- Bring it on, Baby !

Erwin avait des lunettes de soleil malgré le ciel couvert qu’il faisait aujourd’hui. A sa ceinture trônaient douze sabres, un en bois, un en croc de dragon et dix en titane. Il en portait aussi deux qui se croisaient dans son dos, ce qui faisait un total de quatorze. C’était sûrement dû à sa « phase rebelle » comme la nommait le seul membre presque normal du Compost, le photographe et mousse Yoann Arthur Baltran. L’homme au début de sa vingtaine, des cheveux châtains qui lui retombaient sur le visage et étaient liés par une queue de cheval dans le dos, semblait plutôt stressé. Il avait les épaules tendues et le regard fuyant.

- Erwin… Est-ce que tu as pensé à ranger ta chambre ?
- Heiiiiin ?

C’était une infection en ce moment. Les chaussettes sales traînaient à côté du bac de linge, tandis que ses caleçons pouvaient servir jusqu’à trois jours d’affilé avant d’être changé. Cela rendait le photographe malade : depuis leur mésaventure en mer où ils n’avaient pas pu se changer pendant un mois, il était à cheval sur l’hygiène. Il avait même ordonné à ce que tout leur nouveau navire soit nettoyé de fond en comble deux fois par jour, offrant aux trois malheureux matelots chargés de l’entretien une bien lourde tâche.

Et quel navire ! C’était l’un des deux bâtiments les plus rapides de la marine, des légendes des mers autrefois attribués à de fiers alliés du Gouvernement Mondial, aujourd’hui relayés au rang de traîtres. Le cœur des trois mousses qui travaillaient sous Erwin avait été rempli de joie lorsqu’ils avaient appris, de la bouche du Vice-Amiral Gratz, leur transfert sur ce bateau. Ils avaient bien vite déchanté en voyant arriver le duo qui donnait les ordres sur l’Intercepteur, renommé par Nils le « Percepteur » en interne.

En effet, si Erwin avait évolué du stade d’enfant à celui d’adolescent, il était dans la pire phase qu’on pouvait lui attribuer. Il était dans la phase « rebelle » où il ne voulait rien faire comme tout le monde. A certains instants, sa vraie personnalité reprenait le dessus, et s’éteignait progressivement les séquelles qu’il avait héritées d’un drôle d’affrontement sur les Blues.

- Nous allons devoir mettre en place un système de numéro pour le recrutement, ferait Apu D’Soul, qui était attaché comme une glue à son maître depuis les évènements de Saint-Poplar.
- Je doute que cela soit nécessaire, nous n’aurons sûrement que peu de candidatures, rectifia Yoann.

Pourtant, Erwin semblait un peu moins sûr qu’eux. Il jouait avec l’ouvre-lettre de manière habile, tandis qu’il déployait son Haki de l’observation pour percevoir les présences sur le port. Pour le recrutement, le blondinet avait fait les choses en grand : il avait prévenu que l’Intercepteur recrutait à différents postes pour des opérations rapides en l’honneur de la marine. Il n’avait évidemment rien précisé du Compost, ce nom étant un repoussoir impossible à gérer. On l’appelait « Capitaine » ici, et il comptait bien en être digne pour que son Grand-Père en soit fier.

Nils, Viktor et Mama Ité étaient la seule famille qu’il avait reconnu jusqu’à aujourd’hui. Le premier prenait une place importante dans son cœur et il se languissait de son absence. Le second était une figure paternelle, une sorte de garant de sa sûreté et de ses actes, la raison qu’il n’avait actuellement pas. Quant à la dernière, c’était la marâtre capable de le réduire en charpie s’il osait prétendre ne pas aimer sa cuisine.

Se positionnant devant le navire, Erwin s’assit sur les marches qui descendaient sur le port. Il attendrait, patiemment, qu’arrivent les candidats… S’il y en avait.

Et bien sûr, sa réputation des derniers mois jouerait à elle seule : il était selon les rumeurs une personne « puissante » et « dangereuse ». Cela lui plaisait bien. Pourquoi ? Parce que cela faisait dark.

Leurs faciès étaient troubles. Erwin aurait-il besoin de lunettes ? Il arrivait juste à déterminer qu’ils étaient plutôt jeune et plutôt vieux… Enfin, non, l’un devait être dans sa quarantaine, tandis que le second avait dépassé l’âge du cercueil. Encore un vieux, aurait pu se dire un autre, mais l’effort de cet homme rendait le jeune Erwin ému aux larmes. A vrai dire, un autre des effets secondaires de cette période de sa vie, qu’il n’avait jamais vécu avant cela, était son côté lunatique. Ses émotions étaient comme des bombes à retardement, et il mit une main sur l’épaule du grand-père en pleurant toutes les larmes de son corps, la morve au nez.

- Vieil homme n°34, dit-il en référence au nombre de vieillards qu’il avait déjà compté dans le Compost, dont déjà dix-neuf fois Nils dans différentes tenues. Bienven-

Un coup de pied tomba sur le sommet du crâne d’Erwin qui se sentit tanguer. Yoann avait un air mauvais. Ses yeux étaient sombres, son aura menaçante. De toute évidence, lui n’allait pas accepter quiconque de mauvaise vertu dans l’équipage. Il toussota, tandis que le blond se grattait la tête. Il observa sa main et cligna des yeux en voyant une plaque noire sur celle-ci. Il fut alors absorbé pendant quelques longues secondes par cela, pendant lesquelles le photographe et journaliste expliqua la situation :

- Notre Capitaine est quelqu’un de très empathique. Vous avez perdu quel genre d’emploi dans l’attaque de Ren Tao ?

Certes, le petit-fils était charpentier mais le vieux et son fils l’étaient-ils aussi ? Ce serait utile à leur équipage.

Quant au troisième homme qui apparut, Apu D’Soul lui conseilla de faire la queue et tenta de lui refourguer un numéro, mais Erwin se décida à s’occuper de lui. Il s’approcha et activa son Haki de l’Observation. Parfois les voix lui disaient des choses intéressantes. Certes, le candidat était poilu. Sa queue était particulièrement voluptueuse, même s’il n’était pas très grassouillet. Mama ferait le nécessaire de ce côté-là.

