Se rendre sur Toroa n’avait pas été la chose la plus dure qu’elle avait dû faire, non. Le trajet avait été rapide tant elle avait apporté de boulot avec elle. S’aventurer à la fin de la reconstruction de Enies Lobby sur un territoire marine ? Bien sûr qu’elle devait le faire. La raison était d’ailleurs on ne peut plus simple : il y avait supposément des recrues pour renflouer les rangs du Cipher Pol à l’université de Toroa. Certaines personnes étaient même parmi les plus grands espoirs que Reutsuna avait pu localiser. Lorsqu’elle serait sur place, elle pourrait en juger par elle-même et remplir les rapports, pendant que l’Agente qu’elle avait envoyée était déjà sur place.

Le plus inquiétant dans l’histoire, c’était que Lidy n’était pas venue seule. Trois personnes, trois gardes du corps pour être exact, l’avaient accompagné. Il s’agissait de Mizuki Tozoru, de Toru et de Yutsu. Les trois hommes étaient en réalité bien atypiques. Le premier était un homme-panthère, dont le regard laissait transparaître un sérieux démesuré. Le second avait une adoration pour la Olsen, et était un homme des sables, tandis que le dernier, un homme-loup, semblait légèrement ensommeillé.

Le trio formait la garde rapprochée de la jeune femme qui n’avait de cesse de dire qu’elle n’avait pas besoin d’autant de gardes du corps, alors même qu’ils s’étaient autoproclamés à ce rôle. C’était leur volonté qui l’avait fait flancher. En général, elle n’en amenait qu’un seul, mais étrangement à l’annonce de son allée à Toroa, Valentine, sa secrétaire à l’autre bout de l’escargophone, avait insisté pour qu’elle amène les trois. Qu’y avait-il de si dangereux pour qu’elle ait besoin d’amener trois gardes du corps sur le Royaume de Toroa ?

Passant en revue les souvenirs qu’elle avait de cette île, elle ne put s’empêcher de noter les événements qui s’y étaient produits. Qui était le doyen de l’université déjà ? Elle n’avait pas cette information. En revanche, Ishtar y était déjà…

- Oh, Nils Gratz, dit-elle à haute voix.
- Le capitaine du Compost, le Vice-Amiral Gratz ? Commenta Yutsu en levant la tête vers le plafond lentement.
- Hum, oui, je pensais à lui.

Elle ne pouvait pas vraiment dire que ça lui faisait réellement plaisir, mais cet homme était indubitablement lié à ces lieux. Si elle creusait un peu plus, elle pourrait sûrement accéder aux souvenirs de Shimura sur le sujet, mais elle n’avait pas envie de s’y arrêter trop longtemps. Il valait mieux qu’elle occulte la présence du vieillard qui avait appris l’existence de son fruit du démon aux côtés de la De Lerhane. Fermant les yeux, elle soupira cependant : mieux valait éviter de croiser cet homme pendant leur séjour. Elle irait saluer le Colonel Hornigold, à la tête de la base, et prierait pour que le Compost ne soit pas sur l’île.

Quelques dizaines de minutes plus tard, son embarcation arriverait sur le port, et elle s’étirerait en sortant du navire, son manteau de Directrice du Cipher Pol 6 sur le dos. Elle pouvait en profiter pour faire un tour des potentiels infiltrés, les débusquer et les jeter aux oubliettes, si elle avait assez de temps.

La chaleur de cette forteresse imprenable qu’était Toroa ne faisait pas chavirer le cœur de Lidy Olsen. Elle n’avait aucune envie de parler avec les habitants de cette ville, et pourtant elle se contenta de leur afficher un sourire de circonstances. Elle accepta de manière bienveillante ce qu’on lui offrait, laissant apparaître une façade pour redorer l’image des Cipher Pol. Ses gardes se contentaient de rester aux aguets au cas où quelque chose déraperait rapidement, mais ce n’était pas encore le cas. Enfin… Bien sûr, il fallait se méfier de l’eau qui dormait, et la Directrice du Cipher Pol 6 n’avait aucune envie de comprendre ce qui lui arrivait dessus. Le bruit des pas faisait trembler le sol, tant et si bien qu’elle n’eut aucun mal, grâce aux pensées des habitants, à identifier le phénomène qui arrivait sur elle.

