Beau de ruche

Nils prit peur quelques secondes lorsqu’Ishtar lui attacha un pagne. Le cœur battant la chamade, il n’était pas prêt à se sentir si prêt de la bête qui lui avait donné de nombreux cauchemars. Néanmoins, le vieil homme fut rassuré de voir que la bestiole n’avait pas attenté à sa vie. Une discussion s’imposerait d’elle même très bientôt mais pour l’heure, il était plutôt concentré sur les besoins en soins des différents protagonistes. Invectivant sa femme de prendre soin des petits, Nils irait alors solliciter le psychiatre afin de lui demander une petite faveur entre confrères. L’homme était connu de nom par le grand-père, bien qu’il eût une opinion très peu favorable des psychiatres, il avoua bien plus tard qu’ils pouvaient être aidant pour la population même s’ils restaient des planqués à ses yeux, des sortes de médecins ratés qui avaient choisi de ne pas vraiment exercer pour se concentrer sur quelque chose qui ne pouvait pas se voir vraiment.


Vous passerez alors ?
Le grand-père savait qu’il serait parfaitement incompétent pour traiter d’un trauma surtout s’il s’agissait de ses petits-enfants. Bien trop habitué à gérer la bobologie ou tout autre élément bien plus terre à terre, sans compter que le rapport familial nécessitait de prendre du recul, chose que l’ancêtre était incapable de faire. Acceptant de bonne grâce, le rendez-vous était pris. D’un simple coup d’œil avec un hochement de tête, Nils indiqua à sa femme de rentrer avec les petits afin de les mettre en sécurité. Il comptait finir la basse besogne pour sauver ce qui pouvait l’être les rides au vent, son petit bout bien protégé.

Il faudrait bien une bonne heure pour remettre sur pieds ceux qui nécessitaient les plus grands soins. Arrivant au bout de son dernier patient à stabiliser, Nils essuya son front plein de sueur avant de se désinfecter les mains à l’aide d’outils qu’on lui avait apporté. Agir de la sorte en pleine campagne n’avait pas franchement eu le don de l’exciter, il préférait de loin le confort de son laboratoire ou autre. Tournant la tête en direction de Ishtar, Nils fronça les sourcils comme s’il l’inspectait de haut en bas. Le pauvre vieillard ne savait toujours pas comment prendre cette femme immense ni même comment faire pour percer à jour ses secrets.

Prenant son courage à deux mains, le vieil homme s’en alla dans sa direction l’air déterminé. S’il n’était pas très convaincant habillé de la sorte, il n’en restait pas moins anxieux à l’idée de reparler à une telle créature. Bafouillant quelques mots, il ne parviendrait certainement pas à se faire comprendre si ce n’est une simple phrase.


Retournons à la ferme.
Si la femme ailée acceptait, alors le duo partirait en direction de la ferme familiale des Gratz. Le voyage se passerait en silence si Ishtar ne parlait pas car Nils restait vraiment perdu à l’idée de se retrouver avec la bête à plume dont il avait si peur. Aujourd’hui, il ne connaissait encore rien des fruits du démon et des malédictions qui y étaient associées. Une discussion s’imposait et surtout le plus vite possible.ec la bête à plume dont il avait si peur. Aujourd’hui, il ne connaissait encore rien des fruits du démon et des malédictions qui y étaient associées.

Si aucun autre évènement ne venait perturber le duo, alors le vieillard conduirait la De Lérhanne au sein de son laboratoire. Lorsqu’il aurait fermé la porte c’est là qu’il exploserait presque de colère pour demander des comptes. Qui était-elle ? Que faisait-elle vraiment ? Qu’est-ce qu’elle attendait du vieil homme et surtout... qu’est-ce que c’était que cette bête ailée monstrueuse !?

Beau de ruche

Est-ce que la grande dame était en train de se foutre de sa gueule ? Un océan au-dessus d’un autre ? Une personne anormale juste dans ses terres ? Mais qui était ce monstre hors du commun ? Le sang montait totalement à la tête du grand-père qui ne parvenait tout simplement à se calmer. Il avait refusé de lever la main sur quoique ce puisse être et faisait maintenant les cent pas dans le laboratoire. Des fioles de toutes les couleurs et un liquide en ébullition sur la paillasse offraient un léger bruit de fond. Le vieil homme en était à se retourner par moments comme pour dire quelque chose mais se ravisait avant de reprendre la déambulation.

