savoir se battre correctement. Cependant, la peur était une émotion des plus banale sur les terres dévastés d’Himitsu Shima, et même si Auster se révélerait être un adversaire coriace, il n’y avait rien de plus effrayant pour lui que de devoir retourner auprès de son chef les mains vides. Il amena d’un geste lent la bourse jusqu’à sa poche, son regard devant bien plus agressif.

“- Je ne sais pas qui tu es, mais c’est pas comme ça que ça marche ici. J’espère que tu as prévenu ta famille que tu ne rentrerais pas en vie ce soir.”

Les paroles de l’homme en costume violet semblaient avoir l’effet d’une piqûre d’adrénaline envers ses coéquipiers, notamment pour Matsuo qui se relevait, frottant sa gorge, de la haine dans son regard. Sans plus attente, il se jeta sur Auster, tentant de le frapper au torse. Matsuo n’était pas des plus malin, c’était le genre de personne à retomber plusieurs fois dans le même piège, ne jurant que par la puissance brute pour pouvoir vaincre. Cependant, si jamais le révolutionnaire venait à frapper à l’aide de sa canne, Watane serait non loin et tenterait de lancer un petit couteau qui était visiblement caché dans son costume.

~~

Ils étaient à deux contre un pour le moment, mais au moins j’étais mise à l’écart. Je n’avais pas particulièrement envie de me battre, je me contentais donc d’observer ce qu’il se passait. De ce que j’avais pu voir, Auster était fort, il devrait donc pouvoir s’en sortir. Cependant, si jamais il venait à se faire blesser, j’interviendrais. Il était une des rares personnes gentil que j’avais pu rencontrer, il était hors de question qu’il meurt ainsi.

Trop occupée par le déroulement du combat, j’avais complètement oublié la présence de Naru qui avait était envoyé plus loin. Pour le moment, il resterait inactif de là où il était, observant les autres se battre, mais nul ne doute qu’il finirait par revenir au milieu de l’action.

Watame était particulièrement fier de lui. Comme il l’espérait, son adversaire, aussi bon soit-il, aurait du mal à gérer à la fois une personne agressive au corps-à-corps et quelqu’un à distance comme lui. Cette situation l’amusait, il dégaina une nouvelle dague, jonglant avec, comme pour montrer à Auster qu’il était prêt à la lancer à n’importe quel moment, qu’il attendrait la moindre faille afin de pouvoir le blesser.
De son côté, Matsuo ne se laissait pas abattre. Même s’il était maîtrisé par le révolutionnaire, il n’en gardait pas une certaine hargne, tentant de le frapper avec une de ses jambes, libre, pour pouvoir se libérer de son emprise.

~~

De mon côté, j’observais la scène d’un œil attentif. Même s’il semblait fort, Auster n’arriverait pas à venir à bout de cette bande. Sur Himitsu Shima, le concept de combat en un contre un est illusoire, les criminels de l’île sont des maîtres des attaques en bandes et des coups en traître. Je n’avais pas envie d’intervenir, mais je ne pouvais pas rester indifférente à cet homme si généreux qui m’a payé une glace au moment où j’en avais le plus besoin. Ma grande soeur m’en aurait probablement voulue si je n’avais pas mis une correction à ces bandits qui attaquaient ce gentilhomme. D’un geste lent, je saisissais mon scalpel, le sortant d’une de mes poches, prête à partir à l’affront. Malheureusement, quelque chose m’en empêcha pour l’immédiat.

~~

A trois, ils formaient un groupe plutôt bien synchronisés. Ce n’était pas la première fois qu’ils tombaient sur des personnes cherchant à défier leur puissance, et ils avaient forcément prévu des techniques secrètes et lâche au cas où un adversaire se révélerait un peu trop coriace. Naru le savait, et il ne comptait pas la jouer loyale en voyant son compagnon aux poings américains se faire maîtriser au corps-à-corps.
Auster s’était préparé à une attaque surprise ; en surveillant les émotions de l’homme, il put y voir une certaine sérénité, comme si l’assaillant était persuadé qu’il n’avait rien à craindre.
Le révolutionnaire s’attendait à voir arriver l’homme à la masse contre lui, mais il ne fut rien. Profitant qu’il soit au conflit, Naru se dirigea vers l’enfant cornue.

