Ironfall. La simple mention de ce lieu suffisait à me tordre le coeur et à me faire culpabiliser profondément. Égoïste. J'avais laissé derrière moi un mari pourtant idéal, dans la théorie. Il changeait les couches sans sourciller et adorait passer du temps avec Prim. Il comprenait même mon besoin d'évasion et, au final, m'avais encouragée à poursuivre mes propres rêves. Mère indigne. Il y avait longtemps que je n'avais pas pris la peine d'écrire ne serait-ce qu'une lettre. J'ignorais même si l'argent que je leur avait envoyé pour améliorer la clinique s'était rendue jusqu'à eux. Tout comme j'ignorais quel avait été l'impact de mon départ dans la vie de ma fille. Finalement tu ne vaux pas mieux que ton père. Depuis combien de temps étais-je seulement partie ? Au moins un an, au moins. Peut-être même deux maintenant. Alors ça lui faisait quoi, 5 ans ? À peu près ? Se souvenait-elle encore de moi ? Ingrate ! Tu as une vie parfaite ici, qu'est-ce que tu veux de plus ?! Terre en vue. La voix tonitruante de Sakuga m'avait appelée, tout enjoué qu'il était à l'idée d'aller revoir sa fan numéro 1. J'eu l'ombre d'un sourire en me souvenant de notre première rencontre et du coup de foudre que ma petite perle avait eu pour lui. Ce ne serait sans doute pas sympa de le faire trop attendre et c'est donc à regret que je sortis de l'ombre pour m'avancer vers lui, près de la rambarde. C'est l'un des fils du marchand du coin, tu sais ce que ça veut dire pour notre clinique ?

« Ça va ça va, je t'entends ! J'espère juste qu'elle va te reconnaître. À l'époque t'avais pas les ailes et t'avais l'air super grognon quand même alors t'attends pas à grand chose. »

Dis-je en replaçant une longue mèche écarlate derrière mon oreille. Ils m'arrivaient aux épaules quand j'étais partie, à peu près. Ils étaient roses pâles aussi, ne l'oublions pas. Si ça se trouvait c'est Sakuga qu'elle reconnaitrait tout de suite et moi, de mon côté, je ne serais rien de plus qu'une parfaite inconnue. Quel exemple tu crois que ça va donner à ta fille ? C'était le risque que j'avais pris, non ? Dire qu'à la base je n'en avais même pas voulu de cet enfant. Pas plus que je n'avais voulu me marier. Rien de tout cela je ne l'avais choisi, me pliant simplement aux ordres de ma mère. Je ne voyais pas d'autres alternatives, n'aurait pas pu simplement prendre la mer seule pour tenter de faire ma vie sans probablement me vautrer pathétiquement. Qu'est-ce que nous avons fait pour que tu nous haïsses autant ? Si l'on ne m'avait pas offert ce fruit du démon, si je n'avais pas été maudite par le Gura Gura no Mi... Sans doute ne serais-je jamais partie. Maintenant ? La simple idée de mettre le pied sur le pont qui nous attendait plus bas me donnait la nausée.

« Hey Sakuga... ? Ce serait peut-être mieux que tu restes ici. Je ne pense pas rester longtemps de toute façon alors... »

Et j'ai vraiment pas besoin que tu sois présent si jamais ça tourne au vinaigre. Je préfère avoir honte et me torturer toute seule comme une grande fille, sans témoins. Surtout pas sous les yeux de l'ange que j'avais en si haute estime. Je n'avais pas envie que sa propre vision de moi soi altérée par ce qui risquait de se passer lorsque je cognerais à la porte de la Clinique Familiale Ainsley. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter une fille aussi irresponsable que toi...

« Ouais, je crois qu'on va faire ça. Je te dis à bientôt du coup ! »

Aller on force un grand sourire et on se prépare à descendre vite fait bien fait avant que le blond n'ait la chance de me contredire ou de me suivre de force. Comme si un être aussi borné allait vraiment me laisser y aller toute seule...

@feat Best Crew

Enjoy !

