Il était une fois une adolescente pleine de rêves qui croyait encore que la vie lui appartenait et qu’elle pouvait faire tout ce qu’elle voulait. Cette petite sotte appelée Penny vivait sur Ironfall, une île de North Blue, et n’avait jamais pris la mer. Sa vision du monde était donc incroyablement étroite et, bizarrement, elle n’avait toujours pas compris que rien ne la destinait à une vie extraordinaire d’aventures palpitantes et de rencontres loufoques. Cette fille ? Eh ouais, c’est moi. Une moi bien plus jeune qui ne craignait pas les rides et qui n’hésitait pas à prendre une seconde part de gâteau au chocolat sans s’inquiéter pour sa ligne. Comme c’est beau la jeunesse.

Ce jour-là, j’étais au beau milieu de ma ronde dans le petit village d’Ironfest. Ayant commencé l’étude de la médecine à un jeune âge, c’est avec fierté que j’aimais donner un coup de main à ma mère dans son ouvrage. Pendant qu’elle tenait la clinique et confectionnait moults antidotes et potions miracles, je me promenais de maison en maison pour faire des livraisons et pour vérifier l’état de certains patients. Une telle avait une forte pression artérielle, un autre avait besoin d’aide pour changer un pansement, ce genre de choses. À l’époque, ce quotidien me convenait parfaitement. Si j’étais moins extravertie que les apparences ne le laissaient présager, j’appréciais néanmoins la bonne humeur avec laquelle on m’accueillait habituellement. Rares sont les fois où quelqu’un n’est pas soulagé de voir débarquer un médecin venu aider après tout. Je repartais souvent avec des cadeaux, parfois à l’intention de ma mère et parfois juste pour moi. C’était le bon temps. Sans compter que, de par la nature sociale de mon travail, je rentrais souvent avec plus qu’assez de ragots pour faire pâlir le barbier du coin. Qu’est-ce qui se racontait ce jour-là à Ironfest ?

Elle devait faire au moins cinq mètres de haut ! Disait l’un avec de grands yeux, allongeant les bras dans des directions opposées pour mettre l’emphase sur la taille de l’inconnue qu’il avait croisée. Son camarade avait roulé des yeux et cogné sur la table pour le ramener à l’ordre. À force de raconter ses âneries, l’autre avait coupé le flot de leur partie de poker, un crime des plus sérieux dans les environs. Mais, loin d’en démordre, le joueur redoublait d’ardeur. Je sais ce que j’ai vu ! Je suis quand même pas sénile. La réplique avait bien fait marrer ses camarades qui, eux, n’en étaient pas aussi sûrs. Pour ma part ? J’avais ris avec eux lorsqu’il s’était fait rembarrer avant de remettre ses économies de la journée à un ami plus concentré. Pas de chance, mon hurluberlu allait devoir faire la charité pour se payer une bière ce soir. Loin de m’inquiéter de son sort, c’est plutôt le contenu de ses propos qui continua de me tirailler bien après que je sois partie. Était-il seulement possible d’être aussi grande ? Quoi que, en même temps, si c’était vrai je serais vite fixée. Difficile, après tout, de manquer quelqu’un d’aussi grand.

La curiosité étant l’un de mes vilains défauts depuis aussi loin que je me souvienne, j’entrepris de partir à la chasse à la géante. Ce que j’allais faire une fois que je l’aurais trouvée ? Aucune idée. Je n’avais pas réfléchi aussi loin. J’étais juste aussi curieuse qu’une gamine que l’on emmène au cirque pour la première fois, prête à découvrir mille et unes merveilles venues d’ailleurs. Je me demandais si un tel gabarit avait une influence néfaste sur le corps et la santé. Ou alors peut-être que cette taille lui était simplement naturelle ? Il y avait tant de choses à découvrir par-delà les flots qu’il pouvait bien y avoir toute une race de gens aussi grands que des maisons quelque part. Vous me croiriez si je vous disais que, dans mon étourderie légendaire, j’ai failli la manquer ? Ouais, une grande dame de trois mètres de haut, pas cinq finalement, et je suis passée à un cheveu de ne pas la voir. Si ça ce n’est pas du talent. Pire encore, j’oubliai toutes mes bonnes manières sous le coup de la surprise. Immobile, les yeux agrandis et la bouche entrouverte, je dévisageais l’immense silhouette. Si j’étais au moins à une distance raisonnable, cela ne signifiait pas pour autant que j’étais dotée d’une quelconque subtilité. Pourvu que mon impolitesse ne soit pas trop mal reçue.

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Elle est si grande ! Elle est si belle. En plus elle a des ailes. Et de jolis cheveux blonds. Mon pauvre petit cœur d’adolescente venait de manquer plusieurs battements d’à filée. D’accord elle faisait bien le double de ma hauteur et je ne doutais pas qu’il y ait assez de force dans ses bras pour me casser en deux telle une brindille, mais rien de cela ne comptait. Mon imagination ne s’était pas fait prier pour imaginer toutes sortes de choses que l’on ne devrait pas se demander à propos d’une étrangère. Toi qui est si grande et si magnifique, as-tu quelqu’un qui s’occupe de toi ? Qui fait tout pour te rendre heureuse ? Qui va t’inviter au petit restaurant du coin pour manger des pâtes ensemble, mais c’est pas vraiment un rencard, sauf si…. ? Même à l’adolescence j’étais une cause perdue il faut croire. Oh ! S’approchait-elle de moi ? Est-ce qu’elle avait repéré l’ingénue rose qui regardait en sa direction avec toutes les étoiles du ciel dans les yeux ?! Je déglutis, mains moites et cherchant mes mots. Maladroitement, j’avais replacé mes cheveux et peinait à croire que— hein ?! Mais oh !

Je perdis l’équilibre alors que l’immense silhouette me percuta. L’ange ne marchait pas vers moi. Elle ne m’avait même pas vue ! Pour elle, j’étais l’équivalent d’une roche au milieu de la chaussée. Mon maigre poids plume ne m’avait pas permis de rester sur mes pieds et c’est donc malgré moi que j’allai m’abimer au sol. Peut-être que, si je faisais la morte, elle continuerait son chemin sans même avoir remarqué qu’elle m’avait percutée ? Ainsi, au moins, je pourrais continuer à me décomposer sur place, mijotant dans mon embarras avec une pincée d’ego meurtri. Ou pas. J’entendis ses excuses me provenir de très haut dans le ciel et, à mon grand damne, me vis obligée de me redresser. Pardon, je ne t’avais pas vue. Je croyais bien que j’allais me mettre à pleurer.

« Oh c’est rien, j’ai l’habitude. »

Bien qu’en soit ce n’était pas un mensonge, je me mordis immédiatement la langue. Espèce d’idiote, t’étais quand même pas obligée de dire ça ! Au moins ma chance tournait et, bienveillante, voilà que la jeune femme ailée m’offrait sa main pour m’aider à me relever. Mais c’est qu’elle est trop gentille en plus ! C’est avec les joues plus rosées que mes cheveux que j’attrapai cette main tendue pour mieux me remettre sur pied et chasser la poussière s’étant attachée à mes vêtements. Me connaissant, il devait être plus qu’évident que j’étais sous le charme. Jamais n’avais-je été très douée pour cacher ce genre de choses et un grand sourire un peu con brillait donc sur mon visage.

« Merci, c’est vraiment gentil ! Je vais bien, ne t’inquiète pas. Ah mais, est-ce que moi je peux t’aider ? Je ne crois pas t’avoir vu ici avant ? »

Question stupide, bien sûr que je m’en souviendrais si ça avait été le cas. Bon, au moins je ne m’étais pas humiliée en lui demandant si elle venait souvent ici.

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Oh non. J’avais vraiment fait une bêtise moi avec ma remarque sur mon habitude à faire ami-ami avec le plancher. L’ange sautait déjà aux conclusions, déduisant que les gens avaient l’habitude de ne pas me voir et de me foncer dedans. Ça ce n’était pas si courant que ça vu que, déjà, j’avais les cheveux roses et que souvent les gens étaient trop contents de me voir leur apporter maints remèdes et médicaments pour ne pas me saluer. Pas moyen d’éclaircir la situation néanmoins, la grande femme continuait en parlant des difficultés de l’adolescence, ajoutant que j’étais la seule à pouvoir prendre ma vie en main pour régler ce problème. Je devais m’affirmer plus, selon l’inconnue. Je lui offris un sourire gêné avant d’acquiescer.

« Oui, c’est sans doute vrai. »

Ironique vu que j’avais préféré exprimer mon accord plutôt que d’éclaircir le sens de mes paroles. Je la suivis même à l’écart sans rouspéter, curieuse de voir ce qu’elle avait d’autre à me dire. Polie, elle m’avait offert ses excuses en mentionnant que sa taille compliquait parfois ses interactions avec les « jeunes gens ». Je fronçai les sourcils, perplexe. Elle n’avait quand même pas l’air d’une vieille dame alors pourquoi parlait-elle comme ça ? Question que je ne poserais pas, écoutant simplement la longue liste des choses que la blonde désirait savoir. Histoire, géographie, anecdotes, rumeurs. Bizarre. Ishtar de Lérhane. Ah oui, les présentations ! J’avais presque oublié moi aussi.

« Ah ! Enchantée ! Moi c’est Penny. »

Ridiculement simple et ordinaire en comparaison. Aurais-je dû lui donner mon nom complet pour essayer d’avoir moi aussi l’air plus distinguée ? À quoi bon, je ne me pensais pas capable de berner qui que ce soit. Je répondis amicalement à sa poignée de main, lui offrant la mienne pour un bref moment de politesse. L’ange, Ishtar, ne voulait pas me déranger si j’étais attendue ailleurs, par mes parents par exemple. Elle marquait un bon point, mais d’un côté… J’étais loin d’être enthousiaste à l’idée de retourner passer du temps avec ma mère. Je pourrais toujours trouver une excuse, surtout à mon âge. Et puis c’était un peu énervant en vrai, de se faire dire ça. Je n’avais quand même pas huit ans non plus, c’est bon. Me traitait-elle comme ça parce que sa grande taille la forçait à prendre les jeunes gens de haut ? Non, ce n’était pas la peine d’être aussi difficile quand même. Surtout que mine de rien j’étais quand même trop curieuse pour mettre fin à la conversation aussi vite.

« Ça va, j’ai le temps ! »

Réponse qui fit visiblement plaisir à mon interlocutrice avide de connaissances. C’est avec la même intensité que plus tôt qu’Ishtar me faisait sa liste. Pourquoi avait-elle besoin de savoir tout ça d’abord ? C’est une bien drôle de façon de faire du tourisme. Pire encore : si elle tombait sur des gens moins sympas que moi, son séjour risquait de vite tourner au vinaigre. Je croisai donc les bras, la jaugeant de mon vif regard couleur gazon.

« Alors déjà les gens d’ici sont un peu plus détendus que ça. Si tu te promènes dans la rue et que tu parles aux gens comme ça, enfin… Je veux pas dire, mais je pense pas qu’on va t’apprécier et répondre à tes questions. Beaucoup d’hommes d’ici bossent dur dans les mines toute la journée alors ils n’ont pas trop la patience tu comprends ? Sinon on a quelques criques et une part plus naturelle de l’île, en dehors d’Ironfest. Mais pourquoi t’as besoin de savoir tout ça ? Et aussi vite ? Je pensais que le tourisme c’était pour se détendre ? »

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Moi, pas n’importe quel passant ? Mais euh mais je mais c’est que mademoiselle… Pas n’importe quel passant. Je ne devais pas rougir, ce serait tellement embarrassant. Déjà que je ne savais pas comment réagir ou que répondre à ça. J’avais pris pour acquis que jamais l’ange ne m’aurait remarquée si nous ne nous étions pas foncées dedans. Qu’elle ne continuait de me parler que parce que j’étais l’une des rares à bien vouloir répondre à toutes ses questions et à vouloir le faire avec le sourire. Je ne pensais pas que, pour elle, je me démarquais de la foule. Si quelqu’un ici était unique et différente, ce n’était clairement pas moi. Ainsi, évidemment, je me sentis mal d’avoir sous-entendu le contraire. Au moins elle prit tout de même le temps de m’expliquer les raisons de sa curiosité hors normes. Optimisation du temps ? Woah. Ishtar était tellement sérieuse et organisée, ça ne pourrait jamais être mon cas et je rangeai ça dans la liste grandissante des raisons d’admirer la jeune femme. Elle avait un intellect vif et désirait comprendre plein de choses comme la sociologie de l’île et tous ces trucs là auxquels je n’avais jamais songé à m’intéresser. Je me surpris à l’écouter avec des étoiles dans les yeux, faisant oui de la tête en signe d’approbation comme si je comprenais de quoi elle parlait.

Et là, la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase de ma curiosité. Elle avait déjà vu un volcan ? Et un volcan DE GLACE ?? Ça existait ça ? Comment des arbres pouvaient-ils être en pierre ? N’était-ce pas simplement des pierres en forme d’arbres ? Comment pouvaient-ils produire du lin ? Et ils avaient un sol mauve et spongieux ? Que quelqu’un me donne un carnet j’ai besoin de prendre des notes !! Bien entendu le tourisme est fait pour se détendre… mais aussi pour apprendre. La blonde expliquait que, si certains aimaient simplement se prélasser pour se détendre, c’est plutôt la découverte et l’apprentissage qui lui permettaient de se sentir sereine. Je comprenais mieux à présent.

« Je ne savais pas qu’il y avait des îles aussi différentes… »

Dis-je à demi pour elle et à demi pour moi. Dans ma petite tête rose, j’avais pris pour acquis qu’Ironfall était comme toutes les autres îles et ce sans même être partie à l’aventure une seule fois. De ce point de vue, je me demandais ce qui valait bien la peine d’être découvert ici. De celui de l’ange, toutefois, il était évident qu’elle cherchait à savoir s’il y avait, sur cette île, des phénomènes qui valaient la peine d’être vus et étudiés pendant que l’on était sur place. Fascinant. J’allais reprendre la parole, mais fut devancée par l’éloquence de la voyageuse. Hein ?? Comment ça elle m’avait assez embêtée ? Ah non je l’ai encore fait !! Moi et ma grande bouche un peu con j’arrive toujours à aliéner les autres, c’est pratiquement une maladie. Pire, dans ce cas-ci j’avais simplement pris pour acquis qu’avec sa stature et sa classe naturelle, il n’y avait aucune chance pour qu’Ishtar soit sensible à mes mots. De mon point de vue naïf elle était si parfaite, je n’avais même pas fait attention à ses sentiments et je m’étais exprimée cruellement.

« Ah mais non ! Je te jure c’est— »

…pas le cas. Aurais-je terminé si deux nouveaux venus n’avaient pas interrompu la conversation à ce moment. J’en perdis totalement le fil de mes pensées, mes yeux devenant rond comme des oranges. Huuuuh ?? Je les écoutai à peine parler, trop occupée que je l’étais à les fixer telle l’adolescente impolie que j’étais. Mais bon, une femme poisson et un homme loup ! Ce n’était pas tous les jours que je voyais ça, quand même. J’avais plein de questions plus ou moins débiles qui me passaient par la tête et, heureusement, je n’eu pas l’occasion de les poser. Il ne manquerait plus que je me mette tout un équipage à dos parce que je ne savais pas tenir ma langue. Je croyais d’ailleurs qu’Ishtar avait complètement oublié ma présence avant qu’elle ne s’adresse à moi, visiblement prête à prendre congé.

« Mais non mais attends !! »

Je lui attrapai la main pour la retenir, sans penser. Puis, réalisant mon geste, je la libérai immédiatement. Mais le mal était fait, j’étais rouge comme une pivoine et peinait à lever les yeux pour croiser son regard argenté.

« C’est juste que… Enfin… Si tu veux que je reste avec toi et que je te fasse visiter, il va falloir répondre à toutes mes questions ! Et attention, moi aussi j’en ai beaucoup !! »

Toutes plus débiles les unes que les autres… Mais ça je n’allais quand même pas le dire de peur de la faire fuir avant même que nous ayons atteint la crique. Si elle répondait par la positive, j’allais esquisser un immense sourire tout content avant de me préparer à ouvrir la marche vers notre destination. Elle n’avait rien d’aussi incroyable que les autres lieux visités par l’ange, mais j’espérais qu’elle lui plaise quand même. Et, bien sûr, je me ferais grand plaisir de partager mes propres interrogations.

« Alors tu viens de loin ? Tu voyages depuis longtemps ? C’est difficile de trouver des vêtements avec quatre trous dans le dos ? Tu fais comment pour dormir ? Et la forêt d’arbres en roche comment tu sais que c’était pas juste des roches en forme d’arbres ? C’est quoi la différence ? »

À ce rythme c’était peut-être moi qui allais la faire fuir en fin de compte.

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Elle était prête à me partager son savoir ! Je crois bien que, si j’avais été juste un peu moins gênée, j’aurais été capable de sauter sur place en guise de célébration. J’avais l’impression de retrouver mon grand-père que je m’amusais à harceler de questions à propos de la médecine et de toutes les autres choses que son grand-âge lui avait permis de connaître. J’avais d’ailleurs l’impression de marcher dans ses traces, m’intéressant à une voyageuse de passage simplement car je le pouvais et que j’en avais envie. Ce fut donc avec plaisir que j’ouvris la marche, non sans la bombarder de questions au passage. Patiente et sympathique, Ishtar se contenta d’y répondre sans être choquée par ma curiosité et sans me rabrouer. Autant dire qu’il y avait vraiment quelque chose de grisant à ce qu’on ne me regarde pas comme si un troisième bras venait de me pousser dans le front juste parce que j’avais deux ou trois petites questions… Ahem ! Toujours est-il que, même si je devais ouvrir la marche, je passai la majorité de ces premiers pas avec les yeux sur Ishtar, me dévissant le cou pour regarder son visage alors qu’elle parlait.

Un océan de nuages !! C’était tout bonnement incroyable. Pouvait-on y naviguer normalement ? Y avait-il des poissons dans ces nuages ? Oui ! Des nuages avec la même consistance que l’eau ! Et des îles en nuages, carrément ! Y avait-il de la végétation là-bas ? À quoi devaient ressembler les arbres sur une telle île ? Et du coup l’agriculture ça fonctionnait comment ? Je me demandais bien quelle devait avoir été la réaction de l’archange lorsqu’elle avait vu de la terre pour la première fois. Pas étonnant qu’elle soit aussi curieuse, je le serais sans doute tout autant si je mettais les pieds dans l’océan d’où elle venait. Je fus d’ailleurs surprise d’entendre que, même de là où elle venait, la grande blonde se démarquait de ses pairs. Heureusement elle avait eu des amis pour la défendre, Sakuga, Eva et Omnis, mais je n’en étais pas moins surprise. Ishtar était si grande, si majestueuse et si intelligente, je peinais à croire qu’elle ait pu un jour avoir besoin de protection. Comme quoi je devais, moi aussi, faire un effort pour voir au-delà des apparences pour mieux la considérer comme une personne normale. Oui, c’est ce que j’allais faire ! Je m’en faisais la promesse !!

Continuant sur sa lancée, la demoiselle avoua être tombée du ciel avant d’être recueillie par les gens avec qui elle voyageait depuis maintenant deux ans. Maintenant qu’elle en parlait, je réalisais que j’avais également plein de questions au sujet de ses camarades que j’avais croisés plus tôt, mais choisi de les garder pour plus tard. Enfin, si je ne les oubliais pas tout bonnement vu le volume impressionnant de questions que mon cerveau était capable de se poser à la minute. Toujours est-il que, soudainement, avoir des ailes me paru bien moins pratique. Comme ça elle devait faire des trous dans ses vêtements ? Déjà que d’en trouver à sa taille devait être compliqué, je n’imaginais pas sa peur au moment de mettre les ciseaux dans une jolie robe pour pouvoir la mettre. Suffisait d’une mauvaise manipulation pour que le vêtement soit gâché et que l’on retourne à la case départ. Puis devoir dormir sur le dos… Atroce ! Moi qui aimais me tourner et me retourner toute la nuit durant, jamais je ne pourrais me cantonner à dormir sur le ventre tout le temps. Et c’était sans compter sur les portes et les plafonds, je n’y avais même pas songé ! Ça avait l’air d’être beaucoup à gérer au quotidien en fait. Songeuse, cela me poussait à vouloir lui demander autre chose, si elle me laissait le temps de la questionner à ce sujet et qu’elle voulait bien me répondre.

« Dis Ishtar, si tu pouvais devenir plus petite, est-ce que tu voudrais le faire ? Ou tu voudrais garder ta taille actuelle ? »

Ça m’intriguait véritablement. Je me demandais si, à sa place, j’aurais réussi à bien le vivre ou non. Quoi que la blonde n’avait pas eu le choix, n’est-ce pas ? J’étais contente qu’elle ait au moins trouvé de bons amis, tant à l’époque que maintenant au cours de ses voyages.

La suite de mes questions trouva également ses réponses et je m’assurai de ne pas en manquer une seule miette. Des rochers qui poussaient ?! Incroyable ! Il y poussait même du lin !! Je devais voir ça au moins une fois, même si je n’avais aucune idée d’où c’était et de comment y aller. Les questions d’ordre pratique ne m’intéressaient que très peu au final, je voulais simplement découvrir les paysages qu’Ishtar peignait pour moi. Dire que, quelque part par-delà l’océan, il se trouvait une île où le bois était caché dans la terre, comme des minerais. Lorsqu’elle évoqua la gestion du pays, une myriade d’autres questions germèrent dans mon esprit.

« Attends il y a des gens qui habitent là ?! Et ils sont comment ? Est-ce que leur corps s’est adapté à leur environnement ? Quel genre de bâtiments peuvent-ils construire sur— Oh. »

Je m’arrêtai dans ma lancée, réalisant soudainement quelque chose. Amusée par ma réalisation, je ne pus m’empêcher d’en rigoler un peu, peinant à croire que j’avais mis si longtemps à m’en rendre compte.

« Hahaha ! En vrai je trouvais bizarre que tu me poses toutes ces questions, mais je suis pareille ! Si c’était moi la voyageuse je voudrais sans doute en savoir tout autant que toi. C’est dommage qu’Ironfall soit plutôt quelconque, j’aurais beaucoup aimé avoir des trucs incroyables à te faire découvrir moi aussi ! »

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Il était presque déjà une habitude pour moi, à présent, d’écouter les longs monologues d’Ishtar et d’en retenir surtout les parties qui m’intéressaient pour continuer à alimenter ma curiosité incessante. En particulier, la question sur la taille qu’aurait aimé faire la blonde eu l’effet de la lancer dans tout un discours profond sur l’insatisfaction profonde et inéluctable des êtres doté de raison. Si je voyais là où elle voulait en venir, j’étais un peu déçue par sa façon de raisonner sur ce coup. Non pas que je ne trouvais pas d’attrait à ses explications, mais j’aurais aimé en apprendre plus sur ce qu’elle en pensait vraiment, sans s’appuyer sur les avis de tous les gens qu’elle avait rencontré au fil du temps. Au final, son avis ne m’apparaissait pas authentique et cela me chagrinait. Je ne croyais pas qu’elle manquait de sincérité, loin de là. Je réalisais seulement que c’était sans doute la façon dont elle réfléchissait la plupart du temps et, par conséquent, j’avais envie de l’interroger un peu plus sur ses propres goûts, ses propres envies et ses propres rêves sans que la philosophie des cinq siècles derniers ne viennent s’y mêler.

Pour l’heure, néanmoins, ces questions devraient attendre. C’est avec une aisance redoutable qu’elle livrait à nouveau des montagnes d’informations qui, après que j’aie réalisé leur nature impersonnelle, me laissaient sur ma faim. Tout n’était que factualité et, si je pouvais en voir les mérites, la jeune Penny de l’époque ne pouvait se satisfaire très longtemps de ces cours magistraux qui n’en finissaient plus et, surtout, ne présentaient aucune dose de subjectivité. Même que, vers la fin, Ishtar confirma elle-même mes observations. L’avis de tous et chacun lui importait, quand bien même elle n’était peut-être pas d’accord avec celles-ci. Évidemment c’était louable, évidemment je ne pouvais m’empêcher de la trouver bien plus intelligente et bien plus mature que moi. Et pourtant, la vie ne m’avait pas encore inculqué l’humilité qui me forcerait plus tard à apprendre qu’il vaut parfois mieux tenir sa langue et simplement admirer les qualités des autres.

« Mmh… Je pense que tu ferais une bonne encyclopédie, mais pas un très bon professeur. Il faut rendre les leçons plus interactives je pense. Oh, et donner moins d’informations d’un coup, c’est difficile de tout retenir d’un coup. Mais c’est super intéressant ! Je suis trop contente d’avoir décidé de t’accompagner et j’ai hâte qu’on arrive à— Oh ! On y est pratiquement déjà en fait ! Viens !! »

C’est au petit pas de course que j’atteignis le haut d’une petite colline et que, en contre-bas, la magnifique silhouette d’une crique se dessinait avec tous ses reflets solaires. Plus isolée que celle où se trouvait le port d’Ironfest, cette crique-ci avait une eau tiède qui allait se heurter à la houle plus froide de l’océan. Tout autour se trouvaient de grands arbres et, surtout, le flanc Est était surplombé d’une petite falaise d’où les adolescents aimaient beaucoup sauter les jours de baignade. Quelques goélands tournèrent un regard paresseux en notre direction avant de reporter leur attention sur les flots à la recherche de poissons.

« Voilà ! L’une des nombreuses criques d’Ironfall. On peut aller nager si tu veux ? Tu me diras si c’est vrai que l’eau est plus froide à North Blue qu’ailleurs. Oh et, du coup, tu sais nager au moins ? Avec les ailes et tout je sais pas si c’est pratique ? Remarque ce serait marrant que non, comme ça je pourrais t’apprendre quelque chose moi aussi ! »

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Je laissai à ma nouvelle amie le temps de mettre ses pensées en ordre, ne désirant pas la brusquer. Puis, de toute façon, me rattraper était pour elle un jeu d’enfant vu l’avantage conféré par ses grandes jambes. Bien sûr, j’observai son visage à la dérobée, attendant de voir sa réaction face à l’humble découverte que devait représenter la crique. La voir sourire m’emplit de bonheur et me donna envie de redoubler d’efforts pour lui faire passer un bon moment. Toujours aussi loquace, la blonde me partagea son passif de natation et c’est avec le même intérêt qu’à l’habitude que je mémorisai ses réponses, offrant même de courtes réactions à certaines d’entre elles.

« Woah ! T’as vraiment eu de la chance qu’ils passent par là à ce moment. »

Si l’équipage n’avait pas été là pour la repêcher… Bah disons que nous n’aurions pas cette conversation, déjà. Je fus d’ailleurs étonnée d’apprendre que les ailes étaient plus pratiques que nuisibles une fois dans l’eau, mais acquiesçai néanmoins comme si c’était la chose la plus logique que j’aie entendu dans ma courte vie. C’est que je ne voulais pas avoir l’air bête devant la grande, jolie et brillante Ishtar, m’voyez ? Quant aux différents types de nage… Ah… c’est quoi la différence entre la brasse et le crawl ? C’est pas toujours pareil la natation ? Telle fut la réflexion qui passa dans mon petit cerveau de demoiselle rose, bien moins axée sur les connaissances empiriques que ma compagne du jour. Je devais trouver autre chose pour ne pas la décevoir…

« Mmmh… On va voir ce qu’on peut faire. Mais en attendant… LA DERNIÈRE À L’EAU EST UN ŒUF POURRI !!! »

Oui, j’étais partie sans écouter jusqu’à la fin son discours sur la température des eaux du monde entier. Un poil impoli, peut-être, mais j’étais déterminée à essayer de la sortir un peu de son moule et d’essayer de la faire se détendre un petit peu. C’est donc aussi vite que mes petites jambes de jeune fille lambda le permettaient que je grimpai la fameuse petite falaise qui surplombait la crique pour mieux prendre un élan et me jeter dans le vide en criant et en riant. J’ignorais si j’avais gagné et, à dire vrai, m’en fichais un peu. L’impact claqua contre la peau de mes jambes et je fus rapidement engouffrée par les bras frigorifiques de l’eau de la crique. Je me laissai sombrer quelques instants avant de finalement battre des jambes et des bras jusqu’à ce que ma tête émerge hors de l’eau, me permettant du même coup de reprendre une grande bouffée d’air.

« Ça va, elle est pas si froide que ça finalement !! Tu la trouves comment, Ishtar ? Et si tu me dis avec une boussole je t’arrose tu vas rien comprendre ! hahahaha !! »

@feat Ishtar De Lérhane Enjoy !!