Finalement, Nils avait les sourcils enfoncés dans son crane tellement son esprit était en ébullition lui aussi. Il ne pouvait supporter ce calme insolent dont faisait preuve la créature... une sorte de jalousie déplacée qu’il ne pourrait très certainement pas s’avouer. Agitant son index comme s’il cherchait ses mots, Nils en vint à parler toujours plus fort que prévu.


T’es vraiment... pédante ! Ishtar de Lérhanne !
C’était sorti comme ça... gratuitement. C’était comme si les réponses de la grande dame ne le satisfaisaient pas mais qu’il n’avait pas la possibilité de répliquer convenablement. C’était comme si, dans le délire de la grande dame, tout paraissait logique... comme s’il savait au fond de lui qu’elle disait vrai. Il était tout bonnement inconcevable pour le Gratz de simplement penser avoir tort.


Une mer dans le ciel, des fruits du démon... et mon cul c’est du poulet ?
Et voilà. Maintenant qu’il était hors de lui, Nils en devenait condescendant à tel point qu’il en devenait insultant. Il était évident qu’il avait besoin de reprendre les bases des bases, ne sachant même pas les termes utilisés. C’était de plus en plus puéril, Nils retournait en enfance avec des arguments inexploitables et totalement fallacieux. Non, il n’était de toute évidence pas sensible à la réassurance. Il fallait néanmoins le comprendre : un vieil homme qui voyait son monde bousculer de la sorte, il était évident que c’était déjà un élément bien trop gros pour lui.

Reprenant sa marche frénétique, Nils tentait tout de même de réfléchir et c’était pas gagné. Il venait même à répéter frénétiquement le terme de fruit du démon... ça lui disait vaguement quelque chose mais son esprit restait persuadé que ce n’étaient que des conneries. En réalité, il en avait vaguement entendu parler par son grand-père mais n’avait jamais cherché à aller plus loin. Est-ce qu’il allait finalement être capable d’entendre les paroles de la grande dame ?

Beau de ruche

C’était débile, complètement idiot même. La grande dame n’aurait pas eu à attendre et avait même bénéficier de beaucoup d’occasions si elle avait décidé de faire du mal au vieillard. Depuis le jour de leurs rencontres jusqu’à aujourd’hui, elle n’avait effectivement jamais choisi d’attenter à la vie de l’ancêtre. Nils parvenait difficilement à y croire en revanche, c’était comme si tout en lui lui disait de se méfier alors qu’il n’y avait pas la moindre raison. Ce n’est que lorsque la vieille bestiole insista à plusieurs reprises sur les fruits que le grand-père obtint un déclic... comme si quelque chose en lui venait de se débloquer. Une forme d’épiphanie avait percuté le Gratz rendant son visage bien plus agréable.


C’est comme...
Il réfléchissait à voix hautes malgré toute l’agressivité dont il faisait preuve. Nils ne tint pas en place mais s’arrêta d’abord de déambuler pour se diriger vers une étagère plus en retrait. Des fioles volèrent dans tous les sens et des feuilles s’envolèrent alors qu’il semblait chercher quelque chose. Ce ne fut que lorsqu’il prononça un “ah !” sonore que tout le boucan s’arrêta. Bien plus calme et déterminé, il avait retrouvé un coffre couvert de poussière. Des formes étranges étaient dessinées sur le couvercle ainsi qu’un texte dans une langue que le vieil homme n’avait jamais connu et qui ne parlait vraisemblablement à personne. Sans doute s’agissait-il d’un effet de style. Des gravures supplémentaires et dorées ornaient l’ensemble des contours avec une serrure cassée depuis longtemps. A l’intérieur, un velours était posé au fond de cette petite boite tandis qu’un fruit en forme de pomme violette reposait à l’intérieur. Pas une once de vieillissement, de nombreuses spirales dorées comme décor, le fruit présenté était de toute évidence un fruit du démon.

Nils déposa la boite devant l’ange avec les sourcils froncés en l’ouvrant, révélant ainsi le trésor qu’il contenait.


