Cela faisait quelques temps maintenant que nous avions quitté cette foutue île où nous étions, ou plutôt Ren, censés rencontrer les décimas. Je ne savais toujours pas quel avait été le sujet de leur discussion, si discussion il y eût, mais peu importait puisque dans la finalité ces types n'étaient pas prêt à nous venir en aide. Et à vrai dire c'était probablement une bonne chose, que de ne pas à devoir s’aliéner via un possible contrat à respecter afin de faire parti d'une quelconque alliance avec eux. Les décimas étaient sans aucun doute bien plus importants que les Shadow Ghost, ainsi une relation avec ces derniers aurait inévitablement fini sur l'imposition de leur volonté. Car cela fonctionnait comme ça dans ce monde underground, les relations entre organisations ne pouvaient être équitables. Le pouvoir d'une des deux bandes devaient augmenter en se reposant sur la diminution de celui de la seconde, et ainsi la plus forte serait en mesure de l'avaler toute entière afin d'évoluer. Il ne faisait nul doute que les décimas auraient fini par nous avoir sur le long terme, surtout quand on fut témoin de la puissance d'un seul de leurs membres, qui explosa toute une île en moins d'une dizaine de minutes. Alors oui, je ne savais pas comment ça s'était déroulé, mais pour le coup la finalité avait été correcte. Nous demeurions libre sous notre propre étendard et notre leader, Yao et moi avions survécus. Voilà ce qu'était le plus important, la survie de ce trio que l'on formait malgré nous et qui m'aurait sans aucun doute permis d'atteindre mon but, de quelque manière que ce soit.

Durant ce temps passé dans notre imposant navire, je passais la majorité de mon temps dans ma chambre, qui était aussi celle de cette ennuyante Selena Ke... peu importait. Je n'avais guère besoin de me lier à une personne comme elle, je ne l'utilisais que dans la fin d'acquérir le plus de connaissances sur le fonctionnement des marchés noirs, plus spécifiquement le trafic de drogue puisque cela était son domaine. Ainsi, nous eûmes plusieurs discussions, ou plutôt elle se fit interroger à maintes reprises par ma personne lorsqu'elle se reposait dans la pièce. Le temps passé seul me servait à lire maintes journaux qui me permettaient peu à peu de développer une conscience plus élargie sur le monde. Car bien que mon objectif se trouvait dans le domaine underground, la géopolitique globale était toujours à considérer. Seuls les imbéciles éludaient les problèmes de taille causée par les conflits mettant en scène gouvernementaux, révolutionnaires et pirates. Bien que parfois non visibles, ces affrontements possédaient des conséquences qui, une fois additionnées, avaient la capacité de grandement affecter la face du monde. Ainsi, pour progresser au mieux, j'aurais dû me pencher sur ces sujets et surtout penser à établir diverses relations au sein de l'armée révolutionnaire, du moins ce qu'il en restait depuis la guerre, ainsi que de la piraterie.

-Fudo.

Selena se tenait dans le cadre de la porte, main posée sur la poignée. Elle m'appelait rarement de la sorte car elle connaissait, malgré moi, mon mode de fonctionnement. Elle était loin d'être idiote et savait pertinemment que je la voyais seulement comme un vulgaire ustensile, ou plutôt une encyclopédie sur pattes. Ainsi, je me levai de mon lit, balançai sur ce dernier le journal que j'étais en train de lire, et me dirigeait vers la jeune femme. Elle n'avait guère besoin de m'en dire plus, nous étions sur le point d'accoster et c'était pour cette raison qu'elle prononça mon prénom. Je me rendis donc sur le pont où Ren était en train de passer un coup de fil. Désirant être mis au courant de la situation, je me positionnai à ses côtés. Ce dernier me proposa de l'accompagner pour une petite balade sur cette île. J’acquiesçai donc d'un hochement de tête avant de regagner rapidement mes quartiers afin de me saisir de mon sac remplis de balles, de journaux, d'autres livres, et quelques tablettes de chocolat qui me restait depuis Nighty Town. Après l'avoir mis en bandoulière, je saisis le manche de ma batte et me dirigeai vers le pont afin de rejoindre Ren.

-Prêt et paré à tout.

