Elle s’était vêtue d’une de ses plus belles robes pour l’occasion, et grâce à l’influence de Reutsuna, l’une de ses agentes. La couleur rose pâle lui donnait l’air d’une petite femme fragile : le haut de ses épaules était légèrement dénudé, et des manches amples donnaient du volume à son habillage. Elle avait ramené ses cheveux derrière elle et laissé pendre devant deux mèches attachées par des petits rubans. Ses chaussures blanches à talons n’étaient pas pratiques pour le combat, mais elles lui donnaient au moins l’air habillé.

- Directrice Olsen !

L’homme qui était avec elle n’était autre que l’agent d’élite Proximus, du Cipher Pol 7. Il l’avait invitée sous couvert d’un dîner pour parler enquête, dans un lieu bondé. Ils pouvaient choisir de s’isoler à l’occasion, mais pour l’instant rien ne pressait. La demoiselle lui sourit poliment, profitant de quelques secondes d’inattention de sa part pour le détailler. Le mètre quatre-vingt-dix, des épaules larges, les cheveux noirs en batailles et un regard gris… Ses traits n’étaient pas particulièrement séduisants, cependant elle ne pouvait s’empêcher de considérer qu’il avait un quelconque charme. C’était sûrement dû à son aptitude : la Olsen avait déjà cerné le personnage et sans laisser paraître un instant qu’elle venait de lire toute sa vie, elle piocha les informations dont elle aurait besoin.

Ce cinéma dura quelques minutes pendant lesquelles il ne cessa de lui faire des avances. Pour Proximus, allier plaisir et travail était tout à fait possible. Ce n’était pas le cas de la Olsen qui préférait rester professionnelle dans ce type de situations : même avec Belladone, lorsqu’elles étaient en mission. Pourtant, la bleue ne put contenir une petite expression soulagée lorsqu’il reçut un appel urgent.

- Je… dois y aller. Les informations…
- Ne vous en faîtes pas, Agent Proximus. Nous ferons cela au bureau, au calme.

Elle porta le vin à ses lèvres, et il s’excusa à nouveau avant de partir. Elle avait ce qu’il lui fallait de toutes les manières : il n’avait rien d’innovateur à lui dire, ce qui suffisait à pousser le désintérêt de la Olsen à son maximum… Et voilà qu’elle se retrouvait à présent seule, sans interlocuteur, en face d’une bouteille de vin et d’un dîner déjà payé. Belladone était en mission, et à part elle il n’y avait pas grand monde qui serait intéressé pour passer une soirée avec la froide directrice…

- On dirait que je vais passer la soirée seule, soupira-t-elle.

Elle eut une pensée pour Harita, et une pointe de peine qui attira dans son regard… de la tristesse. Et la scène était presque trop étrange pour y croire : on aurait presque dit qu’elle venait de se faire poser un lapin dans un restaurant étoilé, pauvre jeune femme seule et sans espoirs. Certes, les apparences étaient parfois trompeuses, mais elle ne comptait pas partir sans avoir mangé au moins… Même si elle attirait la pitié des autres. Elle leva donc la main en direction du serveur, et si personne ne venait s’intercaler, elle demanderait à ce qu’on enlève le couvert en trop.

Ce fut lentement que son regard se tourna vers la personne qui venait de l’aborder. Sans risque, son cerveau fit immédiatement le lien entre tous les souvenirs qu’elle avait, dont ceux de Yang Thalassa… Le Colonel Seyfried. Logan, pour les intimes. Elle le scruta un court instant, cherchant à jauger l’intérêt qu’il pouvait représenter, calculant le moindre de ses mouvements. Devait-elle en faire un pion ? Cette pensée lui traversa l’esprit, fugace, mais elle se contenta simplement de sourire sur le coup. Elle se leva doucement, et alla tirer la chaise qui était actuellement inhabitée.

- Je suis contente de ne pas avoir fait retirer les couverts. Voulez-vous bien vous asseoir, Colonel Seyfried ?