~~

Alors que j’étais prête à intervenir, je sentis quelqu’un m’attraper au cou et me soulever. Cette personne était Naru, envoyé plus loin au début du combat et je ne l’avais pas vu venir. Il exerçait une pression au niveau de mon cou, ricanant tel un goret une fois qu’il me tenait avec lui :

“- Nyarararg, joli couteau à beurre gamine, mais il va falloir un peu plus si tu veux t’en prendre à nous !”

Suite à ces mots, Watame enchaînerait de quelques mots, pointa se dague en direction du révolutionnaire :

“- Parfait, la partie intéressante. Je vais lancer cette dague en ta direction gamin. Si tu l’esquives, mon compagnon viendra broyer la nuque de cette gamine, et je suis sûr que tu n’aimerais pas avoir sa mort sur la conscience. Sur ce, adieu.”

Dès l’instant où sa phrase se termina, il lança sa dague en direction d’Auster, cherchant visiblement à viser une des jambes.

Je me débattais, j’avais horreur du contact de cet homme sur ma peau, ça me mettait hors de moi. Je donnais des coups de pied, lui criant de me lâcher, mais il ne faisait rien. S’il continuait ainsi, mes pouvoirs allaient s’activer à mon insu.

Les civils aux alentours avaient tous commencé à fuir les environs, ne désirant pas être impliqués davantage dans l’histoire. Si Auster observait bien, il pourrait voir des gouttes tomber sur le sol aux pieds du criminel à la masse. Bien que semblant être de l’eau, ces gouttes partaient en fumée en atteignant le sol. Il verrait probablement bientôt de quoi l’enfant était capable.

Le plan d’Auster n’était pas des plus idiots. N’importe quelle personne normale aurait simplement décidée soit de fuir, soit de sacrifier, il était impensable de vouloir prendre le risque de mettre une jeune fille innocente en danger. D’un geste habile et sûr de lui, il lança sa canne en direction du visage de mon assaillant, le faisant immédiatement lâcher prise, amenant sa main au niveau de son visage comme pour compenser la douleur du choc.

Cependant, cette fois-ci, je ne pouvais pas rester complètement inutile en ces lieux. Auster venait à peine de me rencontrer et pourtant, il avait dors et déjà mis en danger sa vie pour me venir en aide. Il m'avait prouvé être quelqu’un de confiance et il était hors de question que je le laisse mourir de façon aussi bête. Le grand homme qui m'avait saisi allait regretter de m’avoir simplement considéré comme une otage, moi aussi j’étais capable de venir en aide aux gens bons ! Je m’étais retourné, observant Naru enragé, maudissant sur plusieurs générations l’homme vêtu de vert.

“ - Espèce d’enfoiré… j’vais briser le cou d’la gamine, ça t’apprendra à faire le malin…”

“ - Non ! Je te laisserais pas faire !”

Finalement, j’eus intervenu. Comme pour appuyer mes mots, je me jetai au niveau des jambes du criminel, l'enlaçant de toutes mes forces. Je déteste le contact physique, mais cette fois-ci, ça ne serait pas long. Alors que je le tenais, mon corps commença à générer une grande quantité de ce liquide qui me composait, laissant apparaître un épais nuage de fumée blanche à mon niveau, venant me recouvrir entièrement. Quelques secondes après, l’homme hurla de douleur.

“ - Arrrrrrrg, ça brûle ! C’est froid !”

Il avait fallu quelques secondes à l’organisme du criminel pour se rendre compte de ce qui était en train de lui arriver : il congelait sur place. A cet instant précis, ses jambes étaient dors et déjà entièrement congelées, les rendant parfaitement inutilisables. Je continuais à générer de l’azote en quantité, cherchant à congeler entièrement mon adversaire jusqu’à atteindre à sa vie. A ce rythme, il ne faudrait que quelques secondes de plus avant qu’il ne perdre connaissance.