La « Grosse Dame », celle qu’on surnommait aussi « La Grosse Dame de Cantine » ou encore « L’Imposante Dame », s’avançait d’un pas assuré dans la direction de la jeune femme qui n’en croyait tout simplement pas ses yeux. Elle fit signe à ses gardes du corps de ne pas lui tomber dessus, sans quoi ils s’y seraient sûrement mis à plusieurs pour repousser l’attaque qui se voulait virulente. Sous le poids d’une telle personne, Lidy aurait sûrement pu être brisée en deux. Elle esquiva cependant au dernier moment l’assaut, et laissa donc la femme s’écraser dans le sol ou rouler plus loin. Quelle que fut la réponse adoptée, la Olsen dirigerait une main charitable en direction de celle qui se rapprochait sûrement le plus d’une Seconde dans l’équipage de Nils, à ce qu’elle pouvait plus ou moins voir de ses souvenirs.

- Bonjour, est-ce que vous pourriez m’indiquer où se trouve la célèbre université de Toroa ?

En plus d’avoir des défenses imprenables, l’île avait accès à un centre de culture. Les universités, concept quasiment étranger dans les autres parties du monde, étaient censées apporter du savoir et des compétences à ceux qui s’y dirigeaient. Lidy n’avait jamais eu l’occasion de fréquenter un lieu comme celui-ci, et elle s’attendait à être époustouflée… Alors elle décida de garder la surprise et ne fit pas appel aux souvenirs que quiconque aurait pu avoir sur cet endroit.

Souriant d’un air paisible, elle finirait par se présenter à l’imposante créature bipède qui se trouvait en face d’elle, plus proche de la chaleureuse cuisinière que du monstre que certains pourraient dépeindre. Le prouvait ce souvenir qu’elle avait de sa rencontre avec une Dragon Céleste sur Plateform, une île où Koro Talpan avait vu ses derniers jours arriver.

- Je m’appelle Lidy Olsen, et voici mes gardes du corps. Je suis la Directrice du Cipher Pol 6, enchantée. Puis-je connaître votre identité ? Et… Pourquoi m’appelez-vous « Sœurette » ? A moins que ce ne soit une erreur.

Elle pouvait admettre une erreur, mais en réalité elle tentait de lire dans les pensées de la personne en face d’elle pour décrypter ce qui s’y trouvait. La fatigue n’aidant pas, elle était cependant à même d’utiliser son pouvoir.

« Julia »… Oh, sa sœur. Heureusement que dans tout ce non-sens, des informations fuitaient pour donner l’impression de quelque chose de cohérent. L’informité de la grosse dame était heureusement éloignée de celle structurée de ses souvenirs. Les données étaient rentrées dans la Olsen comme dans la base d’un Pacifista. Elle fit outre les pensées outrageuses de son interlocutrice sur sa taille – dont, sans en être fière, elle était satisfaite – et se concentra sur le chemin qu’on venait de lui proposer. Décidément, cette personne n’avait aucun sens de l’orientation. Un soupir las parcourut déjà les lèvres de la Directrice qui passa une main sur son front : ça allait être une longue journée.

- Je devrais pouvoir me débrouiller, répondit la Olsen qui s’attendait à tout sauf à la réaction qu’elle venait de lui fournir.

Pour une Sergente de la marine, Ité Manjtou avait décidément une drôle de façon de faire les choses. Elle n’était cependant sûrement pas la seule dans le Compost à faire ce genre de choses, et cela valait une petite enquête. Elle lorgna sur les habitants de Toroa, observant les heureux qui se trouvaient ici. De toute évidence, l’île respirait la joie de vivre, et les problèmes étaient peu nombreux, ou alors rapidement réglés.

- Lidy ! Lidy !

Celle-ci jeta un regard noir et glacial à Toru, le plus jeune de ses gardes du corps. Il détourna la tête et fit mine de l’ignorer, continuant ce qu’il voulait dire :

- C’est une île géniale ! Toutes les îles du Gouvernement Mondial sont comme ça ?
- Pas vraiment, répondit-elle laconiquement avant de se diriger vers l’université.
- Celle-ci semble respirer la joie de vivre, commenta le taciturne Zick qui était émerveillé par cet endroit.

Finalement, un point sur lequel les quatre nouveaux arrivants étaient d’accord : cette île inspirait une réelle sérénité. Dommage que le Compost en soit à la tête, car cela lui donnait une mauvaise réputation. On avait même tendance, ces derniers mois, à y affecter des branquignoles pour s’en débarrasser avec pour seule raison : « C’est le Compost ! ». Enfin, il s’agissait aussi peut-être d’un concours de circonstances.