C’est ça que vous voulez hein ?! C’est le trésor des Gratz depuis plusieurs générations...
Nils l’avait gardé depuis plusieurs générations. Personne de sa famille n’avait osé le manger. D’après les légendes qu’ils se racontaient entre eux, les Gratz avaient vu poussé ce fruit tout simplement, dans un arbre dans un de leurs vergers. Aucune légende n’avait vraiment côtoyé les Gratz, aucun pouvoir ni même aucune péripétie digne de ce nom.

La bilcane accepterait-elle de prendre le fruit avec elle, trésor de la famille de l’ancien ? Après tout, elle avait beaucoup insisté sur les fruits et bien que ce ne soit pas vraiment cohérent, Nils restait persuadé qu’elle était là pour une véritable raison. Absolument pas au fait des malédiction, Nils n’avait aucune idée de la valeur ou aucune idée du fait qu’il était impossible de consommer deux fruits du démon. Non, pour lui, offrir ce fruit était purement et simplement un moyen de protéger sa famille une fois de plus. Viendrait un jour où il devrait aller encore plus loin, aujourd’hui avait été la preuve qu’il était loin de pouvoir prendre soin d’eux comme il le désirait réellement. Cette offre était le témoignage qu’il était prêt à tout pour protéger ses petits-enfants et sa famille de façon générale.

Beau de ruche

Miam.

Nils n’avait pas attendu la fin du monologue de la de Lérhanne pour croquer dans le fruit. De ce qu’il comprenait, ce bijou de famille risquait de mettre en danger sa famille et le seul fait de le savoir avait secoué l’échine du vieillard. Non, il était hors de question de laisser un tel danger ici. En à peine quelques millièmes de secondes, le vieillard eut un soubresaut tant le gout d’un tel fruit pouvait s’avérer immonde. Nul doute que de le garder enfermé dans un petit coffret n’avait pas arrangé ce gout tout bonnement immangeable. Le vieil homme regretta déjà son choix et se refusa à manger davantage du fruit. Un nouveau frisson le parcourut tandis qu’il secouait la tête... décidément le gout ne voulait pas s’enlever.


Dégueulasse. Maintenant qu’il est abimé, notre famille ne risque plus rien ?
L’ignorance du grand père était sans limite. S’il avait pu choisi de le détruire, il avait préféré le manger : chose tout à fait illogique pour tout esprit humain mais les Gratz étaient une race à part entière. Dans le corps et le cœur du vieux médecin, aucun changement ne se produisit. Ce jour, le monde allait enfin découvrir le maudit du poison Nils Gratz même s’il n’était pas encore au courant. Nul doute que la légende Gratzienne avait commencé à se forger ce jour... malheureusement pour Nils, rien ne semblait le destiner dans son esprit à un tel destin.

Les fruits du démon étaient un mystère pour l’ancêtre et le grand-père n’aurait jamais pensé être maudit avec une simple bouchée. Pire encore ! Il ne savait surtout pas du tout ce que ça impliquait. Est-ce qu’une telle action sans préambule et surtout inadaptée allait faire perdre son sang-froid à la créature ailée ? Nils n’avait pour le moment aucun effet secondaire à l’absorption du fruit... et si finalement tout ce qu’avait dit la dame ailée n’était qu’une série de bêtises.


Rien. Nada. Visiblement, tu balances autant de conneries que tu es grande.
Au fur et à mesure que le vieillard parlait, un liquide violacé perlait au bout de ses lèvres sans qu’il ne s’en rende compte. Bien sûr qu’il était véritablement maudit mais seul lui ne le savait pas encore. Qu’est-ce que ça pouvait être ? Aucune personne n’aurait pu faire le rapprochement avec du poison dans la mesure où ce dernier pouvait revêtir bien des formes... était-il simplement maudit de l’eau violette ? Personne n’aurait pu le savoir. Une chose était néanmoins certaine : Nils était maintenant devenu un véritable danger.

