Les questions de Dorian étaient curieuses, et un peu impertinentes. Elles cherchaient un bête qui ne semblait exister. La Olsen se devait cependant d'y répondre, comme elle restait pour cela. Les Agents du Cipher Pol 6 étaient en train de rassembler les dernières preuves, et elle préférait occuper son temps en étant là pour donner une relativement bonne image de leur groupe. Ce n'était pas toujours évident de travailler avec des marines et d'autres gouvernementaux. Au sein même de sa propre agence, elle avait affaire à quelqu'un de corrompu, et elle n'avait jamais pensé qu'il pourrait en être autrement, que des hommes de mauvaise foi étaient partout où on ne s'y attendait pas. Enfin, le Karmon prit un air blasé qui arracha un petit rire à la bleue, mais celle-ci se retint. Elle était soulagée qu'ils aient pu sortir tout le cartel. Encore une fois, elle aurait pu se dire que c'était bon pour son dossier et que ça la ferait briller aux yeux de ses supérieurs.

- Je suis désolée de vous annoncer que c'est un heureux hasard qui nous a envoyés sur la même enquête. Je cherchais des informations sur une autre organisation, je pensais les trouver ici, mais j'ai fait chou blanc.

Elle savait qu'il pourrait penser qu'elle s'était servi de lui sans vergogne. Elle l'avait utilisé comme appât avec les risques que cela comprenait, et à vrai dire il avait précipité la chute de la Commandante en agissant de manière si spontanée. En plus de cela, rien sur la Triade en ces lieux, actuellement. Elle aurait aimé avoir plus de temps, mais lorsqu'il eut terminé de poser sa question, elle se détourna du Sergent-Chef et alla interroger une dernière fois le gars pour lui retirer d'autres noms. Elle les écrivit et les transmit à un des hommes du Commandant et son escadron qui seraient chargés de les appréhender. Eux, le Cipher Pol, n'avait qu'à réunir les preuves : fouiller leurs appartemment, leurs rapports, leurs contacts.

- Je laisserai un de mes hommes sur l'île pour chercher les preuves à leur encontre.

Enfin, elle se retourna au Karmon qui s'inquiétait à nouveau d'autre chose. Il prononça le nom qui fâchait ces derniers temps : « Décima ». Il parla de l'île affilié, et se dit que « ça arrangerait ses affaires » si l'île était hors de cause. Bien sûr, elle ne pouvait pas lui dire les choses comme tel. Une fois qu'ils auraient compris exactement comment ils fonctionnaient, ils transmettraient de fausses informations et attireraient des hommes ennemis dans un guet-apens. Là encore, ce n'était pas de son ressort : elle ne ferait que transmettre l'idée. Ce serait sûrement le Cipher Pol 7 qui serait chargé de cette affaire. Fermant les yeux, elle soupira un instant et les rouvrit :

- Effectivement, nous avons des informations dessus. Cependant, c'est l'AOI qui sera chargé de l'enquête si elle concerne les Décimas. Le Cipher Pol 6 transmettra ce qu'il est nécessaire de transmettre... Les Décimas sont dangereux, Sergent-Chef Karmon. Ils sont une source de malheur pour les îles qu'ils abordent.

Elle était surtout certaine qu'ils apportaient plus de malheur que de bonheur dans leur sillon à cause de cette poursuite que la marine leur faisait. En soit, tenter de s'emparer des îles les plus recluses était un bon mouvement. Restait qu'ils ne pouvaient pas rester sur place encore très longtemps sans quoi ils risquaient de s'enliser. Que cette île soit affiliée ou non, c'était du ressort de l'AOI... D'abord les législateurs, puis les exécuteurs. La Olsen ne rajouta rien, elle attendit de voir si son interlocuteur avait d'autres questions auxquelles elle pourrait répondre, sinon elle commencerait à tourner les talons après un salut amical.