- Vous avez une idée de ce que nous allons pouvoir trouver comme recrues ? Demanda Yutsu en se grattant derrière l’oreille.
- J’ai lu quelques rapports de Reutsuna. Elle m’a dit qu’il y avait surtout des novices, mais qu’ils semblaient prometteurs.

Elle soupira, déjà épuisée. Il allait falloir qu’elle y mette du sien pour éviter de se faire emporter par cette vague de folie que le vieillard avait instauré ici. Elle risquait de repartir bredouille, mais mieux valait cela à une potentielle infiltration d’un ennemi. Son regard se posa sur deux soldats qui patrouillaient, une glace à la main. Elle fronça les sourcils et dévia de son chemin : d’une certaine manière, si elle faisait bien son travail, elle exigeait que d’autres le fassent aussi. Elle s’approcha des deux hommes qui la regardèrent avec de grands yeux, avant de comprendre à son brassard du Cipher Pol 6 qu’ils allaient devoir s’expliquer, sans pour autant réussir à former une pensée tangible tant le stress les prenait :

- Une glace ? Sur votre lieu de travail ! S’élança-t-elle avec superbe. Vous devriez avoir HONTE ! Les marines de Toroa sont la fierté de West Blue, leur base est censée être presque aussi imprenable que Marineford ! Il faudrait des semaines de siège pour vous faire tomber, et vous… Vous mangez des glaces en plein service ?! Vous êtes vraiment…
- Oh, messieurs les soldats ! Merci pour les glaces, s’écrièrent deux enfants en courant vers les deux hommes.
- Merci d’avoir apporté les glaces à mes enfants, alors que les leurs étaient tombées à cause d’une mouette, ajouta leur mère en les suivant.

La Olsen se figea, tournant son visage rougeâtre en direction des soldats. Toru eut un petit rire moqueur qui lui valut de se faire encastrer dans le mur derrière lui, et elle lâcha en toussotant :

- Rompez, soldat. Aider les citoyens est le devoir d’un bon marine…

Elle s’en retourna en direction de l’école Gratz, ne sachant pas réellement ce qu’elle y trouverait : peut-être un peu de quoi masquer sa gêne.

Elle resta sur place, de surprise. Hébétée, la Directrice du Cipher Pol 6 avait peur de comprendre ce qui se déroulait en face d’elle : un acte de bonté était né d’une mauvaise interprétation de la situation. Elle y croyait à peine. Cette grosse dame semblait avoir un schéma de pensée qui lui échappait, comme si les quiproquos étaient son seul moyen de fonctionnement. Un soupir las traversa ses lèvres quand elle comprit qu’elle était le centre d’attention de la grosse dame de cantine, et qu’elle allait avoir le droit à des remarques sur sa taille. Elle était petite, certes, mais elle avait des atouts…

Quand elle lui passa la soupe, en lui disant de grandir, la Olsen ne put s’empêcher de la saisir, incrédule. Yutsu huma celle-ci, essayant de détecter la présence de poison, mais il n’y en avait pas. Ce fut donc une jeune Directrice toujours surprise qui se tourna en direction de l’université et laissa Mama Ité à sa concoction. Elle goûta le repas, et après quelques bouchées elle le laissa sur un muret avant de se diriger à nouveau vers l’université. C’était délicieux, mais ce n’était pas le moment.

- Elle m’a dit quoi ? S’agaça la Olsen.
- Un rapport pour insubordination…
- Ne donnons pas plus de maux de tête à nos administrateurs qu’ils n’en ont actuellement. Le Compost fait déjà couler beaucoup d’encre, soupira-t-elle en continuant sa route.

Le costume noir de l’université saillait à ravir aux plus jeunes recrues qui s’étaient jetées sur la soupe. Les diplômes allaient bientôt être distribués, ce qui permettrait de repérer les meilleurs et de les engager. Elle allait devoir les sélectionner avec soin et les distribuer dans les différents Cipher Pol en fonction de leurs compétences, même si elle s’attendait surtout à fournir les Cipher Pol 1 et 4 grâce aux connaissances universitaires acquises ici.

- Tiens, un vieux en slip ! Décidément, le monde extérieur est vraiment intriguant, commenta Toru avec un air enfantin.
- C’est… Le Vice-Amiral, déclara Lidy.

Elle était à nouveau stupéfaite. Le vieillard se trouvait non loin d’ici. Ce membre du Compost était non seulement l’un des plus anciens vestiges de Toroa, mais aussi une jeune recrue dans la marine à la montée exponentielle. Son grand âge n’enlevait rien à ses exploits contre Talpan – même s’il n’avait finalement pas participé à son arrestation – et dans les différentes autres batailles qu’il avait menées. C’était un puissant utilisateur du Fruit du Poison. Dans son état actuel, la Olsen avait sûrement plus de risques d’y passer que de rester en vie si un affrontement se déclenchait, pour une quelconque raison.