- Quels sont vos talents, Monsieur… Monsieur Shka ?

Il regardait l’animal sans fixer le grand gaillard, absorbé par la petite créature. Il la fixait intensément avec un air presque captivé, même si les vains coups de pieds dans le tibia de son trésorier tentaient de le réveiller. De toute évidence, ces entretiens promettaient d’être très longs, mais qui ne ferait pas un effort pour monter sur l’Intercepteur ? Surtout qu’il risquait d’y avoir son lot d’efforts à fournir s’ils voulaient avoir la volonté de supporter leur futur capitaine. L’adolescent était encore dans une phase de transition, même si sa musculature était de toute évidence bien affirmée. Depuis six mois déjà, il travaillait tous les matins pour gonfler ses muscles. Il réussissait cependant tout juste à les stabiliser à cause du régime « Bas en Protéines pour une Santé de Cheval » de Mama Ité.

Après avoir demandé à « Monsieur Shka » quels étaient ses talents, il tenterait d’en savoir plus sur lui, principalement sur son rapport aux vieilles personnes :

- Dîtes-moi, si un vieil homme vient dans votre chambre pour vous ausculter, comment réagiriez-vous ?

La bonne réponse était : « En hurlant et en lui disant qu’il voulait ‘un peu d’espace, bordel, Papy !’ »… Mais bon, d’autres réponses étaient acceptables pour entrer dans l’équipage.

Erwin hurla de rire quand il entendit le bruit de pet provoqué par l’aisselle de son interlocuteur, comme s’il s’agissait d’un spectacle comique. Il pointa le doigt vers le grand benêt et le chat, les considérants comme un duo. Le navire ne pouvait pas forcément accueillir un très grand nombre de personnes, cependant celui-ci lui était indispensable s’il voulait passer du bon temps et entendre de bonnes blagues. Certes, il avait l’air un peu con, mais le blond était incapable de le remarquer. Il se contenta donc de dire sur un ton très confiant :

- I CHOOSE YOU !
- Ca veut dire que t’es embauché, marmonna Apu D’Soul en grognant.
- Toi, et le chat !

Est-ce qu’il réussirait à entrer dans les cabines sans se cogner la tête contre la porte ? C’était incertain. Le sentiment d’accomplissement d’Erwin était à son comble et il se dit qu’il pouvait s’arrêter là. Quand soudain la révélation de l’année vint de la part d’un de ceux dans la file. Les yeux du blond pétillèrent, tandis qu’il ouvrit la bouche et s’approcha de l’homme-lapin. Celui-ci n’eut pas le temps de voir son mouvement, d’ailleurs personne dans la foule ne le pourrait. Il avait bougé si vite qu’on aurait dit un mouvement instantané. Saisissant les mains du lapidé, il fit sur un ton intéressé :

- Tu… tu es…
- C’est une mauvaise idée ! Hurla Apu D’Soul. Et mes numéros ?
- Tes numéros tu peux aller te les f…
- Bon, vous deux c’est bon, fit Yoann, dépassé. ERWIN, ARRÊTE TOUT DE SUITE DE PARLER SUR CE TON !
- T’es pas mon père ! S’écria le blond qui avait lâché les mains de l’homme-lapin et qui s’était retrouvé sur le pont du navire.

Il se tourna vers les quelques personnes réunies ici, et s’apprêta à faire son discours d’introduction. Il avait pensé à quelque chose d’épique… Ah, oui, un détail avant de commencer. Il décida de descendre une mèche pour masquer une partie de son regard, pour se donner un air plus « dark ». C’était dans le but de renvoyer quelque chose de cool, ou du moins il l’espérait. Son sourire fut lancé à destination de ceux qui s’étaient déjà amassés devant.

- L’Intercepteur recrute de grandes âmes. Votre rôle sera de tenir ce navire à flots, de le diriger et de le ravitailler et je vous protégerai, en tant que Capitaine de ce navire, l’un des plus rapides du monde. Notre tâche sera les interventions rapides, ainsi que le suivi de la flotte du grand Vice-Amiral Nils Gratz, leader du Compost ! Si parmi vous il y a de fiers combattants, ils m’aideront dans l’arrestation des ennemis de la marine et du monde civil !

Il scandait ces mots avec une certaine fierté, faisant blêmir Yoann et Apu D’Soul qui s’attendaient à une vague de défection. Si c’était le cas, ils n’auraient d’autre choix que d’accepter les incompét… les personnes qui restaient. En effet, ils avaient mauvaise réputation mais tout le monde ne pourrait pas partir d’ici, n’est-ce pas ? Le garçon avait l’air confiant en tout cas. Il avait retenu son texte, assimilé après des heures de travail auprès de Montnostie. Le prêtre avait voulu qu’il fasse aussi la propagande du Constantinisme, mais il avait oublié cette partie-là.

Dans le cas où beaucoup partiraient, et qu’il ne restait plus que le nombre qu’ils avaient prévu de recruter, une cinquantaine de personnes, ils pourraient passer à la seconde étape du recrutement qui consistait à se présenter et à donner ses motivations.

Pour Erwin, rien n’était particulièrement difficile à comprendre dans cette situation : les personnes qui n’avaient pas envie de travailler avaient fui, comme l’avait dit le lapin, et c’était uniquement dû à leur incapacité à accepter une charge de travail. Bon, ils n’étaient plus que trente ce qui était vingt de moins que l’objectif final… Cependant, cela valait mieux, ils auraient plus de travail mais le bateau serait plus léger ! Et qui disait bateau plus disait aussi plus de chances de survoler les problèmes ! Bien sûr, tout était lié. Le petit blond acquiesça comme à lui-même devant tout le monde et scruta les personnes présentes, prêtant une attention toute particulière à celles qui venaient d’arriver.

Il sauta du navire pour arriver devant la demoiselle chat en un rien de temps. Il lui tendit la main pour l’aider à se relever. Le grand gaillard avait quitté leur vue, mais pour Erwin ce n’était rien car il était déjà un homme de confiance. Ceux qui rejoignaient la grande famille du Compost, bientôt composée de plusieurs milliers de personnes, étaient des personnes dignes d’être appelées des sacrif… des anges ! Il ne pouvait s’empêcher de s’émouvoir devant tant de dévotion.