~~

“- Décidément gamin, tu sais vraiment pas ce que tu veux. Naru, occupe toi de -”

Watame semblait en un premier temps parfaitement à l’aise dans ses propos jusqu’à ce que son visage ne se tourne en ma direction, voyant cet épais nuage de fumée se dégager de nous. Comme pris d’un réflexe, il dégaina une nouvelle dague d’on ne sait, la lançant en ma direction avant de vouloir tenter de s’enfuir, appelant son camarade :

“ - On se casse Matsuo, je n’ai plus de dague et ça sent pas bon !”

En se détournant ainsi, le chef des bandits laisserait une ouverture dans sa défense. Matsuo lui, obéirait sans chercher à comprendre ce qu’il se passait. S’ils n’en étaient pas empêchés, ils fuiraient tout deux en ville, à l’opposée de la mer.

Alors que Watame et Matsuo commençaient à fuir, la dague que m’avait envoyée le chef vint se planter dans mon corps, se congelant après quelques secondes avant de tomber au sol, devant d’autant plus dur qu’auparavant. J’avais clairement comme objectif de le tuer, c’est pour cette raison que je générais tant d’azote liquide autour de moi. A vrai dire, dans une situation normale, j’aurais probablement finit par le tuer. Pourtant, alors que j’étais en train de continuer à propager mon corps liquide, j’entendis une voix derrière moi, une voix qui me suppliait de le laisser en vie. Immédiatement, j’eus comme un choc et je lâchai le criminel, je retournant. Mes yeux étaient flous et pour une raison qui m’échappait, j'aperçu pendant quelques secondes le visage de mon père avant que finalement ça ne soit celui d’Auster qui reprit sa place.

Derrière moi, l’homme à la jambe congelée commençait à fuir comme il pouvait malgré son entrave, criant presque à la mort :

“ - Des monstres ! Ce sont des monstres et des fous !”

J’avais du mal à percevoir correctement les choses. Une fois de plus, j’avais l’impression que les choses s’effaçaient autour de moi, comme à chaque fois que j'exécutais quelqu’un. Heureusement, cette-fois ci, je n’étais pas seule mais accompagnée d’une personne semblant très compatissante et pleine de gentillesse. C’est d’ailleurs lui qui, en voyant l’autre s’enfuir en criant, me proposa de le suivre. Sans un mot, je m’étais contenté de hocher la tête, avançant doucement en sa compagnie à la poursuite de Naru. Evidemment, nous avions gardé une certaine distance pour éviter de plus amples problèmes, ce qui me permit de parler un peu plus avec Auster.

“ - Désolé, je t’ai caché quelque chose. J’ai mangé un fruit du démon, il fait que mon corps a changé, je suis constitué d’azote liquide, c’est une substance qui congèle ce qu’il touche. Ca a des avantages, notamment car je peux pas être blessée, mais ça fait aussi que j’ai tout le temps trop chaud, j’ai l’impression que je vais m'évaporer en permanence.”

Mes mains étaient croisées dans mon dos alors que nous avancions, comme si j’avais caché quelque chose de grave et que j’allais recevoir une punition. Je n’avais jamais réellement appris à réagir de manière classique, c’était pour moi évident d’être comme ça. Après tout, je restais très jeune même si j’avais vécu de choses terribles.

“ - On y va et on leur faire regretter.”

Auster c’était excusé d’avoir visiblement utilisé un pouvoir de fruit du démon. Le fruit des émotions c’est ça ? C’était un pouvoir bien étrange, à vrai dire, je ne m’étais même pas réellement rendu compte qu’il avait utilisé quelque chose de tel, mais bref, nous n’avions plus à attendre. Il ne restait plus qu’à les suivre à l’intérieur de cet entrepôt et tout serait fini.

En compagnie d’Auster, je poussais la porte de ce dernier, entrant à l’intérieur et observant toutes les personnes qui s’y trouvaient.

A l’intérieur se trouvaient ceux qui avaient fuis, à genoux devant une autre personne. Cette dernière était de très grande taille, torse nu et extrêmement musclé. En même temps, je peux le comprendre, il fait extrêmement chaud par ici, c’est à peine si je supporte la température ambiante. Il possédait des cheveux entièrement blanc ainsi que plusieurs cicatrices et fumait un genre de cigare.