Parfait. Voilà ce qu'il avait dit, sans rechigner ou chercher à s'imposer à moi. Au contraire, il avait choisi de respecter ma demande et de me laisser avoir tout l'espace dont j'aurais potentiellement besoin. J'esquissai un sourire triste, réalisant qu'au fond j'aurais aimé qu'il s'en tienne à ses habitudes d'ange borné et qu'il soit là, à mes côtés, pour chacun de mes pas sur l'île de mon enfance. Tu n'auras pas de seconde chance ! Si tu pars maintenant, tu finiras seule et détestée de tous ! Je n'étais pas partie depuis si longtemps que ça quand on y pensait, mais j'avais pourtant l'impression que plus rien n'était pareil. Les mêmes maisons étaient aux mêmes endroits, oui, mais ce n'était plus pareil. Peut-être était-ce moi qui avait changé ? Colonelle de la Marine, seconde de l'équipage Unite et Principauté de la Clairvoyance. Tant de titres que j'avais accumulés avec fierté au fil de mes aventures loin de North Blue. J'avais vu bien loin au-delà de mes limites d'autrefois et, à présent que j'avais traversé les couloirs de Marineford, les humbles rues d'Ironfest ne m'atteignaient plus de la même façon.

Un autre endroit de cette île avait changé : La Clinique Familiale Ainsley. Je déglutis en voyant apparaître le bâtiment où j'avais vécu la majorité de ma vie. L'endroit où j'avais appris la médecine, sauvé des vies et pleuré d'autres. Je remarquai immédiatement que l'on avait repeint la façade, changé les fenêtres aussi. Même l'enseigne avait fait peau neuve et, je devais l'admettre, ça me faisait du bien de le constater. Ne pense pas que l'on va t'attendre, le monde continuera de tourner sans toi. Si j'avais eu du mal à formuler des missives et à communiquer mes états d'âmes avec ceux que j'avais laissés derrière moi, je m'étais toutefois fait un point d'honneur à envoyer une partie de mon salaire sur Ironfall pour assurer une vie confortable à ma fille, mon mari et ma mère. Tu n'es plus ma fille, ne revient jamais ici. Je soupirai, me demandant s'ils étaient seulement là. Probablement, non ? Il y avait pratiquement toujours quelqu'un ne serait-ce qu'en cas d'urgence médicale. C'est après une certaine hésitation que je pris néanmoins mon courage à deux mains, me dirigeant vers l'entrée de la partie résidentielle de la clinique. Je frappai quelques fois et commençai mon attente, jetant un regard curieux en direction des fenêtres pour voir s'il y avait le moindre mouvement à l'intérieur. Ah ! Quelqu'un vient !

« Oui oui ! Je suis là ! Ah, bonjour, je peux vous aider ? La clinique en fait c'est l'autre entrée, je ne sais pas si... »

T'es qui toi ? Ma gorge se noua avant que je ne puisse poser ma question. Je tentai de m'expliquer, mais je ne pu que balbutier alors que les mots s'entassaient dans ma trachée et que mon cerveau tournait à vide. Elle était plus jeune que moi de quelques années et je l'avais déjà croisée auparavant, c'était presque obligée. Une courte chevelure brune, de grands yeux bleus et, surtout, un petit bedon qui devait indiquer... Allez, à vue de nez, cinq mois ? Le monde continuera de tourner sans toi.

« Oh ! Ah ! Penelope ? C'est bien toi ? Oh putain euh... t'as parlé avec Felix ou pas du tout ? Tu... t'es au courant ? Penelope ? »

« Ça fait longtemps... Tu euhm... ça te vas bien, félicitations. Primrose est là ? »

« Elle est sortie avec son père. Je m'en occupe, Vallory. »

Je déglutis en reconnaissant cette voix. Mes mains s'agrippèrent l'une à l'autre et c'est nerveusement que l'ongle de mon pouce se mit à pénétrer la chair de mon poignet opposé. La nouvelle femme de Felix m'offrit un sourire désolé avant de s'éclipser, visiblement assez intelligente pour savoir qu'elle n'avait aucune envie d'assister à ce qui allait suivre. À dire vrai j'aurais bien aimé la suivre puisque moi non plus je n'avais fichtrement pas envie d'être là soudainement. Dans le cadre de la porte se tenait à présent une médecin aux yeux aussi verts que les miens, les traits rappelant mon visage en plus... dictatorial.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? Il n'y a plus rien pour toi ici, c'est Vallory et Felix qui hériteront de la clinique, alors qu'est-ce que tu peux bien nous vouloir ? »

Je déglutis, replaçant nerveusement une mèche écarlate derrière mon oreille. Je pouvais sentir un regard incendiaire épier le moindre de mes gestes avec ce qui ne pouvait que s'apparenter à du dégoût.