- Puis-je vous offrir une main pour vous aider à vous lever, Mademoiselle ?

Il tenterait un air charmeur, quelque chose que lui avait appris un des vieux de l’équipage. Apparemment c’était utile pour « chauffer les cœurs », alors peut-être que ça fonctionnerait pour l’aider à se relever. Et puis ça lui donnait une occasion de paraître cool, il en était convaincu. S’il réussissait à obtenir sa main, il lui sourirait, se retournerait et repartirait sur le pont après avoir validé leur admissibilité.

- Passons à la seconde étape. Je suis Erwin, l’un des petits-enfants de Nils Gratz. Certains diront que j’ai été pistonné, mais QUE NENNI ! Je suis ici parce que…

Il regarda le texte qui était à ses pieds, collé sur le pont du navire.

- Sauce tomate, fenouil, poireau, potiron… Putain, t’essayes encore de me faire bouffer des légumes ? Grogna le blond au photographe.
- C’est nécessaire ! Et t’as collé la liste de courses… Ah, je vais expliquer la suite, soupira-t-il en s’approchant du Capitaine de l’Intercepteur. Je suis Yoann, fit-il en s’adressant à ses futurs collègues. Vous allez pouvoir aller visiter le navire avec Erwin. Sa chambre est strictement interdite pour votre sécurité ! INTERDICTION ABSOLUE ! Le reste est…

Il regarda les mousses épuisés qui venaient de finir le ménage et lui firent un signe pour signifier que c’était bon.

- Le reste est autorisé. Pendant cette visite, n’hésitez pas à poser vos questions.

Une fois la visite terminée, ils pourraient alors commencer les entretiens individuels. Le vieil homme et son fils en seraient exemptés, ainsi que la femme-chat si elle le désirait. De plus, le garçon aux gros muscles devrait demander pour le faire… Sinon, il y serait invité par erreur par Apu D’Soul, qui ne se souvenait déjà plus du visage de ce pauvre – il ne mémorisait que les riches après tout.

Les questions seraient toujours les mêmes, avec pour Erwin, sur son nez, de fausses lunettes :

- Comment vous appelez-vous ?

Il ferait mine de noter son prénom et son nom en le figurant en réalité par un dessin que seul lui comprenait.

- Appartenez-vous déjà à la marine ?

Pour Oui, une fleur bleue, pour non, une fleur rouge.

- Quelles sont vos compétences ?

Il acquiescerait retournerait sa feuille.

- Si un vieil homme vient dans votre chambre pour vous ausculter, comment réagiriez-vous ?

Il soupirerait ou sourirait, réhaussant ses lunettes, et ajouterait : "Ca remonte à l'enfance ?", comme lorsque le psychologue lui parlait de ses problèmes de gestion des émotions.

Yoann était sur le pont avec un certain nombre de candidats qui devaient patienter pour obtenir un entretien avec Erwin. Il commençait déjà à briefer le vieil homme et son fils sur le rôle qu’ils auraient, attendant le retour du grand homme aux muscles saillants. Il avait quelques doutes quant à sa capacité à entrer dans l’équipage, mais ils étaient capables de gérer une personne à l’intellect peu développé en plus, n’est-ce pas ? C’est en tout cas la conclusion qu’il avait tiré de l’échange qu’il avait eu avec Erwin et qu’il avait écouté d’une oreille. Le sourire de Yoann était ravissant, malgré ses cernes qui affichaient son manque de sommeil flagrant :

- Vieil homme, pour votre entrée dans notre équipage nous vous confierons une tâche avec peu de mobilité… Je vais vous mettre avec Apu D’Soul, vous aiderez à gérer les finances du navire. Bon, certes, cela se chiffre en milliard de Berrys à cause de la fortune de notre capitaine, soulignerait-il innocemment. Cependant il aura besoin d’aide pour le ravitaillement et les provisions. Quant à vous, Grabriel, vous…

Son Haki de l’Observation était activé dû au grand nombre de personnes à bord. Il ne voulait pas louper un danger, et il en sentit un dans l’eau : une personne qui nageait aux abords du navire venait soudainement de commencer à couler. Il interrompit son action et, héroïquement, il s’élança dans l’eau à grande vitesse, quittant le pont quelques secondes. Apu D’Soul semblait, lui, assez occupé à jouer avec ses berrys. De toute évidence, si quelque chose se produisait, il n’aurait pas le regard sur la scène. Les trois autres mousses étaient quant à eux en train de prendre une pause, dormant en ronflant sur le pont.

Quelques instants plus tard, Yoann sortirait de l’eau avec, dans ses bras, une petite fille en tenue de requin. Il commencerait à retirer l’eau de ses poumons pour qu’elle évite de s’étouffer.

Erwin, dans la cabine qui servait de bureau officiel en tant que Capitaine, était déjà émerveillé de voir comment la petite fille en face de lui se comportait. Elle était le type de personnes incroyables qu’il considérait comme ayant affronté les pires aspects de la vie pour arriver à une idée aussi brillante que d’entrer dans le Compost. Il ne décevrait pas Papy, il se le promit. Son sourire était intrigué, mais soudain une expression passa sur son visage, intrigué par quelque chose à l’extérieur : il avait senti la petite fille qui était en train de se noyer. Il fut cependant rassuré de sentir aussi Yoann s’en charger et sembla se détendre.

- Hum, nous avons déjà un Chef Cuisinier dans l’équipage… Mais elle ne pourra pas nous accompagner dans toutes nos aventures et tu pourras cuisiner des choses grasses ! Après tout, notre famille aurait bien besoin d’un nouveau membre…. Tu es engagée ! Dit-il en souriant naïvement.

Si elle n’avait rien à ajouter, il demanderait au suivant d’entrer dans l’escargophone qui le liait à Apu D’Soul, tout en donnant son verdict.