- Vice-Amiral Gratz, héla la Olsen. Lidy Olsen, Directrice du Cipher Pol 6. Je viens ici pour l’université, déclarerait-elle tandis que ses trois gardes du corps seraient sur leurs gardes.

Elle n’avait pas peur de ce qu’il pouvait faire, mais bien de ce qu’il pouvait penser. Pourquoi en slip ? Elle ne le releva pas. L’hospice n’était pas loin. En tout cas, cela figurerait dans son rapport : le nudisme avait beau ne pas être prohibé par la loi, il y avait des lieux pour cela… Et s’il se croyait encore dans sa chambre ? Et s’il dormait éveillé ? Des séries de questions lui passèrent par la tête, mais elle décida de plonger dans celle du vieil homme pour y trouver des réponses.

La Olsen avait lu rapidement la vie du vieillard, à la recherche de corruption. Elle n’avait pas trouvé à proprement parlé ce qu’elle cherchait, car l’homme en lui-même ne pensait pas à mal. Il n’avait pas l’impression que ce qu’il faisait était « mauvais ». Pourtant, elle réussit à détacher quelques éléments qui lui firent penser qu’elle pourrait un jour creuser au besoin : son affiliation avec une révolutionnaire, ou encore les hauts-faits qui lui avaient été attribués mais qui n’étaient pas de son fait. La capture de Koro Talpan n’était même pas due à Nils Gratz, il ne savait même pas qu’il était présent sur l’île ce jour-là, à ce moment-là. La Olsen fut intérieurement étonnée de ce mélange de gravité et de légèreté burlesque, mais elle n’en fut pas du tout attendrie.

Il avait beaucoup perdu, mais nombreux étaient ceux qui avaient aussi beaucoup perdu. Il semblait cependant se tourner, consciemment, vers un chemin qui menait à la trahison. Elle soupira, un regard dirigé vers celui qui confondait l’uniforme avec celui de l’université.

-  Je suis ici pour… Monsieur Gratz, dirait-elle en s’adressant finalement au vieillard non plus par son titre mais ce qu’elle considérait être une formule plus appropriée aux sentiments du vieil homme. J’aimerais voir ce que l’université de Toroa réserve. On m’a dit qu’il y aurait bientôt une remise de diplôme, est-ce que vous la menez ?

Elle avait appris cela grâce à son réseau d’informations. L’homme en slip était de toute évidence l’un des grands maîtres de l’île, et elle voulait simplement lui donner une sorte de place qui lui revenait. Sans défier son autorité, elle aurait de toute évidence plus de chances d’accomplir son but, même si cette pensée arriviste risquait grandement de se retourner contre elle. Le Gratz ne l’aurait peut-être pas percé à jour, ou alors elle le saurait en lisant ses pensées. Le sourire de la Olsen se voulait cependant sincère.

- C’est à leur système d’éducation qu’on peut voir les îles les moins corrompues. J’aimerais que l’on puisse proposer ce système d’université aux quatre coins du monde, l’éducation éclaire l’esprit après tout…

Et elle le pensait réellement, mais avait-elle besoin d’une grande masse de personnes ignares et faciles à manipuler, ou d’une grande masse d’intellectuels pinailleurs ? La première solution semblait plus reposant pour la bleue, cependant il fallait avouer que ce serait à contrecœur qu’elle la choisirait. Elle aimait les conversations qui volaient plus hautes qu’à l’habituel. Ce n’était pas avec Toru qu’elle pouvait en avoir, mais l’homme-panthère à ses côtés, Zick, était plus instruit qu’il ne le laissait paraître. Et si ça n’avait pas été pour son flegme habituel, Yutsu aurait très certainement fait un compagnon agréable dans ce domaine.

Elle écouterait ainsi attentivement les réponses de Nils, et lui proposerait, s’il le voulait bien, de lui faire faire un tour de l’université. C’était la demande la plus normale qu’elle pouvait formuler, même si il la confondait avec une étudiante mal fagotée. De toutes les manières, la jeune femme n’avait pas besoin qu’il la prenne au sérieux : elle discuterait avec le doyen dans le but d’obtenir ce qu’elle désirait, dans le pire des cas, et se servirait de son lien avec Nils pour bon gré, mal gré sur la fin.

