Il fallait éventuellement en passer par là. Vouloir se lancer dans Grand Line sans s'être préalablement rechargé en vivres, ni avoir fait les réparations d'urgence, était au mieux inconscient, au pire suicidaire. Valendra n'était certainement pas une inconsciente et, si elle avait parfois tendance à considérer qu'il était vain de lutter pour la survie, une petite voix au fond d'elle même lui implorait - non, lui ordonnait - de ne pas laisser tomber. Aussi avait elle accosté à Trader City, spécifiquement dans le but de s'équiper convenablement avant de de partir à l'aventure vers les eaux légendaires et mouvementées. Une fois en ville, la belle albinos avait évidemment laissé Joe-32-Pounder sur son petit sloop à monter la garde, avec l'ordre formel de ne pas parler. Le pauvre risquait de s'ennuyer sec, mais un canon parlant risquait bien plus d'attirer une attention indésirable que de protéger quoi que ce soit. De son côté, elle était partie faire des emplettes, munie de ses deux bourses : l'une pleine de berrys, l'autre remplie de perles d'âme. Elle s'était acheté un escargophone, des vivres sous forme de viande séchée et de poisson fumée - afin de faciliter la conservation - un petit tonneau de poudre, quelques boulets de canon et une petite charrette pour trimbaler le tout. Bien sûr, Valendra ne tirait pas ça toute seule, préférant infuser la dite charrette d'une perle d'âme pour lui donner l'intelligence nécessaire à sa tâche. La plate-forme sur roues lança gaiement quelques "charrette, charrette" - répéter ce qu'ils étaient était un symptôme récurant chez les homies naissants - pour la plus grande perturbation des passants, avant de finalement se mettre au travail. Ce transport de bois se mit alors à suivre sa maîtresse partout, tandis que cette dernière arpentait les rues sans réel but précis.

Ayant fait ses achants, Valendra caressa l'idée de faire une pause. Il ne lui fallut pas longtemps avant de tomber sur une petite taverne, se découpant du reste des bâtiments grâce à un mignon petit écriteau. Avant d'entrer, la jeune femme sortit deux nouvelles perles d'essence vitale, qu'elle frotta contre des boulets de canon explosifs. Comme de coutume, les sphères métalliques se mirent à chantonner leur nom, avant d'écouter leur créatrice avec attention. Les instructions étaient simple : si quelqu'un essayait de voler quelque chose sur cette charette, ils devaient hurler dessus pour l'en dissuader... et si ce quelqu'un dérobait effectivement une des possessions de la belle albinos, les boulets devaient rouler à sa poursuite pour exploser à ses pieds. Toutes contentes, les munitions de gros calibre acquiescèrent. Enfin, la jeune pirate retira son masque, le laissant se lover dans son dos pour rejoindre le reste de sa combinaison, avant d'entrer.

L'intérieur ressemblait à ce dont on pouvait s'attendre pour une petite taverne discrète, dans une ville qui servait de point de passage à tous les aventuriers, pillards et pirates désireux d'explorer Grand Line. La plupart des gens présents jetèrent un oeil dans la direction de Valendra mais, hormis ceux fixaient avec appréciation son corps moulé le cuir de sa combinaison, peu de gens s'intéressaient à elle. La belle albinos avait retiré sa cagoule exprès, les gens masquant leur visage attirant naturellement la suspiscion. Quoi qu'il en fut, la jeune femme, elle, ne manqua pas de remarquer la grande fille à quatre ailes qui était seule à une table... à vrai dire, c'était la première chose que l'on remarquait en entrant dans la pièce, tant cette femme, par sa taille autant que son aspect angélique, tranchait avec l'ensemble. Laissant son regard glisser sur le reste de la pièce, Valendra remarqua une autre femme, aussi blafarde que l'albinos elle même, accompagnée de ce qui semblait être sa servante, observer l'ange avec insistance. Peu importait, à vrai dire...

Valendra se dirigea vers le comptoirs, commanda une bonne pinte de bière, avant de se diriger vers la table de cette donzelle ailée. L'albinos se laissa tomber sur la chaise, à côté d'Ishtar, s'avachissant sur son siège et croisant les jambes sur la table, sans gêne aucune. Après avoir avalé une gorgée de sa choppe, la jeune femme prit enfin la parole :

- Bonjours poulette, moi c'est Valendra. Je m'attendais à croiser des trucs bizarres sur Grand Line, mais pas avant. De quel paradis est ce que tu descends ?

