La De Lérhane n’eut aucun mal à comprendre que cette situation mettait le cuisinier dans l’embarra. C’était compréhensible. Comme elle l’avait pensé plus tôt, tout le monde ne désirait pas se retrouver avec une malédiction en dépit du gain de capacité que cela octroyait. Restait à savoir ce qui le gênait le plus : le petit magot confortable qu’il aurait put se faire ou ne plus pouvoir profiter de la volupté et de la douceur de l’océan ? Elle ne souhaitait pas accroitre sa frustration ni lui faire perdre le contrôle partiel qu’il avait sur ces mystérieuses métamorphoses toutes nouvelles pour lui, donc elle ne posa pas la question et préféra s’atteler au travail qu’Etowaru voulait lui confier. Elle nota qu’il allait rejoindre la liste des personnes souffrant de leur malédiction et cherchant à la perdre. Enfin, cela pouvait changer avec le temps et il pouvait si habituer, voir apprécier sa condition.

Suivant autant que faire se peut les instructions du chef, Ishtar oublia donc quelques étapes puisqu’elle n’était pas familière de ce genre de taches ainsi qu’au vocabulaire de la restauration. Au moindre doute, ou oubli partiel de la suite des opérations, elle consultait le Ryori qui ne manquait aucune occasion de s’emporter, exigeant le meilleur résultat possible pour ces produits d’exception. C’était son métier, l’ange trouvait donc normal qu’il y prête autant d’importance. Qu’il puisse être dur ne la dérangeait pas, elle avait connu des traitements assez divers au court de sa vie et l’attente de rigueur en faisait partie. Elle se donnait au maximum pour ne pas décevoir cette personne rencontrée via les aléas de la vie. Ayant terminé, et espérant n’avoir pas trop gaffer, elle observa Etowaru se rendre compte que sa queue était présente. Il semblait si faire peu à peu puisqu’il ne paniqua pas cette fois ci même si le trouble paraissait sur son visage. Il lui posa alors une question assez gênante qui était pourtant logique. Elle ne comptait pas révéler son affiliation avec Centes Décima. Elle allait donc improviser en essayant de ne pas mentir pour autant, se comptant d’omettre la partie compromettante.

-J’étais dans la Révolution d’Arias. J’y suis resté de nombreuses années, les personnes m’ayant recueillis après ma chute de la mer blanche étant un équipage au service des instances de Baltigo. Après, je les ai quittés quelques temps avant les événements dramatiques ayant conduit la Révolution à se scinder en de nombreux mouvements différents. Je suis plus ou moins une voyageuse maintenant en effet, même si j’aime bien me battre. L’année dernière, je me suis arrêté à un monastère de North Blue où j’ai recherche un enseignement plus spirituel à appliquer en combat. Je pense en effet que la sérénité est importante pour anticiper les mouvements adverses et réagir efficacement.

Marquant une pause, elle repensa à Tony Stronghold qu’elle avait croisé là-bas alors qu’il n’était pas encore un membre de l’équipage du borgne Valentine D. Kain. Plongeant ses yeux argentés dans ceux de son camarade du jour, elle lui retourna la question.

-Et vous ? Êtes-vous juste un cuisinier en quête de produits de qualité ou une autre raison vous à pousser à vous aventurer sur Grandline ?

Le cuisinier se mit à table et aborda la raison qui l’avait poussé à s’aventurer sur ces mers. C’était ni plus ni moins qu’une quête de connaissances nouvelles soupoudrée d’une nécessité financière se cachant derrière cette vie assez simple et tranquille, tout du moins à première vue. Bien sûr, l’ange n’était pas certaine qu’il disait là toute la vérité puisqu’elle-même avait caché une partie de sa vie pour être plus présentable et « respectable ». Il enchaîna rapidement avec une petite propagande sur les métiers de la restauration, chose bien normal au vu du fait qu’il s’agisse de sa passion, pour ne pas dire l’essence de son être. Finalement, il s’expliqua sur sa présence sur Grandline. Il cherchait plus ou moins à se terrer parmi les gros poissons de la Route de tous les périls. Avait-il des choses à se reprocher ? Enfin, cela n’était pas très grave. Durant le combat contre le tyran de cette île, il c’était rangé à ses côtés. Peut-être n’était-il pas entièrement bon, mais il semblait bien plus penché vers le bien que vers la lâcheté et la corruption. Elle ne s’en faisait donc pas et ne chercherait pas en savoir plus.

Finissant son récit, il posa son regard sur le fruit de leur travail. La passion brûlait réellement dans son regard. Si la bilcane était habité par les feux de la Guerre, Etowaru baignait dans le brasier de la Cuisine. Il offrit une des poires à la De Lérhane qui se mit donc à goûter cette gourmandise que le duo avait préparé. Ses dents percèrent le chocolat et la peau du fruit pour s’enfoncer dans ce dernier et refermer son étau afin d’avaler le met. Le gout de sucre prédominait, mais était assez doux même si le chocolat offrait une dose de peps. C’était certainement dû à son amertume, enfin c’était ce que pensait l’Archange du Typhon.