Faire le tour de l’université sur un quiproquo était tout de même bénéfique. Lidy aurait pu se dire « C’est avec l’argent des taxes qu’on paye ce genre de personnes ! » mais elle avait autre chose à penser. Ses yeux se froncèrent tandis qu’elle comprenait que son interlocuteur croyait qu’elle cherchait quelqu’un d’autre. Qu’importe, elle était là pour recruter des personnes pour le Cipher Pol. Un soupir las la traversa tandis qu’elle constatait que tous les givrés de la galaxie s’étaient retrouvés ici. Du personnel sinon incompétent au moins défaillant était là, comme s’ils n’avaient eu les postes à l’Université de Toroa que sur un coup de chance. Certes, il y avait quelques professeurs émérites, mais la plupart étaient juste les trouffions les plus incroyables qu’on puisse trouver.

Et le pire, c’était qu’aucun n’était choqué par l’excentricité de Nils Gratz. Devait-elle envoyer un rapport ? Non, même s’il ne le concevait pas, il avait bénéficié au Gouvernement Mondial plus que certains hauts gradés. Il était une des pierres de l’édifice de la marine, et elle devait le garder en tête au lieu de hâter son jugement.

Cependant, elle ne put s’empêcher d’être choquée quand elle constata ce qu’il avait prévu pour la remise des diplômes, et passa une main sur son bras, avant de murmurer à Toru :

- Apporte-moi immédiatement des masques à gaz.

Ils devaient en avoir dans l’une des caches qui se trouvait sur l’île, ou tout simplement quelque part dans les magasins. Fonçant, l’homme-sable ne demanda pas son reste. Il était content d’avoir une utilité quelconque. Peu importe le nombre qu’il en amènerait d’ailleurs, la jeune femme se contenterait de se dresser devant le Vice-Amiral.

- Monsieur Gratz… Ou Vice-Amiral Gratz, si vous préférez. C’est vous et non pas un autre membre de votre famille que je viens voir.

Elle avait une petite goutte de sueur qui tombait le long de sa tempe.

- Est-ce que vous avez la possibilité de me présenter au Directeur de l’Université ? Dans le but de parler avec lui des personnes que nous pourrions recruter au sein du Cipher Pol.

Il savait ce qu’était le Cipher Pol ? Ah, ce vieillard lui donnait mal à la tête. S’il lui répondait encore à côté, elle irait voir ce fameux fils qui était la tête des lieux. Il devrait pouvoir, peut-être, avec un peu de chances, lui donner une réponse plus claire. Une fois qu’elle aurait finalement soit obtenu raison, soit obtenu une réponse encore plus évasive que les précédentes, elle pouvait se diriger vers la salle où se trouverait la remise de diplôme, et dans laquelle Toru arriverait quelques secondes plus tard avec des masques à gaz.

Finalement, ils seraient sûrement les plus suspects, mais il n’était pas impossible de se dire qu’ils se baladaient toujours avec un masque sur eux. Le jeune homme n’avait d’ailleurs pas questionné ce que demandait la Olsen, pas plus que les deux autres gardes du corps. Le plus intelligent d’entre eux, Yutsu, s’était simplement dit qu’elle avait lu l’expression du vieillard et connaissait son dossier ainsi que ses capacités, et avait donc déterminé grâce à une lecture digne d’une mentaliste ce qu’il s’apprêtait à faire.

Il n’était jamais évident de se dire qu’elle possédait un don pour lire dans les pensées après tout. C’était l’option la moins probable, car la plus effrayante. Briser le cercle intime, s’intégrer là où personne n’avait été auparavant… Quel genre de monstre ne pourrait pas hésiter à faire cela ?

Il ne portait pas une oreille attentive à ce qui se passait en face de lui, et cela rendait la communication impossible. En réalité, il se fichait bien de ce que Lidy baragouinait, il n’avait en tête que ce qu’il avait prévu, et elle s’abstint d’évoquer la chose plus en aval. La jeune femme se contenta de laisser partir Nils Gratz et observa la personne qui s’était approchée derrière elle, sans être surprise de sa présence. Il s’agissait du fils du Vice-Amiral, de toute évidence le doyen. Elle leva un sourcil en le détaillant et en lisant en lui pour assimiler les informations qu’il contenait, peut-être dans le but d’avoir des pistes sur les exactions de son père sans les maux de têtes qui allaient avec. Ce serait sûrement construit de manière plus aisée pour sa « navigation ».