« Je pars bientôt dans le Nouveau Monde alors j'espérais voir Prim avant de... »

« Hmpf, j'aurais dû m'en douter. Écoute, on est tous reconnaissants pour ta contribution monétaire, mais ça ne te donne pas le droit de débarquer comme ça à l'improviste juste parce que ça te tentes. Tu as pensé à ta fille un peu ? T'as idée de combien de temps elle a pleuré parce que t'étais partie ? Une fois elle a fugué et on l'a retrouvée le lendemain matin, endormie sur la plage à attendre que tu reviennes. Et toi tu décides de revenir ici juste parce que ? Non, t'as perdu ce droit quand t'es partie. La seule chose que t'as bien fait c'est de partir assez tôt dans sa vie pour qu'elle oublie qui t'étais et pour qu'elle grandisse en croyant être la fille légitime de Vallory, comme ses futurs frères et soeurs. Tu as fait ton choix, maintenant vis avec, Penelope. »

***

Lorsque je revins à moi, je venais de m'échouer dans le sable d'une petite crique à l'écart de la ville. Cet endroit, je le connaissais... N'était-ce pas ici que j'avais amenée Ishtar ? Nous avions nagé ensemble à l'époque, des années avant que je ne sois maudite et que je sois sauvée de la noyade in extremis par Sakuga. Que venait-il de se passer ? Mon esprit s'était totalement vidé et j'étais partie en courant. J'avais pris la fuite, encore. Vu la tension qu'il restait dans mes jambes, je conclus avoir sans doute utilisé le Soru sans trop m'en rendre compte. Pathétique. Mes joues étaient striées de larmes et ma longue chevelure se mêlait aux grains dorés de la plage. Je me recroquevillais sur moi-même comme pour combler ce vide immense qui trônait au centre de mon être. Elle avait raison. Sur toute la ligne elle avait raison. Il aurait été mieux que je ne revienne jamais... Que j'aille me tuer bêtement sur le Nouveau Monde sans même qu'ils le sachent. Ils n'avaient pas besoin de le savoir. Leur vie continuait sans moi.

@feat Best Blond

Enjoy !

Le regard de Penelope avait perdu son éclat habituel, vide de toutes réactions alors que, sans même regarder l'ange descendu du ciel, elle avait prit la fuite. Sa mère avait soupiré, bras croisés, avant de se tourner lassement vers le nouveau venu. La médecin n'était nullement impressionnée par le blond qui la dépassait pourtant facilement d'à peu près deux têtes. Enfin... Disons que ça c'était avant le vol plané qu'il venait de lui faire faire. Cette pauvre mère indigne alla s'abîmer contre une commode, toussant vivement alors que l'air lui était sortit des poumons en un grand coup. Les yeux en larmes, la lèvre en sang et l'oeil tuméfié, Poppy Ainsley releva un regard mauvais vers le Keigo. Ses mains s'étaient agrippées au meuble derrière elle comme des serres pour se stabiliser. La marâtre était bien trop orgueilleuse pour se laisser tomber au sol pendant qu'il était encore là, quitte à ignorer aussi longtemps que possible ses membres qui tremblaient mollement.

« Docteur Ainsley ? »

« Reste où tu es Vallory, ne bouge pas. »

Avait-elle répondu à celle qui avait, pour toutes fins pratiques, remplacé sa fille biologique. Même en cet état, la matriarche Ainsley demeurait bornée et, surtout, résolue à prendre les coups si nécessaire pour protéger sa descendance. Le Keigo, toutefois, était loin d'être impressionné par sa performance médiocre dans le rôle de mère aimante et compréhensive et, évidemment, n'allait pas se priver pour lui faire part de ses quatre vérités. On aurait pu croire qu'elle allait se fâcher contre lui, lancer un bibelot en sa direction ou lui dire de partir. C'est pourtant un sourire qui s'esquissa sur les lèvres de la cruelle femme.

« Un autre ange, eh ? Ça lui ressemble bien... »

La médecin cracha au sol un mélange de sang et de bile avant de s'essuyer la bouche du dos de la main comme l'aurait fait une habituée. Si elle n'était pas une combattante, il était toutefois clair que cette femme avait reçu plus d'un coup par le passé et qu'elle avait rencontré plus que sa part de fou furieux, ayant depuis développé des nerfs d'aciers que plusieurs auraient pu lui envier.

« Quel genre de sale pute je suis ? Je connais ma fille, gamin. Plus que tu ne la connaîtras jamais d'ailleurs. Si tu comprenais ce qui est bon pour elle, tu me remercierais. Va donc plutôt la rejoindre si tu veux vraiment l'aider. Essaie la crique juste en dehors d'Ironfest, à l'Ouest, c'est là qu'elle va d'habitude. Maintenant tu dégages ou tu veux frapper une pauvre femme sans défense une seconde fois avant ? »

@feat Best Blond

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Au moins l'ange avait eu assez de retenue pour ne pas frapper la matriarche Ainsley une seconde fois. Pas comme si cela aurait été nécessaire vu que ses jambes lâchaient finalement sous son poids et que Vallory s'était précipitée à ses côtés avec inquiétude. C'est par les mots que le Keigo continuerait son assaut, parlant de complaisance et de médiocrité. Le regard de la médecin se fit plus amer encore, si c'était seulement possible, et ses traits se voyaient dégoutés de tels propos.

