La jeune femme se tritura l’esprit pendant que son interlocuteur parlait, mais elle ne trouva pas de meilleure solution pour l’instant. Avait-elle précisé quelque chose qui allait contre cela ? Himitsu Shima avait-il été évoqué comme un territoire non exploré par la jeune femme ? Non, elle pourrait dire qu’elle avait tenté de viser trop gros au début. Dans sa tête, elle se représentait l’île telle que Wun Kei l’avait visitée, et pourrait donc en tirer les conclusions adéquates quant à la morphologie des lieux. Elle pourrait donc parler du Manoir de Konan, de sa forme grossièrement représentée sur le plan et qui concentrait les opérations du lieu – même si ce n’était pas entièrement vrai, elle n’avait pas le temps de se pencher sur les détails de ces souvenirs.

Himitsu Shima… Elle pourrait parler des lieux si elle avait besoin de détails, mais elle ne l’évoquerait pas devant le Directeur. A vrai dire, il n’était pas non obligé de connaître toutes les combines de la jeune femme. Elle acquiesça donc, rajoutant au fur et à mesure avec les informations qu’elle possédait sans les partager.

« Nous ne connaissons pas encore leurs véritables ressources. ». Là encore, Lidy en savait plus qu’elle ne voulait le partager. C’était l’un des avantages et désavantages de son fruit qu’elle gardait secret depuis des années déjà. Elle connaissait l’existence des mouchards, caméras et micros minuscules, et leur capacité à intercepter les conversations, mais pas s’ils étaient capables de passer outre les technologies de brouillage… Contrairement à la Dame Verte, qui en était capable. Elle savait aussi qu’en donnant certains couteaux dorés à un marchand, et en disant la phrase clé, cela faisait « apparaître » un mercenaire de la Triade une heure plus tard.

Tout ça était sans importance, puisqu’elle avait déjà pu remarquer que les mercenaires étaient variés et n’avaient pas un grand niveau d’intégration dans la hiérarchie. Au contraire, ils étaient plutôt aveugles, sûrement dans le cas où ils se feraient capturer.

- Nous pouvons préparer le coup maintenant, fit elle avec un air pensif.

Elle proposerait alors un système assez simple qui alliait les mouvements corporels à la position des doigts : des gestes du quotidien se transformaient alors en messages codés qui pourraient être interprétés par le Directeur du Cipher Pol 6. Si chaque lettre ne pouvait être codée, elle utiliserait cependant un maximum de geste pour les coder. Ainsi, se gratter la joue ou le menton ne signifiait pas la même lettre : en cas d’urgence, elle lui donnerait les initiales de l’île, mais il devait être en mesure de la voir.

- Dans le pire des cas, si Belladone m’accompagne, ce sera elle qui sera chargée de vous transmettre l’information quand j’irai dire à mon mari et mon amie que je dois m’absenter de l’île. Nous avons un code.

Elle ne dévoilerait pas exactement le code, mais il suffirait à Belladone de penser à toutes les îles, Lidy acquiescerait alors très discrètement d’un simple signe, de sorte qu’elle serait alors la seule à avoir l’information. Elle aurait plus de facilités à transmettre discrètement cela au Directeur, en appelant par exemple à l’escargophone et en le transmettant sous forme de message codé. Cependant, ce serait la dernière chose à faire : en tout cas, ils se positionneraient à ce restaurant pour qu’elle soit sûre d’y aller… Si la Triade acceptait qu’ils l’accompagnent jusqu’à Alabasta.

Enfin, si le directeur n’avait rien à ajouter, la Olsen le laisserait agir comme il l’avait prédit. Elle-même avait prévu un plan B ou C, en utilisant par exemple l’envoûtement d’Arius pour se permettre auprès de ses potentiels accompagnateurs un instant de répit pour « aller aux toilettes ». A ce moment-là, ils seraient sûrement déjà bien avancés dans leur enquête, mais elle devait prévoir qu’ils risquaient de rencontrer le supérieur du Buhin Ana… Et qu’elle savait déjà où il pourrait se trouver. Le communiquer à Belladone discrètement pourrait se faire d’ici leur arrivée sur l’île.

Enfin, elle partirait de l'endroit à son tour, et attendrait que la Triade prenne contact avec elle pour pouvoir communiquer les fausses informations : Himitsu Shima, son informateur, tous ses doutes mais malgré tout sa capacité à s'infiltrer jusque sous le nez de Hérail... Mais aussi l'incertitude de ses conjectures, pour éviter de la faire paraître pour plus confiante qu'elle ne devrait l'être.