Le regard se porta sur le marine renommé à 50.000.000 de Berrys par la Triade. La jeune femme avait obtenu ce morceau d’information en recoupant ce qu’elle avait pu lire de-ci, de-là dans les esprits de chacun. Peu d’informations circulaient, mais les mémoires étaient foisonnantes et elle ne pouvait pas juger de tout. Celle de Ghetis Archer, par exemple, aurait pu lui apporter des éléments de réponse supplémentaires, mais quelque chose d’autre l’interpellait : et elle dut donc en un bref instant lire la vie de cet homme mystérieux, l’emmagasiner comme dans des archives… Et la laisser de côté sans s’y intéresser.

Les soupçons qui portaient sur son côté corrompu pourraient être jugés plus tard, pour l’instant elle voulait profiter de la galanterie dont elle venait de faire preuve en tirant la chaise pour son interlocuteur, et de l’effet de surprise concernant son grade et son nom, connus malgré les centaines de Colonels qui existaient dans la marine à l’heure actuelle. Elle décida donc de s’expliquer avant qu’il ne cherche une explication farfelue :

- Mes enquêtes m’ont amenée à côtoyer les renommées posées sur les marines, et j’ai pu observer la vôtre. Il n’est pas difficile de faire le lien, quand on a une bonne mémoire.

Elle retournerait s’asseoir, et continuerait à sourire élégamment. Le serveur qui s’apprêtait à revenir leur laissa un instant supplémentaire.

- J’imagine que je ne vous suis pas inconnue, Colonel.

Ou alors vous vivez dans une grotte, aurait-elle pu ajouter.

- Mais je me permets de me présenter. Lidy Olsen, Directrice du Cipher Pol 6. Nous opérons sur la… corruption au sein du Gouvernement Mondial. J’espère ne jamais avoir à travailler sur un dossier qui vous concerne.

Et ce fut cet instant-là qu’elle commença à fouiller, se disant qu’elle pouvait… Sa mâchoire se crispa un instant, et elle garda pourtant son calme, ainsi qu’une facette digne de son grade. C’était un gros poisson. Un très gros poisson. Les Ponéglyphes, rien que ça : elle n’avait jamais compris cette langue, pourtant elle avait vu de nombreuses stèles, dont certaines dans les mémoires de ceux qu’elle avait côtoyés. Les souvenirs vivaces de ces parchemins recopiés pourraient être utiles dans le futur, pourtant elle n’en fit pas tout un foin ici. Cela pouvait être pertinent de garder un atout comme Logan V. Seyfried dans le tiroir, et elle enterra pour l’instant l’idée de l’enfermer… Qui plus est, elle se doutait qu’il serait protégé par un des Cinq Etoiles en échange de son allégeance, et qu’elle devait donc prendre les devants sur la question.

- Profitons du repas. Un verre de vin, peut-être ?

Elle ferait signe au serveur de venir commander. De son côté, la bleue prendrait du poisson, et elle laisserait le soin de l’accompagnement au chef. Elle mangeait presque de tout, ce qui était une qualité quand on devait aller en mission sur le terrain. Quand ils auraient fini de commander, la jeune femme reprendrait alors, se touchant les lèvres du bout des doigts par réflexe, disant sur un ton amusé :

- Quel bon vent vous amène à Ennies Lobby ? Un… diner entre amis ? Tenta-t-elle en désignant les personnes qu’il accompagnait.

Il les avait lâchés pour venir la voir, ce qui signifiait qu’elle représentait un plus grand intérêt pour lui à cet instant-là. Pourtant, elle ne cherchait pas à faire une prédiction précise : elle voulait laisser son côté humain percer… Si peu présent, et pourtant si utile quand il s’agissait de faire croire aux autres qu’il existait.

La plaisanterie du Seyfried était aussi intéressante que sa façon de répondre le laissait présager. Il avait un côté taquin, et il aimait jouer avec le feu. Elle n’irait pas fouiller beaucoup plus loin, le seul élément dont elle avait besoin lui sautait déjà au nez. Pouvait-elle le faire accuser de corruption en recopiant elle-même des textes de la nature des Ponéglyphes et en les glissant dans sa chambre sans qu’il s’en aperçoive ? Très certainement. Le ferait-elle ? Ce serait gâcher une carte. Une personne instruite comme ce garçon était sûrement une perle rare, et elle voulait travailler ce joyau pour voir si elle pouvait en faire quelque chose.

- Je connais ce vin… Du moins, je l’ai déjà goûté, je ne suis pas une experte dans ce domaine. En revanche je suis une experte en « grands criminels ». S’il y a quelque chose à déterrer, je le déterrerai.

Elle sourit. Elle avait beau avoir la connaissance de nombreux œnologues à ce sujet-là, elle ne pouvait qu’apprécier virtuellement le goût de cette boisson. Son palais n’avait jamais touché à cette texture, et l’arôme fruité lui revint comme l’accusation d’une gourmandise inassouvie. Le serveur s’était assuré de ramener l’une de leurs meilleures bouteilles, dans le but d’amadouer la directrice du Cipher Pol 6 qui avait déjà dû passer dans leur établissement à cause d’une enquête de détournement de fonds.

Quant à sa remarque que les grands criminels, cela avait pu lui donner un air amusé. Elle ne voyait pas Logan Seyfried comme un ennemi du Gouvernement Mondial. Il était peut-être plus opportuniste que les autres, mais les bombes à retardement existaient partout et elle ne pouvait pas s’amuser à toutes les arrêter.

- En parlant de Lunas, ses bibliothèques sont merveilleuses. Vous devriez vous y rendre, un jour. Je suis sûre qu’elles vous plairaient.

De toute évidence, l’un des inconvénients de lire la vie des gens était que la fin des livres était toujours connue. Lidy avait une triste relation avec la littérature qu’elle ne pouvait dévorer majoritairement parce qu’elle savait avant même d’ouvrir le livre, en voyant simplement la couverture, quelle serait la fin de ce dernier. C’était de sa faute, partiellement, mais elle ne pouvait pas se priver des autres avantages pour celui-ci.

- Effectivement, je passe beaucoup de temps à Enies Lobby. Je suis tenue de m’entraîner tous les jours, mais la majorité de ma journée est consacrée à gérer le Cipher Pol 6. J’ai un Vice-Directeur, Ko Ayme, en qui je peux avoir entière confiance pour m’aider dans les tâches liées à l’agence.

Elle s’arrêta un instant et apporta avec sa fourchette, délicatement, un de mets à sa bouche. Elle finit de mâcher avant de continuer sa prise de parole :

- Je me permets quelques sorties sur le terrain, cependant elles se font plus rares. Je sais que je peux compter sur mes agents pour gérer les enquêtes que je leurs confie, mais certaines demandent des compétences particulières, surtout dans la gestion d’équipe.

Et elle semblait en posséder quelques-unes, du moins le croyait-elle. A plusieurs occasions, Lidy avait prouvé qu’elle pouvait prendre les commandes. Certes, les événements d’Enies Lobby l’avaient brisée temporairement, cependant le choc était passé et elle se montrait capable d’assumer le poste qu’on lui avait donné.

- Et vous, vos expériences sur le terrain ? Tout se passe bien en ce moment ? Je suis curieuse de savoir ce que vous faîtes au quotidien.

Elle avait réellement cette curiosité, mais elle était plutôt concentrée sur la façon dont il allait raconter son récit que sur le récit en lui-même. Son sourire de politesse était toujours présent, essayant de laisser un agréable souvenir sur un homme qui pourrait à l’avenir devenir un des hauts-gradés.

Ils appartenaient à la même caste, Lidy s’en rendait compte progressivement. Cet homme était dangereux pour qu’ils se ressemblaient, et c’était d’autant plus vrai qu’ils avaient une alchimie particulière. Si le Colonel était un homme intrigant, la Olsen pouvait être sûre qu’il aurait sa place dans le futur du Gouvernement Mondial.

- Si vous êtes familier avec Lunas, vous devez être familier avec la légende de la Cité d’Emeraude. J’ai certaines connaissances intéressées par les secrets qu’elle renferme. Si vous souhaitez mener une expédition pour la découvrir un jour, n’hésitez pas à me demander, je vous apporterai l’aide que je pourrai vous apporter. En échange d’une part dans l’aventure, bien sûr.

Elle ne promettait pas monts et merveilles, mais surtout elle négociait une part dans une histoire qu’elle n’allait sûrement pas vivre elle-même. Cependant, le soutien pour la Cité d’Emeraude était certainement loin d’être ce qu’elle visait. Garder contact avec Logan, même indirectement, c’était là son réel objectif. Les personnes qui arrivèrent un instant plus tard, alors que la consommation du Seyfried était impressionnante semblèrent vouloir le tirer de cette situation. Ils saluèrent la gradée du Cipher Pol, mais ils n’avaient pas besoin de faire de manières. Bien sûr, il était important de donner une bonne impression, cependant l’importance que revêtait Lidy avait une signification différente au sein de la marine et des autres agences gouvernementales.

Elle était le fantôme de la destitution. Certains gouvernementaux innocents avaient été mis derrière les barreaux à cause d’une erreur de jugement, et si elle ne donnait pas de jugement, c’était elle qui pouvait mener à leur perte les promesses d’une longue carrière. Elle opina finalement du chef quand Logan dit qu’ils étaient de bons soldats, car elle n’en doutait pas. Ils faisaient de leur mieux, du moins, et c’était déjà pas mal.

Arquant un sourcil, elle eut un sourire gêné :

- Mes rapports ne sont donc pas à jour, je devrais vous appeler Colonel de la Divion Scientifique. C’est un changement intéressant, vous êtes donc intéressé par la recherche ? Avez-vous une spécialité ?

S’intéresser était une façon de s’excuser pour la confusion, mais elle s’en fichait profondément. Il y avait en Logan quelque chose qui lui faisait se dire qu’il ferait un parfait savant fou, si on lui en donnait l’occasion. Lorsqu’il évoqua le projet Beast, la Olsen ferma les yeux et se rabattit au fond du siège de sa chaise. Il possédait effectivement un fruit Beast… C’était un projet auquel elle n’était pas favorable, il aurait fallu se débarrasser des problèmes que les autres malédictions provoquaient pour qu’ils soient réellement utiles.

- Vous êtes quelqu’un d’intrigant. Je devrais peut-être demander une enquête sur vous pour suivre vos progrès, finit-elle par dire en riant de bon cœur.

Ses yeux s’étaient rouverts et se portaient, attentionnés, en direction du Colonel de la Division Scientifique. La jeune femme finit son verre de vin, et le serveur vint à nouveau le lui remplir. A cet instant, le breuvage couleur sang semblait plongé dans un calice qui se remplissait à volonté.

- La Division Scientifique me doit toujours une faveur, se rappela-t-elle à haute voix. C’est une histoire qui commence à dater, mais j’ai sauvé l’un de leurs complexes et leurs secrets sur l’île de Fuyu. Ça nous a coûté un agent, certes, mais c’est la triste réalité du terrain.

Le complexe était démantelé, mais elle s’était tout de même assuré que personne n’écoutait avant de lâcher cette information. La demoiselle était égale à elle-même dans ce domaine, c’était l’habitude des missions après tout.

L’esprit de Logan était tout aussi intéressant que sa conversation, même s’il était un peu dangereux de lire ses pensées entièrement. Il avait des connaissances sur des sujets qui auraient dû être ignoré. La Olsen espérait sincèrement qu’elle n’aurait jamais à déchiffrer un Ponéglyphe d’elle-même : rester éloigner du Siècle Oublié, malgré la curiosité que cela suscitait, était un acte de sagesse. Et encore plus de ces dangereuses armes antiques… Pour elle, l’idée de devoir côtoyer des armes comme Pluton, dont une version échouée avait été utilisée sur Marineford contre la Marine, était une hérésie. Déglutissant, la Directrice du Cipher Pol 6 apporta à ses lèvres un nouveau verre de vin.

- Il existe un certain nombre de matériaux très intéressants à étudier… En terme d’archéologie, je ne saurais trop dire lesquels cependant.

Elle ne cita pas l’obsidienne, qui était exploité sur le Nouveau Monde, quant aux autres matériaux il les connaissait déjà. Finalement, lorsqu’il évoqua les armes qui dépassaient l’entendement, la jeune femme eut un sourire amusé et regarda dans les yeux de ce jeune homme qui devrait apprendre à ne pas dire ce genre de choses à haute voix, s’il voulait garder son poste dans le Gouvernement Mondial.

- Il faut parfois savoir garder ces armes enfouies là elles se trouvent, à mon avis. Nous n’avons pas besoin de déterrer ce qui pourrait causer la destruction de notre propre Gouvernement.

Etait-ce un avertissement ? En tout cas, il devait se douter qu’une gradé comme la Olsen avait accès à certaines informations. La mettait-elle en garde ou était-elle simplement inquiète pour l’avenir de ses institutions ? En tout cas, ses joues commençaient à devenir rouges. Elle souriait simplement, doucement, avant de souffler pour se concentrer, l’alcool lui montant au cerveau.

- Vous me flattez, ferait-elle sans préciser qu’elle n’avait jamais mis un pied dans la marine, puisqu’elle faisait partie du Cipher Pol.

Pour des ascensions aussi fulgurantes, il ne fallait pas remonter si loin que ça. Elle pensait surtout à l’Etoile Volkoff qui était parvenu à son poste à l’âge de 30 ans. Elle n’en connaissait pas les détails, et ça ne l’intéressait que moyennement, mais arriver au pouvoir le plus haut… du Gouvernement Mondial était quelque chose d’inimaginable à l’heure actuelle.

- Entrer dans la Division Scientifique, surtout en tant que l’un des trois seuls Colonels de celle-ci, n’est pas chose aisée. J’espère que vos recherches aboutiront. Il serait utile de développer des défenses face aux armes que vous mentionnez, si tant est qu’elles existent car je n’ose pas croire que la technologie de la Division Scientifique puisse être égalée à l’heure actuelle.

Ce pic de confrontation était lancé de manière presque taquine, mais il serait difficile de déterminer si Lidy mentait ou pas. Son sourire mesquin était presque trop prononcé pour être de l’humour. Ses joues étaient certes un peu rouges depuis qu’elle avait commencé à boire un peu plus, amusée par la situation. Quand son origine fut demandée, Lidy réfléchit. D’où venait-elle réellement ? Elle froncerait les sourcils.

- Je viens d’une petite île sans intérêt sur South Blue, où les pirates ont fait leur œuvre et ont détruit l’île. J’ai donc baroudé très tôt dans ma jeunesse, avant de me poser il y a trois ans en entrant dans le Gouvernement Mondial.

En réalité, c’était West Blue, et c’était il y a deux ans, mais les informations n’avaient pas à être véridiques puisqu’elles n’étaient pas présentes dans le dossier de la Olsen. Il n’y avait pas réellement de moyen de les utiliser, pourtant remonter aux origines de Lidy était quelque chose que nul n’était parvenu à faire. Même les registres de naissance ne l’enregistraient pas sous ce prénom.

- Et vous ? D’où venez vous ? Je suis curieux de connaitre le parcours d’une telle personnalité, avant son entrée au sein du Gouvernement Mondial.

Un regard sinon curieux, au moins doux et taquin. Elle connaissait les réponses à ses questions, et pourtant son cerveau ne fit pas l’effort d’aller chercher les informations, préférant les entendre de la part de cet individu qui la charmait par son espièglerie, et la paniquait par la dangerosité des éléments stockés dans son esprit. Devrait-elle un jour enquêter sur lui ?

Ne voulant pas amener le sujet à être plus développé, Lidy ne répondit à l’affirmation de Logan sur l’existence de technologies si puissantes que la Division Scientifique ne pouvait pas les reproduire. L’existence de tels désastres était déjà l’un des secrets les mieux garder du Gouvernement Mondial… Peut-être devrait-elle faire fi de cet état de faits, si elle voulait collaborer avec Logan Seyfried dans le futur. Laissant un instant son esprit créer de nouvelles théories, de nouveaux embranchements, de nouvelles possibilités, la Olsen finit par revenir à la conversation en rebondissant sur ce qui empêchait de se battre à Peace Island :

- Un secret, n’est-ce pas ? Cette île n’est pas si mystérieuse, vous comme moi savons que si ce n’est pas un fruit du démon, il peut s’agir de deux choses : la composition même de l’île ou de son environnement qui libère un neuro-bloqueur, ou une technologie ayant le même effet. Tout se joue au niveau du cerveau, ajouterait-elle en désignant sa tête de son doigt, un sourire malicieux aux lèvres.

Elle n’était pas une scientifique, mais sa culture générale était suffisamment développée pour lui permettre de savoir que ce qui empêchait de se battre là-bas était lié au cerveau. Elle n’était pas experte dans le principe des ondes, elle ne pouvait donc que supposer qu’il s’agissait d’un agent bactériologique… Reproduisible dans ce cas-là, ce qui pouvait être dangereux. Et si ça n’avait pas été reproduit pour être utilisé, l’hypothèse de l’environnement était sûrement à privilégier. Pourtant, Lidy n’avait pas envie de réaliser plus d’hypothèses, car elle sentait que l’alcool commençait à lui faire perdre un peu de son contrôle.

Enfin, Logan lui donna ses origines, enfin son absence d’origines. Elle ferma les yeux un instant, voyant dans son esprit le visage de sa famille, et eut un sourire amusé.

- Un humble garçon de cirque… Quand on monte aussi haut, il est difficile de rester humble, dit-elle en souriant.

Puis il lui parle de l’avenir. L’Avenir. Avec une pointe de tiraillement, Lidy réfléchit. Elle était encore en plein dans sa montée en grade : elle avait été agente d’élite puis directrice, et aujourd’hui Lidy Olsen se présentait comme étant l’une des personnes arrivées au pouvoir « grâce à ses contacts » même si la vérité était plutôt ailleurs. Harita était morte, Ko était encore réservé dans leurs relations… Elle se sentait finalement seule, près du sommet que certains mettaient toute une vie à atteindre.

- Je viens d’arriver à mon poste de directrice, enfin à peu près. J’assois en ce moment mon autorité, et je fais mes preuves. Mais dans le futur…

Elle eut un sourire amusé.

- Une double direction peut-être ? Le secrétariat du Cipher Pol dans le Cabinet du Général des Armées ? Ou alors une position d’Etoile ?

Elle ne put s’empêcher de rire, amusée par ces pensées.

- J’ai toujours voulu m’approcher du sommet, mais je n’ai jamais été fixée sur le sommet que je cherchais à atteindre. Qui sait ce que l’avenir nous réserve…

Sa mine fut alors un peu plus sombre, un peu plus renfermée.

- Je veux détruire la Triade, pour l’instant. Faire regretter à ceux qui ont attaqué Enies Lobby, à ceux qui nous ont enlevé nos amis et nos familles…

Elle avait perdu Harita et ses filles, elle avait perdu Kid et tout cela la peinait au plus profond d’elle-même. Des agents s’étaient sacrifiés pour sa survie. Lidy Olsen ressentait une émotion violente, une émotion qui mêlait à la fois tristesse et colère. Elle aurait aimé pouvoir se rendre là-bas dès aujourd’hui. Fermant les yeux elle expira un instant. Ses traits s’étaient renfrognés mais elle les détendit et finit par offrir un sourire de circonstances.

- Je crois avoir compris vos ambitions personnelles, mais qu’en est-il de vos ambitions de carrière, Colonel-Scientifique Seyfried ? Et avez-vous déjà trouvé des alliances qui pourraient vous porter vers ces sommets ?

Elle sourit avec un air à nouveau malicieux, comme si les émotions précédentes n’avaient jamais existé. Pourtant, il n’était sûrement pas dupe.

- Prendre la place de Carl Benz, donc… Il est vrai que c’est une position tentante. Il y a cependant des scientifiques encore plus compétents, fit-elle de manière assez vague, ne citant pas les grands noms tels que celui de Mathusalem Assyrys, qui avait été premier en lisse pour la position d’Etoile devant Mikai Shoshitsune, ou encore le mystérieux Vegafunk dont les apparitions étaient aussi rares que précieuses dans les souvenirs volés.

La demoiselle avait eu des rendez-vous avec les Cinq Etoiles, dont cette réunion avec eux pour étudier les futurs Corsaires, un moment où elle n’avait que peu participé. C’était finalement deux noms féminins qui étaient ressortis, au grand bonheur de Lidy. Peut-être que Logan irait un jour sur Oraghnar, sur Steam Rock City ou d’autres îles merveilleuses où la technologie régnait en maître. Pour la bleue, c’étaient des endroits où elle ne voulait pas mettre un pied. Dévouée à son métier, elle n'aspirait pas à faire avancer le monde avec des machines qui pouvaient devenir hors de contrôle. Elle ne savait que trop bien les dégâts que la Science pouvait causer, et elle la craignait à plus forte raison.

- Il est important de cultiver ses alliances, opina la Directrice en souriant.

Puis elle tira une carte de sa veste, sur laquelle son numéro était inscrit. Ses joues étaient rouges, et son regard ondulait. Se souviendrait-elle de cela le lendemain matin ? Bien sûr, elle ne pouvait pas l’oublier. Pourtant il était amusant de constater que ça ne l’empêchait pas d’être plus spontanée. Alors que le repas touchait à sa fin, les plats ayant défilé sans qu’elle le remarque, les verres ayant été bu avec encore plus d’entrain, elle ajouta :

- Et celles formées autour d’un verre, ou de plusieurs, sont toutes aussi précieuses. N’hésitez pas à faire appel à moi, et si vous le permettez j’en ferai de même.

Elle l’invitait à lui donner son numéro, et s’il n’avait pas de carte de visite il pouvait aussi lui écrire son contact sur un bout de serviette qu’elle ferait mine de garder. Une fois inscrits, elle entreposait les numéros de ses connaissances dans sa tête… Ses lèvres s’étirèrent tandis qu’elle se mit à rire quand il évoqua le Cipher Pol 5 de nulle part. Elle savait qu’il était actuellement mené par la Directrice Ayana Hime, avec le Vice-Directeur Nowaki qui servait de second. Il aurait sûrement des facilités à monter au poste de Directeur grâce à ses alliés, mais elle ne le jalousait pas. Sa carrière dans la marine justifiait simplement le symbole qu’il représentait : d’une certaine manière Taito Nowaki était l’une des personnes que Lidy aspirait à rejoindre, en termes d’héroïsme. Les ambitions de la Olsen n’étaient pas de s’y arrêter, mais elle savait qu’avoir la notoriété d’un Vice-Amiral pareil lui ouvrirait des portes. Peut-être le poste de Générale des Armées… ? Qu’est-ce qu’elle irait en faire ? Cette pensée la fit presque éclater de rire, mais elle se retient, et lâcha alors une boutade :

- Le jour où vous me verrez à la tête du Cipher Pol 5, n’hésitez pas à me rappeler pour me dire ce que vous avez besoin.

C’était irréaliste. En termes d’effectifs, et en termes de pouvoir politique, le Cipher Pol 5 était clairement l’une des entités qui offrait le plus d’attractivité. Les Etoiles se battraient pour mettre un de leur pion sur ce trône une fois qu’il serait libéré. Et en sachant dans quelle type de position se trouvait le Néo-Marine qu’était le Nowaki, cela se ferait sûrement au moment où Lida Asya reviendrait dans le Gouvernement Mondial.

Lorsque le dernier verre fut bu et que la bouteille qu’avait fini par laisser le serveur fut vidée, la Olsen observerait l’heure qui était finalement trop tardive pour commander quoique ce soit d’autre. Elle expira un instant et se leva. Les conversations avaient été variées : Logan ne manquait pas de sujets intéressants, et il aurait fallu plus d’une soirée pour découvrir toute la complexité de cette personne.

- Et bien il se fait tard… Colonel-Scientifique Seyfried, ce fut un plaisir. Merci pour cette soirée en charmante compagnie, dit-elle en lui tendant la main pour la lui serrer, s’il l’acceptait.

Elle s’en irait alors de son côté, la tête remplie des pensées sur son avenir, et sur celui qu’elle voyait pour le Gouvernement Mondial.