Azer Ty
Ancien Leader des Géants de Célestia.
Les ténèbres absolues n’avaient d’égal que le temps qui passait. Entre chacun de ses réveils, entre chacun de ses cauchemars éveillés, la douleur subsistait sans jamais se terminer. Il revoyait sa famille se faire décimer à cause d’un choix qu’il avait fait, par stupide habitude guerrière, par envie de vengeance. Il aurait dû éviter de se laisser endoctriner par les représentants de Centes. Et puis il y avait eu Marineford, et toute cette haine, toute cette colère, ce désespoir… Il ne pouvait pas s’en remettre aujourd’hui encore. La peur de perdre des êtres chers, et l’impossibilité de faire son deuil avaient été les moteurs de son mal-être, provoquant chez lui cauchemars et désillusions. Puis Lida Asya était venue, et l’avait endormi… Et de ce sommeil, l’un des plus grands géants du monde n’était pas encore réveillé…


Célestia
Le Paradis des Géants
Il n’y avait pas deux îles célestes comme Célestia. Les hypothèses quant à son origine allaient bon train : s’agissait-il d’un morceau d’Elbaf qui avait été envoyé dans le Ciel ? Ou l’environnement avait-il été si difficile à vivre que tout s’était développé de manière exponentielle ? En tout cas, les géants présents sur cette île étaient les plus grands du monde céleste, et tandis que Ghetis y mettrait les pieds après un long voyage, il pourrait constater que ce Paradis ne semblait pas avoir connu de meilleurs jours.

Il n’existait pas de port à proprement parler : l’île possédait de nombreuses structures en ancienne pierre, ou en briques, toutes étant soutenues par des piliers de bois énormes, taillés à même les arbres qui faisaient presque cinquante mètres de hauteur. Des animaux géants jouaient et roulaient sur la verdure, s’emmêlant dans les branches des arbres qui masquaient presque tout devant eux. Ici, seul l’éternel cycle des arbres rythmait le temps, car il n’y avait ni neige, ni froid glacial, ni été brûlant. Les lieux étaient si apaisants qu’y vivre toute une vie n’était pas suffisant pour en profiter.

L’île était organisée autour d’une structure gigantesque, un château phénoménal. Au bout de quelques jours de marches, ou quelques dizaines d’heures de course, on pouvait arriver au centre de la plus grande des îles célestes. Les lieux s’étendaient presque autant qu’Alabasta, mais dans le Ciel. Masquée par les nuages, positionnée au-dessus d’une partie désertique du monde, elle semblait ne pas être la cause de dérèglement quelconque, même si Althoum avait revendiqué une partie de son contrôle en 1429 après une observation du Ciel par un des premiers télescopes, obstruée par l’île en question.

Au milieu de l’île, le village principal vouait un fervent culte au Dieu du Soleil, bien que ce ne soit pas la seule divinité qui était représentée. La Déesse Nourricière, ou encore la Déesse de l’Alcool étaient toutes deux l’objet de nombreuses représentations sculptées dans de la roche. Utiliser un matériau aussi précieux était souvent synonyme de richesse, ici.

Plus loin, au nord de l’île, se trouvait une immense forêt dont les recoins abritaient des proies idéales pour les chasseurs locaux, de même que les falaises qui donnaient sur les montagnes alentours à l’est permettaient de filtrer l’eau des quelques glaciers au-dessus de l'île, et d’exploiter des nappes souterraines peu enfoncées. Trois lacs offraient leurs bienfaits aux habitants qui voulaient profiter du beau temps. Une grande académie dispensait des cours à de jeunes géants qui viendraient un jour remplacer la garde d’élite décimée à Marineford.

- Bon, aujourd’hui on va s’entrainer par deux. Prenez les armes et les protections, et ne vous disputez pas ! Lâcherait Maria Ty dont le regard s’était tourné vers la forêt au nord, puis vers les falaises à l’est avant de regarder à nouveau les enfants. Maxou…
- Je n’suis pas Maxou, M’dame !
- Oui, excuse-moi… Bjölnir, Ô grand guerrier, peux-tu apprendre à lasser tes lacets tout seul ?

Le « grand guerrier » gonfla les joues, fâché de l’humiliation, mais tendit malgré tout son pied en direction de la cheffe actuelle de l’île, déclenchant son rire bienveillant.


Maria Ty
Cheffe des Géants Ailés de Célestia

Maria Ty & Lisa Ty
Cheffe des Géants Ailés de Célestia & Géante Ailée
Ayant résidé quatre mois sur l’île de Célestia, l’Archer était en pleine possession d’informations capitales sur les lieux. Il avait réussi à tisser un lien avec certains habitants, même si ceux-ci observaient une période de deuil lorsqu’il avait amené la nouvelle de la mort des guerriers. Aucun corps n’avait pu être délivré, et c’était là la pire nouvelle qui soit : en l’absence de cadavres, les âmes des fiers combattants ne pouvaient poursuivre leur voyage. Maria avait particulièrement mal pris la nouvelle, et s’était renfermée sur elle-même, laissant à sa fille le soin de partager son temps entre l’Archer et la défense de l’île.

Ainsi, l’Amiral pourrait arriver au cœur de l’île des géants sans se soucier d’avoir à demander sa direction. Les lieux qu’il pourrait visiter seraient inchangés par rapport à sa dernière apparition sur Célestia. Les géants ailés étaient en train de vivre une vie standard : aller au marché, jouer à la pétanque, dompter des animaux sauvages et mortellement dangereux, rien qu’un humain n’aurait pu faire en somme. Ils n’avaient de toutes les manières pour référence en tant que représentant de l’espèce humaine que le souvenir de Ghetis qui était loin d’être l’un des plus faibles membres de sa race.

Les contours de l’Ecole d’Entrainement se formèrent bientôt dans le vaste paysage de l’île. La construction archaïque avait des murs d’enceintes construits en briques, au-dessus desquels des petits avancements de toits avaient été posés dans un style asiatique. Les arches qui ouvraient vers l’intérieur donnaient sur un immense terrain d’entrainement en grand partie cabossé, où les jeunes s’affrontaient les uns avec les autres. Ils avaient majoritairement entre huit et quinze ans, et maniaient des armes variées en futurs grands guerriers qu’ils étaient.