Nous descendîmes du navire à deux après avoir accosté. Nous étions ainsi seuls, loin des autres, à parcourir les plaines de l'île de Banaro. Krake m'avait brièvement parlé de cette île après que l'on se soit fait attaqué par l'ancien leader de Ren, peu de temps avant de recevoir le message des décimas. L'île avait été conquise par Ren et ce dernier imposa immédiatement d'importantes taxes. Ce fut une grande erreur de sa part, que de s'adonner au vice qu'était la cupidité. En effet, cette décision avait poussé la majorité de la populace dans la pauvreté et donc causé un mécontentement général. La suite était prévisible, une tentative de soulèvement contre celui sur lequel on pouvait assigner cette dégradation soudaine des conditions de vies. Néanmoins, les forces en présences ne suffirent point à mener à bien cette manœuvre révolutionnaire et les Shadow Ghost furent en mesure d'établir une sorte de pacte avec deux personnes, deux frères. Depuis, le peuple était tenu par ces deux personnages qui s'étaient faits ingénieusement remarquer par Ayabusa, à l'époque, et tout allait au mieux pour Ren. Alors, je pouvais en effet critiquer, seulement via ma pensée, la décision de mon leader sur le fait d'imposer, de manière déraisonnable, une grande taxe. Néanmoins je ne pouvais me permettre de l'ouvrir: ce type avait conquit l'île par sa propre force et ingéniosité, et il sut corriger son erreur en obtenant une emprise plus grande sur le peuple par le biais de ces deux frères.

Nous parcourûmes la pleine pendant un assez long moment de silence. J'avais des questions à poser évidemment, quels seraient les prochains coups des Shadow Ghost, quels étaient les ambitions de Ren et comment comptait-il parvenir à les réaliser ? Si il y avait un moment où je pouvais discuter, en tête à tête, avec lui c'était bien celui-ci. Mais rien ne sortit de ma bouche. Rien. Ce n'était point une question de risquer d'être mal perçu, d'ailleurs comment aurais-je pu être mal vu en posant de telles questions ? Au contraire, cela aurait montré mon désir grandissant de m'impliquer dans ce monde. Si Nighty Town avait été mon premier réel pas aux yeux de tous, ce que l'on avait vécu avec Yao, sur cette île, avait sans aucun doute fermé le clapet de certains qui doutaient encore de mes capacités. Notre duo avait attaqué de front les forces gouvernementales en présence et il s'en était plutôt bien sortit, en considérant la disproportion numérique qui nous était défavorable. Qui aurait pu dire le contraire ? A notre échelle bien sûr, en se rappelant que je n'étais qu'un néophyte et que Yao, pour sa part, n'avait pas encore décider de partager à tous ses ambitions. Si je n'osais guère l'ouvrir, c'était tout simplement parce que j'en avais pas les couilles. Ce type, je l'avais vu se battre contre son ancien leader, il en était sortit vainqueur tandis que je m'étais fait écrasé comme un vulgaire insecte. Ce même type avait affronté les décimas ainsi que les marines, qui pourtant furent rejoins par l'amiral John Pacifique lui-même ! Il a résisté à une altercation avec tous ces puissants types, dont celui qui détruisit aisément l'île. Qui étais-je face à ça, hein ? Pas grand-chose. Ça me foutait les boules, mais pour le moment je ne me sentais pas lui parler, sans personne autour de moi. Ma voix aurait été frêle et aurait sans le moindre doute trahi mon actuelle faiblesse. Je souris donc intérieurement, lorsque je vis un type débarquer d'un buisson, je venais de mettre le doigt sur une de mes faiblesses. Il ne me restait plus qu'à la corriger. Pour le dire crûment: savoir porter ses couilles, sans avoir à compter sur un artifice comme l'adrénaline, qui me fut grandement utile lors de mes combats.

John me fut présenté par Ren. Ce type avait de la carrure, et on voyait d'un seul coup d’œil qu'il ne fallait pas trop chercher de problèmes. Écraser entre deux types expérimentés, mon objectif du jour était simple: m'imposer. John nous mena, sous demande de son boss, au marché noir qui avait été mis en place en souterrain. Comme dans mes livres favoris, héhé. Nous descendîmes alors afin de découvrir l'immense marché s'étendre sous nos yeux. La surface occupée était imposante, de quoi faire baver le gamin que j'avais été. Ren me laissa donc seul, il devait régler des choses de son côté. Je jetai un dernier regard vers John une fois que le rouquin soit parti. Ce type avait réussi à profiter de la situation précaire de son peuple afin d'atteindre une position plus que satisfaisante. Il pouvait être fier de lui, je l'aurais été à sa place.

-Ce que ton frère et toi avez accompli... bien joué. -dis-je timidement.

Je courus alors dans les grandes galeries, regorgeant d'armes toutes fascinantes, d'objets de contrefaçons et autres. Je m'intéressais premièrement aux objets vendus, puis lorsque quelque chose me tapa dans l’œil, j'interrogeais le commerçant. J'avais soif de connaissance, n'ayant pas les moyens de me payer des armes je ne pouvais faire que cela: savoir comment ça fonctionnait. De toute façon je n'avais pas encore l’œil pour savoir si une affaire était une arnaque ou justement une bonne.