Beau de ruche

Mais vous êtes complètement folle ma parooooooleuuuuarggh…
Nils n’avait tout bonnement pas pu terminer sa phrase. Le simple fait d’ouvrir la bouche le rendait malade comme il ne l’avait jamais vu auparavant : il dégobillait maintenant de véritables torrents de vomi empoisonné. Si son propre poison ne lui faisait rien, il était évident que le bois présent dans le laboratoire commençait peu à peu à émettre une certaine fumée caractéristique d’une attaque corrosive. Décidant de fermer la bouche pour éviter que ça ne se répande, Nils eut un regard totalement inquiet en direction de la bilcane. Persuadé d’être atteint d’une nouvelle maladie, il ne parvenait pas à saisir ce qu’étaient que toutes ces sécrétions. Voyant que ça attaquait finalement également les objets alentours, le vieil homme en vint presque par penser que son heure était finalement venue.

Nils tremblait maintenant. Il était évident qu’il ne parvenait pas à faire la part des choses et encore moins à comprendre ce qui était en train de lui arriver. Alternant sa pose de regard sur la femme ailée et son poison à même le sol, l’ancêtre ne savait plus quoi faire, il paraisait totalement affolé et perdu : et si lui aussi il se transformait en une sale bête comme elle ? Et si Nils, lui aussi en venait à se transformer en bête hideuse pleine de plume incapable de se contrôler ?

Le grand-père n’avait toujours pas plus confiance dans l’être céleste bien qu’elle n’ait montré aucun signe de véhémence ni même montré qu’elle se trompait. Bien au contraire, depuis le début, Ishtar de Lérhanne semblait être particulièrement au fait de ce qui allait se passer pour l’ancêtre. Le regard implorant presque, du poison commençait peu à peu à suinter en guise de transpiration. Le fruit du démon, la malédiction, en réalité il ne s’agissait ni de l’une ni de l’autre, il ne s’agissait que d’une fin terrible d’une maladie encore inconnue de l’ancêtre. Aujourd’hui, il comprenait que le fruit qu’il gardait depuis plusieurs générations n’était autre qu’un fruit démentiel ayant la vocation de contrer toutes les plus belles thérapies. Nils possédait aujourd’hui une arme de destruction massive qui n’était de fait, plus qu’en éternelle contradiction avec ce qu’il était profondément, lui, son métier et l’amour qu’il pouvait porter à ses petits-enfants.

Finalement, il se devait d’agir et dans un élan presque surhumain, il commença à choisir de sortir de dehors en trombe tel un zombie qui ne savait plus quoi faire ni où se mettre, comme si la solution ne pouvait se trouver que loin de la De Lérhanne et de cette malédiction. S’il parvenait à fuir, alors il se mettrait à courir en direction des champs totalement paniqué, du poison pour le suivre de près. Existait-il un moyen pour permettre au grand-père de reprendre ses esprits, tout ne reposait plus qu’entre les mains de la bilcane.

Beau de ruche

Le raisonnement était inaccessible à l’ancêtre : tout se passait bien trop vite dans son esprit et lorsqu’il partit en direction des champs, Nils ne put qu’accentuer plus encore son mal-être. Du poison commençait à faire dépérir les épis de blés qui n’attendaient initialement qu’à être ramassés, il aurait été aisé de suivre le vieillard à la trace. Le son de la forme totale fendant les cieux, les bruissements des ailes du serpent à plumes poussèrent alors le grand-père à se retourner. Peu habitué aux animaux exotiques, le Gratz sentit son cœur défaillir en voyant la bête ailée. Pire encore ! Et si cette dernière était venimeuse ?! Rien que d’y penser, le vieil homme pensa que c’était la fin de sa vie et ne put gérer cette situation de stress supplémentaire.

Une simple brindille de bois posée au hasard des champs craqua sous le poids et la course de l’ancêtre qui le déstabilisa au point de le faire tomber à la renverse. S’étalant à même le sol, le vieil homme se retourna sur les fesses pour percevoir que son destin allait simplement défaillir très vite. Paniqué, il leva la main droite alors qu’il tentait de reculer sur les fesses à l’aide de son autre main. Diverses gouttes de sueur perlaient sur le front du Gratz qui ne parvint qu’à articuler qu’un seul mot sous l’effroi.