A leurs côtés, Maria Ty donnait une leçon qui se voulait rythmée, et lorsqu’elle apercevrait l’autoproclamé Dieu des Îles Célestes, elle ne pourrait que s’arracher un rictus en disant :

- Prenez dix minutes, on reprend après. Et hydratez-vous.

S’approchant, elle entendrait en arrière-plan un combat qui se déroulait entre Lisa Ty, sa fille, et une demi-douzaine d’hommes. Elle ne tournerait pas le regard, sachant pertinemment que sa jeune pousse était en train de gagner : un morceau de terre viendrait d’ailleurs se briser et s’élancerait en direction de trois géants qui se recevraient les gravats avec force et seraient propulsés en arrière. Maria tiquerait alors et d’une voix porteuse, elle lâcherait à son imbécile de fille :

- Et le terrain, c’est toi qui va le réparer après ?!
- Bah oui ! Crierait naïvement sa fille en riant, fière d’elle.
- Aaaah… Ghetis, c’est bien cela ? Que me vaut cette visite ?

Elle l’inviterait à venir s’asseoir sur le banc à ses côtés. S’il n’était pas petit pour un humain, il devrait malgré tout sauter pour arriver à la hauteur du tronc d’ arbre qui servait de banc. Maria mesurait bien dix-sept mètres, en faisant l’une des plus grandes géantes de son espèce. C’était ce que Qwer Ty, son défunt mari, aimait bien chez elle…

Maria Ty & Lisa Ty
Cheffe des Géants Ailés de Célestia & Géante Ailée

- Je dois avouer que je n’étais pas impatiente de vous rencontrer, fit la guerrière en regardant les gamins qui jouaient avec les pots d’eau au lieu de boire.

Demanderait-il pourquoi ou le savait-il instinctivement ? Au fil de ses discussions avec Lisa Ty, entre deux entrainements, il avait peut-être compris qu’elle le tenait pour responsable de la mort de son mari, Qwer Ty. La culture des géants était faite de telle sorte que les guerriers qui partaient au combat étaient parfois amenés à mourir, et que c’était comme ça. La nature donnait, mais elle prenait aussi, et les hommes comme toutes les autres races faisaient parties des éléments qui influençaient ce cycle naturel. Pourtant, ce n’était pas un plaisir de plonger ses yeux dans le regard de celui qui avait pris la vie de son époux et de leurs camarades, ou du moins de l’allié des responsables.

- Je n’ai aucun intérêt à rencontrer les géants de Segmenterre… C’est ce que j’aimerais dire, mais ce n’est pas ma décision à prendre. Je consulterai les Anciens. Quand nous ne savons pas quelque chose, c’est à eux que nous demandons. Notre autarcie nous suffit, si nous rencontrons un autre peuple, nous nous attendons à pouvoir en tirer quelque chose qui viendra enrichir notre propre culture, pas y ajouter un faste inutile.

Elle était convaincue que les géants ailés étaient très bien seuls. Lisa était aussi persuadée qu’ils n’avaient pas besoin d’autres étrangers pour vivre dans le bonheur. Sur cela tous s’accordaient : les personnes de l’extérieur leur avaient trop pris. De la fille d’Azer Ty aux géants guerriers, ils avaient déjà assez payé le tribut de leurs interactions avec le monde. A présent le désir de renfermement était plus présent que jamais.

Les élèves s’étaient mis à rire en chipant un couvre-chef et en jouant à le balancer dans les airs, tourmentant gentiment l’un de leurs camarades. Maria se souvenait encore de l’époque où elle vivait dans la chamaillerie avec les frères Ty. Aujourd’hui, l’un était mort, l’autre était seulement l’ombre de lui-même.

- Nous avons effectivement eu quelques disparitions récemment… Je pensais qu’ils s’étaient isolés, mais après trois semaines sans nouvelles j’aurais dû m’en douter, soupira-t-elle. Je vous remercie, nous pourrons leur proposer des funérailles dignes de ce nom.

Quand il parla d’esclavage, Maria rit presque avec tendresse :

- Notre peuple n’a jamais été la cible du braconnage, nous sommes trop isolés. S’il y avait un trafic en cours, nous en aurions entendu parler.

Les cas très rares de géants ailés trouvé sur le réseau de vente d’êtres humains étaient des parias, des meurtriers ou des aventuriers qui n’avaient pas l’intention de revenir sur Celestia, et n’en connaissaient de toutes les manières pas le chemin.

- Si quelqu’un est responsable, c’est peut-être l’un des nôtres… Azer Ty se trouve au château, il a un comportement… erratique. Vous comprendrez mieux en y allant vous-même.

Elle se leva et claqua dans les mains. Un humain normal aurait pu être balayé par le mouvement, mais l’Archer ne broncherait sûrement pas d’un poil.

- On reprend. Je vous conseille d’aller voir Azer Ty avant de commencer. Lisa ! Accompagne Ghetis.

La demoiselle, qui avait localisé l’humain depuis un moment, sauta en leur direction et s’approcha de l’homme qu’elle salua avec entrain. C’était la première à avoir fait son deuil de son père, espérant que l’âme de celui-ci ne soit pas plongée dans la tourmente. Ainsi, après avoir tenté de rattraper le temps perdu, ils pourraient se diriger vers le château d’une taille… pantagruélique. Il n’y avait sûrement pas beaucoup de bâtiments dans le monde qui pouvaient lui rivaliser en terme de taille. Et lorsqu’ils arriveraient à proximité, le rugissement d’une bête sauvage résonnerait à l’intérieur.


Azer Ty
Ancien Leader des Géants de Célestia.
Ses mains sur la tête, ses yeux injectés de sang, le géant sentait son corps entier se comprimer sous son propre poids. Son poing partit, et il fracassa le mur du cellier. Ses yeux se portèrent sur un couteau affuté qu’il saisit avant de le briser contre la pierre à aiguiser qui fut entaillée de moitié. Il sentait la colère monter en lui. Et alors que Ghetis Archer entrait dans la pièce aux côtés de la nièce du Ty, il hurlerait avec une force extrême :

- SORS DE MA TÊTE, SORCIERE !
- Mais qu'est-ce qu'il y a, Oncle Azer ? Demanda Lisa en se mordant la lèvre alors que celui-ci ne semblait pas l'entendre.

Azer Ty
Ancien Leader des Géants de Célestia.
Si Maria Ty observait le château avec insistance sans répondre à l’Archer, ce serait peut-être un signe que la personne qu’il cherchait, la personne à l’origine des meurtres, était en ces lieux. Elle ne semblait pas savoir ce qu’Azer y faisait, et dans quel état il se trouvait exactement. La folie l’avait pris quelques semaines auparavant, son état s’était dégradé et il avait fini par ne plus dormir, sous peine de se réveiller dans un état second. Deux guerriers qui avaient tenté de l’arrêter s’était retrouvés avec des côtes cassées. A présent, il méritait de passer quelques jours seul : l’enceinte du plus grand bâtiment de Celestia avait été désertée, et même la cheffe de l’île résidait dans le camp d’entrainement. Elle accepta la présence d'Atsu sans sourciller, mais n'y ferait pas réellement attention, sa concentration portée sur ses élèves.

En arrivant, l’Archer pourrait rapidement observer le visage du géant qui faisait plus du double de la taille de Lisa, dépassant de peu les quarante mètres. Ses mains étaient de gigantesques blocs qui pouvaient briser les murs, ses pieds faisaient une taille phénoménale et la corne sous ces derniers montrait l’absence d’utilisation régulière de chaussures. Pourtant, quelques semaines auparavant, l’Amiral avait pu constater que le « Géant des Géants » prenait toujours soin de lui. Alors que s’était-il passé ? Quand on s’adressa à lui, sa tête finit par se tourner lentement en direction de celui qui se proposait pour servir de défouloir… Sans qu’une réponse liée ne lui parvienne.

- Qu'est-ce que... Des gradins... ?

Ses yeux étaient injectés de sang, il observait à présent les alentours.

- C’était vous… L’allié de la Sorcière… Vous êtes l’homme de paille de ceux qui ont décimé mes hommes…

Sa voix était brisée, éraillée. Il frappait à gauche et à droite, déplaçant des masses d’air si imposantes qu’elles firent tomber Lisa par terre. Elle n’était pas blessée, mais elle sentait que son oncle avait développé quelque chose qui allait au-delà de la simple frappe d’air. L’assaut autour d’elle avait suffi à la faire plier les genoux.

Le géant avait subi des sévices. Il avait d’abord été privé de la liberté de faire son deuil, avant d’être privé de sa liberté de penser par lui-même, avant d’être privé de sa liberté d’exister… Les actions successives avaient inscrit en lui une cicatrice indélébile. Et lorsque Lida Asya avait créé un choc dans le contrôle mental qu’elle exerçait en épuisant toute son énergie sur Ante, lors de la Rêverie, elle avait fini par briser le réseau fragile sur les personnes comme Kali Nomade, ou Azer Ty. En ayant en tête les rapports d’observation de la Directrice du Cipher Pol 6, Ghetis pourrait finalement comprendre ce qu’il en était, et comparer cette réaction à celle du déséquilibre psychique de la femme-démone.

- Qu’avez-vous fait ? Pourquoi ?

L’Amiral de la marine avait la possibilité de s’expliquer, de dire en quoi il cautionnait les actions de l’Amirale en Cheffe, et surtout d’instiller dans la tête du Géant des Géants la possibilité que le cauchemar touchait enfin à sa fin. Lisa ne comprenait cependant pas, ne sachant rien des sévices mentales qu’avait subi son oncle, ayant toujours cru pendant tous ces mois qu’il était simplement revenu déprimé de sa défaite.

Azer Ty & Lisa Ty
Ancien Leader des Géants de Célestia & Géante Ailée
La peine d’Azer Ty était incommensurable. Le jour de la mort de son frère resterait à jamais gravé dans sa mémoire, et même en ayant « oublié » sa propre existence, il était encore conscient de ce fait. Si le pouvoir de Lida Asya n’avait pas été aussi absolu, cela aurait suffi à briser le contrôle mental sur son cerveau. Aujourd’hui, il était confus, mais d’ici quelques jours il savait que ses sens reviendraient complètement. Se vengerait-il comme tant d’autres avant lui ? Ou errerait-il jusqu’à trouver la mort ? Peut-être qu’un autre chemin s’ouvrirait, cependant les paroles de l’Archer ne semblaient pas lui ouvrir la voie.

- Vous osez salir la mémoire de nos guerriers en prétendant ne pas les avoir tués ? La mort apportée par l’un des vôtres est la même que si votre main avait porté le dernier coup. Vous n’êtes qu’un morceau de personnes en ne faisant pas partie de l’ensemble d’un champ de bataille.

La philosophie des géants ailés était assez simple : chaque vie terminée sur le champ de bataille était la responsabilité de tous. Lorsqu’une guerre éclatait, ce n’était pas l’individu qui était responsable des morts, et de ce fait il ne blâmait pas Ghetis de ses gestes, il blâmait le Gouvernement Mondial d’avoir pris les siens. Ou du moins, il considérait que la mort avait été apportée sans honneur.

- Les miens n’auront pas droit à des éloges funèbres parce que leurs corps ont disparu.

En regardant les gradins en face de lui, le géant réussirait enfin à se calmer. Ses traits étaient déformés par la douleur du deuil qu’il pouvait enfin commencer.

- Le Ciel ne souffre que de la présence des étrangers. Nos peuples vivaient sans conflit avant que vous n’arriviez. Vous êtes des hypocrites, vous vous dîtes utilisés par ce monde, vous faisant victimes là où votre rôle est celui de collaborateur. Sans vous, ce monde ne pourrait pas vivre de ses frasques.

S’il avait eu un intérêt autre que celui de vivre en autarcie, avant la mort de sa fille, il aurait sûrement été déterminé à suivre les mots de l’Archer qui vendaient un Ciel idéal.

- Pour nous mettre à l’abri, détruire ce monde aurait été idéal.

Il sera le poing.

- Nous ne sommes pas le peuple de conquérants de nos ancêtres. Nous ne cherchons que l'honneur et la paix.
- Nous ne la trouverons pas en nous terrant éternellement, interrompit Lisa, d’une voix brisée. Mon oncle, nous affrontons un ennemi invisible à l’heure actuelle. Nos amis nous ont prévenu…
- … Partez. Je ne souhaite pas discuter avec vous, pour l’instant. Nous avons beau nous être côtoyé pendant des mois, je n’ai été que votre esclave. Vous saviez, et vous vous êtes joué de moi. Je ne saurais tolérer votre présence à l’heure actuelle.

Son honneur de guerrier avait été entamé par la présence de Ghetis. Il avait été attaqué de toute part. Il ne le haïssait pas, de toute évidence incapable de ressentir une telle émotion face à l’Amiral, mais il ne supportait déjà plus de voir la personne qui l’avait traité comme un Pion pendant tous ces mois. Il savait, et jamais il n’avait abrégé son tourment. De toute évidence, il avait besoin de réfléchir. L’Archer pourrait comprendre ou non, mais Azer Ty était un guerrier dans l’âme. Et son âme avait encore besoin de temps pour guérir des blessures infligées.

- Allons-y, fit Lisa Ty gentiment en direction de l’humain, lui proposant de le porter au creux de sa main ouverte pour sortir des lieux, attristée. Mon oncle a donc été soumis à un contrôle mental ? Demanderait-elle en sortant du château. C’est vrai que son honneur ne doit pas être sauf. Vous, les hommes, avez du mal avec toute forme de contrainte. Il s’en remettra, mais laissons-lui quelques jours. C’est bien que nous soyons venus le voir maintenant, il a pu dire ce qu’il avait sur le cœur.

Lisa était aussi une combattante, mais son cœur était plus grand que celui de la plupart des humains.

- Que devrions-nous faire pour l’instant ? Peut-être que nous pourrions enquêter sur ces disparitions inquiétantes ! Qu’en dis-tu ?

Azer Ty & Lisa Ty
Ancien Leader des Géants de Célestia & Géante Ailée
De toute évidence, Ghetis avait décidé de tirer la couverture à lui avant de partir. Il n’eut le droit qu’à un regard d’incompréhension, le Géant de quarante mètres n’étant pas encore prêt à entendre quoique ce soit ou à faire des compromis. Il ne voyait pas un Royaume Céleste, il voyait seulement Célestia, et malgré sa grande taille il ne pouvait concevoir au-devant de sa propre vision. En quittant les lieux, l’Amiral laisserait un homme abattu par le flot d’informations et de convictions qui tentaient de s’imposer à lui, comme si on lui niait sa propre opinion ou que celle-ci n'avait aucune importance.

Lisa pensa que Ghetis semblait prêt à changer le Ciel pour l'améliorer, sans quérir la volonté d’autrui. C’était du moins ce que ses paroles semblaient indiquer. Il partait peut-être du principe que la majorité voulait d’une terre qui se renforce, mais avait-il seulement pensé que l’utopie des géants était dans la stagnation éternelle ? Pourquoi n’avaient-ils pas développé des technologies, par exemple ? Pourquoi utilisaient-ils encore des moyens peu avancés pour allumer le feu, ou pour réaliser leurs outils, alors qu’ils n’étaient pas complètement à l’abri du monde ? Il y avait dans ce peuple quelque chose de simple, qui rendait le changement, et donc l'évolution, difficile. Mais pour Lisa, le changement était tout ce qu’elle demandait.

- Oncle Ty aurait du mal à passer inaperçu. Et puis, après les premières disparitions, on l’a surveillé. Il dort tout le temps, ou il pète une durite comme disent les autres.

En effet, ce n’était pas le meilleur candidat.


Maria Ty & Gargan Sanfin
Cheffe des Géants Ailés & Ancien de Célestia
En redescendant, l’Archer pourrait voir que le village était légèrement agité. Des géants couraient un peu partout en s’inquiétant brusquement, et quand il pourrait enfin se tenir au niveau du Dojo, Maria serait en train de réunir ses hommes pour réaliser une annonce.

- Un de nos enfants a disparu, dirait-elle. Il s’est aventuré hier dans la forêt, au nord de l’île. Nous devons le retrouver…
- La forêt ? Mais la plupart d’entre nous ne sommes pas taillés pour y aller ! Se plaignit un jeune homme d’environ cinquante balais, le regard peu vif.
- Nous devons y aller.
- J’irai ! Ferait Lisa en arrivant ici. Et mon ami Ghetis aussi. N’est-ce pas, Ghetis ?

Elle regardait l’Amiral et lui fit un clin d’œil qui ne serait pas discret. Ils allaient pouvoir s’aventurer dans la forêt qu’il connaissait déjà sûrement, et qui pour lui n’était qu’une promenade de santé, là où elle était beaucoup plus dangereuse pour les villageois sans expérience au combat. S’il refusait, il pouvait toujours rester dans les parages et parler aux personnes présentes, mais Lisa avait prévu d’y aller quoiqu’il arrive. Un autre géant se dégagea d’ailleurs du lot, clairement plus âgé.

- Ancien, que faîtes-vous ?
- Je vais aider. J’ai beau n’être plus que l’ombre de mon passé, je peux toujours être utile.
- Ancien Sanfin…

L’un des plus vieux géants de l’île, qui avait servi auprès d’Azer Ty pendant des années, Gargan Sanfin. L’ailé était apparemment équipé de deux cimeterres proportionnels à sa taille. Comme Lisa, il servait encore parmi les derniers gardes de l’île. Contrairement à la jeune Ty, il n’avait pas eu l’occasion de s’entrainer ou de parler avec l’Archer, se remettant d’une longue maladie l’ayant empêché de participer à la bataille de Marineford.

Si Ghetis et sa fille les suivait tous les deux, ils pourraient en profiter pour demander à l’ancien ce qu’il savait de l’île, ou d’autres informations. Un temps d’échange précieux pour l’Archer.

Lisa Ty & Gargan Sanfin
Géante Ailée & Ancien de Célestia

- Les disparitions ont commencé très récemment, mais elles étaient au nombre de quatre, confia l’Ancien en regardant l’Archer, sans un sourire ou une grimace, les traits tirés par la fatigue. A vrai dire, c’est d’autant plus embêtant qu’elles ne sont pas les seules personnes ayant disparu. Donny Somme, Grand Arthur, Penta Cruel et Gringo Giga.
- Donny était un ami, on avait à peu près le même âge, confia Lisa. C’était tous des membres de ma famille.
- Les géants ailés ne sont pas très nombreux. La gestation est plus longue que chez les humains, et notre cycle de reproduction est différent aussi, même si le reste identique.

C’était l’une des raisons qui faisait que leur nombre était relativement limité là-haut. Environ deux-mille géants étaient répertoriés sur cette île de taille immense. C’était un petit miracle qu’ils soient encore présents aujourd’hui. Parmi eux, les Anciens représentaient une infime partie de la population.

- Il y a six Anciens, et nous ne sommes pas tous de fiers combattants ou des sages, mais nous excellons tous dans l’art de passer les connaissances. C’est nous qui sommes les gardiens des histoires des temps anciens, des rites et des coutumes de jadis.
- Même si vous les contez finalement peu.
- Parce que vous n’écoutez pas. Vous êtes trop occupés à vous entrainer.
- Tu aimes la bataille.
- J’aime la quiétude qui la suit.

La joute verbale fut interrompue quand un hurlement se fit entendre. Si Lisa partit dès qu’elle l’entendit, et si Gargan fut un peu à la traine, l’Archer pourrait sans conteste les précéder. Une bête sauvage, une sorte d’ours de huit mètres de hauteur, était en train de s’attaquer à un jeune géant. Celui-ci s’était reculé, trainant la trace de ses fesses sur le sol jusqu’à l’arbre, esquivant tant bien que mal les coups de griffes. Les larmes aux yeux, le jeune garçon voyait venir ses dernières heures. Si l’Archer n’intervenait pas immédiatement, le géant sentirait son bras et faire lacérer avant qu’un pic de terre ne vienne projeter l’ours.

- Tu vas bien ? Ferait Lisa en s’approchant de l’enfant. Tu nous as fait une de ces frayeurs ! J’ai cru que tu allais rejoindre nos ancêtres !
- Je suis désolé, pleura le garçon en serrant la combattante par la taille. Je ne voulais pas venir, mais Tonton Cruel… Je l’ai aperçu hier, je crois qu’il est dans la forêt.
- Panta est ici ? Ghetis, je sais que c’est beaucoup te demander, mais j’aimerais que tu ailles vérifier. Atsu, est-ce que ça t’embête de prendre soin de cet enfant avec Gargan ? Vous pourrez discuter sur le chemin du retour.

Le Sanfin opina du chef, et s’ils acceptaient, le petit groupe pourrait se séparer à ce moment-là.


Penta Cruel
Géant Ailé.

- Aaaaah.

La bille au bord des lèvres, le géant s'approcha de l'animal qu'il avait trouvé et lui trancha la gorge, faisant éclabousser le sang qui vint tâcher son armure d'or, avant de déposer son corps sur un autel de pierre. Il se mit à genoux, comme pour prier.

- Pardonnez-moi, dieux tout puissants... Pardonnez-moi... Qu'ais-je fait ?

Lisa Ty & Penta Cruel
Géants Ailés
Lisa haussa les épaules. Les motivations de Penta lui étaient très étrangères. Elle n’était pas au courant de ses agissements, et encore moins de son parcours exact. Elle savait qu’il servait dans la garde de l’île, et qu’il devait être assez puissant. Il avait été l’un des partenaires d’entraînement de son père, Qwer Ty, de son vivant. Une personne comme celle-ci était forcément quelque de bien, du moins c’est ce qu’elle aurait aimer penser. Pourtant une petite voix lui intimait que la réalité était toute autre. Elle ferma les yeux en tentant d’écouter la nature lui parler, mais rien ne vint, et pendant plusieurs heures de marches vaines les deux personnes déambulèrent dans la forêt.

- En même temps, si je voulais me cacher, j’aurais mieux fait d’aller dans les grottes qui jouxtent cette forêt, dirait l’ailée en tournant son regard vers le contingent de monts qui se trouvait à une petite demi-heure de marche rapide.

Ils pourraient partir rapidement, et lorsqu’ils arriveraient une demi-douzaine de cadavres d’animaux trainerait sur le sol, leurs entrailles parfois arrachées après de grands coups de haches qui avaient scindé leur estomac.

- De très anciens rituels demandaient de se servir d’entrailles d’animaux pour faire appel aux dieux… Mais quiconque a fait ça a l’air désespéré, vu la quantité d’entrailles récoltée.

Les animaux géants avaient été bien esquintés, même sans compter la lacération finale. Lisa soupirerait et s’approcherait des animaux pour leur fermer les yeux. Elle observerait ensuite la trace fraiche et commencerait à la suivre silencieusement. Cela lui rappelait le conte qu’elle avait entendu étant petite, celui du « Chemin des Âmes ». Les anciens la racontaient parfois.

Arrivant au niveau d’un autel saccagé, les deux explorateurs pourraient apercevoir la grande quantité d’entrailles qui y était déposée, ainsi que la personne qui se trouvait devant, priant les dieux de lui pardonner ses offenses. Lisa soupira :

- C’est lui. C’est Penta…

L’homme se retourna, le visage presque violet, les yeux révulsés. Il avait de la bave qui pendait le long de sa mâchoire, et ses intentions hostiles étaient clairement lisibles. Il allait attaquer.


Gargan Sanfin
Ancien.

- Le « Chemin des Âmes » est une de mes histoires préférées, ferait Gargan en ramenant l’enfant au village. Les anciens géants ailés croyaient en une vie après la mort, mais notre tribu, les Quinametzins, a déviée depuis longtemps à cause de notre départ de nos terres natales. Nous sommes nous aussi des étrangers. Ce bout de terre appartenait autrefois à l’île d’un peuple de géants. Ce petit bout de paradis a été projeté dans le Ciel, mais certains pensent qu’il en descend.

Il observerait Atsu et lui sourirait. Elle-même venait d’en bas, elle devait savoir quel phénomène causait la montée des îles dans le Ciel.

- Et en quittant notre terre natale, des centaines d’années auparavant, nous avons créé un chemin pour retourner auprès des autres géants. Nous avons appelé ce chemin « Le Caveau des Eternels Guerriers ». Peu savent cependant que le « Chemin des Âmes » confère la même autorité.

Il s’arrêta en voyant que le village n’était plus très loin. L’enfant s’arrêta en même temps, curieux de connaitre la suite du récit.

- C’est un rituel que nous pratiquions lors des premiers siècles passés sur Célestia. Nous retrouvions les lieux où étaient morts ceux dont les corps avaient disparu, et nous offrions une cérémonie solennelle. Ils pouvaient alors rejoindre les autres guerriers dans l’après-vie… Jusqu’à ce que cette coutume meure au profit de celle plus récente d’abandonner les âmes des disparus.

Il soupira. Il n’aimait pas la tournure que prenaient les coutumes locales. Peut-être qu’Atsu pourrait comprendre qu’il y avait quelque chose d’important à retenir derrière ce conte.

Lisa Ty & Penta Cruel
Géants Ailés
L’âme de Penta Cruel était meurtrie. Pendant des dizaines d’années, il avait cru que ses crises de colère étaient dues à son mauvais tempérament. Il se tenait responsable de ses propres accès de rage, et cela le consumait de l’intérieur. Nul ne se doutait que chez les géants, les maladies génératives du cerveau étaient une des causes de mortalité. Nul n’avait étudié la condition psychologique qui ne touchait qu’un individu sur, les dieux seuls savent combien. Penta observa l’Archer, ne sachant que trop bien que sa condition s’était dégradée. Avec la disparition de la majeure partie des gardes de l’île, il n’avait pas réussi à se contrôler lui-même. Il avait cédé à la panique et au désespoir. Il s’était isolé, quand ses accès de colère étaient devenus plus grands… Jusqu’à ce que son esprit ne vacille constamment entre deux mondes.

L’ancrage que lui proposa l’Archer fut salvateur pendant ces brefs instants. Il regarda Lisa, la fille de la cheffe, et ce petit homme dont il comprenait la puissance d’un simple coup d’œil. La salvation. Ses yeux observèrent le paysage autour de lui, et il put constater les animaux morts. Il ne se souvenait pas les avoir tués, mais il savait que c’était sa responsabilité. Ses yeux se s’embuèrent tandis qu’une seule phrase sortit de sa bouche :

- Tue-moi…

Lisa resta bouche bée devant cet acte de lâcheté. Il n’y avait pas eu de combattant, pas d’opposition, pas d’affrontement. C’était l’abandon de la vie, quelque chose qu’elle ne pardonnait à personne. Ses poings se serrèrent, et elle s’apprêta à répliquer. Cependant la voix de Penta, lente et souffrante, s’éleva avant :

- J’ai tué… Les miens… J’ai assassiné… Mes amis… Leurs visages sans vie hantent mes nuits…

Il tourna la tête dans plusieurs sens, comme s’il entendait quelque chose et en cherchait la provenance. Cette fois-ci, Lisa intervint en serrant la mâchoire :

- S’il est tué sans combattre, son âme ne s’élèvera pas. L’abandon de la vie, ce que vous appelez le suicide, n’est pas toléré par les miens.

C’était un phénomène tellement rare chez les géants ailés qu’ils n’avaient pas jugé utile d’avoir un seul mot pour le désigner, et qu’ils utilisaient un groupe nominal. Si l’Archer comprenait ce qu’il avait à faire, il pourrait sans doute le réaliser… Mais Lisa était persuadée que faire couler plus de sang n’était pas la solution. Pourtant, s’il était jugé et reconnu coupable, il serait exilé. Cela, l’Archer le savait. Il y avait fort à parier qu’il détruise une île sur le chemin…


Gargan Sanfin
Ancien.
Gargan écarquilla les yeux devant la demande de la jeune femme en face de lui. Elle avait réussi à provoquer la surprise chez cet ancien, et c’était quelque chose qui arrivait très peu souvent. Comment définir le sentiment qui le parcourait à cet instant ? Peut-être qu’il fallait le caractériser d’espoir. Un large sourire passa sur ses traits, et il acquiesça :

- Je me chargerai de convaincre le village si vous réussissez à obtenir l’autorisation. Certains des miens seront méfiants mais… Je pense qu’il s’agit d’un mal nécessaire.

Il observerait la demoiselle et resta pensif :

- Si vous avez une quelconque question, et que je suis en mesure d’y répondre, considérez cela comme une récompense à votre prévenance. L’espoir est cher quand il s’agit du repos des âmes.

Lisa Ty & Penta Cruel
Géants Ailés
L’espoir était un poison dangereux pour quiconque le consommait sans modération. Les paroles de Ghetis firent naître chez le Cruel un sentiment qu’il n’avait pas ressenti depuis longtemps. S’il ne pouvait pas se croire lui-même, il croirait les hommes de ce guerrier qui semblait le surpasser de loin. En tant que faible, il abdiquerait devant le fort, et les lois de la nature en seraient préservées. Son peuple allait le juger, mais leur jugement n’était rien en comparaison de la condamnation qu’il s’infligeait. Il se haïssait, et son courroux était au-delà de ce que pouvaient lui imposer les Géants Ailés. Et alors qu’il finissait sa prise de parole, Penta Cruel voyait le Dieu comme un Messie. Il était le représentant du peuple céleste, et en ployant genoux à terre, l’ailé acquiesça en pleurant.

Il fut alors amené jusqu’au village. L’arrivée serait aussi sordide que silencieuse. Les habitants étaient contraints de lui offrir un procès, et ce serait pendant quelques brefs instants que l’homme raconterait ses actes atroces. Il semblait par moment perdu, se demandant où il se trouvait, et pendant qu’on le regardait il eut un accès de rage qui fut contrôlé par une autre personne.

- Tes crimes sont impardonnables, statua Maria Ty. Ta sentence est l’exil.

Ghetis pourrait s’offrir, sans se cacher puisque Lisa était au courant, de l’aider à comprendre ce qui lui arrivait. Même après son départ, il ne pourrait cependant pas comprendre pourquoi les accès de rage de cet homme étaient aussi fréquents. L’hypnose n’avait aucune emprise sur un cerveau malade, mais comme il l’avait précisé, l’Archer resterait aux côtés de Cruel. Et il l’empêcherait de faire du mal… Rien ne pouvait le sauver, sinon un miracle qui n’aurait su exister. La folie. La démence. Il était tant de maladies que même un dieu ne pouvait guérir.

Cependant, ce n’était pas le départ de l’Archer qui était à l’ordre du procès, et une fois celui-ci terminé il comprendrait qu’il avait l’occasion de s’exprimer devant le peuple de Célestia. Les principaux représentants étaient réunis, et même Maria Ty l’écoutait. Elle n’avait pas prévu de l’interrompre, car elle était de ces leaders qui guidaient, et non qui commandaient de manière intransigeante.


Gargan Sanfin
Ancien.

- Auprès de vos autorités à Marineford. L’autorisation du village n’est pas requise, nous prônons l’indépendance sur ce type de rituels.

En revanche, cela n’aiderait à apaiser aucune tension au sein de la mer blanche. Pour le géant, la quête d’une vie sans affrontement serait menée par les nombreux échanges qui se feraient de son vivant et après, mais il n’y avait pas d’idylle dans l’immédiat. Le processus serait long, mais il était possible. Comme certains voyaient l’ouverture de manière négative, d’autres étaient plus favorable à une approche qui pouvait être, certes, lente mais poussée vers l’extérieur.

- Nous ne gardons pas de monuments particuliers, mais vous pouvez toujours explorer l’île à votre convenance. Célestia n’appartient pas au territoire qui a été autrefois lié à Bilca ou Upper Yard. Nous ne sommes arrivés que tardivement, tout au plus il y a 800 ans, et nous avons été projetés dans le Ciel depuis le Nouveau Monde si j’en crois nos récits.

Il réfléchit en tentant de se souvenir des histoires qu’il avait entendues.

- Nos styles de combat restent primitifs, et du fait de notre isolement nous n’avons pas eu besoin de les développer. Ils se rapprochent de ce que vous appelez le « catch », il me semble. Quant aux dials, vous pouvez le constater sur notre île : nous ne les utilisons pas. D’ailleurs, nous n’en avons que très peu… A croire qu’il y a quelque phénomène qui nous a échappé de ce côté-là.

En effet, les géants n’avaient pas de dials géants. Il en avait peut-être existé quelques-uns, mais ils étaient aujourd’hui tous disparus. Même Gargan ne connaissait pas l’origine de ces coquillages transformés en stockages d’infinité. Il aurait aimé pouvoir répondre aux attentes de la jeune fille, mais il se trouvait peiné de devoir lui annoncer une si triste nouvelle. Les géants ailés étaient un peuple avec sa propre histoire, différente de celle des autres personnes appartenant aux îles célestes. Explorerait-elle l’île à la recherche de traces de civilisation ? La taille continentale rendrait le travail long et ardu : il y avait des mois, sinon des années de recherches qui pouvaient être réalisées. Une équipe d’archéologues ne serait pas de trop, mais en dehors des statues des divinités principales, les géants ne semblaient pas attachés aux détails architecturaux du passé…

Maria Ty & Lisa Ty
Cheffe des Géants de Célestia & Géante Ailée
Comme beaucoup de politiciens, l’Archer était doué d’un verbe qui lui permettait de parler avec aisance et de transmettre ses pensées sous la forme qu’il désirait les faire comprendre. Les esprits dubitatifs cédaient face aux arguments de proximité, et à l’évocation de leur amitié créée au fil des mois. Il s’agissait d’un rappel important, tout autant que celui du respect que le dieu des autres îles célestes leur montrait. La plupart des déités n’étaient après tout que l’incarnation de concept, avec le concept de souveraineté des humains célestes pouvait bien s’incarner sous forme d’une créature vivante. S’ils n’étaient pas amalgamés, alors le temps ferait pencher les choses en la faveur de l’Archer et un jour il s’inscrirait lui aussi dans les légendes locales.

Le doigté dont il avait fait preuve toucha autant les Anciens qui s’étaient réunis que les habitants les plus démunis intellectuellement. Lisa observait la scène en espérant que les paroles touchent le peuple autant qu’elles la touchaient.

Le respect fut imposé quand la jeune fille évoqua le Chemin des Âmes. De toutes les légendes, c’était celle qui avait le plus de possibilités d’atteindre le cœur des géants. Les grands guerriers morts hors de leurs terres allaient pouvoir trouver le repos… Quant à trouver la façon de faire accepter que Célestia n’était pas le seul hameau de vie et de mort, qu’il fallait revoir des coutumes vétustes dans ce monde limité pour pouvoir l’étendre sans ambition d’expansionnisme…

Enfin, l’ode au Ciel fut la part qui sépara le plus. Si certains voyaient la grandeur, d’autres craignaient l’ouverture. Le discours soutenu par toutes les remarques de l’Archer mourrait en un point qui pointait vers l’inconnu, et certains regards excités se mêlaient à d’autres angoissés. Ceux qui s’étaient enfermés dans une cage auraient du mal à s’en sortir. Pourtant, ce fut la voix claire de Maria Ty qui s’éleva en un clair message souriant :

- Notre peuple conservera son indépendance, quelle que soit le Royaume auquel il appartient. Cependant l’échange que tu nous proposes, celui de la quiétude des âmes de nos guerriers, et le chemin de l’amitié que tu as emprunté est entendu.

Elle tonna d’un coup de pied qui fissura le sol.

- Les géants de Célestia sont les fers de lance d’un Ciel sans failles. Nous sommes les hérauts d’une ère sans guerre. Que ceux que nous pleurons soient les derniers sacrifices arrachés par ce monde. Que les futurs guerriers soient les protecteurs de ce monde immaculé.

Un second coup frappa le sol tandis que Maria Ty faisait grandir une colonne de pierre sous les pieds de l’Archer, et l’élevait doucement vers le sol, autour de ses coups. L’humain déjà grand se voyait projeter au-delà des géants, tandis que le doute se dissipait devant l’adhésion de la cheffe du village. Les clameurs de coups de pieds suivirent bientôt les clameurs des guerriers. Les festifs géants hurlaient à tue-tête : certains prononçaient le nom d’anciens guerriers, parmi lesquels celui de Kalgara pourrait être entendu contre toute attente, et d’autres celtiques… Dont un certain Odin dont le nom avait été porté par les vents.

Quelques heures plus tard, alors que les festivités battaient leur plein, une silhouette sortirait du château pour aller se poser sur une colline à l’orée du village. Son regard perdu vers les bariques de bière qui coulaient à flot s’étendit quelques instants, comme s’il cherchait quelque chose, quelqu’un. Peut-être que la personne en question viendrait le trouver au cours de cette nuit rythmée par les promesses d’avenir.


Azer Ty
Juste Azer Ty

Maria Ty
Cheffe des Géants de Célestia
Maria Ty observait la fête du village. Elle y prenait part de temps à autre, mais la majeure partie de son temps lui servait à jouer la maire poule. Son regard se porta sur la petite humaine qui s’approchait d’elle, et elle lui décocha un sourire tout à fait charmant, écoutant ce qu’elle avait à lui dire sans juger son manque de connaissance justifié par sa race.

- Kalgara est le seul humain que notre peuple n’ait jamais vénéré, même si de la vénération nous sommes passé à une adoration guerrière. Il y avait autrefois un culte de ce guerrier imbattable qui nous a appris les bases de certains Gari qui se sont mêlés à notre style local…

Elle semblait rêver d’une époque où elle avait appris les coups qui s’étaient aujourd’hui mêlés à la culture locale.

- Et Odin est le leader des Géants du Nouveau Monde, selon nos amis de Weatharia, même s’il est aussi une légende ici… Il y a cinq-cent ans, nous avions aussi notre « Odin »… C’est un nom très ancien qui a une signification très… Particulière.

Elle n’entrerait pas dans les détails car il fallait avouer que sa connaissance sur le sujet était limitée. Qwer Ty en savait plus mais il n’était plus des leurs… Et il faudrait un miracle pour le réveiller et le pousser à dévoiler ce qu’il avait obtenu à la place de son frère.


Azer Ty
Juste Azer Ty
Il était rare de voir un géant aussi grand, mais il n’était pas une exception. Azer Ty savait que par-delà les mers blanches se trouvaient quelques peuplades que le monde n’avait pas encore découverte, et d’une façon aussi intime que les humains étaient persuadés que l’espace était peuplé, il s’imaginait des congénères qui partageaient les mêmes caractéristiques que lui. L’isolement et le sentiment de solitude qui découlaient de sa condition avaient fait de lui un paria, mais aussi un homme brisé. Les morceaux ne se recolleraient que progressivement, et aujourd’hui encore son potentiel restait nébuleux.

Lorsque l’Archer vint se poser à côté de lui, l’homme révéla ses vrais couleurs : fier et confiant. Il était l’archétype du guerrier, l’un des leaders célestes qui avait aujourd’hui cédé sa place. Le porte-étendard d’un nouveau royaume uni se trouvait à ses côtés, et s’il ne faisait pas un dixième de sa taille, il imposait pourtant un respect que le Ty se décidait enfin à lui donner.

- Mon peuple est un peuple de guerrier, mais au fil du temps nous sommes devenus pacifiques… Par l’absence de conflits, nous n’avons pu confronter nos capacités, et nous avons bêtement perdu une guerre.

Les gouvernementaux n’avaient pénétré leur territoire qu’une seule fois avant qu’ils n’attaquent Marineford. Leur manque d’expérience, de même que leur aveuglement, était la cause de leur déchéance. Son sourire se voulait plus serein que peiné, et il ferma les yeux :

- Je me plierai à la décision des miens. Nous pourrons mener cette cérémonie, et je scellerai mon alliance avec toi… Ghetis Archer… Par ailleurs, je souhaiterais partager avec toi quelque chose.

Il sortit alors une bourse en cuir de petite taille, à peine un mètre de hauteur, que le futur Dieu Céleste pourrait contempler, et ouvrir. Il y avait dedans quelques bricoles, mais ce qui attirerait son regard seraient l’escargophone et l’Eternal Pose qui s’y trouvaient.

- Weatharia ne possède pas de champs magnétiques, mais les météorologues qui y habitent ont créé un système pour retrouver leur île, et ils nous l’ont donnés… Nos alliés, ceux qui nous tiennent informer ce qui se déroule dans ce monde, ce sont eux. J’aimerais te donner l’occasion de les rencontrer.

Il sourit. Les ténèbres de la nuit étaient parsemées d’étoiles scintillant dans un ciel où aucun nuage ne passait. L’image de la lune semblait énorme si on comparait à celle qu’on voyait sur terre. Une ombre très ténue sembla passer devant, vive, trouble. Azer Ty se perdit dans la contemplation de ce ciel, sans avoir quoique ce soit à rajouter. Il était un homme simple, et les blessures psychiques guéries, il serait aussi un homme festif, enjoué et sérieux. L’avant-garde parfaite pour l’armée de l’Archer.