Les derniers invités étaient arrivés à bord quand Erwin termina enfin ses entretiens. Il n’en vira pas un seul, même ceux qui auraient pu sembler obsessionnels à plus d’un égard. Ce n’était pas qu’il les acceptait, même s’il leur disait cela, c’est qu’il ne le remarquait pas. Son côté naïf était encore présent, même s’il avait rapidement grandi mentalement. Parfois, des souvenirs revenaient comme des étoiles filantes qui passaient dans un ciel noir, se figeant à certains endroits. En fermant les yeux, il pouvait les apercevoir, ces souvenirs qui semblaient appartenir à quelqu’un d’autre. Il en avait un avec une femme aux ailes mystérieuses, une force de la nature littéralement. Ah, il ne savait pas de qui il s’agissait mais il devait être un peu attaché… Peut-être ?

Après les entretiens, il se montra sur le pont et sourit avec un air bienheureux aux personnes présentes. Yoann venait de finir de leur attribuer leurs postes. A l’homme au chat, il donna la tâche de remonter et de lâcher l’ancre, ainsi que de soulever les lourds paquets au besoin. Sinon, il pourrait vaquer avec Erwin, s’il le voulait : le garçon avait insisté pour lui montrer sa chambre avec quelques clins d’œil insistants… Bien loin de ce que pouvaient s’imaginer les autres. Il voulait lui montrer sa collection de cartes « Monkeymon », qu’il avait érigé les mois précédents.

- Nous allons lever l’ancre ! Ordonna le Capitaine. Nous n’avons pas encore d’interventions, mais Papy a dit de se tenir prêt !

Il ne s’enquiquina pas à demander s’il y avait un navigateur à bord. Le Log Pose était-il intégré ici ? Il n’en savait pas plus, cependant il faisait confiance aux personnes présentes ici. Certes, il n’y connaissait pas grand-chose en navigation, cependant il était capable de se repérer sur une carte – chose qu’il semblait avoir hérité d’un passé dont il n’avait pas réellement conscience. Son regard se concentra sur l’horizon qu’il observait avec intérêt.

- AH ATTENDEZ ! Fit-il en arrêtant tout le monde d’un geste simple. D’abord, nous devons approvisionner le navire. Nous ne sommes plus six à bord… J’avais oublié ce menu détail, toussa-t-il. D’ailleurs, n’hésitez pas à parler si vous avez besoin de quoique ce soit, si c’est possible pour moi je l’envisagerai.

Il rougissait, inexpérimenté. Yoann grogna en voyant cela mais sortit immédiatement son appareil photo et fusilla le garçon. Erwin qui rougissait, et qui n’était pas grognon, c’était exceptionnel ces derniers jours. Heureusement qu’il vivait une bonne journée.

Apu D’Soul sembla blêmir tandis qu’Erwin disait cela, et il s’apprêtait à hurler mais se dit que l’investissement serait utile. Il sortit l’enveloppe avec les liasses de berrys d’urgence. Ainsi, ils pourraient faire quelques achats avant de partir tel que, tout simplement, un Eternal Pose et un Log Pose, mais aussi pour plusieurs millions de ressources. Il commanda d’ailleurs des roses séchées pour éviter que le scorbut ne se répande sur le navire… Ainsi que plusieurs Den Den Mushi pour chacun des membres de l’équipage, s’ils n’en avaient pas. Une fois qu’il aurait muni tout le monde de son matériel, et acheté les matériaux requis pour l’équipage, ils pourraient mettre les voiles vers une destination… Plus ou moins inconnue ? Non, il s’agissait en réalité toujours de la même chose : il allait vers l’aventure !

Après avoir mangé des cochonneries, il n’aurait d’ailleurs plus faim le soir même et refuserait toute nourriture qu’on lui offrirait. En tant qu’adolescent, il avait bien sûr toujours de quoi grignoter dans sa chambre… Ce qui risquait d’être embêtant puisqu’il faisait office de plante verte durant les dîners, et proposait toujours son assiette au plus gros mangeur de la salle une fois posée devant lui.

La nuit, après un premier après-midi en mer, l’Intercepteur voguait et les cheveux dans le vent il observait la lune et les étoiles. Ah, ces étoiles… Les autres dormaient-ils ? Il activerait son Haki de l’Observation sur le navire pour sentir toutes les présences qui s’y trouvaient, paisiblement.

Spoiler:

La journée suivait son cours sans qu’Erwin ne soit particulièrement vigilant à ce qui se déroulait sur le navire. Il avait certes une excellente quantité de Haki de l’Observation, mais son pouvoir n’était pas tout le temps actif. Contrairement au passé où il l’utilisait bien plus souvent, il était dans une phase, comme le blond, de sommeil… En quelques sortes. Ses yeux se tournaient en direction de la mer à chaque fois qu’il pensait à ce qu’il s’était dit durant l’après-midi. Il avait vu que Shark tentait de prendre la mer à chaque occasion, et il s’était alors approché d’elle et l’avait regardée droit dans les yeux, lui souriant avec un air presque enfantin :

- Je connais des hommes-poissons qui restent sur la terre ferme, et qui apprécient ce sentiment. Je sais que ces eaux sont traitresses, alors si tu le veux bien, reste avec moi ? Après tout, les femmes-requins sont les créatures les plus féroces de Grand Line !

Il n’en savait rien, cependant cela semblait cool à dire. Il était persuadé par ce qu’il racontait, comme un garçon atteint du Syndrome de l’Adolescence. C’était peut-être là le problème. Il s’approcha de la jeune femme et lui caressa les cheveux. Quelques heures plus tard, son Haki était déployé sur le pont du navire quand il sentit quelque chose se produire. Ses cinq sens s’étaient activés rapidement et il n’émit pas la moindre hésitation avant de se rendre aux côtés du jeune homme dont le corps commençait déjà à convulser.