Non !
La main tendue, les yeux fermés, le vieillard ne contrôla absolument pas la suite des événements et un jet de poison sortit de la main et de l’avant-bras de l’ancêtre. C’était surtout l’imprévisibilité de son attaque involontaire ainsi que le poison en lui-même qui risquait de mettre à mal l’être céleste. Si le désir du grand-père n’était que de vivre, il n’aurait jamais pensé que ça finirait aussi lamentablement. Si le premier être était encore plus abominable que la forme totale du serpent à plume, il n’en demeurait pas moins vrai que la situation allait devenir incontrôlable. Il était maintenant hors de contrôle et risquait de faire bien plus de mal que nécessaire.

La bilcane risquait alors de n’y voir d’autre solution que de mettre à mal le grand-père. Si l’immersion restait un moyen certain d’affaiblir un maudit, l’inconscience et le coma restaient des solutions parfois inévitables. Il ne restait surtout plus qu’à espérer que la de Lérhanne verrait une autre solution ou alors qu’elle ne fasse pas trop de mal à l’ancêtre. Il était évident que Nils restait un vieil homme fragile même si son destin l’appelait à de meilleurs résultats plus tard… bien plus tard.

Beau de ruche

Qu’est-ce qu’elle était en train de baragouiner. Le pauvre vieux était véritablement dans tous ses états et ne parvenait à faire autre chose que de paniquer. Peu à peu, c’étaient des tremblements qui le prenaient. La bouche ouverte, les narines dilatées par la peur, Nils ne parvenait à ressentir autre chose que la semi-géante lui voulant du mal. Les mots qu’elle prononçaient coulaient sur lui telle la rivière se déversant dans l’océan. Non, rien ne fonctionnait ou presque. L’ensemble du message de la bilcane restait inefficaces mais la ventilation que le vieux effectuait avec ses poumons lui permirent de saisir la dernière phrase.

L’image d’un robinet lui parvint en esprit. Le Gratz ferma les yeux pour se concentrer et tenter de fermer au mieux cet ustensile. Tourner à droite… tourner à gauche… et merde ! Dans quel sens pouvait-on vraiment penser la fermeture ? Impossible pour l’ancêtre de percevoir le bon sens, dans un sens comme dans l’autre dans son esprit, le poison continuait de se répandre autour de lui.

Nils cria une nouvelle fois dans la nature comme un homme préhistorique affolé. Plissant les yeux de plus en plus fort comme si ses orbites cherchaient à rentrer dans son crâne, il continua à respirer bruyamment comme pour se contrôler. Peu à peu, le poison arrêta simplement de se répandre, la flaque dans laquelle il se trouvait avait stoppé sa progression mais ne disparaissait pas pour autant. Attrapant les épis de blé flétris par la substance violette, l’ancêtre paraissait faire son maximum pour retenir le flux de son poison et de sa substance, il paraissait même être dans une situation particulièrement complexe : persuadé que s’il relâchait son attention, tout risquait de dépérir autour de lui.

Une larme roula sur la joue du vieillard qui restait persuadé que c’était la fin pour lui. Finalement, même si la force supérieure avait attendu bien longtemps pour se manifester et reprendre son âme, Nils se sentait pour le moins atterré par le fait que ça se produisait si « rapidement »… si seulement il avait eu plus de temps avec ses petits-enfants !

Les yeux plissés, concentré sur sa mort imminente et chialant presque comme un petit enfant, le pouvoir de Nils ne progressait plus sans que lui-même en ait conscience. Il faudrait alors compter sur la De Lérhanne pour y voir plus clair : le Gratz en était, lui, incapable.

Beau de ruche

Les paroles de la De Lérhanne, à force d’insistance, avaient réussi à pénétrer le cœur de l’ancêtre. S’il n’était pas parvenu à refermer ledit robinet, il restait néanmoins très attaqué par cette expérience soudaine et éprouvante. Ouvrant un seul de ses deux yeux, Nils observa un long moment tous les gestes de l’ange. Il était évident qu’il n’avait pas confiance mais cet état s’estompait autant que la fatigue l’envahissait. Les mots de la bilcane parvenaient enfin aux oreilles du vieillard qui ouvrit finalement le second œil avant de tourner la tête. Visiblement, il était épuisé de toutes ces péripéties de cette journée. Entre l’attaque, le cirque, ses petits-enfants et la malédiction, tout avait été bien trop rempli pour un pauvre vieil homme à la retraite.