« Vraiment tous les mêmes... Aucune compassion pour les gens normaux qui n'ont ni la force, ni l'envie de quitter leur demeure. Et pour aller où ? Pour prendre les ressources de qui ? Et lorsque que tout le monde qui en avait la force est parti alors qui, qui reste derrière pour protéger ceux qui en sont incapables ? À quoi bon tenter de changer le monde si on ne peut même pas aider les gens en face de soi. Le nombre de vies sauvées ne compte pas, pas plus que la valeur que tu es prêt à leur accorder, ange. »

Évidemment qu'elle ne s'abaisserait pas non plus à prendre ses berries et que, de son regard impérieux, elle avait comme ordonné à sa nouvelle fille de faire de même, ne serait-ce que le temps qu'il parte. Poppy Ainsley ne répondit rien quant à son droit à la fierté et à la gloire, conservant plutôt ce qu'il lui restait d'énergie pour tenir jusqu'à la fin. Dès lors que Sakuga quitta le pas de sa porte, la vieille femme avait sombré dans l'inconscience sous les pleurs agités de la femme enceinte se tenant à ses côtés.

***

M'étais-je déjà sentie si petite auparavant ? Peut-être, peut-être pas. Ma tête tournait et je ne me sentais pas capable de me remettre sur pieds sans retomber presque immédiatement. Respire Penny, c'est tout ce que tu fois faire pour l'instant. Respire. Il ne servait à rien de s'agiter ou de trop rapidement chercher à repartir. De toute façon qu'est-ce que ça changeait ? Sakuga était resté à bord du bateau, comme tous les autres. Ils me laisseraient le temps qu'ils croyaient nécessaire à des retrouvailles familiales et puis voilà. Personne ne viendrait me chercher. Personne ne viendrait s'inquiéter du temps que je mettais. Je refermai les yeux, laissant mon corps se faire plus lourd dans le sable.

En un sens, ne venait-elle pas de m'offrir tout ce que j'avais toujours désiré ? J'étais libre de toutes responsabilités. Il n'y avait plus, derrière moi, de vide à remplir. Plus d'obligations auxquelles me plier et plus d'endroit auquel retourner me terrer lorsque l'incertitude me ferait reconsidérer la voie que j'avais choisie. Et pourtant une question revenait me hanter. Pourquoi ne suis-je pas heureuse ? La même que je m'étais posée à mon mariage, à l'annonce de ma grossesse et à la naissance de ma fille. Maintenant que j'avais échappé à tout ça, pourquoi étais-je trop blessée pour m'en féliciter ? Comme quoi j'avais peut-être sous-estimé la douleur de savoir que l'on n'avait pas d'endroit où retourner. Pas de famille à soi ou de gens pour qui la vie ne pourrait tourner sans notre présence.

J'avais toujours ressenti ce besoin de me rendre utile, de mériter l'affection des autres et, peut-être, de les rendre aussi dépendants de moi que je l'étais d'eux. Maintenant ? J'étais vraiment laissée à moi-même pour la première fois de ma vie. Certes il y avait Dorian et les autres. Il y avait Sakuga. Ne dis pas de bêtises, il est important pour toi, mais tu n'es en rien vitale pour lui. Tu vas rentrer en fin de journée avec le sourire et hop, il ne saura même pas ce qui s'est passé. Je soupirai profondément, comme si cela allait réussir à calmer les tremblements de mon menton et le pincement de mes glandes lacrymales. Me recroquevillant sur moi-même, je sentis le sable se mouvoir sous moi avec froideur, se compactant et se pliant aux aléas de ma silhouette pour me faire un lit inconfortable dont je ne souhaitais pourtant plus sortir. Plus tard, lorsque je serais prête. Pas tout de suite. De toute façon personne ne me cherchait, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?