-C’est fin et goutteux. Je suis loin d’être habituée à autant de raffinement culinaire. C’est vraiment savoureux.

Sur ces mots, elle continua de déguster le fruit en regardant son camarade manger à son tour. C’est alors que le Ryori sembla soudainement pressé par le temps. Avait-il peur de rencontrer les autorités ? Fuyait-il quelque chose ? Avait-il un rendez-vous de prévu ? Cela la turlupinait, mais c’était la vie d’Etowaru et non la sienne. Se montrer indiscrète en le questionnant d’avantage sur son aventure sur Grandline serait presqu’impolie par insistance.

-Vous devez déjà quitter l’île ? Aurez-vous le temps de servir tout cela à la population ? J’espérais pouvoir converser encore un peu avec vous mais je ne vous retiendrai pas davantage. Et puis, le navire marchand que je dois protéger ne va certainement pas partir dans très longtemps. Il y en a certainement pour encore un peu de temps, mais je suis moi aussi contrainte aux grées du temps. Les négoces ne sont pas toujours très souples et gentils avec ceux qu’ils emploient pour les traversées qu’ils jugent périlleuses. Jaya est supposément devenue calme, mais ils n’y croient pas. Enfin…

Elle observa le cuistot afin de voir s’il devait effectivement partir sur le champ.

La bilcane avait haussé un sourcil en voyant le regard du cuisinier se balader sur elle. Que regardait-il ? Venait-il juste de remarquer le collier qu’elle avait acheté à Puerto Havana avant d’entamer la traversée pour Jaya ? C’était quelque chose d’assez discret et plus symbolique que couteux, le médaillon arborant un symbole spirituel de méditation, c’était peut-être pour cela qu’il ne l’avait pas remarqué avant. Alors qu’elle allait expliquer cela, Etowaru prit les devant et se mit à prétexter un rendez-vous pour s’éclipser. Surprise, Ishtar s’amusa de l’empressement du cuistot qui faisait une jolie bourde avec son oubli de chapeau. Cependant, à cause de son inexpressivité naturelle, cela ne transparu pas et elle se contenta de saluer l’homme avant qu’il ne s’en aller.

-À une prochaine fois ! lança-t-elle en faisant des signes avec sa main.

Elle fit alors demi-tour, en faisant attention à cause de ses ailes et de sa grande taille, afin d’observer le plan de travail. Elle allait devoir finir elle-même tout cela. Au bout de plusieurs minutes, la voilà qui faisait le service en se forçant à sourire afin que les habitants puissent profiter du repas pour fêter leur libération. C’était véritablement la joie qui régnait en ces lieux. Des enfants courraient dans la rue et s’amusait pour la première fois depuis longtemps. La De Lérhane déclina les compliments des habitants en leur expliquant systématiquement que la personne qui méritait d’être félicité c’était le chef qui avait déjà prit la poudre d’escampette car il avait un rendez-vous sur une île voisine et que ces jours passés sur Loaya Island l’avait certainement mis en retard. La journée continua dans la joie et la bonne humeur. L’heure du départ approchant pour l’ange, elle décida de s’entretenir rapidement avec le chef du village.

-Pour éviter de retomber sous le joug d’un tyran criminel, vous devriez tentez de contactez une des différentes factions pour vous affilier à eux et être convenablement défendu. Il y a la Marine bien sûre, mais la Révolution de Jonas à Kaiten-Sū ne se trouve pas très loin d’ici par exemple. C’est à vous de voir qui présente les meilleurs avantages pour vous.

-Merci beaucoup mademoiselle, nous ne vous oublierons pas vous et l’autre chef cuisinier. Vous avez notre gratitude !

-De rien, ce fut un plaisir. Je tâcherai de repasser un jour prochain pour voir comment vous vous en sortez.

C’est sur ses paroles que la demoiselle à la chevelure d’or et aux yeux argentés remonta sur le navire de la Flotte Noire de Puerto Havana, celle-là même dirigé par le doge Anafesto Del Sylvio, dans le but de protéger l’embarcation jusqu’à Jaya. Le capitaine semblait assez mécontent du retard prit par cette escale plus longue que prévu, mais il garda le silence en comprenant l’urgence de la situation. Au moins, il se satisfaisait d’avoir put marchander quelques légumes d’excellente facture qu’il pourrait revendre à bon prix une fois arrivé sur l’île géré par le vice-amiral Archer qu’Ishtar rencontrerait et avec qui elle tisserait un certain lien tout en étant surprise de voir un membre de la Marine si ouvert. Malgré tout, il resterait à voir si elle pourrait réellement lui faire confiance… Mais pour l’heure, il fallait se concentrer à traverser les flots de Grandline après avoir dit au revoir aux habitants qui s’étaient réunis sur le pont. Décidément, cela avait été une sacrée aventure !