Yoann avait eu la même réaction, et il semblait plus inquiet en dirigeant son regard vers l’homme au chat. Il le suspectait d’avoir fait quelque chose, et pour cause : il n’était pas très certain de ce qu’il avait senti, mais une voix avait disparu près de lui plus tôt dans la journée. C’était inquiétant, et il ne pouvait pas se permettre de le laisser agir, cependant il n’avait eu aucune preuve. Il fronça les sourcils tout en se méfiant mais s’approcha du garçon…

- Donnez-moi une…

Ah, il n’avait pas attendu, comme par instinct Erwin avait choisi une seringue et un scalpel. Le scalpel, grâce à ses connaissances sur le corps, lui permettrait d’ouvrir une voie pour l’air au niveau de la gorge… C’était cette connaissance en tant que sabreur pur qu’il utilisait en général pour couper les voies d’air de ses ennemis, mais dans le cas présent il n’oublierait pas de désinfecter la plaie après coup. Tandis que la seringue lui permettrait simplement d’injecter un anti-poison ou un simple placebo. Il ne savait pas duquel il s’agissait, mais il pouvait clairement essayer quelque chose. Certes, il s’agissait du hasard le plus complet… Mais il ne comptait pas s’arrêter là et demanderait si quelqu’un s’y connaissait en poison avant d’agir avec la seringue…

- Si quelqu’un s’y connait en poison, sauvez-le ! Hurla-t-il.

Il semblait quelques peu affolé, ce qui devait évidemment empêcher son Haki de l’Observation de fonctionner correctement. Serait-ce le moment propice pour l’attaquer par surprise ? Apu D’Soul observait la scène, considérant déjà le jeune homme comme mort. Il n’avait rien d’autre à ajouter, mais s’ils ne pouvaient pas le sauver, Erwin semblait sur le point de se déchaîner. Mieux valait-il laisser cet homme mourir ou lui permettre de garder la vie quelques instants de plus ?

Erwin trembla, plus calme que quelques instants auparavant. Il avait failli détruire le navire, et il devait trouver un moyen de se retenir. Il devait contrôler ses émotions, mais il était un adolescent, et il pleura de soulagement quand la mort se faufila hors de son regard. Ses mains vinrent caresser la tête du garçon en tremblant avant de laisser l’équipage le prendre en charge. Ils devaient accoster rapidement sur une île pour qu’il soit pris en charge, mais il avait fait le nécessaire avec les désinfectants à bord pour éviter qu’il ne soit infecté… Il pourrait attendre qu’ils trouvent un médecin pour éviter les séquelles.

- Je… je vais enquêter, dirait-il en fermant les yeux et en expirant profondément.

C’était beaucoup d’émotions, et il décida de manger des sucreries pour se détendre tout en reportant la responsabilité de l’enquête sur Yoann qui interrogea toutes les personnes à bord. La nuit commença alors et bientôt les deux heures du matin vinrent. Erwin dormait d’un sommeil léger à cause du sucre qu’il avait ingéré, et s’il ne sentit pas à proprement parler la présence de Darky dans la pièce, il sentit la menace qui pesait sur lui. Ses instincts, ou son Haki passif, vinrent prendre le dessus et le protégèrent d’un coup qui l’aurait sinon réveillé. Quand le fil se brisa, l’ennemi décida de partir en retraite.

Cela eut au moins l’effet de réveiller le blond, qui ouvrit les yeux sans savoir quelle heure il était… Mais en sachant qu’il avait une furieuse envie d’aller aux toilettes, à cause des sucreries et du mal de ventre que cela lui avait donné. Il passa donc presque une heure aux chiottes, tentant de faire passer son mal de ventre à la manière de toute la descendance Gratz – et c’était peut-être du papi qu’il avait hérité cette manie. En quittant les toilettes, il passa vers la cuisine en sentant la présence de deux personnes, et observa la jeune fille qui se trouvait là, devant le colosse. Une bouteille éclata dans sa main, et la porte du réfrigérateur menaça de se refermer sur elle.

A l’instant où elle vit sa vie défiler devant ses yeux, Erwin eut le temps d’intervenir, usant d’un soru et arrêta la porte avec son bras recouvert de Haki. L’homme s’éloigna à la manière d’un somnambule et il regarda la jeune fille qu’il venait de sauver.

- Est-ce que ça va ? Demanda-t-il. Je vais m’occuper de lui, repose-toi.

Cependant, il ne pouvait pas laisser cet homme provoquer d’autres désastres. Il avait compris qui il était en un rien de temps : c’était quelqu’un chargé d’éliminer ses proches. C’était sûr et certain, sa famille était en train d’être menacée par de grandes puissances. Il s’agissait sûrement d’une personne envoyée par un Empereur ou, pire, par les Cinq Etoiles ! Evidemment, ils en voulaient à leur superbe navire et voulaient faire en sorte qu’il soit accusé d’incompétence. Il s’approcha de Léoshka et le suivit. S’il se couchait, il attendrait qu’il se réveille, évitant de réveiller un somnambule en plein sommeil – règle élémentaire quand on travaillait dans le Compost.

Cela suffirait pour que Yoann arrive et partage ses doutes avec Erwin, pensant qu’il avait déjà tué quelqu’un d’autre. Le blond froncerait les sourcils et baillerait : il n’avait pas dormi. En réalité, c’était un réflexe parce que son corps n’était pas fatigué.

- Léoshka… Pour qui travailles-tu ? Demanda Erwin.

La question était simple, mais cela voulait aussi dire quelque chose. S’il répondait « Tonton », Erwin répliquerait immédiatement en demandant le nom de ce fameux « Tonton », croyant évidemment qu’il s’agissait de Yang Thalassa. De toute évidence, cet homme était jaloux de Nils Gratz parce que Iralia Padsin était amoureuse de leur papi ! Il avait tout compris grâce aux cours d’histoire des membres du Compost.

En fonction de la situation, Léoshka risquait bien sa vie… Mais il n’en aurait pas conscience, tout comme Erwin n’avait pas encore conscience que son instinct le pousserait à éliminer cette menace.

« Ah. ». Leur plan était tombé à l’eau : ils n’avaient pas pu connaître le commanditaire qui était derrière ce fameux personnage. Erwin ne semblait pas réellement comprendre toute la situation, mais il laissait sagement faire le photographe dont le regard aiguisé indiquait des machinations qu’il n’aurait pas osé imaginer. La plupart du temps, le côté « Dark » d’Erwin était monté de toute pièce, et il n’était ni un génie du mal, ni même un génie tout court. Finalement, il laissa Léoshka se réveiller avec une douce odeur d’œufs près des narines. La nuit avait été longue, et le matin était bien avancé. Leur départ avait été réalisé en milieu d’après-midi, ou en fin d’après-midi, ce qui voulait dire qu’ils seraient bientôt prêts à accoster une île.