-J'en suis sûr et certain, c'est une contrefaçon.

Ma réplique figea le visage de mon interlocuteur dans une expression de désarroi. Il rumina un moment, avant de saisir le revolver qui se trouvait en parti dans son benne. Comment en étais-je arrivé là ? Tout avait commencé une vingtaine de minutes après avoir quitté John. Je me renseignai, en quête de savoir, auprès de divers commerçants sur leurs prix, leurs lieux de travail, leurs modes de fonctionnements... Même s'ils me répondaient que rarement à propos du dernier point, les plus aguerris m'offraient sans problèmes une part de leur connaissance. Je fus ainsi en mesure de dresser une liste dans ma tête, avec un nom d'article et un prix à côté. Et ce fut d'ailleurs grâce à ce système que je fus en mesure d'émettre de premiers soupçons vis-à-vis de l'offre de ce vulgaire type. L'homme, qui me pointait avec le canon de son arme, avait tenté de refourguer à un pauvre gars un colt d'une << grande qualité >>. Comme une bonne partie des personnes aux alentours, je fus de suite attiré par l'objet en question. Je m'approchai donc du stand tandis que l'arnaqueur continuait de vanter l'arme à feu, qu'il tenait dans sa main. Il pointa alors un cachet se trouvant en dessous du chargeur. Intrigué, j'interrogeai l'homme sur ce qui se trouvait de si remarquable, ce que moi, ignorant, je ne savais point.

-C'est marqué Agni Kai.

Cette annonce eut le don d'en étonner plus d'un. Ces derniers, semblant stupéfaits, s'approchèrent du bougre et demandèrent tous un prix. Agni Kai ? pensai-je. Je n'avais jamais entendu ce nom auparavant, ainsi je voulus en savoir plus et questionnai donc le marchand. Premièrement, je l'interrogeai sur ce que voulait signifier ce cachet, en guise de qualité, puis ensuite je lui demandai le prix de l'arme, histoire de la rajouter dans ma liste. L'homme fut pris d'un rire sardonique, après avoir arqué un sourcil, lorsqu'il entendit ma première question. Selon lui, cette marque était une des plus grandes en terme d'arme à feu, même mieux: le nec plus ultra ! Puis vint alors la question du prix. L'homme se fit hésitant dans un premier temps. Et cela eut le don de déclencher un de mes mécanismes de défense naturel: la méfiance. Cette article était sûrement le meilleur dont il disposait, alors pourquoi ne pas savoir à combien le vendre ? Tout bon commerçant, du moins c'était ce qui me parut logique, en aurait déjà un à proposer, du moins une fourchette. Mais lui, rien, et au bout d'une dizaine de secondes, il était toujours là à se tenir son pauvre menton, faisant mine de réfléchir. Puis son visage s'illumina subitement, et il m'adressa la parole.

-Dis moi petit, tu ne t'y connais pas vraiment dans ce domaine, hein ?

-Euh... non. répondis-je d'une voix vacillante.

-Hmm, tu es intéressé par cette arme ? Ça peut être un très bon point de départ dans le milieu des armes à feu.

Les brigands aux alentours s'excitèrent autour de moi, ils contestèrent dans un premier temps, puis se turent lorsque je m'exclamai.

-Puis-je la voir de plus près ?

-Oh... bien sûr. - il tendit l'arme en ma direction, tout en gardant une emprise ferme dessus. Cachant maintes détails. - Observes bien gamin !

-J'aimerai l'avoir en main... monsieur. dis-je d'un ton morne.

-Hmmm. Vous autres ! Écartez vous, laissez le p'tiot respirez bon sang !