En cet instant, Valendra n'était qu'à moitié insouciante. Bien sûr, de par sa vie de pirate dans South Blue, elle avait appris à deviser avec les ruffians que l'on pouvait trouver sur les flots de la région. La belle albinos également déjà entendu parlé du Royaume de Trader et de ses dangers, une île considérée comme terre de crimes par le Gouvernement Mondial. Aussi, la donzelle se doutait bien que, même si la zone parvenait à maintenir une autorité locale, supportée par quelques lois nécessaires, sa position - à l'entrée de Grand Line - accentuait très fortement la concentration de pirates et d'aventuriers peu scrupuleux. Mais la jeune femme ne mesurait pas bien la réelle portée de ce danger. Ayant été bercée dans le cocon de son équipage, puis dans la brume de sa haine, Valendra n'avait pas encore été confrontée à une telle rudesse sociale... Cette insouciance était quelque peu accentuée par le nihilisme latent de la belle. Après tout, pourquoi craindre une mésaventure, quand on appréhendait la perte comme une fatalité.

La réponse de la grande dame ne surprit pas spécialement l'albinos. Après tout, qui prend bien le fait que vous veniez squatter sa table, faisant ainsi intrusion dans son espace personnel ? Personne. Mais Valendra s'en moquait : au pire, elle se ferait refaire le portrait... et après ? Gardant son sourire face à la froideur de l'ange, la jeune femme descendit une autre gorgée de son breuvage, sans quitter sa posture avachie :

- Oh, j'veux juste papoter un peu. C'est pas souvent qu'on croise une femme de ta stature... et j'parle pas de la taille. La donzelle sourit, buvant une petite rasade d'alcool, avant de reprendre : Moi c'est Valendra, je viens de Lugland. C'était un chouette repaire de pirates, jusqu'à ce que mon ancien équipage devienne trop gros au gout du Gouvernement Mondial. C'est un beau cimetière, maintenant. Nouveau silence, nouvelle gorgée. La voix de la jeune femme n'évoquait ni la tristesse, ni la colère, à la mention de son île natale. Et puis, ayant pour projet de me lancer sur Grand Line, quoi de mieux que de m'informer auprès de quelqu'un qui en est de toute évidence originaire ?

Les clients du bar semblèrent se satisfaire de l'explication et se désintéressèrent. Une partie devait probablement penser qu'elle allait probablement se briser dès les premières vagues de cet océan terrible, comme la plupart des insouciants partis à l'aventure. D'autres, plus rares, flairaient la pigeonne à arnaquer, avant de sombrer corps et biens après Reverse Mountain. Mais la majorité n'en avaient strictement rien à faire. Après tout, le commerce du Royaume de Trader comptait sur cet afflux de clientèle.

Le cuir autour du bras gauche de la belle albinos se mit à frémir, plusieurs pointes de couture sautèrent, avec un clac - clac régulier, avant de se décoller légèrement de la peau blafarde. D'où elle était, Ishtar ne pouvait voir qu'un léger rougeoiement en émanant et entendre la voix rauque, chuchottante, qui s'en échappait :

- Je sais pas si tu as remarqué l'autre albinos de la pièce, trésor, mais c'est la seule à rester fixée sur notre table.
- Shhht Val, murmura la palotte demoiselle, tu vas me faire remarquer.
- Tu veux dire, plus que tes manières cavalières, eh...
Valendra porta sa choppe à ses lèvres, histoire de se donner de la contenance, avant d'ignorer royalement sa combinaison parlante.
- Pardonnez mon ami, murmura la jeune femme à l'ange, avant de reprendre d'une voix normale : Quand tu dis îles célestes, tu parle d'une île qui se la joue ou d'un lopin de terre qui vole ? Parce qu'avec tes jolies plumes, on s'imagine forcément que tu vis dans le ciel.

- Ce que je compte faire sur cette mer, hmmm ? La jeune femme se tapotait la lèvre inférieure du bout de sa chopine, pensive. L'idée même de partir en quête de quelque chose était incongru : tout ce qui était obtenu pouvait être arraché, c'était une leçon que Valendra avait retenu de son deuil. Pourtant, quelque chose lui chatouillait les tripes... une petite fille émerveillée par le monde, étouffée sous des couches de pessimisme, essayait tant bien que mal de s'extraire vers la surface, réverbérant l'espoir d'une avenir meilleur dans le coeur de l'albinos. Ces deux visions contradictoires entrechoquées dans le crâne de la pirate furent noyées sous une rasade de bière. Relevant ses yeux carmins vers l'imposante archange, la jeune femme sourit : Chercher le One Piece, bien sûr. S'il existe, je saurais probablement pas quoi en faire. D'un autre côté, je risque de mal le prendre si c'était une fable. Genre... apocalytiquement mal le prendre.
- *Tousse*