PENELOPE AINSLEYYYYYYYYYYYYYYYYYYY

« Saku... ga ? »

Fatiguée et lourde comme si je venais d'échapper de peu au sommeil, je me redressai difficilement en position assise, cherchant la source de ce cri. Ce n'était qu'une question de temps avant que la silhouette ailée ne se révèle à moi avec émotion, ses mots trahissant sa connaissance des événements récents. Devais-je encore être sauvée de cette maudite île ? Bonne question. Je ramenai mes jambes contre moi et les enlaçai dans mes bras, posant mon menton contre mes genoux de manière songeuse. Je devrais lui répondre. Il suffirait d'un oui ou d'un non et, avec la vitesse de l'éclair, il m'aurait ramené à bord et nous serions repartis pour la gloire. Simple, efficace. Pas besoin d'une réflexion plus poussée, de nuances ou d'assumer les conséquences de mes actes. Ma mère aurait le rôle de la méchante, moi de la fille incomprise qui était partie pour une bonne cause. Tombent les rideaux et l'histoire est belle, jolie et facile à comprendre avec une petite boucle par-dessus.

Aussi tentante que soit cette éventualité, je ne parvins pas à répondre au paladin. Je restai-là, petite et silencieuse sur mon bout de plage, espérant presque qu'il ne me trouve pas. Qu'il abandonne ses recherches et décide de rentrer sans moi parce que, de toute façon, ça ne changerait rien pour lui non plus. Sa vie à lui aussi continuerait de tourner si je disparaissais. Comme celle de tous les autres. Comme celles de ma famille de sang.

@feat Best Blond

Enjoy !

PENNYYYYY

Si ses mots me parvenaient, j'avais quand même ce besoin de faire la difficile. De me recroqueviller sur moi-même en attendant qu'il abandonne et, surtout, en priant pour qu'il ne le fasse pas. Allais-je écouter cette marâtre ? Oui, je comptais le faire. Allais-je me détourner de cet avenir radieux que nous avions prévu de bâtir à deux ? Je lui avais promis d'être là, de le garder sur le droit chemin tant et aussi longtemps qu'il me permettrait de l'être. Allais-je vraiment m'affranchir de cet engagement si peu de temps après l'avoir prononcé ? Non, mais il semblerait que j'aie besoin d'une réciprocité de plus. J'étais incapable de simplement me dédier en entier gratuitement, sans attendre quoi que ce soit en retour. Je n'étais pas si vertueuse que ça. Pas si parfaite que ça. J'étais seulement humaine, seulement une femme qui avait besoin elle aussi d'être rassurée, de se sentir chérie. Et pourtant je restais là, tétanisée à me demander si j'avais effectivement le droit de lui partager ce que j'avais sur le coeur. Lui qui avait déjà tant à gérer, tant de vies qui comptaient sur sa présence et sa contribution. La dernière chose que je voulais était d'ajouter à ses fardeaux et de n'être qu'un poids parmi les autres. Pour cela je préférais garder le silence, me mordre l'intérieur de la joue en fermant les yeux plus fort en attendant qu'il abandonne. C'était mal le connaître.

Il m'avait trouvée et, sans la moindre hésitation, ses mains s'étaient posées sur moi pour me tirer vers lui, hors de ma petite bulle de dépressive. Son regard brillait de conviction et, peut-être un peu, du désespoir qui l'avait traversé brièvement lorsqu'il me cherchait encore. Le blond me parlait de récupérer Primrose, de l'amener loin d'ici pour lui offrir un meilleur environnement. Sauf qu'elle n'avait même pas encore cinq ans... Serait-il une si bonne idée que ça de l'arracher à son père et au reste de sa famille pour la confier à des inconnus sur une île plus acceptable ? L'ange me serrait dans ses bras, convaincu que c'était ce qui m'attristait le plus ou, à tout le moins, projetant sur moi ce qui l'aurait dérangé lui s'il avait été à ma place. Je n'avais pas la force de lui répondre, pas tout de suite. Ma seule envie était de me presser contre son coeur, de laisser mes mains s'accrocher à ses vêtements alors que j'écoutais les battements qui pulsaient en sa poitrine. Combien de fois avant que l'on puisse dire que c'était devenu une habitude ? Avant que je sois forcée d'admettre que rien ne savait me réconforter comme ces étreintes que Sakuga m'offrait sans retenue ?

« Serre moi plus fort... Ne me laisse pas partir, Sakuga... »

Là tout de suite alors que j'avais recommencé à pleurer, c'était tout ce que je voulais. S'il pouvait me serrer assez fort pour que les limites entre lui et moi commencent à se brouiller alors je n'en serais que plus heureuse. Je pourrais alors recommencer à respirer plus profondément, ancrée au repère qui me permettait de retrouver ma voie, mes convictions et ma détermination. Lorsque je me sentirais mieux je pourrais enfin me détendre ne serait-ce qu'un peu. Accepter que j'étais en sécurité en ses bras et aller cacher mon visage dans le creux de son cou pour y murmurer mes confidences.

