Dans son propre bureau pour le temps de son passage ici, installée et totalement collée au fond d'un fauteuil qu'elle empruntait pour quelques jours, la maudite du scorpion conversait à l'escargophone avec un interlocuteur au sexe difficilement déductible. En effet, si le fond de la voix semblait bel et bien masculine, l'on pouvait trouver à cette même voix des intonations très féminines, presque surjouées par moment. Pour ceux qui connaissaient un peu l'ex-mouette et ses relations, reconnaitre le timbre de Bonnie, l'impératrice de Momorio, n'aurait rien de bien difficile. Pour les autres, il était totalement impossible de définir ne serait-ce que l'identité ou le genre de la personne au bout du fil.



Après quelques salutations d'usage et un "Oublie pas de saluer mon petit Erwichou pour moi", l'impératrice masculine raccrocha, libérant ainsi la maudite d'une discussion bien plus longue qu'elle n'était censée l'être. Bonnie était devenue une amie, une confidente même dans certaines situations. Le revers de la médaille était sa propension incroyable à parler sans s'arrêter pendant plusieurs heures, un trait apprécié dans le monde des Okamas, un peu moins par la Toupex lorsqu'il s'agissait de parler de la dernière collection à la mode ou de l'utilisation des plumes d'oie dans la confection de la robe qu'elle porterait à l'occasion du mariage du leader de l'inquisition. Finalement, le sujet "politico-financier" avait rapidement cédé devant des discussions biens plus orientées vers l'art de vie de ces belles masculines.

Depuis leur retour de Shabondy, où la verte avait rencontré et pardonné le véritable assassin de son clan, un homme devenu vieux, fragile et empli de regrets sur une vie de massacre, l'aspect guerrier de l'existence de la lieutenante de l'inquisition avait cédé au profit de sa vie plus "politique". Alternant entre appels à Momorio et à Yakoutie Island pour prendre des nouvelles de Lily, Sayara et Kim, la traitresse semblait se perdre dans un dédale de prises de tête administratives que son petit-frère roux semblait maîtriser avec un talent indéniable. Lasse de tout cela, le regard de la Zoan se porta sur Nana, sa petite soeur végétale, qui s'amusait à faire danser les pétales qui constituaient sa coiffure. Quelques semaines auparavant, la petite fille avait fait l'objet d'une poussée de croissance sans précédent pour finalement quitter son corps d'enfant et devenir une femme magnifique à la chevelure de pétales somptueux. Elle avait abandonné les pop-green derrière lesquelles et elle se cachait pour dorénavant se battre avec ses pétales, usant d'une sorte d'hypnose et de son haki de l'observation en complément de ce retour à la vie si particulier. Si elle était devenue une partenaire d'entrainement parfaitement viable, les deux Toupex n'avaient pas encore pu étrenner cet aspect nouveau de la petite végétale.

Soupirant comme si le monde reposait sur ses épaules depuis des années, l'ancienne colonelle se perdit un temps dans le ballet de pétale de sa fidèle accompagnatrice. Elle aurait aimé admirer cette danse pendant des heures, mais d'autres choses plus sérieuses l'attendaient.



Délaissant son fauteuil, elle se redressa et se mit en tête de rendre visite à son petit-frère sans attendre mais fut bientôt interrompue par un lien attaché à sa cheville. Elle en consulta l'origine pour voir que Nana en était la cause, la retenant et la fixant avec un regard d'une profondeur abyssale.



Accompagnant le tout d'un simple sourire, la végétale libéra sa grande soeur et mit son manteau pour la suivre jusqu'au bureau du Dog. Elles arpentèrent ce chemin d'un bon pied pour finalement déboucher non-loin du bâtiment où travaillait le rouquin. Pourtant, en arrivant à ses abords, ce fut un autre rouquin que la la maudite vit sortir : Shiki. Elle connaissait le jeune inquisiteur pour l'avoir croisé et sauvé à une reprise, Sayara et Lily ne tarissant pas de moqueries à son égard. Pourtant, là, il était en compagnie d'une jeune femme poisson dont Erwin lui avait parlé : Komari.