Ignorant le toussotement de sa manche gauche, Valendra s'avança sur sa chaise, reprenant une position moins ouvertement décontractée, avant de se pencher sur la table. Déposant son breuvage déjà aux deux tiers vide à côté d'elle, la belle albinos sortit un billet d'une poche, commençant à le plier et à le déchirer en de multiples endroits.  Tout en s'affairant, la jeune femme continuait de monopoliser la parole : "J'imagine que tu as tes raisons de ne pas être sur ton île flottante, je n'aurais pas l'impolitesse de demander pourquoi." Le billet prenait peu à peu la forme d'une petite araignée de 5 Berrys... ou d'un truc vaguement arachnéen de 5 berrys. "Par contre, si tu as des informations utiles sur la navigation le long de la route de tous les périls, je suis preneuse." La donzelle à peau blafarde glissa une main dans une bourse, en tirant une perle luminescente, qu'elle vint faire tomber sur la petite araignée en berry. Le papier but la lueur comme s'il s’agissait d'une goutte d'eau. Dans la seconde qui suivit, les yeux qui manquaient à la bestiole de monnaie apparurent dessus, tandis qu'en lieu et place de mandibules, une bouche souriante fit son apparition. La petite créature souffla gaiement un "Berr..." avant d'être interrompue par un doigt couvert de cuir. Baissant d'un ton, afin d'être sûre que seule son interlocutrice angélique puisse entendre, Valendra souffla : "Val, l'observatrice ?" Comme précédemment, Valendra prit une posture décontractée, le bras gauche pendant derrière le dossier de son siège. La manche de se même bras, décousue sur un pan, s'écarta lentement de la peau pâle de l'albinos, permettant au Valravn de jeter un oeil. Il murmura au même timbre de voix : "Troisième en partant de la gauche, derrière toi." "Tu as entendu monsieur, va discrètement surveiller. Si jamais je bouge de ma table, tu me rejoins."

La jeune femme marqua un temps d'arrêt, avant de sourire à Ishtar.

- Je sais que j'avais dis que je ne demanderais pas, mais je suis juste trop curieuse : qu'est ce qu'une jolie volaille comme toi fait dans le coin ?

- Hmmm...

Valendra écoutait religieusement les explications de la Bilcane, notant mentalement chaque instrument nécessaire, chaque détail important. La Route de Tous les Périls ne portait pas ce nom par hasard : si les boussoles n'indiquaient plus le nord, naviguer dans ces eaux sans ce fameux Log Pose relevait de l'impossible. L'idée d'un tel chaos naturel enchantait la belle albinos, qui savourait l'idée de dériver et de croiser des îles encore vierges. Et, tandis qu'elle écoutait, l'araignée-billet se lançait dans la grande traversée du plancher. Le courant d'air causé par un déplacement de tabouret fit voleter le petit homie de papier sur plusieurs mètre, rallongeant son périple de moitié. Mais, courageuse petite araignée tenait bon et s'approchait inexorablement de la table de la vampire.

- Jamais entendu parler de ce monsieur, désolée, souffla la jeune pirate en haussant les épaules, avant de poursuivre un peu plus bas : mon petit billet fait son chemin vers la dame, il reviendra avec des nouvelles. Mais j'avoue manquer cruellement de patience...

L'araignée-berry était près du but, si près du but. Encore quelques centimètres et elle atteignait le pied de table visé. Le petit homie avait échappé de peu à l'écrasement par talon de poivrot, il était temps de remplir sa mission. Du coin de l'oeil, le construct de monnaie remarqua sa maîtresse qui se levait, en se dirigeant vers le comptoirs. Après une seconde d'hésitation, l'araignée se glissa le long du pied de bois, se faufilant jusque sous le plateau circulaire de la table, attendant, écoutant. Mais, rapidement, le bois vibra sous ses pattes de papier, tandis que quelque chose était lourdement posé juste au dessus.

- La poulette a ma table est une grande timide, mais elle a un faible pour les pâlottes... De l'autre côté de la table, au dessus, Valendra avait une main posée sur l'épaule vampirique, l'autre déposant une chope remplie devant la dite vampire. L'araignée-berry fronçait les sourcils, voyant l’intérêt de sa mission chuter sévèrement. Elle vous offres ce verre... et elle ne l'avouera jamais, mais elle meurt d'envie d'être à votre table.

Après ces quelques mots, la belle albinos se redressa, donnant un peu d'espace à la pâle suceuse de sang. Elle lança un regard vers la table où Ishtar, ainsi que sa propre bière, demeuraient et leva le pouce dans sa direction, en guise d'encouragement. Avant de se lever et de commander ce verre pour la vampire, Valendra n'avait absolument pas expliqué ce qu'elle comptait dire. L'albinos avait prit soin de préparer une perle d'un mois d'âme entre ses doigts et profita du petit tapotement sur son épaule pour infuser ses vêtements. Sa main laissée posée sur l'épaule féminine permit également de museler la bouche du homie, afin qu'il ne se grille pas d'entrée de jeu.