« Je suis libre... Je suis enfin libre... Juste... Est-ce que je suis vraiment si facile à remplacer que ça ? Si je n'étais plus là, s'il m'arrivait quelque chose... Je sais que techniquement tout le monde l'est, je sais que je ne suis pas plus spéciale que qui que ce soit, mais... Juste pour une fois, juste pour une personne... »

@feat Best Blond

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C'était idéaliste. Peut-être même enfantin et naïf si l'on était moins permissif. Être spéciale et irremplaçable ? Dans la vraie vie personne ne l'était. Le temps guérissait toutes les blessures et l'on finissait toujours par tourner la page. La vie se poursuivait et, au bout d'un moment, il faudrait bien s'en remettre. J'étais consciente de toutes ces choses et, pourtant, mon désir le plus profond demeurait inchangé. J'avais indirectement fait ma demande égoïste à l'ange et, plutôt que de me faire la morale ou de me ramener sur terre en rationalisant les choses...

Je m'accrochai doublement à lui avec surprise lorsque nous quittâmes le sol. Un vent frais s'engouffra dans ma longue chevelure écarlate sans prévenir alors que, par réflexe, je regardais Ironfall qui s'étendait sous nos pieds. Jamais ne l'avais-je vue de cet angle là à dire vrai. De si haut j'en voyais les limites, j'apercevais la vaste mer l'entourant et, surtout, le navire de Unite qui attendait notre retour à tous les deux. Retour que j'aurais pu faire seule techniquement, j'avais maîtrisé le geppou depuis longtemps à présent, mais le voulais-je vraiment lorsque j'avais la chance d'être collée au blond ? Délaissant les vastes étendues céruléennes de North Blue, c'est d'ailleurs vers l'azur de ses yeux que je fus guidée. T'es irremplaçable Penelope. Allez c'est bon, on remballe, c'est tout ce que je voulais entendre. Il aurait pu s'arrêter là que j'aurais été contente, que j'aurais pleuré un bon coup et que je l'aurais remercié mille fois en lui promettant ma loyauté éternelle. Sauf qu'il était sincère et que, du coup, il n'en avait pas terminé avec moi. Sans hésiter il me déclarait exceptionnelle, avouait tout l'impact que j'avais eu dans sa propre vie alors que, jusque là, j'aurais été tentée de croire que cet impact avait été à sens unique. Sakuga m'avait sauvée de la noyage, recrutée chez Unite, promue en tant que sa seconde et j'en passais. Imaginer que toute la gratitude que j'éprouvais à son égard puisse être réciproque avait été jusque là impensable.

À l'image de la catastrophe naturelle qui sommeillait en moi, rien n'était plus pareil après mon passage. J'esquissai un sourire en coin amusé, me demandant si c'était vraiment un compliment ou si au contraire je ne devrais pas lui faire la vie dure en lui signalant que les séismes ne laissaient habituellement pas de bonnes choses dans leur sillage. Sans doute l'aurais-je fait s'il n'avait pas eu l'audace de rapprocher son visage du mien, de poser son front contre le mien, de mêler son souffle au mien. Il parlait de retourner au navire, d'aller profiter de vacances pendant que nous le pouvions encore. À ce stade je soupçonnais bien qu'il aurait dit n'importe quoi pour m'apaiser et me réconforter. Il m'aurait fait toutes les promesses que j'aurais pu lui demander. Cette simple certitude m'inondait de chaleur et, surtout, d'un étrange sentiment de sécurité. De sérénité alors que je me savais intouchable, protégée de coeur comme de corps. Sans doute est-ce pour cela que je me laissai aller, flottant bien au-delà de toutes conséquences imaginables. Sans doute est-ce pour cela que je fermai les yeux à mon tour avant de bafouer effrontément l'amitié qui nous avait réunis jusque-là.

Oui, je l'avais fait. Le coeur battant jusque dans mes tempes alors que ma main, tremblante, avait caressé sa joue. Sans doute aurais-je dû demander sa permission ou me souvenir des sentiments qu'il avait déclarés à l'endroit de Meredith ; pire encore, de ceux que moi j'avais pour Ghetis. Si au moins je l'avais fait timidement, si au moins j'avais hésité. Même pas. En bonne bourrine que j'étais, j'avais embrassé Sakuga comme s'il s'y attendait. Comme s'il allait me le rendre. Comme s'il s'agissait d'un énième échange d'affection dont nous aurions eu l'habitude. Comme si ses lèvres m'étaient familières et que je rentrais d'un long voyage tout au long duquel il m'avait manqué.

Penny... Yo... Penny ! Tu fous quoi là ?! Tu viens d'embrasser Sakuga. T'es en train de l'embrasser bordel.

Oh. Oups. OUPS. Je revins à moi avec la confusion d'une personne qui vient d'éviter la noyade de peu. Mettant fin à ce baiser presque aussi rapidement que je l'avais entamé, voilà que mon visage en entier était si rouge que mes cheveux paraissaient blonds en comparaison.

« Oh bon sang je suis désolée ! Je sais pas ce qui m'a pris je crois j'ai mal lu la situation je suis vraiment désolée j'aurais pas dû c'était vraiment déplacé de ma part c'est juste c'était dans le moment je sais pas c'est juste arrivé tout seul j'ai pas vraiment réfléchis je voulais vraiment pas te mettre mal à l'aise j'espère que tu m'en voudras pas même si tu le devrais sûrement j'ai juste je sais pas tu étais là et tellement proche et tu m'as dis des trucs tellement gentils et je... »

Et j'en ai envie d'un deuxième, putain je suis dans la merde...

@feat Best Blond

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Je m'étais confondue en excuses et l'ange allait en mon sens lui aussi sans hésiter. Nous étions amis, bien sûr. On ne pouvait quand même pas... voilà. On ne pouvait juste pas. Même plus la peine d'y penser ou de se poser de questions. C'était tout décidé d'avance et on était d'accords sur la question alors il n'y avait aucun problème.

« Ouais t'as raison, c'est pas notre genre ça. On est genre frère et soeur de coeur, tout ça. Et puis tu as Meredith et j'ai, enfin, j'avais... voilà. T'as raison retournons sur la plage et n'en parlons plus. »

Et oui, j'avais du dire on parce que ce moment d'égarement il me l'avait rendu. Il en avait profité aussi. Enfin, non. Pas possible. Sans doute qu'il avait eu un anévrisme ou quelque chose comme ça ou qu'il m'avait halluciné des cheveux bleus. Les rousses c'est surfait en plus. Et l'euphorie qui courait dans tous les sens au creux de ma poitrine ? C'était parce qu'il nous avait propulsés en l'air trop vite avec le geppou, voilà. Rien de plus à y comprendre. Pourquoi on n'arrivait plus à se regarder en face même une fois de retour dans le sable ? Bah parce que ce genre d'erreur c'était gênant quand même. Je devais l'avoir mis vraiment très beaucoup mal à l'aise. Assez pour qu'il me tienne la main fermement, sans doute pour que je ne me sente pas trop coupable ou que je n'aie pas peur de me l'être mis à dos alors que, ironiquement, il me faisait justement dos. Quant à l'avenir... Qu'importe ce qui se passera entre nous...

« T'inquiète, on va laisser ça bien derrière nous ici avec tous nos autres mauvais souvenirs d'Ironfall et reprendre la routine comme d'habitude. Je vais pas me gêner pour te victimiser si tu fais n'importe quoi et que tu me reviens encore une fois en petites pièces détachées, capiche ? »

Le ton avait été celui de la plaisanterie, mais nos yeux ne s'étaient toujours pas croisés. Je repris possession de ma main et fis mine de m'étirer sommairement avant de reprendre la parole, mon attention portée vers ce ciel d'où nous venions à peine de retomber. Pour une fois je me sentais d'humeur à renverser les rôles, même juste un peu. Il pouvait bien faire le confident lui aussi de temps en temps, non ?

« Tu sais que, quand j'étais enceinte de Prim, ma plus grande peur c'était de mourir et qu'on dise c'est pas si grave au moins elle est partie en donnant naissance à un bébé. Comme si ma vie à moi ne comptait pas juste parce que j'étais une femme et une mère. Déjà que j'avais l'impression que j'avais pas le choix de le devenir alors qu'en vrai j'en ai jamais voulu moi. Je me suis dit que je devais le faire parce que sinon bah... Je ne sais pas, je ne voyais pas d'autre alternative. Je devais toujours faire les bons choix, répondre aux attentes qui étaient placées sur moi et y obéir même si je ne voulais pas de cette vie-là. J'ai toujours eu peur de ne pas être assez bien, de décevoir les gens, de ne pas avoir ma place, de ne pas mériter d'être heureuse ou aimée. Et en même temps j'ai jamais voulu rester ici moi. J'ai jamais voulu avoir une famille ou même une fille. J'adore Primrose bien sûr, mais voilà. C'était pas la vie que je voulais et ce ne l'est toujours pas. Si je n'avais pas eu la chance miraculeuse d'obtenir le Gura Gura no Mi... Tu sais bien. Maintenant c'est différent. J'ai le droit de ne pas être parfaite, de faire mes propres choix même s'ils sont merdiques. J'ai la force de briser toutes les chaînes que je veux, de recommencer ma vie encore et encore jusqu'à ce qu'elle me plaise. C'est juste difficile parce que j'ai encore peur de me retrouver toute seule, sans repères. J'ai peur qu'à force de n'en faire qu'à ma tête au lieu de faire à celle des autres on m'en veuille ou qu'on m'abandonne et qu'on me remplace. C'est comme s'il y avait deux forces en moi qui s'opposaient comme ça constamment, c'est tellement épuisant. Alors si je t'ai au moins toi, mon ami et frangin de coeur, alors ça me pèse un peu moins. Peut-être que moi aussi j'ai le droit de pas être parfaite, de faire mes erreurs et d'apprendre. De me rebeller quand ça me tente aussi. De détruire les trucs qui me font bien chier et de construire ceux qui ont besoin de l'être. »