C'était louche, pas vrai ? Cette homme me prenait réellement pour un imbécile. Alors je jouai à son jeu. Me croyant une proie facile, il s'apprêtait à me remettre son arme à feu en mains propres, puis pendant que je l'allais l'examiner, il m'aurait vanter ses caractéristiques, usant d'un langage plus ou moins précis et professionnel afin de décrire cette arme. Un stratagème malheureusement prévisible puisque trop répandu. Ce que ce type ne savait pas de moi, c'était que dans ce domaine là, certes je n'étais pas plus expérimenté que lui, mais j'avais fréquenté un roublard de première, en la personne de Tet. Ce dernier réussissait à endormir ses acheteurs à coup de discours alambiquées, puis parvint finalement à leur vendre ces foutues bombes qui ne fonctionnaient pas. Le machiavélique vendeur me remit ainsi le colt. Je l'observai longuement, en faisant abstraction des ennuyantes explications du marchand, avant de remarquer quelque chose de perturbant: son poids. J'avais eu l'occasion de tenir des armes durant ma courte existence, celles de mon père premièrement, qui m'entraînait parfois à les démonter puis les remonter dans la foulée, aux côtés de Dodo ainsi qu'Ado. Puis avec mon aîné, que dis-je, mon frère d'armes Yao, lors de notre escale sur Powder Island où nous avions détroussé un trafiquant de seconde zone de sa cargaison toute entière. J'observais la carcasse de l'arme et remarquai un détail qui trahissait tout ce que le bougre m'avait raconté: le colt n'était point composé de plusieurs armatures, il était constitué d'un seul bloc. Un sourire narquois naquit dans ma pensée, je portai alors mes yeux sur le visage crispé du tocard qui m'avait pris pour un agneau inoffensif, ou plutôt pour un vulgaire pigeon, et lui crachai en pleine face ma réplique. Pour le coup, l'amateur ici, c'était bel et bien lui.

-J'en suis sûr et certain, c'est une contrefaçon.

La suite, vous la connaissez. Son canon me pointa, les brigands autour de moi furent abasourdis par mes mots et dirigèrent leur soudain mécontentement en direction du receleur. Je levai mes mains en l'air, l'index dans le pontet du colt, avant de sourire. Dès lors, la bande du type, qui m'avait en ligne de mire, débarqua face à la petite masse de brigands à mes côtés.

-Oups.

Ma satisfaction était visible sur mon visage, je venais de dénoncer au vu et au su de tous la supercherie de ce vulgaire type. Je le dévisageai avec un grand sourire tandis qu'ils me tenaient en joug, lui et ses camarades. Néanmoins, ils ne m'auraient fait aucun mal, j'en étais sûr. Cette enflure était un piètre menteur en plus d'être mauvais commerçant, voilà ce que je savais. S'il voulait m'abattre, il l'aurait fait depuis belle lurette. Mais non, il ne le fit pas. Tout simplement parce que, s'il le faisait, il aurait déclenché une rixe qu'il n'était pas en mesure de gagner. Si, en ces lieux, une chose était détestée par tous, c'était bien les grossiers arnaqueurs en son genre. De plus maintes personnes, aux alentours du stand, avaient dégainés leurs armes lorsqu'il sortit la sienne de son froc. Du revolver jusqu'à la machette en passant par ma batte, il y avait de tout. J'étais ainsi à l'origine de toute cette excitation, tous ces types s'étaient rassemblés à cet endroit, devant ce misérable stand, pour une seule raison: moi. C'était, pour le coup, très plaisant, que dis-je, jouissif ! Un frisson parcouru mon échine tandis que je fis pivoter la contrefaçon autour de mon doigt. Ce fut finalement porté par toute cette émulation que je me lâchai d'un ton moqueur, alors que le silence venait de s'instaurer.

-Baisses tes armes, tu sais très bien que tu ne feras rien. A part si tu désires te ridicu...

Un raffut se fit entendre non loin de là. Tous, y compris moi même, detournèrent le regard du malfrat afin de découvrir un gars en train de se redresser. Ce type louche fut l'objet, durant une fraction de secondes seulement, de toute notre attention. Puis un autre type se manifesta: John, celui qui avait obtenu le titre de protecteur de l'île. Il vint ici dans le seul but de s'assurer que la situation ne s'envenime pas. Il reluqua chaque brigands armé pendant un long moment, gênant, puis interrogea la masse. Un gars brailla alors qu'on avait un arnaqueur sous la main, puis un autre le fit , et tous imitèrent les deux premiers jusqu'à créer un brouhaha des plus déplaisants. John s'approcha donc de l'origine du problème lorsque, du tumulte, émergea une voix, plus forte que les autres. La majorité, dont moi, l'entendit. Un ordre, celui de se taire. Interpellé par la chose, je tournai ma tête vers la provenance de la voix avant de revoir ce type à la chevelure blanche. Il se tenait la tête et, d'une étrange manière, s'approcha de l'attroupement tout en tenant des propos menaçants. Sans plus attendre, John se confronta à l'homme qui tenait un rasoir dans sa main, puis ce dernier, d'un rapide et agile mouvement, mit sans mal à terre le protecteur de l'île.

-Oh... calme...