“Boss”, chef des brigands

“ - C’est eux Boss ! Faite attention, ils sont dangereux !”

“ - Dangereux ? Une gamine et un gosse, vous vous foutez de moi j’espère ?”

“ - Non, ça n’est pas une blague ! La gamine a mangé un fruit du démon, on était incapable de la blesser !”

Boss haussait les sourcils à l’annonce de son sous-fifre, jetant son cigare au sol et venant récupérer un poing américain à la couleur étrange avant de l’enfiler à son poing.

“ - Bon, je sais pas qui vous êtes les gamins, mais je vais devoir vous régler votre compte, rien de personnel, mais si vous commencez à battre mes gars, ça va me donner une mauvaise réputation.”

L’homme se mettait en garde, il attendait visiblement qu’on approche pour engager le combat.

Auster était parti au combat sans attendre, quel courage ! Il avait dégainé son épée et commençait à assainir son adversaire de coup, comme pour essayer de le submerger. Pourtant, ce dernier ne semblait absolument pas dominer le combat, au contraire, Boss semblait parfaitement à l’aise, contrant chaque coup avec facilité et contra attaquant de manière agressive. Il envoya même Auster dans le décor d’un seul coup, il était vraiment très fort. Pourtant, malgré la différence flagrante de niveau, il continuait d’assaillir l’ennemi. Pourquoi se forçait-il à attaquer alors qu’il n’avait que peu de chance de vaincre ?

Soudain, j’eu un flash de lucidité, et si il faisait ça pour me permettre d’attaquer avec plus de simplicité ? Oui, c’était probablement ça, il attendait que j’attaque par surprise, et si tous les autres n’attaquaient pas et semblaient apeurés, c’était certainement une conséquence de son fruit du démon. Oui, j’avais compris Auster, je devais attaquer.

Boss était de dos par rapport à moi, c’était le moment idéal pour attaquer. Lentement, je me mettais accroupis, comme si je me préparais à courir, orientant mes cornes vers l’adversaire. Soudainement, je me propulsais, corne en avant. Finalement, alors que Boss s’avançait vers Auster pour continuer à le frapper, je vins lui transpercer la jambe. A peine arrivé au contact, je décidais d’user de mes pouvoirs de maudit, générant autour de moi de grandes quantités d’azote liquide, tentant de venir complètement congeler sa jambe, transformant mon corps en ce liquide qui me composait afin de ne pas pouvoir être touchée.

L’homme hurla lorsque sa jambe commençait à prendre des températures extrêmes dans les négatifs avant d’armer son poing en ma direction. Je me sentais parfaitement en sécurité et pourtant, lorsque ce poing vint à mon contact, je ressentis la violente douleur qui venait de m’être infligé avant d’être envoyé plus loin, contre une caisse qui trainait. Je venais d’être touchée ? Comment était-ce possible ? Je pensais être invulnérable sous cette forme.

“ - Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es surprise gamine ? Je n’ai pas peur des maudits, notamment grâce à ce poing qui est fait de granit marin. Tu peux posséder toutes les malédictions du monde, je pourrais toujours de frapper grâce à ça. Cependant, ne va pas croire qu’il n’existe que cette méthode pour toucher les gens comme vous, un peu de haki et vous êtes aussi faible que des agneaux.”

Du granit marin ? Le haki ? Je ne comprenais rien de tout ce qu’il disait, et je comprenais encore moins pourquoi j’avais pu être frappé. Est-ce que son arme était forgée dans une matière capable de me toucher malgré mon intangibilité ? C’était embettant, mais il me restait une possibilité. Nous étions dans un hangar et à première vu, il n’y avait aucune fenêtre ici, c’était un lieu avantageux pour moi. Lentement, je me redressais, générant beaucoup d’azote liquide à mes pieds, savant très bien que j’empêcherais quiconque autour de moi de respirer dans très peu de temps suite à la grande quantité d’azote dans l’air. Cependant, il fallait que je prévienne mon compagnon.

“ - Auster, sort tout de suite et ferme les portes derrière toi, c’est important !”