Une fois son petit numéro effectué, Valendra revint nonchalemment s'assoir aux côtés de la Bilcane, reprenant sa boisson pour en terminer la dernière rasade d'une traite.

- J'aurais dû penser à en reprendre une en même temps que pour ta future petite-amie... La donzelle se frotta le menton. Je vais m'en reprendre une, je te paie un truc, poulette ?

L'araignée-berry ne savait plus quoi faire. Devait elle continuer à espionner ? Devait elle abandonner face à l'inutilité de son existence ? Ravalant une larme, le petit billet sauta sur la jambe de la servante, essayant de trouver son chemin jusque sous ses vêtements.

Coupée dans son élan de culot, la belle albinos reçut un violent coup de pied dans le ventre, s'envolant sur deux mètres pour aller rouler dans les pieds d'une chaise. Ni elle, ni Valravn n'avait vu le coup venir, ni les muscles abdominaux de la donzelle, ni le cuir de sa tenu, ne s'était contracté pour encaisser le choc. Pendant que la vampire crachait son venin de supériorité, la pirate recrachait la bière presque pure, à peine teintée par les acides gastriques qu'elle contenait, sur le plancher. "Oï, oï !" grogna le homie de cuir, détachant son visage du biceps féminin, pour mieux observer la scène. "Reprends toi poupée, la pâlotte déconne pas. Elle a plus de sujets que tu n'as de minutes à vivre, m'est avis." Valendra toussa bruyamment, les coudes plongés dans la large flaque de liquide nauséabond, son visage juste au dessus de ses relents écoeurants. Elle eut un haut le coeur, avant de cracher un filet lumineux, qui vint disparaître dans la flaque. Après avoir craché un reste qui lui arômatisait la salive, la belle albinos se mit à genoux, pour constater le chaos de la situation. Du coin de l'oeil, Valendra remarqua une femme-loup s'attaquer au reste de la clientèle, pendant que l'ange était aux prises avec un destructeur de portes...

- T'ain, la saloperie... Val, bouche mon nez et fais une arrivée d'air jusqu'à mon visage. Et Gerby là... enrobe ma face pour pas laisser une mouche passer.
- Vomiii... Gerby ? Ok maîtresse !
- Eheh...

Son masque glissa sensiblement vers l'avant, tandis que Valravn bouchait totalement le conduit nasal de la jeune femme à l'aide de son cuir. Se redressant, la donzelle soupira en voyant la masse bourdonnante arriver, se faisant remarquer que trucider du nuisible, masquée de son propre vomi, n'était pas au programme de sa journée. Reculant de quelques pas, tandis que les premiers insectes volants venaient s'écraser dans sa protection liquide, Valendra buta contre une table. Se retournant rapidement, elle s'accroupit pour en saisir les pieds. "Valravn, les bras et le dos, on ventile !" rugit la jeune femme, commençant à tirer sur le meuble. La combinaison de cuir sembla onduler le long des courbes de la belle albinos, ses jambes s'épluchant jusqu'à l'aine, son ventre se libérant également. Le cuir retiré vint couvrir les bras, les épaules, ainsi que le dos de la jeune femme. Elle se contracta alors, se redressant en soulevant la table bien plus aisément que son gabarit le laissait suggérer. La donzelle profita de son élan pour pivoter, brassant l'air de sa table, créant un souffle suffisamment fort pour disperser les mouches. Un répit d'une seconde ou deux, avant qu'ils ne se remettent de leurs émotions. Après avoir lâché le meuble dans la direction approximative de la porteuse velue, sans grand espoir de toucher, la pirate espérait bien faire compter chaque seconde arrachée à l'essaim.

Valravn n'avait pas encore commencé à recouvrir les parties dénudées du corps de sa maîtresse que celle ci s'élançait vers le comptoirs, roulant, plus que sautant, par dessus, pour foncer vers ce qui semblait être la réserve de la taverne. Elle déboula dans la cuisine, face à un cuistot qui était applatit contre le mur du fond. L'ignorant, la jeune femme se saisit vérifia que sa chaîne était toujours enroulée autour de son bras, avant de le plier. Souriant, la jeune femme posa un genou à terre, prenant son poing serré dans sa main, afin d'appuyer ses coups de coudes chaînés. Tandis que les insectes vrombissant s'engouffraient dans la pièce. Elle commença alors à méthodiquement fracasser les robinets. L'albinos prit une profonde inspiration, avant d'arracher son masque de bière rendue.

- Gerby, tu vas picoler !