La demoiselle aux cheveux blonds, du moins à la perruque blonde, acquiesça avec un sourire. Elle était en soit déjà satisfaite de la tournure des événements, mais savoir que la chose était réciproque permettait de renforcer ses liens avec la marine. Un jour, elle aurait suffisamment de poids pour que chaque institution la reconnaissance : déjà le Cipher Pol 9, avant la marine, il y avait, comme l'avait dit Ashford lors de l'un de leurs premiers entretiens téléphoniques, déjà quelque chose d'importants derrière tout cela. Un jour, elle aurait toute la lattitude pour opérer sans avoir à se cacher. En attendant... elle était encore en construction de ses relations.

Après quelques instants, elle écarquilla cependant les yeux mais garda son calme. Ce garçon... Elle se tut. Il ne fallait pas qu'elle en dise quoique ce soit. Ce n'était pas l'opération en cours, bien au contraire : mais ça l'embêtait tout de même malgré tout. Elle avait résolu son enquête, quant au reste... Elle réfléchit rapidement, tout en continuant à lui sourire. Ses pensées... Cet homme. « Raison de plus pour les arrêter. » avait-il dit... Elle était confuse, car elle venait de toucher quelque chose du doigt dont elle ne pouvait ignorer l'existence. Une faille. Une potentialité.

- Pour me remercier, ce ne sera pas nécessaire... En revanche, je demanderai sûrement à vos supérieurs s'il est possible de bénéficier de votre aide pour mes enquête sur East Blue... Et sûrement ailleurs à l'avenir.

Elle se contenta de sourire, amicalement. Ce garçon était... à vrai dire, elle ne pouvait pas le confirmer. Il fallait que quelqu'un le surveille, mais comment le justifier auprès de ses supérieurs ? Non, elle ne pouvait rien : dans son cas, il n'y avait pas de preuve de trahison avérée, du moins le pensait-elle. Il n'avait pas trahi. Un agent latent ? Quelqu'un qui pourrait être utilisé pour la suite ? Si ce garçon n'était pas aussi blanc qu'elle le croyait, elle ne connaissait pour l'instant pas l'étendu de son mal. Ainsi, elle se tut. Tant que le doute subsistait, il ne fallait pas aller trop vite en besogne. L'opération s'avérerait délicate, mais elle avait prévu le coup. Du moins, préparé le terrain.

- Bien, les dernières preuves doivent être rappelées, mais je pense que j'en ai fini ici. Je vous conseille de rentrer sur East Blue pour recevoir les félicitations de vos supérieurs. Un si jeune Sergent-Chef... Vous êtes quelqu'un d'assez spectaculaire.

Son sourire transmis, elle se retourna pour se diriger vers le bureau du Colonel et lui faire un rapport de la situation, tandis que les collègues étaient arrêtés et que l'opération d'arrestation continuait sans elle, sous la direction des marines de la base.

Quelques heures plus tard, sur le navire de transition...

- Vous êtes fière de moi ?
- Oui, Kid... Tu as bien fait.

Elle tapota la tête du nain qui lui sourit, le visage difforme et les traits exagérément optus. Concentrant son regard sur l'horizon, elle ne put qu'entendre les pas de la chasseuse de prime, pourtant légère, qui s'approchait d'elle avec un sourire. Les deux femmes s'échangèrent un regard avant que la seconde ne soupire. Elle comprenait que sa supérieure ne veuille rien lui dire, mais elle ne comprenait pas ce silence de sa part.

- Tu te souviens de cet homme, Dabatsu S. Kazuru ?
- Sur l'île de Saint-Johns, c'est bien cela ? C'est un agent de l'AOI, il me semble.
- Oui, enfin... Contacte-le. Dis-lui qu'un agent d'East Blue m'a semblé suspect, qu'il a montré des mimiques faciales inquiétantes sur le sujet des Décimas. Le Sergent-Chef Dorian Karmon.

L'ancienne chasseuse de prime ne dit rien pendant un instant. Puis elle lâcha :

- Tu penses qu'il est trop tard, pour lui ?
- …

Elle ne répondit pas. De toutes les manières, à quoi bon ? Reutsuna haussa finalement les épaules et s'exécuta.