Allez, je pouvais bien me retourner vers lui maintenant que j'avais retrouvé un sourire sincère, les sillons de mes larmes ayant déjà commencé à sécher et à disparaître sur mes joues.

« Mine de rien elle m'a bien rendu service. Ils n'ont pas besoin de moi ici. Je n'ai plus d'endroit auquel retourner et ça fait mal, mais aussi... je suis libre. Je ne sais même pas où je veux en venir ou pourquoi je te raconte tout ça, mais je me sens déjà tellement, tellement mieux ! Allez, c'est mon tour cette fois !! »

Je levai un poing au ciel, imitant l'une des petites manies de mon seul et unique capitaine. Mon meilleur ami très platonique.

« JE VAIS ALLER SUR LE NOUVEAU MONDE ET APRÈS ÇA RIEN NE SERA PLUS JAMAIS PAREIL, POUR PERSONNE !! JE VAIS FAIRE UNE DIFFÉRENCE, UNE VRAIE DE VRAIE, CELLE QUE MOI J'AI ENVIE DE FAIRE !! ET TANT PIS POUR CETTE VIEILLE CONNE !!! »

Difficile, après ça, de rester sérieuse plus de trois secondes. Embarrassée par mes propres déclarations, voilà que mes bras se refermaient sur mes côtes alors que je riais aux éclats. Oui, j'allais déjà beaucoup mieux grâce à lui.

@feat Best Blond

Enjoy !

Ce monde sera à nous, ce monde sera à toi et à moi. Est-ce vraiment le moment de me dire ça, Sakuga ? Tu aurais au moins pu attendre jusqu'à ce que j'aie oublié le goût de tes lèvres sur les miennes, tu penses pas ? Pas comme si cela faisait une grande différence, mais pour le coup j'avais bien envie de me venger. Oui, j'étais moi aussi une petite vilaine sans honte quand ça me tentait et là bah c'était juste trop. Je ne pouvais pas résister à la possibilité de le voir rougir encore. C'est donc avec malice que je me rapprochai de lui, offrant au blond un sourire empreint d'innocence effrontée tout en plongeant dans son regard bleuté comme pour m'y perdre.

« Tu penses encore trop petit, Sakuga ! Je sais que moi je n'ai pas besoin d'aller dans le Nouveau Monde pour que mes rêves se réalisent. Tant que j'ai la chance d'être à tes côtés et de voyager avec toi alors mes rêves ils le sont déjà, réalisés. »

Oui, je m'étais vraiment dépassée sur ce coup-là et, mine de rien, c'est moi qui dû me détourner en riant parce que mes joues rougissaient encore de ma propre bêtise. Comme quoi j'étais pas douée pour ces trucs sans que ça me retombe un petit peu dessus. Heureusement que mon coeur, léger comme jamais, s'affairait déjà à me faire prendre la route menant à notre navire, sans rester pour attendre sa réaction à ma petite... provocation ? Peu importe ce que c'était. J'avais presque quitté la plage lorsque j'aperçu un grand rocher qui se tenait juste là, n'attendant que je daigne lui faire l'honneur de mon illustre présence ! La rigolade encore accrochée aux joues, j'y avais sauté avant de me retourner une énième fois vers mon capitaine. Plaçant les mains en porte-voix, c'est tardivement que je lui offris enfin la réponse qu'il m'avait si désespérément implorée de lui donner.

« SAKUGA KEIGOOOOOOO !!! J'AI PLUS BESOIN D'ÊTRE SAUVÉE !!! LE DERNIER ARRIVÉ AU BATEAU EST UN VIEIL OEUF POURRIIIII !!!!!!!!! »

Avait-il déteint sur moi ? Je crois que les résultats parlaient pour eux-mêmes.

@feat Best Blond

Enjoy !