Devant un telle apparition, Nana tira sur la manche de Kanäe et désigna le duo qui s'éloignait d'un simple signe de tête, il était clair qu'elle voulait les suivre pour voir ce qu'ils mijotaient. Ils étaient assez loin et la verte entreprit de briser les rêves de sa suivante d'un simple :



Nana ne répondit pas et avança vers eux, dans leur dos, en tirant sa grande soeur par la manche. Kanäe savait, au fond d'elle-même, qu'elle devait résister mais son envie allait au combat, à l'entrainement... Enfin elle allait pouvoir combattre de vraies personnes, des compagnons qu'elle se devait d'éprouver en vu de pouvoir combattre à leurs côtés un jour. Elle céda donc et suivit Nana sur les chemins menant à la zone d'entrainement. Une fois sur place, elle y retrouva les deux amoureux cachés et les interpella avec une certaine nonchalance. Ils étaient entre eux alors à quoi bon chercher à être cérémonieux.



Elle tendit une main franche aux deux sabreurs et se mit à sourire : enfin une interaction sociale directe ! La première depuis le début de la journée, exceptées les conversations avec Nana, évidemment.

La maudite du scorpion se trouvait là dans un état d'esprit très différent des autres combats qu'elle avait pu livrer ces derniers temps. En effet, depuis quelques semaines, tout ne semblait être que désolation, mort et tristesse, une passade qui ne passerait pas si vite avec les choses qui se profilaient entre la marine et la groupe de Centes ; mais cela, la verte n'en savait encore rien. Pour l'heure, elle souriait donc au plaisir de pouvoir enfin se battre avec le coeur léger, sans craindre intérieurement de voir son Zoan surgir des profondeurs de son être en devenant un monstre sans coeur. Devant elle, deux collègues de l'inquisition, deux futurs amis peut-être mais deux membres de sa famille avant tout. Elle ne les connaissait pas aussi bien que des Cid, Hope ou encore Blue, sans compter le leader du mouvement, mais chacun des inquisiteurs était maintenant une personne privilégié dans le coeur de la traitresse.

Elle s'amusa donc de la question de Shiki et se mit à sourire davantage alors que Nana s'approchait lentement de Komari pour porter une attention particulière à sa couleur de peau et au grain de celle-ci. La jeune femme végétale pouvait être envahissante lorsqu'elle se montrait curieuse. Alors, avant même de répondre à l'épéiste roux, la maudite s'expliqua pour Nana qui restait bien silencieuse.



Une fois que la végétale serait excusée, ne stoppant pour autant pas son inspection minutieuse, la verte pourrait enfin envisager de répondre aux interrogations de son autre interlocuteur à savoir le jeune homme qu'elle avait tiré d'une mauvaise passe quelques mois plus tôt. Elle s'amusait de le voir si protecteur vis-à-vis de la femme des mers et commença même à se demander s'il n'y avait pas plus que ça. Une relation fraternelle ? Un amour caché ? Une passion dévorante ? Une rivalité profonde ? Peu importait mais il y avait un petit truc.



En ce jour un peu spécial, le sabreur découvrirait sans doute une Kanäe comme il ne l'avait jamais vu, plus légère et joueuse qu'elle avait pu l'être pas le passé, plus sereine. Si elle pouvait être considérée par certains comme la "seconde tête" de l'inquisition derrière le rouquin, il s'agissait là d'une place qu'elle ne se reconnaissait pas et qu'elle n'exploiterait pas devant les autres inquisiteurs. S'il existait un système hiérarchique au sein de l'organisation à l'oeil vert, la verte n'en faisait pas grand cas lorsqu'ils étaient entre eux. Alors, devant Komari et Shiki, "détente" était un mot qui lui semblait approprié. Pousser le Eiki à complimenter la rose amusait donc la lieutenante révolutionnaire. Pourtant, au bout du compte, ce fut bel et bien Komari qui surprit le reste du groupe en proposant un entrainement commun.