Je positionnai mes mains face à cet étrange type et laissai tomber le colt au sol. Par le biais de ce geste, je pensais pouvoir peut-être apaiser cet homme, lui faire comprendre que nous n'étions pas ennemis. Mais il continuait de nous fixer, avec cette flippante expression gravée sur le visage. John avait été mis K.O d'une seule technique, ce type se distinguait clairement des autres. Tous furent frappés par ce qu'il venait de se passer, la majorité devait connaître John et pensait qu'il était puissant. Ce qui était normal, non ? Il devait contrôler la populace avec son frère, en l'absence de Ren. Sans lui, qui allait contenir ces types en attendant Ren ? Tous étaient armés et s'apprêtaient s'élancer en direction de cet homme au rasoir. C'allait partir en effusion de sang, peu importait le gagnant, ça aurait très mal fini. Il me fallait donc remplir mon rôle au sein des Shadow Ghost. Oui. Cela me semblait logique, j'y pensai un court instant et ça me parut évident. John avait échoué, son frère n'était pas là, Ren allait bientôt me rejoindre puisque l'heure s'était bientôt écoulée, alors il me fallait simplement tenir ces gars pendant quelques instants. Le temps que Ren daigne se pointer, qu'il les calme tous. En agissant de la sorte, je me serais imposé sur cette île, à l'image de John et dans une moindre mesure à celle de mon leader. Ma main droite se ferma subitement avant de s'ouvrir d'un coup et de laisser ma zone englober toute personne se trouvant près de moi. Une sphère, d'une quinzaine de mètres de diamètres et d'un splendide bleu, qui attestait une seule et unique chose: j'étais présent, moi, Fudo. Levant mes paumes vers le haut, la majorité des armes présentes, tenues par des brigands ou reposants sur des stands, se mirent à s'élever dans les airs. Peu importait si tous lâchait prise ou non, sous la puissance que m'octroyait ma malédiction, tant que ça les tenait occupés à autre chose qu'à se trucider. Le rasoir du type à la chevelure blanche, lui aussi, fut ciblée par ma technique.

Plusieurs détaillèrent mes paumes avant de se tourner les uns vers les autres dans, sans doute, le but de se mettre d'accord sur la démarche à suivre. Malgré l'agitation environnante, je savais une chose: il fallait simplement me concentrer sur cet homme qui se craqua les doigts. Je sentis alors ma langue se coller à mon palais tandis qu'un petit groupuscule se détacha de la masse. Quand bien même la majorité des personnes présentes étaient désormais désarmées, la situation pouvait dégénérer d'un instant à l'autre. Et ces types, qui semblèrent vouloir me prêter main forte, pouvaient constituer l'élément déclencheur de ce que je redoutai le plus. Ainsi, lorsque l'homme à la chevelure immaculée amena au sol la potentielle tête d'affiche de la petite troupe, d'un étrange et vif mouvement, je me mordis la lèvre inférieure. Visiblement ma manœuvre n'eut point l'effet escompté, du moins le premier. Si j'avais privé tous ces hommes de leurs armes c'était dans la fin d'exclure toute possibilité de rixe, mais je fus bien naïf et celui qui s'avançait d'un pas leste vers moi me le rappela. Rasoir ou non, il était bien déterminé et apte à mener à bien ses sombres ambitions. En s'en étant pris à John, ce gars se présenta comme une menace pour l’entièreté de l'île. Et s'il triomphait en ces lieux particuliers, ce marché souterrain où les criminels pullulaient, il aurait été en mesure de s'octroyer l'île en se présentant à la populace comme celui qui venait de purifier Banaro de sa lie et des pions de Ren Tao, l'instigateur de leurs maux.


Derrière le nuisible, le corps inerte du malandrin reposait près de celui de John. L'attroupement s'était instantanément éparpillé dans la foule, lorsque l'ennemi l'avait frappé, laissant ce pauvre gars seul dans sa souffrance. Certains firent quelques pas en retrait avant de se mettre à cavaler, tandis que d'autres essayèrent de saisir leurs armes qui lévitaient toujours. S'il fallait agir c'était maintenant. Mais comment faire ? J'aurais pu utiliser un stratagème similaire à celui que j'avais utilisé sur le port de cette île, contre ce colonel. Je l'avais propulsé dans l'océan via une technique particulière, qui m'avait permis de passer outre sa défense puisqu'elle n'avait pour objectif d'infliger d'important dégâts à son corps. Malheureusement, si je projetai cet étrange homme au loin rien ne m'aurait assuré le fait de le retrouver plus tard. Ainsi, à cause de moi, une menace aurait librement erré sur l'île. Il ne fallait donc point utiliser une telle technique, je devais le garder à portée de main, dans ma zone, en attendant les renforts. Le priver de sa liberté de mouvement sans pour autant lui donner l'occasion de m'atteindre avec ces perturbantes prises. Je laissai donc les armes retomber dans un énorme boucan, tandis que ma main droite saisit le manche de ma batte dépassant de mon sac. Pas le temps de la sortir totalement du sac, mais ce n'était pas grave puisque le coup aurait en partie porté ses fruits. Une fois derrière l'homme au long manteau, après m'être transposé avec la carcasse du pauvre brigand, je lançai un swing en direction de ses jambes. Néanmoins, je n'étais pas stupide: s'il esquivait, il aurait la possibilité de me détruire. Si ma cible ne m'en avait pas empêché, j'aurais donc utilisé un dernier swap. Ce serait ainsi sans savoir si mon coup avait atteint sa cible que j'aurais échangé ma position avec celle d'un type au hasard, au milieu de la masse. J'aurais alors totalement extirpé mon arme du sac, puis deux balles de baseball. S'il y avait une chose que j'avais compris depuis le temps, c'était qu'il fallait être prêt à tout. Attendre le meilleur, mais se préparer au pire.

