Bravant les flots déchainés, l’embarcation sur laquelle Ishtar s’activait avançait difficilement sous les cieux courroucés. Les vagues déferlaient avec une puissance fulgurante, menaçant de faire chavirer la flûte à chaque instant. S’attelant à carguer les voiles avec d’autres marins afin d’empêcher ces derniers d’être déchiré par la violence aérienne qui se déchainait sur l’océan d’East Blue qui se présentait sous un jour bien funeste durant cette nuit orageuse. La bilcane n’avait eut aucun mal à se faire accepter au sein de cet équipage marchand qu’elle avait rejoint pour la traversée. Même si ses quatre ailes assez imposantes, causes de biens des tourments de son adolescence devenu une noble fierté, pouvait déstabiliser, l’efficacité qu’elle avait pu démontrer avait convaincu les récalcitrants. Avec ses trois mètres de haut, son amplitude était plus grande que la moyenne ce qui lui offrait une rapidité d’action accrue vis-à-vis de ses collègues de voyages. Ses prunelles d’argent se posèrent sur la voûte céleste qui brûlait d’un feu des plus blanc, la foudre jaillissant de manière erratique entre les nuages. Et dire qu’elle habitait jadis au-dessus de ces véritables vaisseaux aériens à Bilca.

Alors qu’elle s’attelait à sa tâche, ses pensées se tournèrent vers ceux qu’elle avait quitté il y a peu, se demandant comment ils se débrouillaient. En effet, en quittant l’équipage de Janaffe, l’archange avait quitté la Révolution d’Arias. Les amis d’hier devenaient les ennemis de demain. Cependant, celle qui n’était pas encore maudite commençait à se poser des questions sur l’affiliation qu’elle avait acceptée avec les décimas. Désireuse d’affronter de nouveaux adversaires, elle s’était laissée séduire par la possibilité d’avoir un champ d’action plus large et libre qu’en tant que membre de l’équipage du Centaurus. Elle avait pue discuter avec sa supérieure hiérarchique, elle aussi assez nouvelle dans le mouvement de Centes, et avait plus ou moins compris ce qui allait se passait. Pour l’heure, elle devait voguer sur East Blue pour rejoindre un contact de sa mentore. Malheureusement, cette tempête déstabilisait les plans de voyage et le navire que Yufina avait trouvé déviait de sa route à cause de la météo peu clémente.

-Terre en vue ! hurla l’homme à la vigie qui avait failli tomber pas moins de trois fois. Foncez tout droit au milieu de l’apocalypse capitaine !

Le navire bascula de nouveau, mais avec beaucoup plus de brutalité, vers tribord, déstabilisant le timonier qui lâcha la barre. Le bateau marchand jouait au pendule depuis de longues minutes déjà. Alors que tout le monde peinait à trouver un moyen de ne pas tomber à la mer, les vagues se hissèrent afin de venir s’abattre sur la flûte. Plusieurs hommes dégringolèrent le pont pour se retrouver perdus dans l’océan en pleine fureur. C’est ainsi que le vieux Neptune emporta dans son sillon le timonier. Ayant chuter, comme d’autres, du mat pendant le mouvement, la De Lérhane tenta de réagir assez vite afin de venir saisir le gouvernail. À défaut de rétablir le cap, elle désirait empêcher l’outil permettant de guider le navire de tourner dans le vide et perpétuait ainsi l’état chaotique de la navigation en ces eaux. Le capitaine, titubant en avançant difficilement et s’accrochant à tout ce qu’il pouvait, arriva au niveau de l’ange aux ailes complétement mouillés pour l’aider. Il était malheureusement trop tard. La proue pénétra la surface avec violence et donna le coup suffisant pour faire basculer le vaisseau à bâbord. Avec l’élan obtenu par le mouvement précédent, les mats fuirent le déluge pour pénétrer le cimetière naval, la mer elle-même. Ayant appris à nager avec ses amis révolutionnaires, Ishtar tenta d’aller délivrer certains marins retenus prisonniers par les cordages. Elle fut contrainte de se rendre à l’évidence, c’était peine perdue. Elle n’était parvenue qu’à en aider deux ou trois.

Sa tête sortant des flots pour prendre une bouffée d’air, elle saisit quelques restes de l’embarcation qui s’était décroché de la structure à cause de la furie cyclonique. Son regard dériva d’homme d’équipage en homme d’équipage pour constater l’état critique de la situation. Une montagne semblait paraître entre les vagues. Défiant l’écume et la houle, l’archange, qui n’était pas encore associé au typhon, essaya de nager vers cette direction avec d’autres camarades. De biens nombreuses âmes se perdirent dans la tempête et jamais les flots ne recrachèrent la cargaison de sucre ayant sombré dans les profondeurs. Le lendemain, la De Lérhane ouvrit péniblement les yeux en entendant une voix l’appeler. Elle se trouvait allongé sur la plage, le visage à moitié dans le sable. Le quartier maître, le plus haut gradé parmi ceux ayant survécu aux événements, essayait de la faire revenir à elle.

Les paupières se soulevèrent, puis se refermèrent, puis se rouvrir quelques secondes plus tard avant de finalement se clore. Emergeant de l’inconscience, la vision de la bilcane capta la vue du quartier-maître. Secouant légèrement la tête, la demoiselle ailée redressa son buste et observa les environs. Une plage… Ornée de cadavres et de débris de navires… La désolation. La tristesse s’imposa à sa conscience et ses yeux brillèrent, les perles naissant en leurs coins. Tant de morts pour rien. La Nature était d’une férocité hallucinante… Mais ce n’était qu’un juste retour de bâton pour tous les dommages que l’humanité lui faisait, la pollution et les massacres d’espèce en première ligne. La raison était certes ce qui permettait aux êtres de consciences de surpasser les autres espèces, mais c’était également le fléau qui les condamnait à la bassesse, aux vices, aux tourments et à la quête d’un bonheur qui ne vit que dans le passé ou l’avenir. Se hissant sur ses deux jambes, la blonde aux quatre ailes culmina à nouveau à trois mètres hauteurs et pu donc observer plus en détail l’environnement. Cette île disposait d’une montagne et on voyait une rivière qui en descendait dans la forêt qui se trouvait derrière eux. Une contrée assez banale comme on en trouvait à de nombreux endroits dans les Blues. La question était de savoir si elle était habitée où non. La De Lérhane questionna donc oralement les personnes présences tout en commençant à compter les survivants et chercha à les identifier.

-Quelqu’un sait sur quelle île nous sommes ?

Aucune réponse ne lui parvint. La tempête avait déboussolé tout le monde et il n’y avait apparemment pas de moyen connu des personnes présentes pour essayer de conjecturer leur position géographique suite au naufrage.

-On devrait aller explorer l’intérieur des terres pour voir si jamais il y a un village ou en tout cas un lieu habité. Avec un peu de chance, ça nous permettrait de nous sortir d’affaire.

-Si jamais l’île est déserte, nous n’aurons plus qu’à attendre du secours, pesta le quartier-maître Diego en retournant la chose dans tout les sens pour essayer de trouver une solution.

-Quelques-uns pourraient faire le tour de la plage pour voir les débris qui pourraient être utile, proposa ensuite la femme aux dimensions titanesques

Celle qui n’avait pas encore mangé son futur zoan mythologique décida donc se pénétrer la forêt aux côtés d’autres survivants. Certains étaient en effet effrayé à l’idée de potentiellement tomber sur des prédateurs sauvages qui en profiterait pour faire des naufragés leur diner. Raki viendrait-il avec elle pour se confronter à l’inconnue de cette île et trouverait-il d’autres choses à proposer pour que la troupe s’adapte à sa condition tout à fait particulière ?