Le rouquin proposa une répartition logique des forces en présence. Il combattrait avec sa camarade en équipe de sabreur contre la Zoan qui se mit face à eux et qui jeta un signe de tête à ces adversaires.



Petite provocation de circonstance, de quoi mettre l'eau à la bouche de tous les participants de cet entrainement improvisé. La Toupex allait affronter deux têtes, des combattants à l'épée. Sur le papier, elle était désavantagée par le nombre mais disposait d'une force en principe supérieure, à en croire la renommée des combattants du moins. Malgré tout, depuis peu la traitresse savait que la renommée n'était rien d'autres qu'un indice souvent erroné sur les réels capacités d'un guerrier.



La Zoan abandonna son enveloppe humaine et se transforma en un être hybride mêlant caractéristiques humaines et animales. Ses mains devinrent des pinces, une carapace robuste prit place sur son corps et une queue surmonter d'un dard prit place dans son dos. Kanäe était prête et attendit le premier assaut. A deux contre une, elle n'allait pas se jeter dans la gueule du loup.

Pendant quelques temps, après la réussite de la mission d'Olandaina, Kanäe s'était chercheuse façon bien à elle de combattre. D'abord combattante à la dague, elle avait ensuite obtenu son fruit du démon et était devenue une femme scorpion. Pourtant, au lendemain de son premier affrontement contre les décimas et face à l'étoile Thalassa Yang, la verte avait ressenti le besoin d'expérimenter autre chose, un autre genre de combat. Ce jour-là, elle avait remisé ses dagues au placard et s'était tournée vers l'utilisation du sabre, un meitou d'un blanc parfait offert par l'étoile du gouvernement. Elle avait appris à manier ce genre d'arme avec une certaine efficacité mais l'avait finalement laissé tomber rapidement pour se concentrer sur sa véritable force, pour se recentrer sur son plus bel atout : sa malédiction. Elle était alors devenue une combattante purement Zoan qui se servait de sa malédiction et de ses connaissances pour créer des poisons et autres drogues.

Une fois lancée dans ce style unique, la Toupex avait rapidement compris qu'il s'agissait du bon, qu'elle n'avait plus à utiliser d'arme tranchante, ses pinces remplissant parfaitement cet office. Pourtant, si elle avait trouvé sa voie, comme Komari et Shiki semblaient avoir trouvé la leur dans le maniement du sabre, elle tirait de sa phase sabreuse une très grande expérience, pouvant maintenant se mettre à la place de l'épéiste. Ce vécu représentait un élément majeur lors de ses combats contre des samurais et plus encore aujourd'hui où elle affrontait deux manieurs de lame. Elle observa le duo se mettre en place et attendit le premier assaut qui ne tarda pas et qui ne manqua pas de surprendre la femme scorpion.

A la place de foncer à deux sur la seconde de l'inquisition, le rouquin et sa comparse optèrent pour une stratégie bien moins directe et bien plus fourbe, à commencer par un écran de terre lancé par le seul homme en ces lieux. Apparemment, le maniement du sabre n'était pas le seul atout du Eiki qui semblait bénéficier d'une force tout à fait remarquable.



Si elle trouvait le mouvement parfaitement intelligent, la maudite ne se laissa pas surprendre, son haki de l'observation l'ayant mis en garde contre la tentative de diversion initiée. Armant sa queue en lui faisant prendre un peu de recul, la Toupex la détendit soudainement, créant ainsi une pique d'air qui allait venir éclater l'épais morceau de terre envoyé par Shiki. Dans un second temps, la Zoan dessina un large arc de cercle devant elle, créant ainsi une épaisse lame d'air contondante qui aurait vocation à annihiler les deux lames lancées par ses adversaires. La différence de puissance entre eux devrait faire le travail suffisant mais une différence devait être gardée à l'esprit par la maudite : ces adversaires avaient plus de propension qu'elle à user des lames d'air. A un niveau de combat équivalent, les lames de Shiki et Komari n'auraient eu aucun mal à percer la sienne.