- Merci, fit-elle en se saisissant du jus de fruit, sans le boire.

Elle ne savait pas ce qu’il y avait dedans, mais Yutsu avait secoué la tête pour lui dire de ne pas le boire. Soudain, Cid commença à avoir des pensées… Oh, sérieusement, cette famille Gratz. Elle ne put s’empêcher de soupirer, allant s’asseoir malgré tout près de l’universitaire. C’était peut-être une chance après tout… Elle pouvait se servir de cela, comme au bon vieux temps, pour obtenir ce qu’elle désirait. Un sourire doux naquit sur ses lèvres tandis qu’elle se tournait en direction de l’homme qui avait du mal à rester concentré sur la situation.

- Vous savez, je suis venue ici pour… Vous parler d’un projet de partenariat avec votre université.

Elle souriait, et d’une certaine manière il semblait qu’elle avait quelque chose en tête, ne s’approchant pas pour que son attention ne soit pas entièrement captée par la chose.

- Le Cipher Pol cherche des recrues pour ses différentes agences.

Tooru était revenu entre temps, portant un sac dans lequel il y avait les masques à gaz. La jeune femme se contenta de le noter dans sa tête au cas où. Yutsu pourrait de toutes les manières repérer les premiers signes qui ne seraient alors pas trompeurs, grâce à son odorat surdéveloppé. Elle commença à parler sérieusement de son projet à deux enjeux : créer de l’emploi à la sortie de l’université en donnant une option pour entrer dans le Cipher Pol après avoir passé un test de recrutement, et donc laisser un recruteur sur place, et recruter dans cette première fournée de diplômés certains d’entre eux pour les former au métier. Elle voulait donc qu’une nouvelle formation soit créée, et envisageait un cursus court, un moyen et un long : elle les nommerait… Licence, Master et Doctorat, à tout hasard.

Si l’idée plaisait au Gratz, elle pourrait lui détailler le contrat, si elle n’avait pas été interrompue entre temps. Après tout, le coup fourré devait survenir bientôt, même si elle se demanda si tout allait se dérouler comme le Vice-Amiral l’avait prévu.

Après la longue journée pleine de rebondissements, Lidy Olsen se retrouvait à nouveau sur le navire à s’éloigner des côtes de l’île de Toroa. Sa rencontre avec le Vice-Amiral Nils Gratz resterait gravée dans sa mémoire pendant de longues années, et elle espérait être loin d’ici à ce que les étoiles scintillent dans le ciel pour graver dans sa mémoire des souvenirs moins… fripés. Elle soupirerait et irait s’installer sur le banc qu’elle avait fait installer sur le pont principal. Le navire qui l’amènerait à traverser Calm Belt pour rejoindre successivement Grand Line puis Enies Lobby mettrait quelques jours à arriver à destination, et elle aurait le temps de laisser ses pensées vagabonder tout en écrivant les rapports sur son tour de recrutement.

- Directrice Olsen, vous devriez vous reposer.
- Il reste beaucoup de travail, fit elle d’un geste de la main. Le Secrétaire Général du Cipher Pol travaille d’arrache-pied pour superviser la reconstruction de nos agences, ce n’est pas moi qui trainerai du pied.

« Pas comme certains », pensa-t-elle en ciblant intérieurement un de ses collègues qu’elle ne voyait jamais à Enies Lobby malgré les reconstructions. Elle soupira et prit du thé tout en s’installant sur le navire. Au petit matin, elle devrait s’entraîner avec ses gardes du corps. Ils avaient d’ailleurs ce rôle, mais ils n’étaient que de la chair à canon si il s’agissait de la protéger d’ennemis puissants. Ce serait son cas à elle. Toru souriait en s’installant à côté de la directrice, et quelques dizaines de minutes plus tard il commença à ronfler légèrement en bavant sur le côté.

Lidy soupirerait en s’arrêtant de travailler un instant, prenant une couverture qu’elle viendrait mettre sur le plus jeune de ses gardes du corps. Il aurait alors fermé les yeux, et elle ne pourrait s’empêcher un sourire amusé, suffisamment rare pour être noté.

- Vous feriez une bonne mère, se permit Yutsu en sortant légèrement de son rôle.

Elle aurait pu lui jeter un regard glacial, cependant Lidy n’eut qu’un petit sourire triste sur le visage. Après avoir vu l’amour que portait le Vice-Amiral Gratz à sa famille, dans ses souvenirs, elle ne pouvait pas en être certaine.

- Cela reste encore à prouver, terminerait-elle de manière énigmatique.