Le blob de vomi tomba dans la flaque rapidement grandissante de bière, rhum et vins, dans un mélange trouble, sombre et moussant. Le pauvre petit homie dégueuli se dilua rapidement dans l'infâme mélange. Cependant, alors qu'il pensait se perdre dans cette immensité alcoolisée, le petit Gerby voyait, tomber des cieux, une douzaine de perles lumineuses tomber d'une bourse renversée. Le homie, ainsi que les six tonneaux de divers breuvages alcoolisés, furent infusés d'un an. Le petit Gerby sentit tout ce flot le remplir, le grandir. Il était désormais bien plus qu'une petite flaque de vomi... "Gerby, protège !" Le homie acquiessa joyeusement, avant de s'écraser sur sa maîtresse. Il noya rapidement les mouches présents dans les premiers centimètres autours du corps de la belle, utilisant ses bras actuels - l'écoulement des boissons hors des tonneaux, ainsi que ce que ces même tonneaux contenaient - pour soulever ces coques de bois, s'en servant de projectiles contre tous les insectes qui se trouvaient dans la trajectoire. Libéré des tonneaux, Gerby s'applatit, créant une sorte de large éventail avec lequel il frappait la nuée. Engluées dans le liquides, les mouches avaient les ailes alourdies et s'écrasaient sur le sol, tandis qu'elle suffoquaient sous les vapeurs d'alcool. Une fois qu'aucune mouche ne bourdonnait à moins d'un mètre de sa maîtresse, Gerby retira le cocon alcoolisé de la donzelle. Elle toussa bruyamment, les joues rosies. Visiblement, elle avait bu la tasse là dedans et ce concentré de boisson festive la rendait joyeuse... "Dans... la salle." Elle avança d'un pas sûr vers la salle de bar, le homie repoussant tout insecte qui tentait de s'approcher. Elle s'arrêta stratégiquement à la porte, permettant à son nouveau homie de l'obstruer presque totalement, créant des petits trous destinés au passage du son.

- Un verre offert, ça ne se refuse pas. Je te jure que tu vas boire...

Pendant que l'albinos en combinaison de cuir jouait à claquer des mouches à coup de boisson, les clients commençaient gentiment à se faire boulotter par la servante. Valendra avait pitié de cette pauvre fille, qui obéissait à quelqu'un de beaucoup trop imbue de sa place dans ce monde. Il était temps de lui montrer la futilité de sa vanité.

- Hey les boulets ! Ramenez vous ! hurla l'albinos, avant de pointer l'autre pâlotte du doigt. Et toi, je vais foutre ton âme dans un jouet à mâcher pour ta chienne.

La vampire comprenait vite et réagissait... avec une grenade ? Valendra se retourna précipitamment, avant de bondir tant bien que mal. Gerby se contracta, ramassant tout son volume dans l'encadrement de la porte, s'épaississant en fronçant les sourcils. Rampant rapidement au couvert relatif de la grande table de cuisine, encore couverte des quelques commandes de ceux qui avaient prévu de gober autre chose que des mouches. Une partie du mur vola en éclat, sous la détonation, envoyant échardes et gravats dans les plats. Mais le gros du choc fut encaissé par le homie festif, qui se bomba comme une voile visqueuses, envoyant quelques gouttelettes sombres qui, à mi chemin, s'embrasaient. "Maîtresse ! Je brule ! Aidez moi !" L'albinos grogna, fonçant, accroupie, vers le mur au pied duquel le coq s'était recroquevillé. L'attrapant par l'épaule, elle le força à la regarder.

- Profites en pour faire un calin à la chienne, Gerby, je m'occupe de l'insecte !
- Oooooossssss !

Le construct de torche liquide tomba au sol, formant une écume incandescente qui roulait vers Mina. La chaleur dégagée par l'alcool était intense, ce qui alourdissait nettement l'atmosphère. Une table proche, encore couverte de pintes de rhum, prit feu, Gerby "buvant" une choppe en passant, avant de s'agrandir pour faire la hauteur de la servante canidée. De son côté, Valendra souriait méchamment au cuistot, qui la fixait assez peu rassuré, une fine vapeur luminescente commençant à s'échapper de ses épaules.

- Je t'emprunte ton âme...

Elle attrapa les filaments lumineux, tirant pour en arracher une plus grande partie. L'ensemble se déchira, faisant manquer une palpitation cardiaque à l'homme. L'albinos n'avait pas finit, arrachant une deuxième poignée de brume, qui enveloppaient désormais ses mains. En se redressant, la jeune femme constatait le carnage : la table et les contours du trou crée par la grenade brulaient tranquillement, pendant que le homie immolé laissait une trainée inflammable dans son sillage, ce qui ne manquait pas d'attaquer le plancher et les tables environnantes. "Tchh... " Munie d'un an de vie dans chaque main, elle réveilla le coq - rendu inconscient par la ponction de ces deux ans de sa vie - d'un léger coup de talon dans les côtes. "Où est la réserve ?" Le coq respirait difficilement, de la brume luminescente s'échappant toujours de son corps. A peine avait il pointé une des deux portes du doigt que Valendra y donnait un coup d'épaule en hurlant, pour que sa voix parvienne à la salle principale :

- Robe ! Chevilles ! Boulets, vous explosez la pâle aux mouches !

Pendant que la jeune pirate s'introduisait dans les réserves de nourriture de l'établissement, le vêtement de la vampire se mit à crier joyeusement "Rooooooobe attaque !" en laissant ses bretelles glisser sur les épaules blafardes, avant que l'ensemble ne rampe le long du corps féminin jusqu'à ses chevilles, où elle s'entortilla pour limiter ses mouvements. Dans l'entrée défoncée, deux boulets de canon trônaient là, leurs faces incrédules observant la scène. "C'est le merdier là dedans," souffla le premier. "On s'en fou !" hurla le second, roulant à toute berzingue en direction d'Ujlaki. Le but évident était d'exploser à ses pieds ficelés.

Dans la réserve, Valendra laissait ses yeux glisser rapidement sur toute la poiscaille morte qui dépassaient de tonneaux tapissés de sel. Comme elle s'en doutait, il y avait aussi de la viande et, notamment, quelques poulets en cage, prêts à être égorgés. Mais si l'idée d'un guerrier poulet lui avait traversé l'esprit, la donzelle cherchait un moyen de contenir le feu que Gerby, poursuivant l'hybride lycaon, propageait. Son regard s'arrêta sur un tonneau rempli de sel. Après une seconde d'hésitation, elle posa les mains dessus, enfouissant ses doigts dans les grains épais, avant d'infuser le tout d'un an et dix mois de vie. Et, pendant que le baril de sel s'éveillait à la conscience, chantonnant des "Seeeeel ! Selselsel !" sa créatrice localisait un tonnelet de poivre et quelques bocaux d'épices variées, se concentrant sur le tonnelet pour en infusant le contenu des deux mois restants au poivre. Coulant hors de sa maison de bois, le petit tas sombre attrapa un moulin, qu'il goba, le faisant disparaître dans sa masse. "Huff... Poipoi...vre... snif..." Le construct éternua, envoyant un petit nuage de lui même. "Poivre, suis moi. Sel ? Tu vas être une seconde peau. Laisse juste mon visage libre." souffla la belle albinos en souriant. Poivre sauta au sol et se mit à ramper comme une limace, tandis que sel prit s'éleva en drap d'un blanc d'une pureté inégale, parfois taché de crasse. Le golem de sel enveloppa sa créatrice, glissant sur son corps déjà couvert de cuir en émettant un grattement sonore, avant de se mettre en place. Jusqu'alors noire, Valendrait devenait blanche, couverte de grains scintillants par endroits, ternis à d'autres. S'avançant dans l'embrasure de la porte de la cuisine... ou du moins ce qu'il en restait, l'albinos croisait les bras en regardant le pauvre Gerby s'évaporer sous la chaleur, avant de sourire en se concentrant sur la vampire, afin de voir si le duo des boulets de canon et de la jupette avait fonctionné.

- J'espère que tu vas mieux supporter la chaleur que tes mouches, blanche fesse, si tu veux pas cuir...

Et Ishtar dans tout ça ? La belle albinos n'avait pas spécialement envie de faire rôtir la poulette, mais elle n'avait pas le temps de s'inquiéter du sort de sa camarade de boisson, déjà bien occupée. Pourtant... "P'tit poivre ? Va aider l'ange la bas. Si tu pouvais éternuer dans le nez de son adversaire, ce serait parfait." "O... oooo... ok." renifla le construct de poivre en réponse, avant de rouler en direction de l'affrontement entre Draksos et la Bilcane.

N'ayant pas repéré la grenade paralysante, Valendra traversa la cuisine qui commençait à prendre feu tranquillement. La jeune albinos s'apprêtait à rappeler Gerby avant qu'il ne sorte, décidée à le garder en vue. Mais l'engourdissement rapide de ses membres la stoppa net. Tournant la tête, elle vit les débris de la capsule, serrant les dents. En relevant la tête, malgré une nuque raide, la pirate ne put que constater la multiplication des Ujlakis. La situation avait prit un tournant critique.

- Valravn, je te laisse le contrôle. Sel, poivres, vous lui obéissez.

Forçant sur ses muscles engourdis, mâchoire contractée, la jeune femme commença à se recroqueviller en position fœtale. La combinaison de cuir ondula autour de son corps, libérant ses bras et jambes, avant de l'envelopper dans une poche de cuir. Le homie plaça ses deux chaînes plus courtes de part et d'autre du corps en boule de sa maîtresse afin de la protéger. Le bras gauche lui servant de tête, Valravn utilisa ses lanières du dos pour se faire quatre pattes, maintenant ainsi sa stabilités, tandis que les anciennes jambes du costume poussèrent le talon aiguille en acier, cousu dans le cuir. La matière du homie qui couvrait auparavant le bras de Valendra s'enroula autour de la longue chaîne. Ses yeux et son sourire rougeoyant fixèrent la - les - vampires, avant de grogner :

- Eh, elle a encore eu les yeux plus gros que le ventre. Sel, fait un grillage devant mon bide, pour cisailler les mouches qui s'approcheraient... Poivre ? J'vais élaguer la vampire et tu vas venir cracher au visage de la bonne !
- Ok m'sieur Val' !
- O... ooootch...Ok.

Le homie de sel se coula autour du "ventre" de son grand frère de cuir,  son visage juste au dessus de celui de sa maîtresse. Valravn, lui, fit claquer sa châine contre une table, en fendant plusieurs planches, avant d'envoyer son fouet d'acier balayer la vampire et sa clique de clones.

A peu près à ce moment là, une charrette avec deux tonneaux de poudre, un tonneau de rhum et pas mal de viande séchée et salée essayait de passer la porte.

- Maîtresse ! Je brule ! Y a un tas de bibine en feu qui m'a cramé en me percutant !

Valravn avait beau regarder, le harcèlement des clônes et le voile de mouches obstruaient totalement sa vue. Reculant de quelques pas, il utilisa l'un de ses pseudo-bras à talon pour s'enrouler autour de la chaîne, la raccourcissant afin de faire tournoyer plus rapidement le restant. "Hnnn !" Veine tentative de défense, face aux griffes vampiriques, propulsées à la vitesse de balles dans le ventre du homie. Perçant aisément le cocon de sel et le cuir du homie, les ongles d'Ujlaki se frayèrent un chemin dans le corps de Valendra. L'albinos hoqueta à peine, son corps tétanisé en position fœtale.

- Oï, oï ! La pellicule de sel commença à rougir en 10 points. La pirate toussota, crachant quelques gouttelettes rouges. Me claque pas dans les pattes, grogna Valravn. Le homie de cuir s'élança au travers de la fenêtre la plus proche, interposant son bras chaîné au corps de sa maîtresse, pour lui épargner le choc.
- Tchhh... Il se passe quoi dans le coin ? La maîtresse vient juste de me cracher. Je coulais déjà contre sa gorge et j'ai rejoins les plaies. R'garde ! Une petite demoiselle écarlate s'extirpait hors du cocon de sel, perdant quelques goutelettes au passage. Etirant son bras gauche en fil sanglant, la petite homie grimpa sur le cocon de sa créatrice. Sa main droite semblait s'étirer en mince feuille emprisonnant les ongles acérés d'Ujlaki pour former une épée grossière.
- Que... T'es qui to...
- AAAaas... tsss... TCHOUM ! Trouvée !
- Mais...
- Trouvé qui ?
- Femme, pâle, pleine de mouches, crée des clones pour se cacher avant de frapper.
- Ca explique les ongles qui s'étaient taillés leur chemin dans la bidoche.

Valravn avait à peine posé une patte dehors que ses lanières se ratatinaient, avant de le repropulser à l'intérieur. Monsieur Poivre avait joué son rôle d'observateur, s'éloignant de l'écran de mouche comme un tas de poussière ou de cendre poussé par le vent. La véritable Ujlaki était la seule qui avait crié en faisant pousser ses ongles, ce qui la rendait repérable pour un observateur extérieur. Se retenant un maximum, il se mit en rouleau autour de son moulin à poivre, fonçant vers elle avant de lui sauter dessus. Accroché à sa cheville, il lui éternua bruyamment sur le mollet, avant de hurler. Quand le homie de cuir entrait de nouveau dans le bar en flammes, le homie de poivre s'étirait pour attraper la chevelure de la Bathory, essayant de s'en servir pour se balancer jusqu'à sa face. S'il y parvenait, P'tit Poivre aurait alors tout le loisir de lui tabasser le visage à coup de poivrière, en lui éternuant dans le nez.

Cette grosse limace sombre tranchait admirablement avec la peau de porcelaine d'Ujlaki, la trahissant dans sa masse de clone. Valravn saisit l'opportunité, avant que la vampire n'actualise ses clônes d'une quelconque façon, essayant de sa chaîne. De son côté, la petite homie de sang se répandit sur la dite chaîne, coulant sur sa longueur pour en atteindre la pointe. Si ce mode de locomotion lui permettait de maintenir sa prise en serpentant entre les maillons d'acier, elle n'aurait pas le temps de voir le premier coup de Valravn, encore à mi chemin.

Ainsi, la vampire s'enfuyait, estimant être en sous nombre face à cette pirate seule. Mais Ujlaki avait bien mesuré la menace que représentait l'albinos... S'étant elle même débarrassée de sa garde du corps, la Bathory se battait effectivement contre trois adversaires différents et ce alors même que son ennemie principale était hors combat. Ce n'était que partie remise, l'orgueil de la dame l'empêchant d'accepter une quelconque opposition de la part d'une inconnue telle que Valendra. Si l'on pouvait considérer cela comme une victoire pour le compte de la jeune pirate, c'était une bien amère victoire. Après tout, la vampire était indemne, son ego mis à part, tandis que l'albinos avait dix trous repartis sur tout son côté gauche. Incrédule, Valravn la regarda s'éclipser, après qu'elle eut esquivé son coup de chaîne. En la voyant s'éloigner, il rappela le homie de poivre, qui se laissa tomber au sol, avant de ramper dans sa direction. La combinaison vivante emmena sa maîtresse hors du bâtiment en flammes, estimant que la chaleur et la fumée n'était pas tellement avisé pour une personne qui venait de se faire trouer le flanc.

La populace, attirée par les quelques survivants du massacre perpétré par Mina, puis Ujlaki, ainsi que par le fait que le bâtiment commençait à se changer en feu de joie. La plupart gardaient une bonne distance, préférant éviter de se bruler, mais plusieurs personnes couraient déjà dans d'autres directions, dans le but d'aller chercher des secours compétents. Quand Ishtar s'enquit de l'état de la belle albinos, ce fut Valravn, son protecteur de cuir, qui répondit :

- Ca va pas fort, j'dirais qu'il faut un toubib... le visage de cuir se tourna vers la populace, puis revint à Ishtar. Là elle est tétanisée à cause d'une grenade paralysante et elle a été trouée par une attaque de l'autre fille.
- Des trous qui vont de 5 à 10 centimètres de profondeur. Le poumon a morflé... Renchérit la petite homie de sang, qui se laissa couler de la longue chaîne de Valravn, pour atteindre le sol et se diriger vers le cocon de sa maîtresse. D'ailleurs, bouge le tas d'sel, j'vais voir si je peux pas faire arrêter le saignement.

Et, tandis que la couche de sel qui recouvrait le corps recroquevillé et déjà enveloppé de cuir de Valendra glissait sur le côté, pour former un humanoïde blanc, étincelant et moucheté de crasse, la charrette qui contenait les courses de la pirate restait près de la porte, toujours en train de cramer. Il le rappela d'ailleurs à ses frères et sœurs homies :

- Oooohééééé ! Je brûle toujours, si ça intéresse quelqu'un.

A peine avait il finit sa phrase que le bois du premier tonneau de poudre devenait bien trop noir, rongé par les flammes. Le feu atteignit ainsi cette poussière explosive, détonant en soufflant Ishtar, Valendra et les homies présents, les envoyant rouler un mètre sur plus loin. La devanture de la taverne, déjà salement amochée par l'explosion des deux boulets de canons, ainsi que par l'incendie qui gagnait en intensité, se retrouva totalement soufflée. Le tonneau de rhum éclata à son tour, répandant son contenu dans la rue... contenu qui se changea à son tour en feu de joie, créant un tapis de flamme pour tous ceux qui voudraient ne serait ce que s'approcher du bâtiment. Faisant son possible pour préserver Valendra pendant la roulade, Valravn fit un état des lieux, constatant que Sel avait perdu la moitié de sa masse dans l'explosion, tandis que poivre n'était visible nul part, probablement totalement pulvérisé. La combinaison vivante réalisa alors que ces deux homies s'étaient probablement sacrifiés, afin d'éviter que leur maîtresse ne subisse l'onde de choc de plein fouet... Qu'Ishtar profite également de cette protection n'était probablement pas la priorité de Sel et Poivre, mais le résultat était là. Contemplant l'incendie, Valravn reprit :

- Tchhh... Avec Valendra paralysée, j'peux pas faire des homies aussi bien qu'elle, même si elle me donne des morceaux d'âme. En plus, elle a encore jamais réussi à transformer du feu en serviteur, donc j'suis pas sûre de pouvoir aider avec l'incendie. Puis franch'ment, les trous dans son flanc m'inquiètent davantage.