En tous les cas, forte d'une expérience courte en temps que sabreuse, la traitresse savait que le point fort du sabre face au corps-à-corps était l'allonge de ce premier. Un point fort qui se retournait pour devenir un handicap important une fois que le pugiliste s'était rapproché de l'épéiste. C'était son plan face au duo : en acculer un, le plus lent, pour forcer l'autre à prendre des risques pour sauver son partenaire. Alors, une fois la chose faite, elle serait à proximité des deux et pourrait jouer sa carte maitresse.

Profitant donc de la voie ouverte par sa propre lame d'air, Kanäe s'engouffra dans le passage et arriva rapidement à porter de Shiki, celui qui semblait être le plus lent des deux. Elle esquiverait le probable coup de lame que l'homme lui adresserait avant de tenter de se rapprocher de nouveau. Pourtant, chose étrange pour ses adversaires : ils ne la verraient pas lever une pince pour chercher à frapper. Pour être plus précis, ils la verraient charger, épaule en avant, cherchant clairement à enfoncer la cage thoracique du rouquin. Il ne subirait que des dégâts mineurs mais perdrait l'équilibre et verrait son souffle coupé pendant un petit instant, ce qui le mettrait en danger et ce qui pousserait Komari à intervenir.

En arrivant face à son collègue inquisiteur, la verte perçut le coup de poing qui lui était adressé au moment où l'épéiste en avait décider ainsi. Néanmoins, voyant que le coup de son opposant n'était pas infusé de haki de l'armement, elle ne recouvrit pas la zone visée de son buste de la même matière et poursuivit comme si de rien n'était, sa carapace lui offrant une protection utile et suffisante. Le poing du bonhomme entra donc en contact avec la carapace de la traitresse qui s'étonna de la force réelle de son adversaire. De toute évidence, le Eiki n'avait pas la force d'un homme, ou même d'un sabreur lambda mais bénéficiait bel et bien d'une puissance surhumaine. Si la Toupex disposait elle-même d'une surplus de force par rapport au commun des mortels, elle ne le devait pas à son entrainement mais bien à son fruit du démon de type Zoan. Quoiqu'il en soit, et s'il fit preuve d'un répondant surprenant, le rouquin fut balayé par la charge de la maudite qui se retourna immédiatement vers la femme-poisson.

Si la force du roux l'avait étonné, l'absence de réaction de sa camarade en fit tout autant. Pour être honnête, Kanäe avait imaginé faire face à un double contre des épéistes dans un front commun face à son assaut. Si elle était probablement plus rapide, elle était persuadé que Komari aurait pu intervenir mais rapidement, elle nota le signe que Shiki avait adressé suite au choc à celle qui partageait sa vie en secret. La jeune femme au teint rosé ne se mit donc pas en danger et envoya deux lames d'air à la lieutenante révolutionnaire pour laisser le temps à son partenaire de se relever. Si la traitresse ne comptait pas enchérir immédiatement sur le Eiki, elle fut néanmoins obligée de bouger et recula en prenant une implusion grâce à sa queue. Les deux projectiles s'échouèrent alors au sol et la criminelle se retrouvait maintenant cinq mètres en arrière.

Dévisageant ses ennemis de circonstance, elle remarqua que Shiki éprouvait des difficultés à se relever, usant de son sabre comme d'un appui pour retrouver une position plus confortable. De toute évidence, la verte y était allée un peu trop fort mais l'entrainement ne faisait que commencer et Komari était encore en pleine possession de ses moyens. Même si l'homme avait pris un premier coup, leur duo semblait fonctionner et être efficace.