Dans un geste désespéré, Nils tenta d’attraper le bras de la demie géante comme pour se reposer dessus. Finalement, il n’avait même plus assez d’énergie pour se battre contre elle, comme s’il avait finalement abandonné tout espoir. C’était plus ou moins le cas dans la mesure où le grand-père restait persuadé d’avoir trépassé. Se redressant de quelques centimètres, il parvint à saisir le bras tendu de la grande dame avant de basculer totalement vers elle, les yeux roulants dans les orbites du vieux ridé. Nils perdait simplement connaissance tant il était faible.

Il faudrait plusieurs secondes pour qu’il ne parvienne à finalement rouvrir les yeux une fraction de seconde pour sortir une seule et unique phrase, signe qu’il était bel et bien vivant… pour le moment tout du moins.

   
J’suis vraiment trop vieux pour ces conneries…
Tout redevint presqu’instantanément flou pour le vieillard. Fermant les yeux, il risquait alors de s’écrouler telle une larve à même le sol dans un sommeil de plomb. Avec un peu de chance, Ishtar s’occuperait alors de l’ancêtre du mieux qu’elle pourrait et ce sans difficulté : ne présentant aucune résistance, elle serait alors à même de le porter précautionneusement en direction de la ferme ou de tout autre endroit qu’elle jugerait opportun.

De son côté, la grand-mère terminait de prendre soin des petits. Krug était resté dans la ferme des Gratz sans trop se poser de questions. Après tout, il avait encore le fameux dispositif dans la tête qui n’attendait qu’à être enlevé. Rien n’était moins sûr quant à la probabilité du mercenaire à recevoir les soins adéquats étant donné l’état actuel du vieux médecin. Nul doute qu’il faudrait encore un temps pour le vieil homme afin de se remettre de toute cette aventure mais également un autre temps pour maitriser sa nouvelle malédiction.

Les petits ne s’étaient pas réveillés et dormaient paisiblement, peut être que cette journée avait été bien trop éprouvante et nul doute qu’elle aurait alors des effets particulièrement dévastateurs sur la psyché des enfants. Les Gratz devraient alors être alertes quant à leur développement… au moins pour un temps.

Beau de ruche

Linedea ne réagit que très peu à la grande dame. Le fait de voir son mari dans un sale état ne lui fit simplement que hausser un sourcil. Préparant la tambouille dans sa petite cuisine, la grand-mère était simplement attelée à éplucher quelques légumes. Dans quel pétrin pouvait encore s’être fourré son amant ?

Soupirant tout de même un instant, la vieille dame reposa son couteau pour indiquer à la demie-géante où installer l’ancêtre. Le vieux débris croulant risquait d’avoir de gros problèmes le lendemain matin mais il l’avait cherché après tout. Regardant les gestes prévenants de la bilcane, la mamie s’en retourna à sa préparation sans s’inquiéter plus que cela du sort de son mari. Il était évident qu’elle avait l’habitude des lubies Gratzienne pour avoir finalement choisi d’en épouser un. Faisant un « non » de la tête, elle se mit à repenser à sa douce jeunesse avant de mettre à bouillir un peu d’eau.

Linedea sortit deux tasses du placard avant de préparer un petit coffre sur le bar de la cuisine. Mettant en place quelques coussins à même le sol, elle attendrait un instant que l’être céleste ne revienne ou irait finalement la chercher pour lui dire qu’elle pouvait laisser le vieux débris roupiller en paix et se joindre à elle. Elle écouta attentivement toutes les paroles de la grande dame, hochant de la tête à quelques reprises avant de finalement reprendre comme si tout n’avait finalement que peu d’importance : après tout, elle aussi avait besoin de repos.


Vous pouvez vous installer ma petite…
Elle eut un petit rire en appelant la femme qui faisait bien cinq fois sa taille comme sa « petite » mais pour la grand-mère, toutes les femmes étaient des petites. Elle versa alors quelques plantes dans une tasse avant d’y ajouter l’eau bien chaude. Une bonne infusion digne de la grand-mère qu’elle était. Désignant les coussins d’un air ravi, la vieille dame offrit un vase infusé qui correspondrait sans doute bien plus aux besoins de la géante qu’une petite tasse.

Tout était bienveillant dans l’esprit de la grand-mère et ce dernier épisode avait été éprouvant pour elle aussi. Ainsi, elle préférait se reposer un peu avant d’avoir à entamer une éventuelle nouvelle journée.


Il ne fait pas très beau hein…
Le temps s’était couvert mais il fallait bien commencer la discussion quelque part et quoi de mieux que le temps pour une personne âgée. Portant le doux breuvage à ses lèvres, elle humerait un peu les vapeurs avant de se raviser : bien trop chaud pour le moment encore. Soudain, un cri presque de peur retentit dans la chambre du vieil homme presque prit de panique suivi d’un grand « SHTONK ». Cette fois-ci, la grand-mère avala une gorgée avant de rassurer son invitée si elle était toujours présente.


Ne vous en faites pas, il va dormir… il a tendance à faire quelques sommeils agités, du coup j’ai mis en place un système dont je suis assez fière…
Et c’est ainsi qu’elle révéla à Ishtar son invention, un mécanisme au niveau du lit qui faisait qu’une casserole s’abattait sur le crane de l’ancêtre s’il faisait trop de bruit. Bien évidemment, Linedea expliquait ça dans le plus grand des calmes et avec un large sourire… à croire qu’elle était bien plus terrible qu’au premier abord.

Beau de ruche

La vieille dame eut un sourire réconfortant lorsque la bilcane continua la conversation sur la météo. Après tout c’était surtout par politesse que la grand-mère cherchait à converser. Ella aussi était fatiguée et ne chercherait bientôt qu’à prendre un peu de repos. Touillant à l’aide d’une petite cuillère son doux breuvage, la vieille dame reporta son attention sur sa « boite à thé » qui en réalité avait sans doute été un cadeau d’antan.


Je n’en ai pas la moindre idée. En fait, il s’agit d’un cadeau d’une grognasse, mon ex belle-fille. Elle a su me donner de beaux petits-enfants et quelques cadeaux sympathique même si elle restait une grognasse.
Le sourire enjôleur de Linedea ne tromperait personne : il était évident qu’elle lui en voulait profondément pour une histoire de longue date avec son fils Eric. Toujours volontaire dans l’accueil de la grande dame, Mamie se lèverait alors en direction d’un torchon qu’elle enlèverait précautionneusement. En dessous, un magnifique gâteau de tradition Gratzienne s’offrait aux yeux de l’être céleste. Prenant une petite assiette, Linedea se coupa une petite part avant de prendre une grande cuillère et donner le reste dans le plat à Ishtar, il ne devrait sans doute s’agir de rien de plus qu’un hors d’œuvre pour un estomac de géant mais l’intention restait louable.


Restez donc un peu au chaud, Krom a pris la chambre d’amis, je ne pouvais décemment pas le laisser dehors mais vous aurez tout le loisir de vous reposer dans le salon : je doute d’avoir un lit suffisamment grand pour vous.
Bougeant en direction d’un placard, elle révéla alors une bonne douzaine de draps et oreillers de toutes les couleurs. Il était évident que depuis qu’elle était à la retraite, la cuisine, la broderie et le tricot étaient trois des ateliers qu’elle maitrisait. Attrapant l’ensemble, elle commencerait alors à étaler le tout au sol pour réaliser un lit de fortune à la taille de la semi-géante. Bien sûr, elle se laisserait aidée si la De Lérhanne le souhaitait.

Regardant avec fierté son travail accompli, elle tapoterait un coussin supplémentaire avant de reprendre la parole.


Je vous propose que l’on se retrouve demain, l’autre débris devrait pouvoir s’être suffisamment reposé.
Linedea monta les yeux au plafond avant d’ajouter ce qui semblait être le programme pour demain.


Je pense qu’il voudra vous parler et il y aura sans doute l’opération de Krom à réaliser également… mais soit ! Même s’il est encore tôt, la journée a été rude… je vous préparerai un meilleur repas demain.
Les petits enfants étaient quant à eux toujours endormi dans la chambre d’enfance d’Eric. Il était certain qu’ils ne seraient réveillé que le lendemain. Encore beaucoup de points étaient à élcaircir… à moins que la De Lérhanne n’ait d’autres projets.


Bonne nuit ?