Sa prudence extrême n’était à vrai dire pas exagérée. Quand il parlait, la jeune femme pensa immédiatement non pas à la Triade mais à la Dame Verte. Si quelqu’un était capable de ce genre de prouesses, elle penchait plutôt pour cette femme extrêmement mystérieuse plutôt que pour l’organisation dont elle ne savait pas beaucoup plus de choses, mais toujours infiniment plus que celle qui s’assurait toujours qu’elle réussisse. Enfin, c’était une histoire pour une autre fois : après tout, peut-être qu’elle finirait par trop bien réussir. Elle avait encore un atout dans sa manche… Et elle devait s’assurer de le jouer le moment venu, sans quoi il serait flagrant de remarquer son inutilité.

Finalement, elle quitterait son lieu de confinement dans laquelle elle se sentait étrangement à l’arrêt, après avoir vérifié une fois de plus les potentiels micros cachés, pour ne pas être prise au dépourvue si la situation venait à se renverser. Elle envisagea quelques instants qu’elle serait la proie du mauvais sort, et que son karma la propulserait dans la bouche de son ennemi directement. La mission pouvait toujours échouer à tout moment. Buhin Ana aurait bien vite fait de la faire tuer en cas de coup dur, et elle n’aurait que quelques secondes d’avance pour réagir grâce à son pouvoir… C’était toujours ça de pris.

En sortant de son nid, elle s’assurerait d’espacer suffisamment sa sortie, réfléchissant à ses différentes issues… Son Haki semblait lui faire un peu moins mal à l’issue de cette rencontre, comme si le Directeur avait amené un calme relatif à son tourment, autant moral qu’autre. C’était artificiel, elle en avait bien conscience. Elle vérifierait ses habits et son escargophone avant de repartir pleinement à l’air libre, profitant de ces deux heures qu’elle eut de libre pour aller visiter des commerces locaux, comme si elle cherchait discrètement à relever des prix.

Elle retrouva finalement Aziza, ou plutôt cette dernière la retrouva quand elle arrêta d’être très discrète. Le soleil avait commencé à se coucher dangereusement, et l’agitation était à son paroxysme dans les rues de la ville. Pourtant, l’endroit où elle fut dirigée était calme, et elle traversa la boutique avant d’être menée par de vieux escargophones plus loin, sans se poser trop de questions. Elle fut un instant suspicieuse, fronça les sourcils mais se dit que comme c’était la civile qui l’avait amenée là, elle devait faire acte de foi.

- J’ai été amenée à noter diverses informations, mais je tiens tout de suite à vous prévenir qu’elles sont à prendre avec recul : il n’y rien de concret, comme si cette opération était tenue comme un secret de polichinelle dans les mains d’une très faible concentration de très hauts gradés. Je pense d’ailleurs que sans mon instinct et mon expérience, je ne serais pas parvenue à dégager grand-chose.

Elle ne se lançait pas des fleurs. Pour Sonia Marilyn, c’était presque un aveu d’échec. Presque, car elle ne pouvait pas avoir totalement échoué après les informations qu’elle avait transmises à Shing Wu à l’issue de leur dernier entretien, se vantant d’être dans le milieu de l’information pour Némesis.

- La première chose que j’ai notée ce sont des bruits de couloirs dont le nombre me permet d’affirmer leur véracité. Les matelots savent en général qu’ils se dirigent vers la première partie de Grand Line, Paradise. Cela reste un pavé dans l’eau, je vous l’accorde, tant le nombre de lieux à visiter là-bas est grand. Cependant, je suis tombée sur une autre information lors de mon infiltration, que je peux corréler…

Elle s’arrêterait, comme si elle réfléchissait à la bonne formulation.

- Je suis entrée dans le bureau de Hérail en sa présence, sous couvert d'être une agente du Cipher Pol 2 sur la trace d'un cartel hors-la-loi en contact avec le Colonel Erwin Deustein. Au moment où j’ai pénétré les lieux, il rangeait un document sur lui, et j’ai pu apercevoir la forme d’une île et une indication qui m’a rappelée quelque chose.

S’il le lui demandait, elle dirait qu’elle pensait à un petit carnet, mais qu’elle avait surtout immédiatement cherché à voir ce qu’il y avait sur la feuille, donc qu'elle ne s'était pas attardée sur le format.

- Lorsque j’étais encore très jeune dans le métier, il m’est arrivé une aventure. Alban et moi avons tenté de vendre des armes directement à un membre de la Pègre, sur Himitsu Shima. J’ai pu aller sur ce lieu particulier, et l’observer un petit peu. Nous nous sommes bien sûr fait rouler dans la farine, ce qui a limité notre envie de nous étendre directement sur Grand Line, où Némesis n’avait que peu d’influence. Vous vous souvenez que je vous ai dit que j’avais une mémoire éditique ? Et bien, la position du manoir de Konan m’a rappelée le point crucial sur le shéma. Je pense qu’ils se dirigent vers Himitsu Shima. Ils ont sûrement été galvanisés par leur victoire sur Centes. Quoi de mieux que la Pègre à présent, comme objectif pour ces pédants de Constantinistes ?

