Please my love look at me
I fear I’m gonna go crazy.
I used to love youFt Moi même
Pour la verte, San Tulum était une étape. Une étape importante, certes, mais rien de plus qu’une étape, et maintenant qu’elle y avait fait ce qu’elle avait à faire, elle pouvait passer à la suite. Pas forcément de son plan, mais de sa visite du Nouveau Monde. Les Blues elle avait vu, Grand Line aussi en grande partie, mais le Nouveau Monde… Non, ça ça restait l’inconnu. Et l’inconnu, ça avait son charme, l’attrait du mystère et de la surprise… Et puis, en un sens, à quoi bon amasser tous ces Eternal Pos si elle ne les utilisait jamais pour explorer?
Elle n’avait pas vraiment de rester sur San Tulum pour le moment. Rien ne semblait se préparer, du moins pas dont on l'avait informé, aussi, elle avait fini par remonter à bord pour continuer la route, suivant tant bien que mal l’aiguille du Trilog Pos. Dans un élan de grâce des mers, le voyage s’était passé sans réelle difficulté, au moins comparé à ce qu’elle avait pu voir jusque-là. Jusqu’à ce qu’au loin, une montagne se détache de l’horizon, et qu’en se rapprochant, de la terre apparaisse dessous. Une île donc, et pas juste un bout de rocher dépassant de l’eau, vers lequel le Trilog pointait.
La médecin laissa échapper un soupir de soulagement. Pas qu’elle n’aimait pas l’océan, mais l’idée que tout pouvait basculer d’un instant à l’autre sur les caprices de la météo lui déplaisait fondamentalement. Bien sûr, sa malédiction lui permettrait probablement d’en sortir en vie, mais sans navire, les voyages seraient plus difficiles, et nettement moins confortables.
Pourtant, quelque chose lui semblait… inconsistant. Comme si l’eau était plus basse? La jeune femme contempla la mer d’un air interdit avant de remarquer que non seulement elle était plus basse, mais qu’en plus elle continuait de baisser. Est ce que c’était une tendance bizarre de l’île ou est ce que l’eau était aspirée en préparation d’un tsunami? Un regard apeuré, rien d’alarmant à gauche ou à droite, si ce n’était que l’île semblait plus petite. Le doute commença à s’installer dans l’esprit de la verte, qui finit simplement par réaliser que logiquement, si l’eau semblait basse et l’île petite, le navire était probablement… en l’air.
Confuse, la verte usa de sa malédiction pour rabaisser le bâtiment à la surface de l’eau alors qu’une légère pression s’opposait à son pouvoir. Est ce que c’était l’île elle-même qui déplaçait les choses ainsi? La force appliquée était suffisamment faible pour que la jeune femme puisse passer outre, mais cela restait surprenant. Est ce que des gens pouvaient même vivre ici à travers cette gravité bizarre? Est ce qu’ils construisaient des habitations au sommet des arbres?
La montagne explosa brusquement, projetant de la cendre et des amas de roches un peu partout alors que le navire commençait à couler, sans pour avoir été touché. Immédiatement, il remonta, poussé par le pouvoir de la verte perturbée. Un coup en haut, un coup en bas… Est ce que l’île changeait comme ça de sens régulièrement? Elle l’ignorait, mais ne comptait pas prendre de risque. Si elle laissait le navire pour partir explorer et que celui-ci se retrouvait à faire du yo-yo dans le ciel, les débris au retour risquaient de ne pas être très utiles. Elle pouvait le stabiliser elle-même aussi, mais combien de temps? Et est ce qu’elle saurait exactement quand s’arrêter pour ne pas perdre l’emprise sur son pouvoir? Probablement pas.
Résultat, soit elle devait se balader avec le navire, pas terrible si elle voulait rester incognito, soit elle devait trouver un moyen de le ranger… Donc pas terrible non plus. A qui appartenait l’île déjà? Probablement pas la marine, elle ne voyait pas de base. Probablement à un pirate ou un autre dans ce cas. Qui ne la connaissait vraisemblablement pas, sa prime était maigre à l’échelle du monde, et tout particulièrement de cette région des océans. Qui allait s’occuper d’une nouvelle venue qui ne faisait pas de vagues?
Finalement, le navire s’éleva dans les airs pour commencer à planer au dessus de l’île, les yeux de la jeune femme rivés au sol pour essayer d’y détecter un village ou quoi que ce soit, qui viendrait effectivement bientôt rentrer dans son champ de vision. La verte sauta, descendant ainsi au flux de ses envies, jusqu’à ce que ses pieds viennent toucher le sol, sous la surprise méfiante de plusieurs habitants. Affectés au quotidien par la gravité changeante, ceux-ci semblaient vouloir affronter les limites humaines de la musculature, très sûrement pour pouvoir continuer de marcher quand la gravité tentait de les plomber au sol.
En examinant les bâtiments autour d’elle, l’un d’entre eux était très certainement une forge, au vu des bruits de marteau et de la chaleur qui s’en dégageait, un autre un marchand vu la discussion à l’intérieur… C’était ça qu’elle cherchait, un marchand. Elle n’emmènerait probablement pas Lucina ici, mais pouvoir y revenir un jour ou l’autre pouvait toujours servir. Et si elle voulait revenir, elle avait besoin d’un Eternal Pos.
Flottant doucement, elle s’arrêta non loin de la porte, qui s’ouvrit pour laisser passer une femme, sac dans les mains. La porte resta ouverte un instant, duquel la verte profita pour se couler dans le magasin. Odeurs d’épices, de viandes fumées et de tout ce qui pouvait se vendre sous le soleil. L’endroit était encombré au possible et servait aussi bien de quincaillerie que de boucher. L’échange ne dura que quelques instants, ceux suffisant à ce que de l’argent change de main en échange d’une petite boussole gravée du nom Gurabidi, ainsi que l’information que son Trilog serait rechargé d’ici deux jours. Une durée qui serait probablement infernale pour la plupart des gens, mais que la verte pourrait passer sans trop de difficulté. Le plus compliqué serait très certainement de rester éveillée aussi longtemps…
C’est en sortant que la musique tapa à ses tympans. Une mélodie que le monde enviait, distordant les bruits de l’univers autour d’elle en une symphonie que la verte ne connaissait que trop bien. Un concert qui l’avait aidé à tenir toute sa jeunesse durant, et qui n’avait rien à faire sur Gurabidi. Lucina, en toute logique, n’y était pas. Mais c’était sa musique, sa signature. Heureuse, excitée à l’avance de revoir sa bien-aimée, la verte se dirigea vers la source, remontant la piste jusqu’à l’extérieur du village pour y découvrir… un homme. Blond vénitien, une trentaine d’années, bien bâti et occupé à couper du bois… Probablement très séduisant pour d’autres, mais qui laissait la verte de marbre. Son esprit venait de se vider en le voyant.
Qui était-il?
C’était… juste un individu, inconnu au bataillon, qu’elle était certaine de ne jamais avoir vu de sa vie. Mais qui avait le battement. Sans réfléchir, ses talons se tournèrent alors qu’elle fuyait les lieux aussi vite que possible, se réfugiant sur son navire, les portes s’ouvrant et se claquant devant et derrière elle alors qu’elle s’isolait au plus profond de sa cabine, perdue.
Ce battement, ce rythme, ce chœur, cet hymne, c’était Lucina. Ça l’avait toujours été. C’est comme ça qu’elle l’avait toujours reconnue. C’était le signe qu’elles étaient liées toutes les deux. Alors pourquoi cet homme l’émettait aussi? Ça ne faisait aucun sens. Ou alors elle devait se l’admettre…
Elle s’était trompée. Le concerto qu’elle était la seule à entendre et qu’elle avait toujours vu comme le signe de leur amour n’était guère plus qu’une coïncidence, un caprice du destin, une bizarrerie de l’univers sans sens particulier. Une douloureuse réalisation que, dans le fond, le monde se foutait pas mal de ses habitants, qu’elle n’était pas spéciale et que les deux jeunes femmes n’étaient pas liées par un fil rouge. Et dans ce cas…
Son amour était-il même sincère?
Une question qui, posée par n’importe qui d’autre, aurait valu au mieux un rire devant sa bêtise, au pire une mort douloureuse face à l’affront qui lui était fait. Une question qu’elle se posait pour la première fois de sa vie, elle qui avait toujours considéré que c’était le destin que son aimée et elle soient réunies.
Instinctivement, elle voulait répondre oui. Par conviction ou par peur de la vérité? Depuis quand était-elle amoureuse au juste? Le Nouveau Monde… Oui. Son entrée dans la Toile en sortie de prison… Oui. Impel Down… C’était confus, mais il lui semblait que oui. Avant ça… Les choses devenaient encore plus floues, mais elle était persuadée que oui. Persuadée, c’était ça le problème. Elle pensait l’avoir été, mais l'était-elle vraiment?
Comment était-elle même tombée amoureuse? Simplement par ce son qui la sauvait quand elle était enfant? Peut-être bien, la chose avait forcément joué dans leur relation, le contraire était simplement impossible. Mais ce n’était pas de l’amour. C’était de la dépendance. Sans aucun doute permis, la Jericho enfant appréciait la présence de Lucina enfant, l’appréciait elle, mais n’était probablement pas amoureuse.
Alors c’était la prison. Un mensonge, pour rester saine d’esprit, autant que faire se peut.
Elle, qui abhorrait le mensonge plus que tout, s’était menti à elle-même, si profondément que même son corps n’avait pas su y répondre autrement qu’en l’acceptant comme la vérité. Elle s’était persuadée que quelqu’un l’attendait dehors. Que leur amour était invincible et qu’il était dicté par l’univers.
Un haut le cœur la prit soudainement alors que son repas s’échappait de ses lèvres, se déversant sur le sol boisé du navire. Sa poitrine se serrait, son cœur battait follement et l’air semblait ne plus parvenir à passer ses lèvres. Sa vision s’obscurcit et, lentement, la jeune femme tomba dans l’inconscience.
Elle ignorait combien de temps s’était écoulé. Elle s’en foutait. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle avait mal intérieurement et qu’un truc froid et puant collait à son visage. Lentement, elle sortit de la cale pour remplir un baquet d’eau, dans lequel elle plongea la tête, des morceaux de régurgitation se décrochant de sa tête, ce qui n’arrangea pas sa condition. Qu’est ce qu’elle était censée faire maintenant?
Et avant ça, s’il n’y avait pas d’amour, quelle était sa relation avec Lucina? Si son amour n’était qu’une pantomime ridicule qu’elle avait jouée toute seule pour survivre à Impel Down, qu’est ce qui les liaient vraiment? Des amies d’enfance sûrement. Est ce qu’elles étaient même encore amies? Lucina l’évitait autant que possible. Peut-être que la femme-panthère avait déjà remarqué ce que la maudite refusait de voir…
Pour autant, la médecin en était sûre, elle appréciait la bricoleuse. C’était une amie dont elle avait des souvenirs chers à son coeur et à laquelle elle tenait sincèrement. A défaut d’amour, il y avait au moins une amitié sincère. La marine était une femme avec qui la pirate aurait apprécié vivre des aventures et explorer le monde. Mais quid de l’opposé…
La pirate était… dangereuse. Elle était mentalement et émotionnellement instable. Elle était puissante, beaucoup trop pour que la femme-panthère souhaite la voir près de sa mère, et même sa propre mère la craignait. Ses tourments l’avaient endurcie, sa malédiction l’avait renforcée, mais tout cela n’avait fait que l’isoler. Plus elle était devenue puissante, plus elle était devenue une menace aux yeux de ceux qu’elle appréciait, parce qu’ils ignoraient quand est ce qu’elle pouvait partir en vrille. Et s’ils ne savaient pas comment la gérer, le plus sûr était de s’en éloigner…
Non, si elle-même appréciait Lucina, la réciproque n’était probablement pas vraie, ou du moins plus vraie. Bien sûr, elle ne pouvait pas mettre des mots dans la bouche de la femme-panthère, mais elle pensait tenir une bribe de réponse.
Alors quoi, tout abandonner? Hors de question. Au minimum, elle devait tirer les choses au clair, savoir ce qu’il en était vraiment et, bien sûr, s’excuser. La pression que la femme-panthère avait dûe subir, le stress qui accompagnait ce qui était presque du harcèlement si l’on considérait les lettres hebdomadaires qu’elle avait reçue pendant des années, elle devait au moins demander pardon.
Son passage au rang de Corsaire n’était plus un but pour se rapprocher de la femme-panthère et vivre un amour idyllique qui n’avait jamais existé. C’était désormais simplement un moyen de clôre un chapitre, de briser des chaînes de porcelaine qu’elle s’était posé elle-même.
Un an. C’est tout ce qu’elle demandait. Un an au poste de Corsaire. Le jour de son intronisation, elle demanderait à Lidy s’il était possible de faire passer un message à Lucina, et de là, elle attendrait un an. Si elle n’avait pas de réponse d’ici là, elle connaîtrait au moins la position de la femme-panthère quant à leur relation. Elle disparaîtrait de sa vie.
Et elle apparaitrait sur le devant de la scène de la piraterie.
Seule ou accompagnée.