Pour les assassins à bord dont le blond ignorait l’existence, il y avait un enjeu incroyable. Certains avaient peut-être abandonné, et d’autres étaient morts. Il avait sauvé trois d’entre eux : la petite fille requin, qu’il regardait régulièrement en vantant les mérites de la race des hommes-poissons-terrestres, ces fameuses créatures capables de survivre dans ce milieu hostile qu’était la terre, les plus courageux et les plus braves d’entre eux ! Apu D’Soul s’était rapproché du vieil homme et de son fils pour observer l’évolution de leur état, quant au photographe, il était simplement en train de motiver les troupes à réaliser le ménage du pont supérieur.

- Tiens, dirait Erwin en apportant de la viande à Léoshka, viande qu’il avait trouvée dans la cuisine. C’est mieux que les œufs.

En effet, c’était mieux que les œufs. Certes, la force de buffle de ce jeune homme était certainement une réponse à sa surconsommation d’œufs tous les matins au petit-déjeuner, mais il avait le droit d’avoir une vie « quoi, bordel ! ». Le blond tentait innocemment de se rapprocher de lui, car quel meilleur moyen d’obtenir les faveurs d’un homme que de l’attaquer par son estomac ?

Personne n’avait osé noter l’odeur d’urine qui venait de Léoshka. Pour Erwin, les odeurs fortes étaient coutumières à cause de ses problèmes d’adolescent. Quant aux autres, ils devraient faire avec de toute évidence.

- TERRE EN VUE ! Hurla une voix sur le pont.
- C’est… c’est quoi ? Fit Erwin, les yeux rayonnants de bonheur.

Il s’était élancé vers le pont. En effet, il fallait très peu de temps avec ce navire pour atteindre des terres promises. Il s’élança donc. Si leurs calculs étaient exacts, et ils ne l’étaient pas, ils se retrouveraient en face d’une île nommée « Longring Longland »… Mais non, il y avait des bulles dans l’air, et des mangrooves à perte de vue… C’était Shabondy ! Et bien sûr, ils n’étaient pas arrivés par le chemin emprunté par les marines, mais bien par celui que les criminels prenaient.

- Je croyais qu’on remontait la voie 3…, fit le photographe en jetant un regard à Apu D’Soul.
- Oh… Remonter ? J’ai compris descendre ! Fit-il.

En réalité, il n’avait pas regardé le Log Pose de toute leur descente. Il se fichait pas mal de la destination : il boudait encore d’avoir été contraint de déposer une enveloppe de Berrys presque pleine ! C’était un peu sa petite vengeance personnelle, même s’il aurait préféré jeter les loups directement sur une île comme Himitsu Shima pour qu’ils y passent tous !

Le corps de Léoshka convulsait sur le sol. Erwin observait avec une horreur mesurée ce qui se déroulait en face de lui. Certes, il aurait aimé ressentir de la terreur, mais ce sentiment n’existait pas ici, il était encore inconnu. Il se pencherait sur l’homme sans pour autant chercher à le sauver : il n’y avait plus d’antipoison sur le navire, et il ne pouvait pas reproduire la procédure pour l’aider. S’agenouillant auprès du garçon, il lui caresserait les cheveux tendrement pour l’accompagner dans son dernier soupir.

- Dors, dors, dirait-il.

Dans son esprit, une même scène se reproduirait.

Il était dans la neige, et il faisait froid. Son corps résistait bien aux changements de température, pourtant. La couverture blanche autour des deux jeunes garçons semblait s’étendre à l’infini, dans les montagnes et au-delà. Ses lèvres tremblaient tandis qu’il chantait avec une voix cassée les paroles d’une chanson païenne, un appel à l’élévation de l’esprit. Dans ses bras, allongé sur le sol, le petit garçon au ventre percé tentait de garder son dernier vacillement de conscience.

- Grand-frère… J’ai… J’ai peur…
- Je suis là, mi hermano. Dors…
- Juste un peu alors…

Des larmes coulaient le long des joues du blond, tandis qu’il reprenait son chant.

Il se tourna vers la petite fille au regard rouge. Devait-il la tuer ? Cette pensée parcourut son esprit, tandis qu’une partie de ses souvenirs revenait. Comment avait-il pu les oublier ? Ses amis, sa famille. Ils disparurent aussi vite qu’ils étaient arrivés, mais ils laissèrent un sentiment d’impuissance derrière eux. S’approchant de la jeune femme, il regarda plusieurs hommes et ordonna sur un ton strict :

- Enfermez-la.

Personne ne pourrait le contredire. Il se retournerait ensuite vers l’extérieur pour s’y volatiliser, une fois qu’on aurait pris soin d’entreposer le corps. Il rejoindrait le pont inférieur, tandis que la majeure partie des nouveaux marines iraient sur le pont supérieur. Son regard se perdrait sur les grooves tandis qu’il s’adosserait à l’extrême opposé, là où il n’y avait personne sinon lui. Ses yeux se tourneraient finalement vers le ciel, et il sentirait une présence s’approcher. Le regard languissant, la jeune femme se trouvait être Perdrie. Elle était observée par Darky un peu plus loin, et le regard du blond se tourna vers lui. S’il était bleuté, il semblait prendre les rayons du soleil et les combiner en un combiné de couleurs étrange.

- Mon amour, fit la jeune femme en s’élançant vers lui.

Elle s’approcha de lui avec un air déterminé, s’élançant en perdant toute notion de la scène. Erwin aurait pu esquiver sans problème, mais ce type de marques d’affection le dérangeait du fait de son adolescence. Il rougit, ferma les yeux et lorsqu’il les rouvrit, la jeune femme avait la nuque retournée, le corps allongé sur le plancher. Il ne paniqua pas, mais une forme d’esprit froid, celle de celui qui comptait sur sa conscience plus de dix-mille morts, agit. La jeune femme fut envoyée à très grande vitesse très loin dans l’eau, tandis que tout le monde observait la scène fantastique de Shabondy.

