Ce n’était plus qu’un champ de ruine. Malgré le début des travaux de reconstruction, le retour à Enies Lobby avait été d’une difficulté sans nom. La Olsen retenait encore ses larmes en observant les ruines de la maison de la Kasano, l’ancienne Vice-Directrice du Cipher Pol 6 et sa meilleure amie, morte durant le raid d’Enies Lobby par les membres de la Triade. Qui n’en avait pas entendu parler ? La version officielle était contée ainsi : suite à une enquête du Directeur du Cipher Pol 6 Ko Ayme, qui mit à jour l’organisation de la Triade cachée dans l’ombre des hors-la-lois depuis déjà dix années, une partie du réseau clandestin fut démantelé. Cela provoqua une réaction immédiate de Betelgeuse Quing, à la tête des mercenaires, qui lança un assaut à grande échelle de toute sa branche sur Enies Lobby. La destruction de l’île et la mort de nombreux agents s’en suivit : de nombreux gradés y laissèrent la vie, mais aussi des civils, des familles.

Parmi les victimes, les Vice-Directeurs des Cipher Pol 1, 2, 6, 7 et les Directeurs des Cipher Pol 4 et 5… De nombreux agents d’élite, et même des enfants… Tout ça par la faute officielle du Directeur du Cipher Pol 6, Ko Ayme, seulement dégradé d’un rang grâce à son ancienneté dans les services gouvernementaux. Si la vérité avait été sue, Lidy aurait sûrement été enfermée à Impel Down. Car la réalité était toute autre : ces morts, c’était elle qui les avait causés. Elle était la seule responsable de ce massacre, et la culpabilité qu’elle devrait porter jusqu’au restant de ses jours ne serait jamais allégée. L’enquête sur la Triade, les découvertes, c’était sa faute. Elle avait découvert ce nom dans l’esprit de quelqu’un, puis avait commencé à ouvrir une enquête, et progressivement l’organisation tentaculaire s’était faite prendre dans son filet. Elle ne se doutait alors pas de l’erreur qu’elle commettait.

- Plus jamais, avait-elle dit en touchant l’endroit où le cœur de Harita avait été ramassé quelques semaines plus tôt.

Les réparations allaient bon train, et la plupart des gravats avaient été récupérés et déblayés. Il fallait à présent réparer les maisons, redonner de la vie à la Cité de la Justice. Son rôle, en tant que nouvelle Directrice du Cipher Pol 6, n’était pas de s’en occuper cependant. Elle devait reformer son agence, affirmer sa position. Séchant une larme, elle se dirigea en direction de la gare maritime qui avait été la première à être remise sur pied, pour permettre le bon fonctionnement des opérations. Elle passa devant un jugement en plein air, dirigé par l’un des juges débordés de travail. Certains de ses collègues étaient morts, mais la Justice ne s’arrêtait jamais de travailler, et il en avait récupéré le travail.

- Madame, fit un agent en s’approchant d’elle. Le rapport.
- Directrice Olsen, corrigea Lidy en fusillant du regard celui qui venait d’arriver. Disposez.

Il acquiesça, serrant les dents. Lui-même n’était pas convaincu par cette nomination opportune. La Olsen avait demandé un double rapport : le premier sur les activités du criminel, ancien membre du gouvernement, qui était escorté jusqu’ici. Le second sur le Contre-Amiral Aurola, guerrier de la marine, dégradé à une époque pour revenir à son ancien grade relativement récemment. La jeune femme ne s’en formalisait cependant pas : les erreurs n’étaient pas quelque chose qu’elle bannissait, c’était la façon dont les autres réagissaient qui serrait décisive. Observant donc l’arrivée du navire qui allait amarrer, elle se concentrerait sur ceux qui se trouvaient en face d’elle dans le but de localiser son interlocuteur. Il allait falloir qu’elle le questionne sur le primé, et peut-être lui parle d’une mission qu’elle souhaitait lui confier s’il avait le temps. Avec la mort de certains de ses agents d’élite durant le raid, les missions s’entassaient sans qu’elle ne puisse rien y faire : un coup de main de la marine était donc nécessaire, ce qui expliquait pourquoi elle se déplaçait elle-même là où un agent d’élite aurait pu faire l’affaire.

Le dossier dans les mains, Lidy Olsen voulait paraître le plus sérieux du monde. Elle affichait un air fermé qui n’aidait pas à la rendre appréciable : et c’était là un défaut qu’on lui reconnaissait déjà en tant que directrice. Elle était froide, bien qu’humaine à certains égards. On racontait dans son dos que la mort de la Vice-Directrice Kasano, dont on savait qu’elle était une grande amie, l’avait traumatisée. En réalité, elle n’avait jamais été ouverte avec ceux qu’elle ne connaissait pas, car elle pouvait lire leurs pensées et s’en trouvait souvent déçue. La jeune femme se contenta donc de prendre une petite inspiration en apercevant le Contre-Amiral Aurola et ses lieutenants descendre, et s’approcha de lui :

- Contre-Amiral Aurola, dirait-il en tendant sa main en direction du blond. Directrice du Cipher Pol 6, Lidy Olsen. Vous avez appréhendé un homme utile, vos subordonnés peuvent l’amener jusqu’à sa cellule.

Elle savait qu’il avait l’habitude d’amener des criminels, et ce ne serait donc pas difficile pour eux de suivre la procédure habituelle. Parfois, c’était des agents dépêchés sur place qui venaient chercher le criminel, mais avec les effectifs réduits c’était de plus en plus rare. Elle inviterait le Contre-Amiral à la suivre pour la suite de la procédure : écouter le rapport, prendre la déposition en quelques sortes…

- Vous avez fait un bon trajet ? Demanderait-elle sur le chemin pour alimenter la conversation, essayant malgré son expression froide de créer une atmosphère agréable.

Ils arriveraient après quelques minutes de marches dans un bureau installé près du port. C’était un lieu utilisé pour les dépositions, il n’aurait donc pas l’impression d’être un condamné envoyé directement au trou, normalement. La jeune femme prendrait le temps de s’asseoir et proposerait s’il le voulait un café, un thé ou une boisson froide à son interlocuteur. Elle savait que cette procédure était une plaie, cependant rien ne permettait à la Olsen de l’outrepasser. Elle-même n’était qu’un pion du système, si elle osait dire.

- Je me permets de résumer les éléments que nous avons là. Le criminel que vous avez arrêté se nomme Arthur Greyvock, ancien Commandant de la Marine affecté à la base de Sweety Peaks. Suite au retour de l’île à la normale, il a commencé à faire dans la contrebande de sucreries, et y a mêlé des drogues qui ont altéré les perceptions de certains adultes de la population. Tout cela lié à la Mafia de Harishigawa Konan. Suite à une enquête du Cipher Pol 6, vous-même et vos hommes avez été avertis qu’il devait être arrêté dans les plus brefs délais. Jusque-là, tout est dans mes dossiers.

Si Daisuke avait prévu un rapport écrit, elle le saisirait. Cependant, ce n’était pas un impératif et c’était pour cette raison que la plupart des personnes avaient tendance à remarquer une baisse des rapports écrits. Lidy devait cependant se charger de les envoyer auprès du Juge en tant que « pièce à conviction », même si la culpabilité du traitre n’était plus à prouver grâce à ses agents. Le niveau d’Impel Down auquel il serait envoyé serait sûrement proportionnel à ses crimes, là encore elle n’avait pas son mot à dire.

Lorgnant sur l’Aurola, elle le laisserait parler tandis qu’elle fouillerait un peu dans sa vie en s’intéressant un peu à la bataille de Marineford. Elle verrait d’un nouveau point de vue la lutte globale qui s’y était déroulée. Celle de Ghetis Archer ne manquait pas de piquant, mais elle voulait en savoir un peu plus. Traitant cela, elle se concentrerait aussi sur ce qui se déroulait en face d’elle, et garderait son apparence distante, en essayant de ne pas paraître froide.

- Pourriez-vous m’indiquer, demanderait-elle avec un air sérieux, les circonstances de l’arrestation et les dégâts matériels s’il y en a eus ?

Matériels. C’était un mot pour dire « humains » et « pécuniaires ». Un sordide mot de l’administration : c’était l’un de ceux qui mettait de la distance entre la cruelle réalité et ceux qui en géraient une partie des conséquences.