A peine avait-elle fini son petit compliment que la femme-scorpion planta son dard dans le sol et contracta sa queue pour finalement la relâcher d'un coup sec, causant ainsi une impulsion forte. Une nouvelle charge prenait ainsi forme et était maintenant destinée à Komari. Cette fois, ça ne serait pas l'épaule de la maudite qui constituerait la menace mais sa queue. En effet, cette dernière, une fois devant la méduse, chercherait à lui envoyer un coup de poche à venin, sans utiliser le dard, au niveau du flanc droit. Si son coup portait, l'amphibienne serai projetée vers la droite, en direction de Shiki justement et sentirait le coup passer. Le but de la manoeuvre était de pousser les deux équipiers à faire front commun, à se sortir de la proximité imposée par un ennemi plus fort que chacun d'eux pris individuellement. L'avantage de ce duo, s'il n'était pas que le nombre ici, résidait dans le complicité. Ils se connaissaient, cela sautait à l'oeil dès les premiers échanges, une telle osmose pourrait leur ouvrir des portes qu'il ne pourrait qu'apercevoir chacun de leur côté.

En portant son coup, Kanäe ne pouvait s'empêcher de sourire. Avec ces deux-là, l'inquisition avait deux guerriers talentueux en plus, deux individualités compatibles. Dans une famille comme la leur, la compatibilité et l'entente étaient deux éléments primordiaux : le petit couple caché ne semblait pas avoir besoin de leçon sur ce point.

Pensant d'abord que l'écran de fumée n'était destiné qu'à permettre à Shiki de la contourner pour préparer une attaque directe combinée, la verte laissa les choses se faire sans bouger, son haki l'informant en permanence de la position du roux. Pourtant, si elle ne bougeait pas, elle voyait en cette technique une première faille : un adversaire disposant du haki de l'observation et d'une visualisation plus globale des choses ne patienterait pas. Les deux amoureux secrets étaient séparés, Komari ou Shiki devenant alors des cibles plus attrayantes qu'à l'habitude. Le duo se connaissait, il était en symbiose mais leur force était justement l'unité qu'ils venaient de rompre.

Quoiqu'il en soit, en entrainement et étant leur alliée, la maudite du scorpion ne réagit d'abord pas, elle savait qu'elle pourrait s'entretenir avec eux par la suite et leur faire part de son ressenti. Pour l'heure néanmoins, elle vit la poussière redescendre lentement, marquant alors le début d'un ballet de lame qui virevoltaient de part et d'autre de la maudite. Esquivant avec une relative facilité les projectiles, elle remarqua bien vite la seconde faille de l'offensive : l'absence de force appuyée au bout des lame qui la visaient. Un utilisateur du haki de l'armement ou un ennemi suffisamment agile et puissant pourrait soit dévier l'un des sabres, privant alors son propriétaire d'un nouveau lancé ou, plus simplement encore, en attraper un en plein vol et s'en servir contre son maître. Si la technique était intéressante et obligeait l'opposant à conserver une totale attention sur le ballet de lame, elle était constellée de petites impuretés la rendant inutile dans bien des cas. Finalement, les adversaires pouvaient être mis en danger seraient soit des ennemis de taille importante ou des individus moins puissants qu'eux deux.

Bien qu'elle ait vu deux ou trois failles, et après quelques esquives supplémentaires alors qu'elle se préparait à la contre-attaque, un nouveau souci de coordination apparut de lui-même : le Eiki venait d'être blesser. Si Lily avait été dans le coin, elle n'aurait probablement pas manqué son occasion de se foutre ouvertement de la tronche de l'épéiste mais la Toupex n'était pas aussi moqueuse et comprenait bien la cause de son trouble. Une lame plus longue et plus lourde, bien moins maniable que ses propres sabres. Le Nodachi de la femme-poisson ne pouvait être maîtrisé efficacement que par les personnes en ayant l'habitude, pour les néophytes, cela représentait un risque.

Rapidement devancée par Komari alors qu'elle avançait vers son collègue inquisiteur, l'herboriste porta sa main à sa sacoche et en ressorti une petite fiole emplie d'un liquide oscillant en le jaune pisse et le vert très pâle. Elle s'approcha des amoureux et regarda la blessure, ne répondant pas à la demande de temps-mort qui devenait logique, elle ôta le bouchon de la fiole et s'apprêta à en verser le contenu sur le bras du blessé.