Une main saisit fermement mon coude, je me tournai alors avant de sentir l'haleine putride de cet arnaqueur de pacotille.

-Jack ?! Qu'est-ce que t'as fait de Jack ? Il se passe quoi ici... bon sang !

La manœuvre avait fonctionné, ma batte percuta l'arrière de la jambe de mon opposant, puis je m'étais transposé ici, visiblement à la place de Jack. Ce fut après m'être préparé à un éventuel round deux, qui pour sûr allait arriver car dans ce bas monde rien ne se passait pour le mieux, que le piètre commerçant me questionna. Je le dévisageai un long instant, secouant mon bras maintenu par sa faible poigne, lorsque l'agitation repris. Suivant le regard du brigand à mes côtés, je découvris un spectacle peu compréhensible. Le type s'était relevé et fonçai désormais en ma direction avec un corps dans les mains. Que comptait-il faire de ce corps ? Que souhaitait-il faire tout court. Évidemment la réponse était simple: répondre à mon offensive par la sienne, sans doute plus mortelle. Je l'observai durant sa courte course, tandis que les autres criminels - semblant avoir perdus leur courage en même que leurs armes - s'écartaient de son passage. Me mordant la lèvre inférieure face à de tels agissements, je me dégageai de l'emprise de l'enflure afin d'être en mesure de riposter. Néanmoins, il était trop tard. L'homme était en face de moi, il avait lâché le corps et ses mains partirent à l'assaut de ma taille. Tels des serpents, ses bras ne tardèrent à s'enrouler autour de mon bassin. Ce fut ainsi qu'il se mit à effectuer un étrange mouvement, soulevant mon corps et menaçant de me planter le crâne dans le sol. Grimaçant, je n'eus de choix que de croiser mes doigts avant de jeter un dernier coup d’œil vers l'escroc.

La tête du truand heurta violemment le sol dans un ignoble fracas. Néanmoins ce n'était point fini pour lui. En effet, tandis que je soupirai, l'adversaire s'était élevé dans les airs et menaçait de retomber, jambe la première, sur le pauvre qui n'eut toujours pas le temps de comprendre dans quelle situation il se trouvait. Je venais de l'envoyer au casse pipe à ma place, et ce fut à cet instant que je me rendis compte d'une chose: je n'éprouvai rien de particulier à l'égard de ce pauvre gars. Aucun remord, rien. En cela j'avais grandement changé depuis mes débuts, mais je préférai quand même me rassurer, en me disant qu'il méritait ce sort plus que moi. Un criminel de seconde zone qui avait tenté de me plumer contre celui qui s'était dressé comme étant le nouveau gardien des lieux. La jambe allait bientôt fracasser sa nuque, je renforçai donc mon étreinte sur le manche de ma batte et me préparai à réceptionner l'ennemi dès qu'il aurait atterri. Ce fut à cet instant, tandis que je débutai ma rotation de hanche en vue d'effectuer un puissant swing, que je le vis. Ren apparut subitement dans mon champ de vision et, aussitôt, mon opposant le quitta. Stoppant net mon mouvement, mon leader m'interrogea avant de regarder en direction de l'homme à la chevelure blanche.

-Plus vraiment.