A peine Auster eut-il fermé les portes que j’affichais un sourire des plus sadique. En effet, mon pouvoir était en pleine action, le sol congelant à mes pieds suite à la quantité d’azote déversée. Je frottais mes vêtements puis essuyait le sang qui se trouvait sur mon visage, ricanant même légèrement.

“ - Tu es capable de me toucher, c’est très pratique ton truc, même si je ne comprends pas vraiment ce que c’est. Cependant, si tu penses que tu vas gagner simplement avec ça, c’est que tu n’as aucune idée des réels pouvoir des fruits du démon. C’est bien de me frapper, mais est-ce que tu es sûr que tu pourras survivre ? Je ne te donne pas plus de 5 minutes à vivre.”

Boss ne savait visiblement pas comment réagir à cette affirmation, il semblait comme perdu entre plusieurs émotions. Son visage laissait paraître des semblants de colère mais également de la tristesse, de la peur, tout un florilège d’émotions qui semblait grandement le perturber. Etait-ce là l’action du fruit du démon d’Auster ? Possible, en tout cas, ça m’arrangeait. Suite à ce flot d’émotions, l’homme devint très colérique.

“ - Mort dans 5 minutes ? Je crois gamine que tu n’as clairement pas compris à qui tu as à faire. Tu n’arriveras pas à me toucher une seule fois, je suis bien plus expérimenté que toi et tes pouvoirs n’y pourront rien.”

Comme pour appuyer ses propos, l’homme bondit en ma direction, tentant de venir me frapper d’un grand coup. Heureusement, je réussissais à me décaler suffisamment, ayant vu venir ce coup de loin, le faisant simplement éclater une caisse qui traînait. Arrivé plus proche de moi, l’homme commencerait à tousser de manière plus intense.

“ - Tu vois ? kof kof, tu es obligée d’esquiver car tu ne peux pas me vaincre.”

La colère de l’adversaire devenait de plus en plus intense, venant tenter d’enchaîner les coups, mais ces derniers étaient bien trop prévisibles, impossible de se faire avoir si on y faisait attention. Soudainement, pendant un enchaînement, l’homme amènerait sa main au niveau de son visage, titubant comme si sa tête tournait. Finalement, il tomba à genoux, toussant d’autant plus.

“ - Qu’est-ce qu’il se passe...putain…kof kof, j’ai la…. la tête qui tourne.”

L’homme avait détourné son attention, c’était le moment. Rapidement, je me rapprochais de Boss, scalpel en main, venant planter ce dernier dans son épaule tandis qu’il criait de douleur.

“ - C’est normal espèce de crétin, tu es en train de détruire le peu d’oxygène dans l’air.”

En effet, la génération constante d’azote à mes pieds n’était pas anodine, elle servait essentiellement à supprimer l’oxygène de la pièce pour le remplacer par de l’azote, mon liquide devenant gazeux à température ambiante. L’homme tenta dans un mouvement un peu désespéré de m’envoyer un dernier coup, mais c’était parfaitement inutile, je l’esquivais sans même y mettre un quelconque effort.

“ - Ca fait trois minutes. Je suis bonne joueuse, je vais abréger tes souffrances.”

Les mains au-dessus de son corps, je générais une grande quantité d’azote liquide, le douchant de cette substance glacée. Boss cria pendant quelques secondes, mais cela fut probablement bien moins douloureux que de mourir tranché de partout. Finalement, je cessais ma génération, ne laissant que le corps d’un homme complètement congelé. Le reste des sous-fifres étaient au fond du bâtiment, complètement terrorisés. J’aurais pu les tuer, mais je commençais à m’ennuyer d’eux. Je m’approchais donc de la porte d’entrée, devenant entièrement liquide afin de passer sous la porte et de ressortir de l’autre côté.

Je chercherais quelques instants Auster avant de lui dire.

“ - Je pense qu’ils ne recommenceront pas de si tôt. Tu peux m’offrir une glace s’il te plaît ?”

Mon ton légèrement blasé se serait transformé en grand sourire en proposant cela de manière totalement innocente. Tuer était devenu tellement banal pour moi que cela ne me faisait plus ressentir aucune émotion.