Une fois l'autorisation obtenue, elle agirait et laisserait le sabreur se frictionner le bras lui-même. Elle avait cependant noté au cours du combat et maintenant pendant les soins, les différents traces de brûlures qui trônaient sur ses bras.



Pour l'heure, Kanäe qui avait abandonné sa forme Zoan, ne connaissait pas les propriétés de la peau de la jeune femme à la peau rosée. Lors de leur contact, sa carapace l'avait prémuni de toute sensation douloureuse et les marques sur les bras de Shiki ne ressemblait pas à quelque chose que l'on pouvait rencontrer régulièrement. Certaines plantes pouvaient avoir cet effet sur l'homme mais personne ne serait assez idiot pour en faire une crème ou un gel de bain. En attendant donc sa réponse, la maudite se laissa glisser au sol et vint s'asseoir aux côtés des amoureux. Ne se rendant pas vraiment compte qu'elle tenait une chandelle bien dissimulée par les deux premiers intéressés, elle initia la phase de discussion.



Erwin lui en avait vaguement parlé mais n'était pas rentré dans les détails. Elle savait donc qu'il n'était pas un tueur de civil mais n'avait pas vraiment bien appréhendé les tenants et les aboutissants à l'origine de cette mise à prix.

La vie du jeune couple n'était donc pas de tout repos à en croire les marques présentes sur le corps musclé du jeune épéiste. Si Lily avait été là, elle aurait probablement associé la chose à une overdose de plaisirs charnels, son humour graveleux aurait pu s'épanouir devant une autre assistance que ses amies qu'elle vannait habituellement. Vivre avec une telle humoriste avait nécessairement fait évoluer les perceptions de la maudite du scorpion qui, si elle comprenait bien mieux les sous-entendus érotiques aujourd'hui, se prenait même au jeu de les penser elle-même. Elle ne connaissait pas très bien Shiki et Komari et avait pourtant compris que la méduse n'était pas du genre expansive au sujet de sa vie privée. Aussi, une plaisanterie à la Lily aurait sans doute été inappropriée et aurait passablement mis la femme-poisson dans l'embarras. La Zoan se tut donc et se contenta d'écouter les plus amples explications qui lui étaient fournies, comprenant donc que la nature animale de son adversaire féminine présentait un aspect très intéressant.



La botaniste se retourna alors vers la principale intéressée qui semblait honteuse ou qui s'accablait de faire souffrir celui qu'elle avait choisi pour partager sa vie. Sur ce point, elle ne ressemblait clairement pas à Madi Sky qui ne montrait pas la même gêne. Bien qu'elle ait connu la femme-mancenillier la première, qu'elle n'affiche pas la même problématique et que le supérieur de cette dernière usait de cette aptitude comme d'une arme, la Toupex comprenait parfaitement la gêne de Komari. Elle faisait souffrir ses proches malgré elle, un bien triste sort dans le fond.



A peine avait-elle fini que la maudite porta de nouveau sa main à sa sacoche et en sortit trois fioles similaires à celle qu'elle avait utilisé sur la plaie du sabreur un peu plus tôt. Elle les tendit à la femme-poisson qui avait encore les mains libres, l'autre membre du duo étant probablement occuper à frictionner sa plaie comme la doctoresse de fortune lui avait recommandé.



Leur vie amoureuse n'était pas un grand secret, il existait entre eux une complicité et une gêne palpable dès lors qu'il s'agissait d'aborder leurs contacts. Si Kanäe n'était pas une experte des choses de l'amour, elle n'en était pas moins une femme qui savait sentir ce genre de chose. Sayara tombait amoureuse d'une nouvelle jeune femme tous les quatre matins, Kim avait un petit début de quelque chose pour Ken Shuri et Lily s'amusait bien trop avec les garçons, le tout donnant une bonne expérience dans le domaine à la cheftaine de cette troupe féminine. Quoiqu'il en soit, pour l'heure, elle décida d'abandonner le sujet, préférant y revenir plus tard lorsque le groupe de trois aurait fait plus amples connaissances. Nana avait disparu en forêt, une attitude totalement normale pour cette femme-plante qui aimait souvent se retrouver parmi ses congénères végétaux.

Après le thème de l'amour caché et des relations charnelles douloureuses, ce fut la petite renommée acquise par le Eiki qui fut abordée par ce dernier. Ainsi donc, et comme l'avait vu l'ex-mouette en parcourant les quelques documents fournis par les forces inquisitoriales à son arrivée sur Micqueot, le rouquin avait rejoint le club des révolutionnaires primés. Elle écouta donc son histoire avant de sourire avec amusement. Son histoire récente et l'attribution de cette prime n'avait rien de banal et il gardait une bonne part de mystère sur les choses qu'il avait vécu après avoir pris de la distance avec l'inquisition. Si elle avait également entendu parler de l'histoire avec Zayne, l'ancien médecin de l'inquisition, elle n'y fit pas la moindre remarque.



Elle n'aurait définitivement pas fait la même chose. Kanäe aurait combattu, libéré les innocents avant de se jeter à la poursuite du véritable assassin pour le confondre. Mais Shiki avait vu plus loin qu'elle sur ce coup, il avait mis tout le monde à l'abri en se mettant lui-même en danger, un vrai révolutionnaire, ça ne faisait pas le moindre pli. En voyant à quel point il avait changé, la maudite du scorpion se rappela le moment de leur première rencontre, l'instant où elle avait dû le faire sortir d'un trou, celui où il l'avait gêné dans son combat contre une bête féroce. Maintenant, si elle le trouvait toujours aussi rêveur, il n'était plus aussi niais selon elle. Il avait grandi à ses yeux. Le temps avait fait son oeuvre, pour chacun d'entre eux.



Norok, un fantôme qui réapparaissait de temps en temps pour mettre un sourire mélancolique sur les lèvres rosées de la traitresse. L'assaut sur la prison de Ronald était le fer de lance de sa carrière révolutionnaire, la base de son entente et de son rapprochement avec Eken Sor mais il était aussi le théâtre de lourdes pertes. L'épaule de Lily, les blessures de Sayara, la mort de Aurore Pandore et celle de Norok également. Un bilan triste et sombre pour celle qui avait mené les opérations.

Les paroles de la belle Komari eurent sur la Toupex un effet étonnant. A l'inverse de sa première rencontre avec Shiki, pourtant si semblable à celle qu'il aimait aujourd'hui, ce premier contact avec la femme-poisson se trouvait être une première excellente impression. Réfléchie, sympathique, mature, posée et particulièrement juste, cette femme au teint rosé trouvait les mots qui lui permettait de transmettre ses émotions ainsi que son évolution.

Parmi ces mots, la maudite du scorpion devait avouer se retrouver en celle qui racontait cette histoire. Elle n'avait pas été issue d'une race étrangère et persécutée, pas réduite en esclavage et encore moins sauvée par un homme qu'elle avait finalement retrouvée mais ce doute sur la nature de l'homme avait été celui qui avait habité le coeur de la primée pendant un temps, celui qui avait précédé sa trahison notamment. Cette "race" à part s'apparentait pour elle à sa place de marginale au sein du gouvernement mondial, une pionne qui ne suivait finalement pas les ordres de la haute autorité, qui s'attirait le dédain en accomplissant ses propres idéaux. Enfin, comme l'amante du Eiki, elle s'était trouvée au sein de l'inquisition et y avait tracé sa propre voie.

Dans les premiers temps, et selon les récits de ses amies, elle avait vu dans le rouquin un enfant capricieux et bien trop candide sur le monde dans lequel il vivait. Aujourd'hui, cette position avait changé et l'ancienne mouette trouvait en Shiki un allié estimable, la preuve que le changement était possible. Mais Komari avait encore changé quelque chose, il semblait bien plus conscient de la réalité du jeu des puissants, des horreurs du monde : celles qui se matérialisaient dans le récit de l'amphibienne. La première impression, celle tant difficile à changer, était excellente pour Komari.