Elle mettrait une pointe de ressentiment dans sa dernière pique, pour faire en sorte que Buhin Ana, ou un autre interlocuteur, se rende compte qu’elle était bien portée par un sentiment. Enfin, elle ne préciserait pour l’instant rien sur l’informateur, mais s’ils lui posaient une question, elle répondrait en disant qu’il s’agissait d’un homme de son réseau d’informations, Arnold Loudbrick, qu’elle avait chargé de précéder Hérail sur Grand Line pour s’assurer qu’il prenait bien la direction de Himitsu Shima. Elle espérerait ainsi avoir contenté les attentes de son interlocuteur...

La personne à l’autre bout du fil n’était pas Buhin Ana. C’était peut-être Reivunpauda… C’était sûrement Reivunpauda. La jeune femme était en connaissance de ce nom, mais pouvait-elle le voir partout ? En tout cas, il ne lui laissa pas le temps de s’exprimer, tant il fut concis dans ce qu’il avait à dire. Le mystère qui l’entourait était entier, pourtant la jeune femme ne pouvait comprendre qu’une seule chose : que cet homme attendait quelque chose d’elle, quelque chose qui allait au-delà de la mission du jour. Il plaçait des espoirs dans cette jeune femme… Peut-être plus d’espoirs que ses supérieurs du Cipher Pol 6 quand ils avaient commencé à l’embaucher. Se sentir valoriser, c’était quelque chose qu’elle appréciait, étant donné son passé qui l’avait conduite dans l’ombre.

Quand elle sortit de la pièce, elle passa devant le vendeur et le salua du coin de l’œil avant de s’engouffrer dans les rues bondées de la ville. La jeune femme sourit quand elle quitta le quartier où elle se trouvait, se dirigeant vers le port en toute discrétion, avant de rejoindre l’auberge où elle logeait. Devrait-elle revenir une fois son enquête terminée pour accomplir amende honorable auprès du Vice-Amiral Hérail ? Elle le voyait difficilement devenir Amiral dans le futur, à l’image de Karast : il avait un bon potentiel au poste actuel, mais pas le charisme des leaders d’armées… Peut-être se trompait-elle, les gens changeaient. En tout cas, actuellement, on lui avait donné un ordre et elle comptait bien le réaliser. Elle partirait même avant la flotte, dans son optique.

Elle se dirigea donc rapidement vers l’auberge, et observa Arius et Belladone avant d’embrasser son mari, se mettant dans ses bras comme pour lui demander un service, le séduisant tandis que l’agent du Cipher Pol 2 jouait parfaitement son rôle :

- Mon chéri, j’ai un service à te demander… Je veux qu’on aille à Alabasta, j’ai quelques affaires à régler…
- Encore ? Et où précisément à Alabasta ?

Elle se retirerait de son étreinte, et tournerait sur elle-même avant de poser son doigt sur sa bouche, faisant mine de réfléchir tandis que l'agent commençait à questionner sa propre utilité dans cette mission :

- Où exactement ? Je ne sais pas trop, on verra.

Elle finirait par regarder Belladone. Ses pensées qui jusqu’alors avaient été calmes s’agitèrent comme une infernale machinerie. Elle commença à penser à de nombreuses choses, et de nombreux endroits, essayant de contrôler le flux de ses pensées pour que la Olsen puisse lui indiquer par un geste discret le moment où elle trouverait la bonne réponse. Cependant, ce ne fut pas à cet instant que Lidy lui fit signe. Elle se contenta de prendre la main d’Arius, sans lui répondre plus, tandis que Belladone soupirait :

- J’aime bien le désert, ça fait longtemps que je n’y suis pas allée.

Elle finirait donc par les accompagner, comme on se balade d’île en île pendant des vacances, et évoquerait cela. Dans sa tête, une machinerie de communication unilatérale avait commencé. Lidy était doté d’un pouvoir où seule l’entrée était ouverte. Une fois à l’intérieure de sa tête, les informations ne ressortaient pas sans passer par une petite communication. Pendant tout le trajet, le jeu se resserrait autour de l’île où Reivunpauda était localisé. En effet, pour la Olsen c’était sûrement la réponse à la grande question d’où elle allait être transférée, et c’était sûrement l’endroit le plus probable dans l’équation qu’elle préparait d’avance, aillant sélectionné tout de même plusieurs lieux en fonction de ce qu’elle savait de l’esprit de Buhin Ana, dont elle passa durant les jours qui suivirent toutes les communications qu’il avait eu avec cet homme de main de la Triade.