Darky, quant à lui, sembla considérer qu’il était temps d’agir. Il fallait avouer qu’il venait d’assister à un meurtre de sang-froid et que le regard du blond lui disait qu’il serait le prochain. Il allait pouvoir cependant accomplir son travail, et d’une voix rauque il dirait :

- Je suis bat…

Cependant, sa nuque craquerait. Il n’aurait rien pu faire, malgré sa puissance très honorable sur Grand Line. Erwin se retint de paniquer. Il observa le cadavre et lui fit subir le même sort qu’au premier. Ce n’était que deux morts de plus dans la longue liste du garçon.

Quelques minutes plus tard, ils s’approcheraient des Grooves, dont celui sur lequel se trouvait le Supernova. Apu D’Soul observerait la personne qui se trouvait là-bas, grâce à sa longue vue. Il n’avait pas la connaissance de tous les primés, mais ce visage lui disait quelque chose. Un premier marine l’avait localisé et lui avait dit de regarder. Se tournant vers Erwin, il dirait à ce dernier :

- Il y a un méchant là-bas, attrape-le ! Dirait l’ancien banquier qui voyait un grand nombre de zéros sur la tête de cette pauvre victime.

Le blond acquiescerait et se propulserait en une seule fois, détruisant une partie du bastingage pour se rendre sur Shabondy. Son saut lui permettrait d’arriver vers Zurk Newam, et il dirait en penchant légèrement la tête :

- Tu es un méchant, toi ?

S’il ne dégageait rien quelques instants plus tôt, il était à présent recouvert pour ceux qui étaient capables de ressentir les écarts de puissance de son aura terrifiante. Ses yeux étaient fixés sur Newam, attendant sa réponse.

Spoiler:

Il avait envie de le harceler un peu. C’était dans la nature de nombreux adolescents de vouloir faire en sorte que les faibles entrent dans la norme, celle qu’ils avaient eux-mêmes arbitrairement défini. Un large sourire parut sur le visage d’Erwin, un sourire démoniaque et empli de mauvaises intentions tandis qu’il entendait le nom de « Monkeypia ». Si cela résonnait comme étant une connaissance qu’il avait déjà, c’était parce qu’il avait parcouru le Nouveau Monde plus que le reste des océans, et qu’on avait plus de risques de le reconnaître là-bas. Pourtant, il était curieux. Il désirait « savoir » ce que voulait dire son interlocuteur, et c’était pour cette raison que son poing alla s’enfoncer dans l’arbre devant lui, provoquant un trou un peu plus important que sa main.

- Où… Est… Monkeypia ?

Il avait l’air de vouloir y aller, mais sans savoir où c’était, il ne pouvait décidément pas réussir cet exploit. Son sourire s’élargit soudain, plus démoniaque encore que précédemment. Si on avait été dans une histoire fantastique, on aurait pu y voir l’incarnation du « Roi des Démons », mais Erwin était en réalité juste un adolescent qui se donnait un petit côté « dark » et qui s’inventait des histoires dans sa tête. Monkeypia ? S’agissait-il d’un défi ? Il comptait bien le relever. Cette pensée le faisait frissonner, et une large idée lui vint en tête. Pouvait-il aller sur cette île pour en faire le point d’accroche du Compost sur le Nouveau Monde ?

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Yoann observait l’homme-lapin sur le navire, fronçant les sourcils. Quelque chose lui paraissait étrange, depuis qu’ils avaient capturé la gamine. En effet, que pouvaient-ils bien faire à présent ? Erwin était parti du navire en détruisant une partie du bastingage, et le photographe était en charge, en tant que second, de tout ce qui touchait à la gestion. Il se tourna vers Ginger qui s’apprêtait à partir chercher des clous et un marteau, et soudain une sordide image lui vint en tête.

- Je… je pense qu’il vaut mieux qu’on évite de sortir tout ça. Nous allons le faire réparer au port marine, nous devons juste changer un peu de direction.

Après tout, il valait mieux un expert pour réparer un bateau d’une telle qualité, expert qu’il manquait sur ce vaisseau. Pour éviter tout incident, Apu D’Soul fut placé là tandis que le photographe se dirigea vers l’homme-lapin en lui souriant :

- Tu as eu le bon réflexe, mais un navire comme celui-ci aurait besoin d’un bon charpentier. Nous demanderons à en recruter un prochainement.

En effet, s’ils voulaient s’aventurer quelque part il leur valait mieux quelqu’un semblable à Kangou, le vieil homme en charge des diverses réparations des navires de la flotte, qui avait travaillé d’arrache-pied mais commencerait à s’essouffler sans soutien. C’était dommage qu’étant à Water Seven, ils n’aient pas pensé à recruter quelqu’un de compétent dans ce domaine.

Yoann n’avait de cesse de suspecter que quelque chose d’étrange se déroulait. Il activa donc son Haki pour suivre les mouvements de Ginger sur le navire, et constata qu’il allait vers les cellules. Il décida donc de le suivre, et lorsqu’il arriva là-bas la petite fille était en dehors de la cellule, tandis que l’homme-lapin était à terre. Il soupira, une main sur le visage, et attrapa la fuyarde.

- Retour à la case prison, dirait-il.

Finalement, ils devraient choisir ou non de la livrer plus tard, mais il était certain qu’elle allait passer un sale quart d’heure pour expliquer ses propos. Cependant, elle pouvait compter sur le fait qu’ils n’avaient pas de grade pour s’en sortir, les traitant d’inexpérimentés… Ce qui résulterait peut-être par un massacre. Yoann saisit l’homme-lapin et l’amena dans la cabine d’infirmerie, assez petite, et l’allongea sur le lit.

Quand il se réveillerait, il lui dirait avec un air assez sincère :

- Mieux vaut que tu te reposes. Erwin va se faire du souci si d’autres personnes… Oh, disparaissent.