Ignorant l'être meurtri à mes pieds, je me tournai dans le même sens que Ren. Il souhaitait récupérer ce type en un morceau. Je souris donc intérieurement, je savais pertinemment que cet adversaire n'était rien face au leader des Shadow Ghost, la situation n'était plus aussi périlleuse qu'auparavant. Ce fut pourquoi j’acquiesçai d'un hochement de tête. Ne sachant pas si l'opposant souhaitait toujours en découdre ou, au contraire, désirait fuir, je lançai mes deux balles en sa direction. Le lancer fut tel que la trajectoire de ces dernières était parabolique, afin de ne guère être obstruée par l'un des nombreux brigands présents, j'effectuai alors deux derniers swaps. Ma zone disparue finalement, il ne m'était plus nécessaire de la maintenir puisque mon job avait été effectué, tandis que nous fûmes en mesure de découvrir la chevelure blanche du gars. Il ne restait plus qu'à le choper. N'ayant pas les capacités nécessaires pour me mouvoir dans les airs, je lançai un regard à Ren qui était à mes côtés, l'invitant clairement à partir pour la récolte.

Ren fonda sans plus attendre sur notre cible. J'atterri calmement et observai la scène qui se déroulait à quelques mètres en face. Mon visage se crispa instantanément lorsque je vis Ren se faire intercepter puis choper. Notre adversaire utilisa encore une fois une étrange prise, qui me fit d'ailleurs penser à un sport que l'on avait brièvement fait en secondaire. Peu importait, le leader des Shadow Ghost percuta le sol de pleine face. Consterné par ce spectacle, je ne pus que réagir de manière absurde et m'élançai en direction de l'enflure, qui fonça elle aussi vers moi. Alors que nous allions nous heurter, je brandis ma batte dans sa direction et lui envoyai un puissant coup d'estoc. Il allait sans doute esquiver, ce fut pourquoi mon poing gauche était déjà refermé, prêt à s'ouvrir et à déclencher une autre zone. Néanmoins, l’énergumène se stoppa subitement dans sa course et ma batte s'enfonça dans son ventre sans grand problème. Étonné, je tentai de comprendre ce qui lui valut une telle réaction. Je vis alors une sombre et imposante silhouette se dresser derrière lui. Une effroyable sensation me parcourut l'espace d'un instant tandis que la voix de Ren se fit entendre. Mon ennemi dut sentir la chaleur parcourir ses membres ainsi que le pouls sur ses tempes tandis que Ren s'apprêtait à se défouler sur lui. La pluie de coups se mit à tomber, rapide, implacable, martelant le pauvre type pendant un pénible moment. Quand le rouquin s'arrêta, voir le visage rougeâtre et enflé de l'homme à la chevelure blanche me fit presque de la peine. Ren souleva alors la carcasse de l'élément perturbateur et le posa sur son dos, il donna ensuite ses directives aux brigands présents puis quitta les lieux. Je le suivi donc après avoir remis ma batte dans mon sac. Nous rentrions au bateau, cette " promenade " avait totalement dégénérée.

Sur le chemin, je ne cessai d'observer ma paume. Je venais de réaliser une chose en faisant le bilan des événements. Sans mon pouvoir, je n'aurais pas été en mesure de maîtriser la situation comme je l'avais fait. D'un côté, cela était rassurant puisque ça démontrait que je m'étais habitué aux diverses mécaniques de ma malédiction, d'un autre c'était effrayant. L'ope ope no mi était très dangereux à utiliser et je m'en étais rendu compte ces dernières semaines, non, j'eus plutôt une piqûre de rappel. Une fois l'adrénaline dissipée, après avoir reçu le coup de l'amiral John Pacifique, la réalité m'avait rapidement rattrapé et je me retrouvai avec un corps dénué d’énergie. Peut-être que cette sensation avait été renforcée par mon état psychologique assez instable à cet instant, une crise de panique qui m'avait totalement court-circuité, néanmoins j'avais vécu une telle perte de force maintes fois auparavant. Comme ça avait été le cas durant l'entraînement avec Yao, par exemple. Le plus coûteux était de créer et de maintenir la zone, mais mises bouts à bouts les autres techniques, moins consommatrices, contribuaient en grande partie à ma fatigue et donc à ma perte de force. Je me reposais trop sur cette malédiction et cela pouvait être très dangereux pour l'avenir. Ainsi un prochain objectif s'imposa de lui-même, il me fallait devenir plus versatile, apprendre à me battre contre de tels types sans miser sur mon pouvoir démoniaque. Pour cela j'avais mon corps et surtout ma batte.

-Hmm ?

Les mots de Ren me sortirent de ma petite bulle de pensées. Je lui lançai donc un regard inquisiteur tandis qu'il saisit son den den et composa un numéro. Ayabusa décrocha à l'autre bout du fil, et je ralentis mes pas, comme pour respecter une certaine distance de confidentialité entre mon leader et moi. Une fois l'appel terminé, j’accélérai le pas afin d'être à hauteur de Ren et de pouvoir reprendre notre marche côte à côte. Ce fut à cet instant qu'il me tendit une batte bleutée. Il me la présenta comme récompense de mes agissements au sein de l'organisation. Mon cœur palpita un instant, ma main tremblante s'approcha du manche de l'arme tandis que je souris d'un air hébété. Je venais de recevoir ma première paie officielle, mais surtout je mis le doigt sur une nouvelle piste d'évolution. Brandissant l'arme vers les cieux, je le remerciai en observant la couleur particulière de l'arme, peut-être que celle-ci provenait de l'alliage utilisé pour la concevoir. Je ne savais guère de quoi il en retournait, mais qu'importait, il ne me restait qu'une chose à faire: me mettre à l'entraînement le plus rapidement possible.

-Merci !

Nous reprîmes finalement notre route vers le navire tandis que je m'imaginai déjà me battre avec cette nouvelle arme. Même mieux, me battre avec mes deux battes. Une en provenance de mon île natale qui portait les souvenirs que j'avais de mes frères et une autre que mon boss venait de m'offrir et qui marquerait, je l’espérais, le début une nouvelle erre dénuée d'échecs.

Mon cadeau dans ma main gauche, je balançai au pied de la porte de ma chambre mon sac cylindrique, et saisis ma première batte de la main droite. Une fois cela fait, je donnai un puissant coup de pied dans la porte avant de bondir en plein milieu de la pièce, essayant un coup croisé avec mes deux battes alors que j'étais en plein air. C'était ma premier paie ! Ma première putain de paie ! Et en plus de cela, c'était une arme qui titillait ma créativité. Je m'imaginai déjà en train de réaliser de puissantes attaques à l'aide de ces deux battes combinées. J'en visualisai une en particulier, je me positionnai donc, mettant en retrait mes deux coudes, et lorsque je m'apprêtai à me lancer un bruit se fit entendre, me stoppant net. Je me tournai sur ma droite, là d'où provint le son, et découvris Selena assise au bord de mon lit. Je laissai tomber mes armes au sol, grimaçai, puis pointai du doigt le cadre de la porte.

-Que fais-tu encore là ?

-J'ai quelque chose qui pourrait t’intéresser. Un travail sur West Blue. - répondis-t-elle en me tendant un bout de papier plié en quatre.

Un rictus apparut sur mes lèvres à l'écoute de ses doux mots. Cette personne allait réellement me permettre de progresser comme je l'aurais voulu. Je m'approchai donc d'elle, arquant un sourcil en examinant ce qu'elle tenait dans sa main. Je me saisis de la feuille sans plus tarder, la dépliai et y découvris ce qu'elle avait écrit dessus à l'aide d'un feutre noir. Ma bouche s'entrouvris, je réfléchis longuement face à l'inscription, fouillant dans mes souvenirs afin de découvrir si j'en avais déjà entendu parler, ou lu quelque chose dessus. Rien ne vint.

-La première ligne correspond à l'île, la seconde à l'établissement auquel tu devras te rendre.

-Et que devrais-je y faire ?

Elle haussa les épaules, puis me répondit d'une voix atone que j'allais y gagner gros dans tous les cas. Elle s'apprêtait alors à me parler de celui avec qui j'allais travailler, lorsque son regard se posa sur l'arme cylindrique que venait de m'offrir Ren. Selena se leva promptement, s'avança et attrapa l'arme avant de l'inspecter.

-Bizarre... tu arrives à la toucher sans problèmes ?

-Bah oui, regardes - rétorquai-je en posant ma main sur le métal bleutée.

-C'est louche. Comment as-tu obtenu ça ?

-Ren me l'a offerte, pourquoi ?

-Hmmm, tout semble indiquer qu'il s'est fait plumé. La couleur concordait belle et bien, il ne pouvait pas savoir que c'était une contrefaçon sans avoir un maudit sous la main. Il a sans aucun doute voulu t'offrir une batte en granit marin, mais il n'en est rien, ce n'est qu'une simple batte.

Je tombai des nus face à une telle révélation. Le fait que la batte était en granit marin ou non ne m’intéressait pas réellement, ce qui me sciait était une toute autre chose. Tandis que j'avais réussi à déjouer, et ce malgré mon ignorance, le plan machiavéliquement nul du pauvre commerçant qui désirait me vendre une arme factice, Ren, lui, s'était fait arnaqué. Je ricanai donc tel un demeuré face à l'absurdité de ces événements. Comme quoi, même un type aussi puissant que Ren pouvait se faire avoir par de faibles cancrelats s'il ne faisait pas attention. Ce monde était vraiment palpitant, cela ne faisait que de montrer à quel point la moindre faute d'inattention pouvait être punitive, même mortelle dans certains cas autres que celui-ci.