Souriant finalement de bon coeur à l'humour ciblé du roux, la traitresse ne put s'empêcher d'entrer dans le jeu avant de revenir à des choses plus sérieuses, plus en adéquation avec les mots de la femme qui se tenait devant elle.



L'homme-grenouille avait combattu aux côtés de la soeur du Dog, il l'avait assisté dans son escapade la plus dangereuse et avait lui-même écopé d'une sale blessure mais leur amitié n'en avait été que renforcée. Aujourd'hui, la verte l'avouait sans peine, ce Blue était un compagnon, un ami, un être digne de confiance, tout simplement. Cette confiance, elle sentait qu'elle pouvait l'accorder à la rose, probablement au roux aussi. Comme le chemin qu'il traçait tous, seul l'avenir pourrait confirmer ou infirmer ses impressions. Pourtant, prise par cette certain euphorie, Kanäe décida de leur parler d'un projet qu'elle entretenait.



Elle ne dévoila pas tout car, en réalité, son choix était déjà fait, déjà arrêté mais elle aurait tout le loisir de développer plus tard.

Les mots de Shiki étaient étonnants, surtout venant d'un caractère comme pouvait avoir le rouquin. Elle l'avait toujours vu très candide, peut-être un peu niais, ne se rendant pas compte de l'état du monde dans lequel il vivait et pourtant, il savait être terre à terre, un peu pessimiste même. Il était un membre de la famille à garder à l'oeil tout autant que pouvait l'être les piliers de l'inquisition, Shiki évoluait et grandissait sous les yeux de ses alliés, il se rendait compte de beaucoup de chose avec le temps et la traitresse s'était trompée sur certaines choses. Peut-être...



Le rendez-vous était pris, Komari et Shiki prendraient part à son projet sur une île sombre aux rumeurs intéressantes et à la gouvernance inconnue, un sanctuaire qui pourrait s'avérer incroyablement utile en cas de problème et pour lequel, la Toupex pourrait avoir un grand besoin des deux sabreurs. Quoiqu'il en soit, ce sujet fut clos assez rapidement et la taquinerie revint plus que rapidement sur le devant de la scène, notamment s'agissant de la sociabilité de la verte. Pourtant, Shiki était bien loin du compte, les rumeurs que Kim avaient pu recevoir sur son projet faisaient en sorte que la sociabilité ne serait pas un souci avec la population du lieu visé, au contraire. Les capacités, les aptitudes et les affinités de l'herboriste pourraient être parfaite, autant que les sabres des amoureux. D'ailleurs, en parlant d'amour, la verte n'avait pas manqué les rougeurs sur les joues du sabreur ainsi que le geste tendre qu'il avait pu adresser à la rose, une situation qui ne manqua pas d'amuser le verte.



La remarque ne manquerait pas de faire rougir les deux mais un clin d'œil serait rapidement adressé à la femme-poisson pour la remettre à l'aise, au moins un peu. Elle recueillit ensuite la proposition de verre à partager entre eux mais cela marquait pour la maudite le début d'une autre phase, un épisode où elle n'avait pas sa place. Elle voyait, elle ressentait cet amour naissant entre l'amphibienne et le maître lame, une relation où elle ne servirait qu'à tenir la chandelle, une belle teneuse certes, mais un élément du décor néanmoins. Elle se mit donc à sourire aux petits amoureux d'un sourire réconfortant et trancha dans le vif.



La verte tirerait sa révérence sans davantage de cérémonie, laissant les tourtereaux à leurs moments d'intimité. En espérant que ses cadeaux herboristiques pourraient leur servir dans leur vie amoureuse. Elle avait découvert deux belles âmes en cette soirée spéciale, deux combattants intéressants. Une bonne soirée en somme. Maintenant, elle devait partir à la chasse à la Nana.