Il venait de comprendre : même si cela pouvait être interprété comme faisant référence strictement à Léoska, c’était en réalité une manière de faire référence à ce nombre décroissant de marines sur le navire. Ils étaient combien déjà à l’origine ? Cela pouvait aussi être interprété comme une menace : si tu disparais, qui sait ce qu’il pourrait t’arriver ?

Erwin observa l’homme devant lui, et commença à lui fouiller les poches, semblant le toucher étrangement. Cependant, il réalisa bien vite qu’il n’avait rien, et l’homme, tétanisé, avait l’air incapable de continuer à répondre à ses questions. Finalement, d’un simple coup il assomma la personne, la prit sur son épaule et s’élança à nouveau vers son navire. Il arriva à hauteur d’Apu D’Soul et décida de prendre les commandes :

- Direction la base marine.

Le nain difforme acquiesça et fit signe aux membres de l’équipage de se mettre en route vers le gros bâtiment marine qu’on pourrait bientôt apercevoir au loin. Ils arriveraient donc suffisamment rapidement devant l’édifice, après avoir peut-être arrêté une nouvelle tentative d’assassinat sur lui et caresser la tête de la femme-requin pour la féliciter – d’exister, tout simplement.

Quand ils arriveraient à hauteur de la base, Erwin se contenterait de sortir et d’attraper le premier gradé qui traînait par là – il les repérait grâce à leurs manteaux, c’était comme ça qu’il fallait aller les voir.

- J’amène ça, dirait-il en soulevant le primé qui n’était ni ligoté, ni menotté. Et je veux aller à Monkeypia. Montrez-moi le chemin… S’il-vous-plaît.

Il répèterait sa requête autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que quelqu’un comprenne ce dont il parlait, avec sa grandeur naturelle, et… sa grandeur naturelle aussi. Si on lui demandait s’il avait vaincu ce gars-là, il acquiescerait simplement, incapable de dire s’il était puissant ou pas… Mais allait-on croire qu’un mousse qui se disait être « Erwin, maître de l’Intercepteur, navire le plus rapide de la marine » ?

Spoiler:

Les deux morts passèrent inaperçues, car il n’y avait rien à en dire : c’était des morts en sursis, et manger la nourriture de la petite vampire n’était de toute évidence pas une bonne idée. Livrant simplement les cadavres comme des petits pains, Apu D’Soul fit débarquer en précisant qui était responsable et les raisons de leur mort. Il ne s’étala pas et se contenta de laisser les marines prendre les autres témoignages, ce qui avait été vu, et ce qui avait été vécu. La mort était le berceau d’une place pour une nouvelle vie, selon certains, mais ici le carnage avait été tel qu’on pouvait se demander comment l’équipage avait pu être réduit ainsi.

Passant son regard sur le Colonel, il ne répondit pas à ce dernier. Grade de « Commandant » c’était quoi ça ? Il n’en savait rien, mais derrière lui un des marines qui l’accompagnait sembla surpris. Capturer un Supernova était un exploit en soit, bien qu’il n’ait en réalité pas conscience des tenants et aboutissants. Observant ses hommes, il se contenta de dire :

- Nous nous y rendrons, merci.

Et il prit la barre pour se diriger cette fois-ci vers Marijoa, après avoir refait ses provisions. Il y avait une ouverture dans Red Line, le seul endroit où les marines étaient autorisés à accéder au Nouveau Monde et où on lui dirait quelle aiguille suivre. Puis il faudrait aller de New Marineford à Foodvalten. Pour cela, il allait falloir appeler Nils Gratz, le Vice-Amiral en charge du Compost, son papy. Il l’aimait, et il voulait le rendre fier en résolvant un problème qu’il ne comprenait pas. Sa curiosité pour Monkeypia était cependant légitime, car elle faisait écho en lui-même. Il ferma les yeux, sentant une douce chaleur émerger. Y était-il déjà allé, ou était-il simplement passer auprès des côtes de cette dernière ?

Enfin, il n’aurait d’abord besoin que de la direction du premier endroit où il devait se rendre. Inconscient des dangers, il avait avec lui Apu D’Soul qui faisait office de navigateur, et Yoann qui rassurerait les marines à bord. Il allait falloir qu’ils se rendent à New Marineford dans un premier temps, c’était en tout cas ce qu’on leur avait demandé. Allaient-ils s’en sortir ? Reviendraient-ils en un seul morceau ? Ce n’était pas réellement une nécessité pour Erwin, mais voir la grande entrée qui le menait au Nouveau Monde le rendait nostalgique. Il avait l’impression de rentrer en terrain connu, et cela avait quelque chose de rassurant.

Pour qui d’autre le Nouveau Monde pouvait-il avoir quelque chose de rassurant ? L’épéiste était sûrement un cas à part, et d’autres trembleraient de peur, mais pas le Compost ! Le Compost était composé d’hommes forts, d’hommes puissants. Enfin, il était composé du Papi Nils Gratz et d’Erwin, jeune bretteur qui avait une puissance inconnue à tous, même à lui-même…

Du moins, c’est ce qu’il aurait aimé se laisser croire encore quelques temps, car à l’aperçu des premières vagues, des premiers émois, il sentit comme une nouvelle sensation le parcourir, quelque chose d’étrange, de si familier, et de si éloigné. Une larme coula le long de ses joues : ah, miséricorde. Son expression se referma, et pour la première fois depuis longtemps il croisa les bras en observant l’horizon, fermé.

- Erwin, les provisions ont bien été refaites… Erwin ?

Le blond ne répondit pas. Comment avait-il pu oublier ? Et un instant, son regard se tourna vers Yoann, comme s’il tenait sa vie entre ses mains. Pendant un bref, un court, un infime instant il s’apprêta à massacrer tous ceux qui étaient sur le navire dans le seul et unique but de revenir à son ancienne vie. Puis il se dit que celle-ci n’était peut-être pas si mal. Qu’y avait-il de mal à profiter un peu plus de sa nouvelle famille ?

- Je suis batman ! Hurlerait-il en prenant une pause de superhéros.

S’il ne savait pas ce que cela voulait dire, cela annonçait un avenir différent.

Mémoire : 100%

Spoiler: