Assise dans son bureau de fortune à 'Iggwwhol, Lidy Olsen observait son combiné. Cela faisait seulement deux jours qu'elle avait eu Sakuga Keigo au bout de l'escargophone, mais elle se devait le rappeler. Il devait être mis en garde, au moins une dernière fois. Avec les informations qu'elle possédait à présent, la nouvelle occurrence d'une organisation secrète semblait plus que nécessaire. Cependant ce ne devait être au détriment de ce qu'il avait acquis pendant ses années de service au sein du Gouvernement Mondial.

Elle avait un instinct exacerbé dans ce type de situation, et s'il refusait d'avancer dans la direction qu'on lui indiquait, alors elle l'aiderait au moins à paver le chemin qu'il voulait emprunter. Surtout si les projets auxquels ils aspiraient se concrétisaient. Faisant attention aux oreilles malintentionnées, se souvent des conseils de Lida Asya, la Olsen referma le dossier concernant l'affaire du Consulat et ouvrit celui qu'elle avait écrit dans une langue parlée par une communauté ancestrale, dont elle avait changé les lettres pour qu'elle seule puisse en comprendre le contenu.

- Directrice Olsen à l'appareil, j'aimerais joindre le Contre-Amiral Keigo, ferait Lidy qui était passée par le standard pour éviter de le déranger en mission.

Elle ne lui avait pas encore parlé de ce qu'il s'était passé à la Grande Forteresse de Corail et ne comptait pas le blâmer outre mesure. Si elle ne cautionnait pas les déclarations de guerre dans ce contexte, elle comprenait celle-ci et savait qu'il apprenait à perdre ses soldats comme un chef de guerre devait apprendre à le faire.

- Tout d'abord, je voulais vous transmettre mes condoléances pour vos hommes. Vous avez autant perdu que les familles qui doivent faire le deuil de nos soldats.

Peut-être l'oubliait-on trop facilement, mais pour Sakuga Keigo il était quelque chose d'essentiel : au sein de son équipage, il y avait une notion de liens qui était exacerbée. Fallait-il encore se donner l'apparence de quelqu'un de froid quand on faisait face à la mort ? Pour la Olsen la réponse avait été trouvée dnas cette cabane des Blues, quand la vie d'Arius avait été mise sur le fil.

- Je vous recontacte suite à la conversation que vous avez eu sur ce dont nous avons parlé avec la Lieutenante-Générale. Auriez-vous du temps à m'accorder sur cela ?

Sans oreilles indiscrètes, bien sûr. Elle entendait que personne ne devait être au courant, puisque le souhait du Keigo était de réaliser une mission exceptionnelle en prenant des mesures exceptionnelles. Elle-même s'était assurée que nulle âme qui vive ne soit près d'elle.

La question n'était pas saugrenue, mais la Olsen ne put réprimer un sourire à cette idée. Après ce qu'elle avait vécu, elle savait clairement qu'elle n'avait pas l'ambition de participer à la chasse aux Empereurs. En revanche, elle comprenait la démarche du Keigo et se disait que mobiliser une partie des effectifs du Gouvernement chez les élites serait intéressant pour compenser la bataille qui était livrée sur d'autres fronts.

- Malheureusement, non. Mes obligations ne sont pas portées sur les territoires des Empereurs, à l'exception de missions ponctuelles.

Elle n'avait pas non plus besoin de détailler que ses cibles se trouvaient ailleurs.

- J'ai pu réfléchir à la mise en œuvre de votre idée. Il y a des risques que celle-ci ne reçoive pas les soutiens politiques suffisants. Je m'explique : vous dépendez en majeure partie de la faction du Constantinisme pour avancer sur les terres de la politique. Tout projet aussi secret soit-il passera par une phase d'étude par les Cinq Etoiles qui consulteront leurs fidèles dans le but d'obtenir leur sagesse, même s'ils ne donnent pas tout l'étendu du propos. L'un de ces fidèles est votre représentant, Saint-Constantin.

Elle réfléchissait en même temps qu'elle parlait.

- Vous nous disiez que cette décision concernait l'armée. Je ne peux que vous répondre à présent que cette décision concernera aussi la politique. Il n'existe pas d'armée sans financement, pas de financement sans politique.

D'un air songeur elle conclut sa réflexion :

- J'espère vous avoir aidé à faire avancer votre réflexion. Je tenterai de mon côté d'épauler votre projet si l'on vient à me consulter dessus, mais ma voix ne sera pas suffisante. Je vous dois malgré tout au moins cela.

Elle n'avait pas grand chose à ajouter. L'itération de son conseil était le seul bienfait qu'elle pouvait lui octroyer. Il pouvait avancer sans soutiens, mais des idées étaient offertes par centaines, par milliers. Le Cipher Pol 9 avait été créé à une époque dans le secret le plus absolu. Il n'aurait pas vu le jour sans tous les soutiens politiques qui avaient permis sa constitution.